• Aucun résultat trouvé

L’environnement institutionnel, source d’isomorphisme (3.1) conduit à une homogénéisation des outils de gestion (3.2). Les SCG résultent d’un processus d’institutionnalisation (3.3).

L’environnement institutionnel : source d’isomorphisme

Les travaux fondateurs de DiMaggio et Powell (1983), Meyer et Rowan (1977) traitent des organisations au travers de leurs composantes institutionnelles. Une telle approche implique que les organisations doivent être analysées au travers des connexions qu’elles entretiennent avec leur environnement. Bessire et Onnée (2006, p.6) soulignent que l’environnement institutionnel de l’organisation renvoie à « un ensemble constitué aussi bien de modes de pensées, normes, usages, routines que de systèmes de règles ». Les auteurs ajoutent qu’au-delà « des dimensions techniques ou sociales de l’environnement, la théorie néo-institutionnelle met

Partie 1 : chapitre 2

95

l’accent sur les dimensions politiques, culturelles, mais aussi cognitives de l’environnement. La théorie néo-institutionnelle insiste également sur les collectifs d’acteurs qui composent l’environnement institutionnel ».

Cette considération de l’environnement institutionnel par la TNI entraîne un recours au concept de champ organisationnel tel qu’introduit par DiMaggio et Powell (1983). Bessire et Onnée (2006, p.6) soulignent alors que ce champ institutionnel peut être appréhendé comme « une zone reconnue de la vie institutionnelle, qui comprend non seulement tous les acteurs et toutes les organisations en concurrence, mais aussi ceux qui interagissent à travers des réseaux plus ou moins formels ». Les auteurs poursuivent leurs propos en rappelant que la structuration du champ organisationnel par un processus d’institutionnalisation contribue à renforcer l’isomorphisme des organisations qui évoluent en son sein. Leurs travaux soulignent aussi « la dynamique du processus d’institutionnalisation » et évoquent les quatre étapes de la structuration d’un champ organisationnel, initialement introduites par DiMaggio et Powell (1983) : « l’augmentation des interactions entre les organisations comprises dans le champ, l’émergence de structures interorganisationnelles dominant peu à peu le champ et favorisant les mouvements de coalition, l’augmentation de la diffusion d’informations et le développement chez les acteurs d’une conscience commune ». L’analyse menée par Bessire et Onnée (2006, p.6) conclut qu’une fois le champ structuré « des forces s’y exercent et participent au processus d’isomorphisme institutionnel qui amène les organisations incluses dans le champ à ressembler aux autres unités membres faisant face aux mêmes conditions environnementales ».

L’isomorphisme : vers une homogénéisation des outils de gestion

L’isomorphisme est un mécanisme qui explique l’homogénéisation des outils de gestion et de manière plus large des organisations. Les travaux de DiMaggio et Powell (1983) définissent l’isomorphisme comme un processus qui poussent les organisations à ressembler à leurs voisines confrontées au même environnement et aux mêmes pressions institutionnelles. L’isomorphisme provient en partie du contexte institutionnel de l’organisation. Comme indiqué (chapitre 1), l’isomorphisme institutionnel peut être la conséquence de trois mécanismes : un isomorphisme coercitif, mimétique ou normatif. Cette distinction est importante, car l’isomorphisme n’apparaît pas toujours sous la même forme et ne produit pas toujours les mêmes effets. Pour rappel, l’isomorphisme coercitif provient des pressions exercées sur une organisation par d’autres organisations et notamment par « l'État » ou par les « attentes culturelles de la société » (Huault, 2009, p.4).

Partie 1 : chapitre 2

96

Contrairement à l’isomorphisme coercitif, l’isomorphisme normatif provient en grande partie de la professionnalisation (Huault, 2009). Les travaux de Château-Terrisse (2013 p. 60) abordent la professionnalisation comme « une lutte collective de personnes appartenant à un même métier pour définir les conditions et les méthodes de leur travail, pour contrôler la production des producteurs et pour établir une base cognitive pour créer et légitimer leur autonomie personnelle ». Ainsi, l’isomorphisme normatif tire ses racines des réseaux professionnels ou de leurs standardisations. L’auteur ajoute que l’un comme l’autre accentue un sentiment d’appartenance et une « base cognitive commune ».

