• Aucun résultat trouvé

Les travaux de Bernard et Culié (2016, p.16) soulignent que la phase de création d’un SCG renvoie à la période « de réflexion autour de l’agencement des outils, de leurs interrelations et de leur cohérence en fonction des attentes de l’utilisateur ». Les auteurs ajoutent que la sélection des outils à intégrer au SCG s’effectue au travers d’une recherche de « cohérence des outils entre eux (Proulx, 2002 ; Breton et Proulx, 2002) », mais aussi d’adéquation « avec les objectifs du contrôle ». Bernard et Culié (2016, p. 16) prolongent leurs propos en rappelant que ce sont généralement les dirigeants de l’organisation qui jouent le rôle de « donneur d’ordre » et qui

Partie 1 : chapitre 2

86

déterminent les objectifs que le « concepteur » doit intégrer à son processus de sélection et d’organisation des outils. C’est donc lors de la phase de création du SCG que les choix concernant « les objectifs du système, son organisation, le rôle des participants » vont être effectués.

Bien que l’on pourrait croire que cette phase de réflexion autour de la création du SCG soit temporaire, la littérature souligne que cette dernière à tendance à devenir permanente. Ainsi, Dreveton (2008, p.130) reprend les développements d’Hatchuel et al. (1997, p.215) pour souligner que « cette phase de construction de la technologie gestionnaire, que l’on pouvait avant considérer comme transitoire, peut devenir alors assez longue pour être considérée comme quasi permanente ». Cette introduction « progressive » et sur le long terme du SCG constitue un « facteur clé de succès de l’instrumentation des activités » et « conditionne la future utilisation » des outils.

Outre l’aspect « progressif » de la mise en place du SCG, d’autres facteurs peuvent contribuer au succès, mais aussi à l’échec de la mise en œuvre de ce dernier (Bollecker, 2013 ; Dreveton et al., 2012). Le premier de ces facteurs porte sur « la difficulté à trouver des indicateurs pertinents pour traduire des facteurs complexes à évaluer ou pour lesquels les objectifs à atteindre sont ambigus » (Ory et al., 2018, p.61). Les travaux de Petitjean et al. (2014, p.148) soulignent que cette difficulté est très présente au sein des organisations publiques. En effet, les auteurs rappellent que les organisations publiques ont des finalités « souvent floues et des objectifs difficiles à définir » du fait que ces dernières sont régulièrement porteuses de « diverses rationalités ». Par conséquent, l’ambiguïté qui accompagne certaines organisations publiques ne facilite pas la définition claire de leurs objectifs ni la sélection évidente des indicateurs à inclure dans le SCG. Le deuxième facteur qui peut contribuer au succès comme à l’échec du processus de création du SCG est la multiplicité des acteurs impliqués dans ce dernier. Dreveton (2008, p.130) souligne que la création d’un SCG « peut rassembler des acteurs aux motivations différentes ». Cette pluralité d’acteurs peut donc inclure des « risques », des « confrontations » et « s’avérer problématique » lors du processus d’implémentation du SCG. Toutefois, l’auteur rappelle que « si certains membres de l’organisation tentent de freiner » l’implantation des outils qui composent le SCG, d’autres « essayeront de la favoriser ». Par conséquent, la multiplicité des acteurs présents lors de la création du SCG peut aboutir à l’émergence « d’un processus collectif de résolution des problèmes », où les acteurs jouent le rôle de « vecteurs du changement » (Dreveton, 2008, p.131). Le troisième et dernier facteur qui peut influencer positivement ou négativement le processus de création du SCG est caractérisé par la présence de valeurs en opposition. Ainsi,

Partie 1 : chapitre 2

87

Dreveton (2017, p.25) montre que dans des organisations publiques, le « processus de construction des outils » qui composent le SCG peut être « appréhendé comme la gestion d’un défi ». La construction d’un SCG dans des organisations publiques doit notamment trouver le moyen de « faire perdurer les valeurs du service public tout en introduisant des valeurs nouvelles pour les acteurs de l’organisation » (Dreveton, 2017, p.25). L’auteur ajoute que si la confrontation des valeurs lors du processus de création du SCG peut aboutir à des « tensions », elle n’est pas nécessairement « source d’anéantissement ». En effet, la gestion de ces tensions au travers du renforcement des échanges et des dialogues entre acteurs peut « supporter la progression du processus de construction de l’outil ». Dreveton (2017, p25) conclut son propos en soulignant que « le maintien de la tension dans l’outil devient alors un facteur de succès de son implantation ».

