• Aucun résultat trouvé

Notre collecte de données par de multiples sources nous permet de disposer d’un matériau empirique très vaste. Le tri et l’exploitation de données si variées prennent beaucoup de temps. Nous avons dû traiter une vingtaine de notes de presse, une cinquantaine de comptes rendus et rapports internes, des dizaines de pages de tableaux de bord, des centaines de verbatim issus des entretiens et regroupés en thématiques. L’Annexe 6 propose un extrait des verbatims récoltés au cours de deux entretiens. Ces extraits de verbatims soulignent l’importance d’être attentif aux discours des agents, afin d’en extraite les expressions qui renvoient à des logiques institutionnelles.

Bien que la richesse des données récoltées est un avantage pour notre recherche, elle représente aussi une difficulté. La distinction entre les données et leurs analyses est un défi qui a une influence non négligeable sur la qualité des résultats dans le cadre d’une recherche qualitative (Gephart, 2004 ; Krippendorff, 2004 ; Suddaby, 2006). Wacheux (1996, p.227) souligne que cette analyse des mots revient à « réduire les informations pour les catégoriser, les mettre en relation, avant d’aboutir à une description, une explication et une configuration ». Par conséquent, le traitement de l’ensemble de ce matériau empirique nécessite plusieurs étapes (Krief et Zardet, 2013). L’application de ces différentes étapes à nos données nous permet d’affiner les mots et les discours, de les rassembler selon des thématiques et des catégories, pour au final en tirer des conclusions et des interprétations.

Pré-analyse des données

La première étape nécessaire à l’exploitation des données est la « pré-analyse » (Krief et Zardet, 2013, p.222). Cette étape comprend l’identification des données, mais aussi leur « segmentation et décontextualisation ». Ce travail a accompagné l’ensemble des différentes phases de notre recherche-intervention et nous a permis de faciliter la rapidité du traitement des données une fois l’immersion sur le terrain terminée. De manière concrète, cette étape inclut la tenue de fichiers par catégories de données collectées (documents, entretiens ou éléments

Partie 2 : chapitre 3

141

d’observations), classées de manière chronologique et disposant d’un rapide résumé sur l’objectif des données présentes dans chacun des fichiers.

La deuxième étape consiste aux « décompte et énumération » des données (Krief et Zardet, 2013, p.222). Cette étape renvoie au tri entre les données à inclure dans notre phase d’exploitation des résultats et celles à exclure. Pour cela, un découpage des textes et des discours à analyser est nécessaire. Krief et Zardet (2013, p.222) soulignent que ce travail peut être appréhendé comme « un processus de déconstruction, puis de reconstructions des données ». Les auteurs ajoutent que cette méthode permet de « découper un texte en unités d’analyse ou unités de sens ». Cette sélection des données en fonction de leur pertinence nous a permis d’isoler les informations clés pour nos résultats de recherche. Cette étape nous a aussi permis de mettre en évidence les catégories transversales aux différents entretiens. Par exemple, nous avons déterminé des catégories « Apports généraux et SCG », « Communication et transversalité », « démarche FNCCR et benchmarking », « Équilibre contrôle-confiance », « Identité régie et culture commune », « Besoin de développer des SCG », ou encore « Relations entre la régie et la DEA ». Ces différentes catégories représentent des centres de préoccupations ou des thèmes récurrents dans les différents entretiens menés. L’analyse approfondie des entretiens au travers de ces catégories a ensuite facilité notre exploitation des données. Nous avons ainsi pu identifier « le jargon » (Colon, 2014, p.104) employé par les agents de la Métropole et de la régie. L’analyse des mots et des expressions des agents a facilité notre compréhension de « la culture organisationnelle, mais surtout des valeurs et des logiques portées par les agents » (Colon, 2014, p.104). Ces catégories nous servent aussi à structurer notre démarche de recherche et orienter nos propositions d’amélioration en termes de SCG en fonction des besoins récurrents exprimés par les agents.

Dans la lignée des recherches de Colon (2014), qui portent sur l’identification d’une logique de marché dans l’analyse des SCG du secteur de l’eau urbain ougandais, nous décidons de ne pas avoir recours à un logiciel d’analyse textuelle. Comme le souligne Colon (2014, p.104) nous ne recherchons « ni une vérité ni une exhaustivité dans le traitement de ces données, mais à tisser des liens entre des catégories qui ont du sens pour les acteurs de l’organisation, déterminée à partir de nos échanges avec le terrain, et les concepts de notre cadre interprétatif (logiques institutionnelles, structures, pratiques, travail institutionnel, changement institutionnel) ». Par conséquent, il nous semble que le recours à un logiciel de traitement n’est pas adéquat dans le cas de notre objet de recherche.

Partie 2 : chapitre 3

142

Interprétation des données par l’analyse récursive

La troisième étape de l’exploitation des données porte sur la synthétisation et l’interprétation des données (Krief et Zardet, 2013 ; Wanlin, 2007). Cette étape nécessite d’entreprendre une mise en relation des discours et des observations récoltées. Nous avons essayé de comprendre le sens des différentes catégories identifiées en relation avec les verbatims des agents sélectionnés au cours des entretiens. Nous avons aussi essayé de relier ces observations effectuées lors des entretiens avec les documents collectés (note de presse ou rapport interne). Par exemple, nous avons tenté d’explorer les liens entre :

- la catégorie « équilibre contrôle-confiance » extraite des entretiens,

- les verbatims des agents qui mettent en évidence leur satisfaction ou leur mécontentement sur le degré de confiance accordé à la régie,

- les notes de presse qui parlent du choix du statut de la Régie de Montpellier pour une régie « personnalisée » très autonome,

- les notes internes sur les négociations autour du choix du statut de la régie autonome, - et les documents externes qui retracent l’historique des modes de gestion des services

publics de l’eau en France.