Enfin, l’isomorphisme mimétique est lié aux situations d’incertitude. Une organisation confrontée à un environnement incertain, à des objectifs qui ne sont pas clairs ou à des technologiques qu’elle ne maîtrise pas, peut avoir recours au mimétisme pour limiter sa prise de risque (DiMaggio et Powell, 1983). Elle peut ainsi adopter un SCG reconnu dans son champ pour se rassurer. L’organisation dispose alors de la possibilité de prendre pour référence une organisation voisine qu’elle considère comme plus légitime. Néanmoins, les modifications induites par l’isomorphisme peuvent ne pas apporter le gain d’efficacité et de maîtrise attendu. L’ensemble de ces différentes formes d’isomorphisme conduit l’organisation à adopter les mêmes SCG que les autres organisations de leur champ. Cette « homogénéisation » des pratiques permet de gagner en légitimité et d’accéder à de nouvelles ressources, au travers d’opportunité de « subvention ou financements » (Château-Terrisse, 2013, p.60). Toutefois, ce conformisme ne permet pas à l’organisation d’accroître de façon systématique son efficacité. DiMaggio et Powell (1983) constatent que les organisations ont tendance à être de plus en plus homogènes, sans pour autant augmenter leur efficience. Cette notion d’homogénéité provient de la structuration du champ organisationnel. L’adoption de SCG homogènes et similaires aux autres organisations du champ peut être envisagée comme une solution rapide et efficace. Les outils de gestion auraient alors « tendance à devenir plus homogènes au fur et à mesure que le champ organisationnel se structure » (Château-Terrisse, 2013, p.53).

Il ne faut pas oublier que c’est la structure du champ qui détermine la façon avec laquelle sont formalisées et organisées les demandes institutionnelles (Greenwood et al., 2011). Le développement des organisations et de leurs pratiques managériales au sein du champ est alors dicté par une même rationalité que partagent les membres. Ainsi, cette « rationalité collective » (Huault, 2009, p.3) combinée à des pratiques communes permet au champ de se structurer.

Partie 1 : chapitre 2

97

Processus d’institutionnalisation des SCG

La TNI accorde une importance non négligeable à « l’isomorphisme structurel » comme expression « des règles, des symboles et des valeurs présents au sein d’un champ » (Boitier et Rivière, 2011, p.90). En ce sens, les travaux de Hasselbladh et Kallinikos (2000) portent sur la proposition de trois niveaux de structuration des SCG dans un champ : les idéaux, les discours et les techniques de contrôle. Boitier et Rivière (2011, p.91) stipulent que ces trois niveaux se distinguent des autres « au travers du degré de précision avec lequel ils décrivent les objets sociaux ». Ainsi, les idéaux et les discours ont une forte tendance à s’exprimer de manière « vague et globale ». A contrario, les techniques de contrôle spécifient généralement « de façon bien plus précise les relations qu’elles tentent de gérer ».

Les auteurs ajoutent qu’il existe trois étapes dans le processus d’institutionnalisation des SCG. La première étape est caractérisée par la « constitution de domaines d’action ». Ceux-ci renvoient à des visions du monde bornées à des éléments physiques mesurables, quantifiables et donc contrôlables. La deuxième prend la forme du « développement et de l’encastrement organisationnel ». Elle englobe les différents dispositifs de suivi et de mesure de la performance. Ces derniers représentent les actions et les mécanismes à partir desquels l’action organisationnelle peut être mise en œuvre. La troisième et dernière étape est « la subjectivation » qui renvoie au développement des rôles sociaux de référence. L’ensemble de ces étapes, complétées par le soutien des acteurs, permettent l’institutionnalisation des discours, des idéaux et des techniques de contrôle. Les travaux de Dambrin et al. (2007) s’inscrivent dans la lignée de ces recherches. Ils montrent comment dans l’industrie pharmaceutique, de nouvelles logiques institutionnelles arrivent à s’institutionnaliser avec les SCG. Boitier et Rivière (2011, p.92) rappellent alors que les SCG peuvent être appréhendés à la fois comme « vecteurs des logiques et des cibles de l’institutionnalisation ». Les auteurs ajoutent que l’institutionnalisation peut parfois être inégale entre les discours, les idéaux et les techniques de contrôle. En effet, il semble que les techniques de contrôle diffusent parfois un idéal de manière « plus discrète et efficace que les discours ».

Toutefois, les techniques de contrôle ne sont pas les seules à disposer de certains avantages pour la diffusion des discours. Les acteurs sont eux aussi capables d’agir sur les institutions en jouant sur les discours qui contribuent à la structuration des SCG. Les acteurs sont donc aussi en mesure d’utiliser leurs pouvoirs pour influencer les institutions où ils évoluent.

Des travaux comme ceux de Modell (2005) ou Colon (2014, p.56) montrent que des pratiques de « contrôle institutionnalisé » disposent de la possibilité « d’évoluer en même temps que les actions des entrepreneurs institutionnels ». Néanmoins, les auteurs ajoutent que cette évolution

Partie 1 : chapitre 2

98

conjointe des pratiques est « limitée au format imposé par l’outil ». Une fois institutionnalisés, les SCG ont alors la possibilité de participer à la structuration et à l’expansion de l’organisation. La littérature actuelle comprend donc plusieurs recherches qui traitent de la question de l’évolution des SCG dans une organisation (Colon, 2014, Modell, 2005). Ces recherches sont une première voie à l’étude des liens entre les institutions et les SCG. Pour cela, elles montrent le pouvoir structurant des SCG institutionnalisés. Cette force de structuration peut par la suite engendrer des changements au niveau organisationnel.

Documents relatifs