Partie 1 : chapitre 2

88

Conclusion de la section 1

Un grand nombre de définitions différentes des SCG se superposent depuis bientôt 30 ans (Flamholtz et al., 1985 ; Otley et Berry, 1980 ; Simons, 1995). Toutefois, nombreuses sont celles qui semblent omettre certaines composantes des SCG. En proposant un résumé des différentes composantes et approche autour des SCG, notre travail souligne l’importance de certains de leurs aspects encore sous-exploités par la littérature, telle que la philosophie gestionnaire (Hatchuel et Weil, 1992) et le contrôle culturel. Ces éléments montrent que les SCG, ainsi que leur processus de création, ne se composent pas uniquement d’une structure formelle, d’outil et de pratiques de contrôle. Ils se composent aussi de valeurs et d’éléments culturels propres à l’organisation.

Notre approche des SCG renvoie à deux définitions complémentaires des SCG. Tout d’abord nous retenons la définition développée par Malmi et Brown (2008) : « les SCG représentent un ensemble de systèmes de règles, de pratiques, de valeurs et d’activités managériales mises en place pour diriger le comportement des employés » (Malmi et Brown, 2008, p.290). Une telle approche des SCG comme un ensemble transporteur de règles et de valeurs formelles comme informelles fait référence aux travaux de la TNI sur les SCG, mais aussi au concept des logiques institutionnelles. C’est pourquoi notre travail retient aussi la définition des SCG telle que proposée par Boitier et Rivière (2011, p.81) : « des objets cognitifs, coercitifs et normatifs qui régulent les relations inter et intra organisationnelles et les activités techniques. Ils constituent également des objets qui donnent du corps à une représentation du contexte institutionnel qui est parfois considéré comme trop abstrait ». Cette approche institutionnelle des SCG souligne l’importance du contexte institutionnel, notamment des valeurs et des symboles de l’organisation. Comme indiqué (chapitre 1), les logiques institutionnelles représentent les valeurs et les symboles formels comme informels de l’organisation, et de ses acteurs. Dès lors, la question du rôle des SCG comme transporteur des logiques institutionnelles de l’organisation se pose. La prochaine section aborde ces questionnements en revenant sur la place des SCG au sein de la TNI.

Partie 1 : chapitre 2

89

S

ECTION

2 :P

LACE DES

SCG

AU SEIN DE LA

T

HEORIE

N

EO

-I

NSTITUTIONNELLE Depuis les travaux précurseurs de (Meyer et Rowan, 1977), ainsi que ceux de DiMaggio et Powell (1983), la Théorie Néo-Institutionnelle (TNI) s’est affranchie de son déterminisme originel, pour aujourd’hui s’imposer comme un courant majeur en sciences de gestion. Le recours à la TNI permet l’étude et la compréhension des organisations dans leurs interactions avec un environnement parfois complexe. En ce sens, les organisations sont amenées à devoir naviguer dans un environnement plus ou moins favorable en fonction des pressions institutionnelles de leur champ. Ces dernières peuvent alors provenir de logiques institutionnelles multiples et hétérogènes.

Dans ce contexte, les SCG se positionnent comme des outils et des dispositifs, que l’organisation peut utiliser et adapter à son environnement. Ainsi, les SCG disposent de différents avantages pour mieux gérer les multiples logiques institutionnelles. Ils autorisent de « donner corps » à un contexte institutionnel, jugé parfois « trop abstrait » (Boitier et Rivière, 2011, p.81) et ils facilitent la diffusion des logiques institutionnelles, en se positionnant comme des « vecteurs » de ces dernières (Boitier et Rivière, 2016, p.49). Enfin, ils renforcent l’analyse des relations entre les valeurs institutionnelles et les activités opérationnelles (Abernethy et Wai Fong, 1996 ; Brignall et Modell, 2000 ; Collier, 2001 ; Townley, 2002)

Le développement d’un SCG mobilise un ensemble d’outils (tableaux de bord de gestion, IP budgets…) dans l’optique de suivre l’activité de l’organisation et de la contrôler pour améliorer la prise de décision (Boitier et Rivière, 2011). Cette démarche de pilotage de l’activité est constamment présente dans les SCG et procure à l’organisation une forme de légitimité quant à sa gestion et la définition de ses objectifs (Covaleski et al., 1996 ; Meyer et Rowan, 1977). Les recherches en contrôle invitent à mieux prendre en compte les dimensions sociales et politiques (1.), mais aussi symboliques (2.) conduisant à une homogénéisation des outils de gestion (3.). Ces recherches montrent que les SCG sont vecteurs de logiques institutionnelles (4.) en réponse à la complexité institutionnelle (5.).

Documents relatifs