L’interprétation des résultats de notre recherche qualitative nécessite la mobilisation de nos connaissances en tant que chercheur, ainsi que nos « capacités à détecter et commenter les résultats les plus significatifs » (Essid, 2010, p.271). Dans ce travail nous demeurons très souvent seuls pour interpréter les données et formuler des conclusions fiables. Huberman, Miles, et Backer (1991), mais aussi Miles, Huberman, Hlady Rispal, et Bonniol (2003) soulignent que le rôle du chercheur lors de cette troisième étape porte sur la formulation et la vérification des conclusions tirées de l’analyse des données.

Dans cette optique, l’analyse des données qualitatives fait appel à « un ensemble de techniques et de connaissances à la fois théoriques et empiriques » (Essid, 2010, p.272). La détermination de notre question de recherche s’est fait par la combinaison des connaissances théoriques et empiriques accumulées au fil du temps. Un tel processus d’analyse des données est un travail progressif qui prend du temps et qui comprend des va-et-vient entre les différentes composantes de l’analyse (Huberman et al., 1991; Miles et al., 2003). Notre question de recherche est donc le résultat d’aller-retour entre des phases « de déduction (interprétation de ce qu’on voit en se fondant sur la théorie) et des phases d’abduction (discuter des modèles sur la base des observations lorsqu’ils ne peuvent pas être expliqués par la théorie) » (Colon, 2014, p.104).

Partie 2 : chapitre 3

143

Figure 6 : Schématisation du processus de traitement et d’analyse des données (issu de Colon 2014, p.106)

La Figure 6 ci-dessus résume le processus récursif qui conduit à la détermination de notre question de recherche finale après de nombreux aller-retour en théorie et terrain. Colon (2014, p.105) souligne qu’un tel processus d’analyse récursive débute avec « la définition d’une thématique de recherche et d’un ensemble de questions s’y rapportant ». L’auteur ajoute qu’une fois la thématique arrêtée et les questions posées, il est primordial de poursuivre l’analyse par « une première revue de littérature couvrant plusieurs disciplines de gestion et plusieurs concepts théoriques ». Étant donné notre objet de recherche, nous avons mené cette revue de littérature au sein de la théorie néo-institutionnelle. Enfin, ce processus récursif se poursuit par une première exploration empirique. Ce travail nous a permis de mieux appréhender les enjeux opérationnels de nos questions et de leurs implications théoriques. Suite à cela, il nous a fallu choisir un axe de recherche théorique spécifique et une question de recherche plus restreinte. Ainsi, le choix final de notre objet d’étude qui porte sur l’analyse des SCG dans un environnement institutionnel complexe nous permet de tirer le meilleur profit de notre matériau empirique.

Partie 2 : chapitre 3

144

C

ONCLUSION DU CHAPITRE

3

Ce chapitre présente notre démarche de recherche et revient sur les principes fondamentaux de la recherche-intervention (Buono et Savall, 2007 ; Cappelletti, 2009 et 2010 ; David, 2012). Il nous donne aussi l’opportunité de souligner les avantages de cette méthodologie pour l’étude des SCG, mais aussi son intérêt pour une approche institutionnelle de la gestion des services publics de l’eau. L’application de cette méthodologie au terrain de la gestion des services publics de l’eau dispose de plusieurs avantages. Tout d’abord, elle nous permet d’identifier les multiples logiques présentes dans le secteur et plus particulièrement lors d’un passage en régie. La recherche-intervention nous aide aussi à rendre compte de la réalité organisationnelle et institutionnelle complexe dans les services de la gestion de l’eau. De plus, cette méthode nous permet de participer à la création du SCG, pour ensuite étudier ce dernier au travers de notre grille d’analyse des logiques institutionnelles propres à la gestion des services publics de l’eau (grille présentée au chapitre 5).

La récolte de données sur ce terrain est permise par l’observation participante, l’analyse de documents et la tenue d’entretiens, mais aussi de questionnaires qualitatifs. Notre processus d’analyse qualitative est un processus mouvant, combiné et interactif. Il s’enrichit perpétuellement avec les données du terrain qui l’influencent au fur et à mesure de son avancement. Mais c’est également un processus délicat et fragile, car il risque à son tour d’influencer nos perceptions en tant que chercheur, ainsi que notre approche vis-à-vis des données empiriques. Pour exploiter ces multiples données, nous élaborons des catégories qui ont du sens pour les acteurs de l’organisation. Enfin, nous montrons que le traitement de nos matériaux empiriques nécessite la mise en place d’un processus récursif (Colon, 2014) entre analyses théoriques, exploration des données récoltées et construction de la question de recherche.

Partie 2 : chapitre 4

145

Le secteur de l'eau : une forte complexité

Documents relatifs