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À partir de la définition du concept (1.1), nous montrons le regain d’intérêt pour la complexité institutionnelle (1.2).

Émergence et définition

La complexité institutionnelle prend ses racines dans le concept des logiques institutionnelles. La complexité est un processus institutionnel dont les influences sur les comportements organisationnels sont longtemps restées implicites depuis les travaux de Meyer et Rowan (1977). Les auteurs développent un grand intérêt pour l’étude de la nature des processus socioculturels et sur la manière dont ils affectent l’organisation. Ils analysent aussi les mécanismes par lesquels les prescriptions socioculturelles se diffusent et se distribuent. Nous ajoutons aux travaux fondateurs de Meyer et Rowan (1977) sur la complexité, ceux de Tolbert et Zucker (1983), qui prennent aussi en compte les processus socioculturels dans leurs recherches.

Les différents auteurs qui abordent la question de la complexité institutionnelle au cours de ces dernières années (Bertels et Lawrence, 2016 ; Bullinger et al., 2015 ; Delbridge et Edwards, 2013 ; Voronov et al., 2013) s’accordent sur une même définition. Cette thèse s’inscrit dans la lignée de ces travaux et retient la définition proposée par Greenwood et al. (2011,

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p.317) : « l’organisation fait face à de la complexité institutionnelle lorsqu’elle est confrontée à des prescriptions contradictoires émanant de multiples logiques institutionnelles ».

Traditionnellement, les études conçoivent la complexité institutionnelle comme un état passager, enclin à la contestation (Hensmans, 2003). Néanmoins, les récentes recherches montrent qu’elle peut être un état durable, à condition qu’un accord ou point d’équilibre entre les logiques multiples soit atteint (Helms et al., 2012 ; Rao et Kenney, 2008 ; Voronov et al., 2013). Les acteurs de l’organisation doivent pour cela faire preuve de flexibilité dans leur manière de répondre aux pressions institutionnelles.

Nous retenons aussi que la forme de complexité à gérer par l’organisation n’est jamais fixe. La nature de la complexité est fondamentalement déterminée par les processus présents dans l’organisation et évolue en même temps que ces derniers (Greenwood et al., 2011 ; Scott, 2008). Par exemple, les champs émergents sont souvent caractérisés par de fortes contestations entre les logiques, ainsi que par une hiérarchisation des logiques en perpétuel mouvement. Les champs plus matures sont pour leur part plus enclins à disposer d’un ordre de priorité stable entre les logiques, quand bien même cet ordre de priorité n’est que temporaire (Greenwood et

al., 2011 ; Hoffman, 1999). Au fil du temps, de nouvelles organisations peuvent entrer dans le

champ, apporter avec elles de nouvelles idées, mobiliser de nouvelles logiques institutionnelles, voire entraîner une modification des ordres établis (Lok, 2010). Sur le long terme, la complexité institutionnelle se transforme pour faire émerger de nouveaux enjeux auxquels l’organisation doit répondre.

Regain d’intérêt actuel pour la complexité institutionnelle

Plusieurs éléments expliquent le regain d’intérêt ces dernières années pour la complexité institutionnelle. Les travaux de Journé et al. (2012, p.16) soulignent que l’accroissement du sentiment de complexité dans les organisations s’explique par « la volatilité perçue de l’environnement externe, l’immatérialité accrue des actifs, l’accélération du rythme des innovations technologiques ou bien encore le caractère incertain et mouvant des frontières de l’organisation ». D’autres recherches telles que celles de Kirchner et al. (2010) ou Walgenbach (2011) appuient que la mobilisation de la complexité renforce l’analyse des liens entre l’organisation et son environnement, liens centraux dans les théories organisationnelles et institutionnelles, mais souvent perdus de vue.

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1.2.1 Meilleure compréhension des liens entre l’organisation et son environnement

La question des relations entre l’organisation et son environnement est abordée sous différents angles par la littérature existante (Meier et Meyer, 2016). Les travaux sur la complexité institutionnelle mettent l’accent sur le pluralisme institutionnel, lequel est parfois considéré comme une référence à la théorie de la contingence organisationnelle (Chenhall, 2005). La complexité institutionnelle a pour objectif de dépasser les études centrées sur le choix de l’environnement (Thompson, 1967), l’impact des organisations les plus influentes sur leur environnement (Meyer et Rowan, 1977) ou encore comment l’organisation donne du sens à son environnement (Weick, 1995). Au travers de ces efforts, les travaux sur la complexité évitent les critiques formulées à l’encontre de la théorie de la contingence et des approches organisationnelles, bien trop souvent incomplètes (Meier et Meyer, 2016).

1.2.2 Un nombre de recherches en forte croissance

Les travaux de Greenwood et al. (2011) sont parmi les premiers à introduire explicitement le concept même de complexité. Les auteurs apportent de nombreux éclaircissements au concept de complexité institutionnelle. Leurs travaux portent sur différentes thématiques : les modes de fonctionnement des organisations en réponse aux multiples logiques, les caractéristiques du champ et mécanismes déterminant le degré de complexité auquel l’organisation fait face. Un second travail fondamental est réalisé par Voronov et al. (2013). Celui-ci a pour objectif d’élargir l’analyse de la complexité en y intégrant une prise en compte beaucoup plus forte des acteurs. Ainsi, les auteurs analysent pour l’industrie du vin les différents liens entre les logiques institutionnelles et le comportement des acteurs, ce qui met en évidence l’importance de ces derniers dans les réponses à apporter à la complexité. McPherson et Sauder (2013) apportent des éléments de réponse sur la manière dont la complexité est gérée au quotidien au sein des tribunaux spécialisés dans les affaires de drogue. Ils se focalisent sur les acteurs et sur le rôle joué par ces derniers dans les relations entre les logiques et les activités organisationnelles. De cette façon, ils contribuent à répondre aux limites des logiques institutionnelles (manque de retranscription des logiques dans l’action). Pour ce faire, ils optent pour une approche principalement axée sur la compréhension des logiques institutionnelles présentes sur le terrain de recherche, ainsi que leurs conséquences. Cela les conduit à mener une analyse détaillée du processus d’identification des logiques, de la manière de les utiliser, ou encore de la façon dont elles affectent les décisions. Delbridge et Edwards (2013) étudient la complexité institutionnelle au travers de ses liens avec les logiques, l’action et le contexte où l’organisation évolue. Par la suite, les travaux de Bullinger et al. (2015) mettent en lumière les différentes stratégies

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individuelles d’acteurs développées en réponse à la complexité. À titre d’exemple, nous notons ici la compartimentation ou l’équilibre entre différentes logiques dans le but de les faire coexister. Cette analyse des liens entre les stratégies d’acteurs et les réponses apportées à la complexité est par la suite prolongée par Bertels et Lawrence (2016). Leur étude de cas porte sur l’émergence d’une nouvelle logique, couplée à une analyse organisationnelle de la complexité.

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