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1.2 Les caractéristiques socio-économiques et politiques

1.2.2 La réforme économique Les coûts de la transformation

Un des changements qui a des répercussions fondamentales sur la vie sociale après la chute du communisme en Roumanie est le domaine économique, où l’on enregistre de forts déséquilibres (Daianu, 1994). La réforme économique, ayant pour objectif le passage à l’économie de marché, suppose le démantèlement et la liquidation des grandes entreprises industrielles, non rentables et grandes consommatrices d’énergie et de ressources. Mais les

16 La loi de lustration devait prévoir des mécanismes qui permettaient d’éliminer de la vie politique les gens qui

se sont compromis dans le passé. Étaient visés ceux qui ont occupé des postes importants dans l’appareil politique et répressif communiste et les collaborateurs de la police politique.

autorités roumaines ne manifestent pas une volonté politique suffisante pour réformer l’économie. La population est réticente à l’idée d’une transformation rapide, et est mal préparée à s’adapter aux structures de l’économie de marché. Les ouvriers et les paysans sont peu habitués aux risques, à la compétition et à l’autonomie, que suppose l’existence d’une économie de marché, et restent attachés à la rationalité du système socialiste.

Cependant, l’accès aux nouvelles opportunités devient le privilège de l’élite économique et politique de l’ancienne nomenklatura communiste connectée au jeu du pouvoir qui a fait, en effet, l’objet d’une transaction de redistribution du pouvoir entre le monopole de l’État et les groupes oligarques en gestation (Sandor, 1999 : 657). Ainsi, en l’absence d’un programme de libéralisation économique et d’un cadre législatif approprié, ce processus est lent et sans une direction clairement établie. Les évaluations économiques17 réalisées après plus de dix ans de

transition, montrent que la Roumanie a peu progressé dans la mise en place d’une économie de marché et que sa capacité de faire face aux pressions concurrentielles et aux forces de marchés reste faible (Lhomel, 2003).

Les résultats de la stratégie économique adoptée se reflètent dans l’évolution de plusieurs indicateurs macro-économiques. Le PIB diminue par rapport à celui de 1989, atteignant en 2000 seulement 77 % de son niveau de 1989 (Lhomel, 2002 : 175). Le déclin du secteur d’État et la désorganisation de la production suite à la restructuration économique influencent considérablement la situation de l’emploi, étant donné que le processus de désindustrialisation n’est pas accompagné de programmes de reconversion de la main-d’œuvre. Les modifications de la structure de la population active sont significatives. Si auparavant l’industrialisation était encouragée, après 1989 on observe une inversion des tendances par la diminution de la main- d’œuvre industrielle de 35,3 % en 1991, à 29,2 % en 1996 (Stanciu, 1999 : 63). Parallèlement, on voit une augmentation de la population active dans le secteur agricole, de 27,9 % en 1989,

17 L’évaluation faite par l’Union Européenne visant les progrès enregistrés par la Roumanie après dix ans de

transition caractérise l’économie roumaine comme étant « une économie de marché viable, mais pas encore fonctionnelle ». En même temps, le niveau de vie des ménages est faible, représentant en 2002-2003 seulement 26 à 27 % de la moyenne de l’Union Européenne. Au vu de cette situation, les études estiment que la Roumanie aura besoin de 80 ans pour atteindre le niveau de revenu moyen par habitant de l’Union Européenne, à condition d’enregistrer une croissance moyenne annuelle du PIB par habitant de 3,8 % (Lhomel, 2003 : 179).

à 37 % en 1997 (Pauna et Pauna, 1999 : 60). En agriculture, l’adoption d’une loi en 1991, qui prévoit la restitution des terres aux propriétaires, conduit à la destruction des coopératives agricoles de production. Cela a comme effet l’augmentation du nombre de petits propriétaires qui n’ont ni la connaissance ni la dotation technique pour développer une agriculture compétitive. Sont prépondérantes les exploitations paysannes orientées vers des cultures et technologies traditionnelles, avec une activité commerciale relativement limitée et orientée principalement vers une agriculture de subsistance (Tesliuc, 1999).

Les licenciements massifs après 1989 amènent une augmentation progressive du chômage, un phénomène quasi inconnu pendant la période communiste. Le taux de chômage varie de 3 % en 1991, à 10,9 % en 1994 et à 10,3 % en 1998, à 11,5 % en 1999, à 10,5 % en 2000 et à 8,6 % en 2001 (Lhomel, 2002 : 176). Pour protéger la main-d’œuvre licenciée, des Ordonnances gouvernementales prévoient des payements compensatoires équivalents à six ou neuf ou même douze mois de salaires. Pourtant, la hausse du taux de chômage et la dépression de l’activité économique ont des conséquences néfastes sur la situation sociale de la majorité de la population. Par la réduction des revenus réels et du niveau de la consommation, les ménages dépensent plus de la moitié de leurs revenus pour la consommation alimentaire, ce qui entraîne indirectement une forte contraction des budgets privés et publics consacrés aux dépenses sociales, aux retraites, à la santé, à l’enseignement (Gaspard, 1993).

