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Ce choix de déléguer au privé la gestion des services publics de l’eau sept ans de plus provoque de vives réactions de certains élus d’opposition. Le Midi Libre du 04 juillet 2013 rapporte ainsi les propos de René Revol qui dénonce une décision qui « nie la souveraineté de l’Agglomération ». Il défend notamment le fait que le vote s’est tenu sans la présence du Maire de Montpellier et en l’absence de la transmission aux élus d’un audit de l’ancien délégataire. Les autres arguments mis en avant par les défenseurs d’un retour en régie concernent le besoin d’un mode de gestion plus démocratique et d’une meilleure maîtrise de la gestion du réseau. Au travers de l’analyse de ces arguments avancés par l’opposition, nous cherchons à puirsuivre la caractérisation des logiques institutionnelles locales propres au contexte du passage en régie de la gestion de l’eau sur la Métropole de Montpellier. Les principaux arguments en faveur d'un retour en régie portent sur le mode de gestion plus démocratique (3.1), la meilleure maîtrise de la gestion du réseau (3.2). Ces arguments portés avec force conduisent à un recours judiciaire (3.3).

Mode de gestion plus démocratique

L’entretien des élus Europe Écologie Les Verts et Front de Gauche paru dans le Midi Libre du 19 juillet 2013 insiste sur le fait que l’opposition ne veut pas d’une « eau qui soit une source de profit entre les mains d’une multinationale ». Le premier argument qu’ils soutiennent est que « l’eau est un bien vital… Tout comme l’air, il ne peut être considéré comme une marchandise ». Ainsi, les élus d’opposition revendiquent une position qui s'inscrit dans les valeurs de la logique citoyenne. Leurs discours renvoient à la base des normes de cette logique qui est l’intérêt général, mais aussi au mode de contrôle informel que nous proposons de relier

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à la transparence des actions politiques. Les valeurs de la logique citoyenne qu’ils véhiculent cherchent à défendre la régie.

L’entretien du 23 janvier 2013 mené par le journal L’Agglo-Rieuse auprès de René Revol va dans ce sens.

«- L’Agglo-Rieuse : vous êtes localement celui qui attaque le plus le marché de l’eau à Veolia depuis vingt-cinq ans. Pourquoi ?

-René Revol : Je suis contre le fait que la gestion de l’eau soit déléguée à une entreprise privée. C’est un bien public. Elle doit être gérée par la Collectivité publique, afin de permettre une tarification sociale et une préoccupation écologique. Les premiers mètres cubes doivent être gratuits.

-L’Agglo-Rieuse : Est-ce que c’est le travail d’une collectivité de gérer l’eau ?

-René Revol : Il faut signaler que les délégataires de service public servent à dégager des profits, à rémunérer des actionnaires et investissent ailleurs que dans l’eau. Je ne veux pas que les profits dégagés dans l’exploitation d’un bien public soient réinvestis dans des activités marchandes. » Les propos de René Revol, alors Maire de Grabels et membre du Front du Gauche confirment l'importance donnée à la logique citoyenne pour justifier le bien-fondé d’un retour à une gestion des services publics de l’eau en régie.

Meilleure maîtrise de la gestion du réseau

Un autre argument avancé par les défenseurs de la régie porte sur la maîtrise du réseau et de la gestion générale du service. On peut ainsi lire lors de l’édition du 12 avril 2013 de l’Hérault du Jour, l’interview de deux élus d’autres collectivités qui soutiennent le retour en régie sur Montpellier. Ainsi, l’interview de Anne Le Strat et Raymond Avriller, qui jouent un rôle important dans la remunicipalisation de l’eau dans leurs communes respectives de Paris et Grenoble, déclarent que leurs villes ont une meilleure maîtrise de la gestion des réseaux en régie. Les arguments qu’ils avancent pour soutenir le retour en régie nous aident à renforcer notre caractérisation de la logique ingénieur, mais aussi de la logique citoyenne.

Dans un premier temps, ils soutiennent qu’après plusieurs années de passage en régie dans leurs communes, les réseaux sont mieux entretenus qu’en situation de DSP. Un tel argument nous permet d’entrevoir la base de la stratégie de la logique ingénieur autour du principe d’assurance du bon fonctionnement des systèmes techniques. Lors de leurs interviews, les deux élus ajoutent que le passage en régie leur à permis de multiplier par trois le nombre de renouvellements des conduites, ce qui vient renforcer la présence de la logique ingénieur dans leur argumentation favorable à la régie.

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Dans un second temps, ils soutiennent que le passage en régie à permis, à la suite d’une mise évidence d’une surfacturation de l’ancien délégataire estimée à 2 millions d’euros, de réduire le montant de la facture d’eau pour les usagers. Un tel argument pour le passage en régie contribue à notre caractérisation de la base des normes de la logique citoyenne autour de l’intérêt général.

Recours judiciaire

Un communiqué de presse de l’association Eaux Secours 34, relayé par l’Hérault du Jour du 29 septembre 2013, nous apprend que face au refus de la Métropole d’entendre les arguments pour un retour en régie, un recours gracieux est déposé auprès de la Métropole et de la Préfecture. Outre l’association, deux élus et huit usagers de l’eau participent au dépôt de ce recours. Ces derniers stipulent qu’ils demandent « l’annulation de la décision du président de l’Agglomération Jean-Pierre Moure, de prolonger de sept ans la délégation au privé des services de l’eau et de l’assainissement. Ils réclament aussi « l’annulation des cinq délibérations sur l’eau prises par le conseil d’Agglomération du 25 juillet dernier ». Le communiqué ajoute : « si l’Agglomération de Montpellier ne donne pas suite à ce recours gracieux, l’association Eau Secours 34 déposera un recours devant le tribunal administratif pour faire annuler ces décisions qu’elle estime illégales ».

La source d’autorité de la logique bureaucratique, qui est basée sur le respect du cadre réglementaire et de la hiérarchie, se retrouve dans cette démarche judiciaire engagée par les associations et élus d’opposition. Outre la source d’autorité de cette logique, c’est aussi ses valeurs fondamentales tournées vers l’organisation et la coordination interpersonnelles pour garantir l’égalité de traitement de tous les usagers, qui motivent l’engagement d’une procédure judiciaire par l’opposition. Cette démarche préalable à un contentieux n’a que peu de chances d’aboutir, mais elle est lancée en pleine campagne des primaires socialistes dans laquelle le président de la Métropole s'est engagé.

Enfin, le Midi Libre de décembre 2013 nous apprend que faute de prise en compte du recours gracieux par le Président de la Métropole, la décision de confier la gestion des services publics de l’eau au secteur privé pour sept ans supplémentaires est attaquée devant la justice administrative par l’association. De cette façon, le contentieux peut être « examiné sur le fond et pas en référé, et ne sera donc pas tranché avec le déroulement des élections municipales de mars ». Par conséquent, la problématique d’un retour en régie commence à s’inviter dans la campagne municipale et constitue une ligne de fracture entre Jean-Pierre Moure et ses adversaires politiques. Face aux échéances municipales de mars 2014, les adversaires

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politiques, opposants et associations d’écologistes, saisissent cet enjeu pour faire alliance, et mener une campagne afin de convaincre du bien-fondé d’un retour en régie.

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