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Qu’ils soient à l’image d’une logique gestionnaire, citoyenne ou encore de développement durable, les IP sont obligatoires pour l’ensemble des services de gestion de l’eau français depuis 2007. En effet, depuis cette date, l’État cherche à renforcer le suivi des engagements réglementaires, mais aussi ceux pris par les collectivités et leurs exploitants. Pour ce faire, une liste de 27 IP est établie, liste que l’ensemble des services doit remplir annuellement et présenter à leurs usagers au sein des RPQS (Rapport sur le prix et la qualité du service). C’est à l’origine le ministère de l’Écologie de l’époque qui présente cette liste comme un moyen d’évaluation du développement durable (Canneva et Guérin-Schneider, 2011), mais aussi d’amélioration des conditions de régulation du secteur.

Aujourd’hui, plusieurs sources différentes d’IP font référence au sein du secteur de l’eau français. Chacune d’entre elles est le fruit d’un groupe de travail spécifique qui apporte ses propres contributions. La liste d’indicateurs proposée par SISPEA (Observatoire des services publics d’eau et de l’assainissement) fait aujourd’hui figure de référence pour beaucoup de Collectivités. En effet, celle-ci comprend 17 IP, tous rendus obligatoires par la réglementation. Les indicateurs SISPEA (voir en Annexe 7 la liste détaillée) sont généralement intégrés au RPQS et permettent de « couvrir tout le périmètre du service, depuis la protection des points de prélèvement jusqu’à la qualité de l’eau distribuée, en passant par la performance du service à l’usager. Ils permettent d’avoir une vision de l’ensemble du service, du captage à la distribution,

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de sa performance et de sa durabilité à la fois sous les angles économique, environnemental et social25».Outre les indicateurs SISPEA qui sont rendus obligatoires, les collectivités sont libres

d’intégrer à leur analyse d’autres indicateurs dans le but d’améliorer la gestion de leur service. Pour ce faire, l’International Water Association (IWA) propose elle aussi de définir des IP. Les travaux entrepris par ces groupes de travail donnent naissance à des manuels techniques qui comportent plusieurs centaines d’indicateurs (Alegre, Hirnir, Baptista, Parena, et International Water Association., 2000 ; Matos et International Water Association., 2003). Bien que ces travaux entreprennent des démarches de comparaison (benchmarking) entre plusieurs services, leur finalité reste principalement opérationnelle.

À l’échelle française, d’autres travaux notables et groupes de travail proposent des listes d’indicateurs pour les services d’eau. Parmi ceux-ci, nous pouvons noter les travaux entrepris par l’AFNOR (Association française de normalisation), la FNCCR26, ou encore par les

entreprises privées (délégataires). Les contributions de la FNCCR visent dans un premier temps à améliorer le contrôle externe des services d’eau. Puis progressivement, les problématiques de comparaison des pratiques se développent. Pour leur part, les contributions proposées par les opérateurs privés donnent plus de poids aux enjeux de communication externe. En fin de compte, les listes d’IP développées depuis les quinze dernières années sont le reflet d’intérêts partagés et négociés. Ces indicateurs peuvent être adaptés ou complétés par des indicateurs ad

hoc en fonction des spécificités locales des services.

25 http://www.services.eaufrance.fr/indicateurs/eau-potable

26 FNCCR : Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (crée en 1934, elle participe au processus

d’élaboration de la législation et de la réglementation applicables aux services publics locaux, en tant que force de proposition. La FNCCR regroupant près de 500 collectivités locales, elle joue un rôle en tant que relais d’opinion de ses collectivités adhérentes et agit en faveur de l’évolution du cadre institutionnel dans lequel s’inscrivent ces services publics)

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Conclusion de la section 4

Cette quatrième section met en évidence que différentes logiques institutionnelles transparaissent au travers des outils de gestion du secteur de l’eau. La Nouvelle gestion publique, au travers de ses objectifs d’implémentation des outils du privé dans les organisations publiques, véhicule une logique gestionnaire. Cette présence de la logique gestionnaire s’est très vite traduite de manière opérationnelle par l’obligation de couverture des coûts par les facturations aux usagers. Toutefois, la réglementation favorise l'introduction d’indicateurs non financiers dans les outils de gestion. Ces indicateurs sont porteurs de logiques telles que la logique ingénieur (rendements, pertes, interventions), citoyenne (prise en compte des réclamations des usagers), bureaucratique (qualité et égalité des prestations rendues aux usagers) ou de développement durable (normes de potabilité, normes de rejets…). De cette manière, le suivi de la performance des services peut se focaliser, non pas uniquement sur des données financières, mais aussi sur des problématiques qui ont trait à la RSE ou la protection de la ressource en eau. Ce constat souligne la capacité des outils de gestion à transporter une multitude de logiques institutionnelles.

Ce dernier point renvoie aux conclusions de notre revue de littérature. Tout d’abord, il confirme le constat posé par Boitier et Rivière (2016) sur la capacité des outils de gestion à véhiculer différentes logiques institutionnelles. Ensuite, il se reporte aussi aux travaux de Goodrick et Reay (2011) sur la constellation de logiques. Ainsi, nous soutenons que les indicateurs de la gestion des services publics de l’eau ont développé, au fur et à mesure de l’évolution historique du secteur, une capacité à véhiculer une constellation de logiques institutionnelles. Ce constat ouvre l’opportunité d’approfondir les constellations de logiques, peu explorées dans la littérature.

Enfin, nos observations renvoient aussi à nos conclusions théoriques sur le rôle des SCG comme réponses à la complexité. En effet, si une liste d’IP est en mesure de transporter des multiples logiques, alors la question de sa capacité à faire cohabiter positivement les logiques et à répondre à la complexité se pose.

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C

ONCLUSION DU CHAPITRE

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Au travers de ce chapitre, la thèse revient sur les périodes qui ont marqué l’évolution de la gestion des services publics de l’eau français. La Figure 10 ci-dessous revient sur ces différentes étapes.

Figure 10 : L’évolution des logiques et de la complexité institutionnelle du secteur de l’eau au travers de ses SCG

On constate la succession de différents modèles managériaux. Entre le début des années 50 et la fin des années 80, le secteur est passé d’un modèle tourné vers des objectifs quantitatifs d’augmentation du taux de raccordement des ménages à des objectifs qualitatifs d’amélioration de la qualité du traitement de l’eau. Cette transformation des objectifs stratégiques du secteur aboutit progressivement dans les services à l’enchevêtrement de prescriptions contradictoires, entre augmentation du chiffre d’affaires et recherche de qualité de l’eau potable. Parallèlement, la mise en lumière de scandales de corruption entraîne une perte de confiance de l’opinion publique envers la gestion des services d’eau. Face à cette situation, le secteur accumule les efforts d’adaptation organisationnelle et managériale sans forcément que les nouvelles régulations chassent les anciennes. Que les évolutions soient imposées par le haut (Loi Sapin sur les Délégations de service public, 1993) ou qu’elles soient induites par les acteurs du secteur eux-mêmes (Démarches de certifications ISO sur la qualité ou sur la gestion environnementale),

Années 50‐70

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