Le niveau des revenus de la population est réduit, le salaire moyen est d’environ 100 dollars américains18 et le pouvoir d’achat diminue considérablement, comparé à l’année 1989

(Zamfir, 1999a : 118). Entre 1990-1999 s’enregistre aussi la diminution progressive de la situation financière des ménages qui est de 33,1 % en 1994 par rapport à 1989 et de 27,5 % en 1999 par rapport à 1995 (Familia si copilul in Romania, 2001 : 13). Contraintes par le manque et l’insuffisance des revenus provenant d’emplois formels, et sur le fond de fragilité du cadre

18 Le niveau du salaire moyen est calculé pour la période entre 1990-1999. En 2000 le salaire moyen est de 132

dollars américains pour augmenter ensuite à 158 dollars américains en 2002. Source : l’Institut national de statistique de la Roumanie: http://www.insse.ro/cms/rw/pages/castiguri1938.ro.do site consulté le 20 mars 2009

législatif et fiscal, les familles augmentent leurs revenus en développant des activités dans la sphère de l’économie informelle19.

Le niveau de vie est affecté aussi par la crise immobilière, crise qui a existé toujours en Roumanie, mais qui s’est accentuée après 1989. Les allocations gouvernementales et les fonds publics pour la construction de logements sont réduits progressivement, ce qui a un impact sur l’accès aux logements et notamment sur la qualité de l’habitation. Le nombre limité d’appartements disponibles et le manque d’investissements dans l’immobilier font que les prix des appartements neufs ou en location deviennent inaccessibles pour la majorité de la population. Par conséquent, un grand nombre de personnes, notamment les jeunes ayant des revenus réduits, pour lesquels les possibilités de crédits sont pratiquement inexistantes, vivent dans des conditions extrêmement précaires. Plusieurs familles perdent leur logement, alors que la cohabitation de plusieurs générations se répand, ce qui augmente le nombre de personnes par pièce habitée (Dan, 1999 : 462)20.

Après 1989, la polarisation sociale devient évidente; elle se reflète dans les fortes inégalités sociales. À l’époque communiste, la répartition des revenus se faisait en apparence de manière égale, même si la nomenklatura était considérée le groupe des riches des pays de l’Est. Après 1989, les nouveaux capitalistes sont les membres de l’ex-nomenklatura convertis en entrepreneurs, qui profitent des libertés économiques et de la fragilité du cadre législatif, et transforment par des moyens frauduleux les entreprises étatisées en entreprises privées, au détriment de la majorité de la population, pour laquelle les revenus et le niveau de vie sont en baisse (Mot, 2002). Jusqu’en 1989, l’existence des pauvres en Roumanie était niée officiellement; par conséquent, le calcul du seuil de pauvreté ne faisait pas partie des analyses statistiques. Pendant la transition, le nombre de personnes avec des revenus en dessous du

19 L’Institut national de statistique de la Roumanie estime que la valeur brute ajoutée des activités développées

dans le cadre de l’économie informelle a augmenté de 6,7 % de PIB en 1992 à 19 % de PIB en 1997. Ces chiffres estimatifs sont publiés dans une étude effectuée dans le cadre du Programme PHARE de l’Union Européenne.

Source : http://www.ier.ro/documente/studiideimpactPaisI_ro/Pais1_studiu9_anexe_ro.pdf site consulté le 17 avril 2009.

20 Les données du recensement de 1992 montrent qu’environ 60 % de la population du pays vit dans des

seuil de pauvreté augmente et, comme les études sur la qualité de vie en Roumanie le montrent, le taux de pauvreté dans la totalité de la population est de 30% en 1999-2000 pour la pauvreté sévère et de 40% pour la pauvreté modérée (Zamfir, 2000 : 39)21. Par ailleurs, il a

été estimé que la majorité de la population a expérimenté la pauvreté pendant les années de transition, et ce, à différents degrés. Environ 44 % de la population roumaine vivait avec moins de quatre dollars par jour et 7 % de la population vivait avec moins de deux dollars par jour (Tesliuc, Pop et Tesliuc, 2001 : 23). Les catégories les plus vulnérables et les plus touchées étaient les familles avec plus de trois enfants. En 1998, 65 % des ménages avec trois enfants et 84 % des ménages avec quatre enfants et plus étaient sous le seuil de pauvreté, alors que seulement 35 % des familles avec un enfant se retrouvaient dans cette situation (Tesliuc et Pop, 1999 : 243)22.

Un autre phénomène qui a eu un impact social majeur sur la restructuration de la société roumaine après 1989 est la migration externe. Les bouleversements économiques et le relâchement de la restriction sur l’émigration favorisent la migration externe, la Roumanie devenant un pays d’émigration, alors qu’avant l’époque communiste, elle était un pays d’immigration. Des centaines de milliers de Roumains quittent leur pays pour s’établir en Europe de l’Ouest, en Amérique du Nord ou en Australie. En 2003, les statistiques indiquaient que la migration externe représentait 10 % de la population active et que 17 % du total des ménages de Roumanie avaient au moins un membre à l’étranger (Bleahu, 2004). À long terme, l’émigration a un impact négatif sur l’économie, provoquant une pénurie de main- d’œuvre qualifiée. En effet, beaucoup de jeunes ont quitté le pays sans prévoir le retour. L’impact négatif est visible aussi sur le plan des liens familiaux et sur le plan démographique.

21 Ces estimations se référent à la période 1999-2000 et les études montrent que la situation s’est

détériorée par rapport à 1994.

22 Le seuil de pauvreté est défini comme représentant 60 % de la consommation moyenne d’un adulte par mois,

1.2.3 Des reformes inadaptées au contexte social, politique et économique

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