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Les travaux d'Essid (2010, p.244) soulignent que le recours à l’approche qualitative dans le cadre d’une étude de cas est la plus « pertinente pour répondre à un objet de recherche peu étudié, car cette méthode favorise l’exploration de nouvelles idées ou de nouvelles théories », ce qui souligne l’intérêt d’une recherche qualitative au regard de notre problématique. En effet, il existe actuellement très peu d’études qui portent sur l’analyse de la complexité institutionnelle du secteur de l’eau, et encore moins lors d’une phase de remunicipalisation de la gestion des services.

L’auteur ajoute que l’approche qualitative est aussi reconnue pour l’efficacité et l’efficience qu’elle apporte au cas particulier des recherches sur les SCG. Elle permet notamment de mieux appréhender l’utilisation des SCG, ainsi que « les facteurs capables de les influencer ». Langfield-Smith (1997) ajoute que ce constat est particulièrement vrai lorsque la complexité et la diversité des SCG peuvent être porteurs d’une pluralité de facteurs contextuels imprévisibles. Ces développements théoriques soulignent l’intérêt d’une approche qualitative, non pas uniquement pour l’étude de la complexité institutionnelle, mais aussi pour notre analyse du processus de création du SCG à destination de la Régie des Eaux de Montpellier. Cette opportunité d’inscrire notre recherche au cœur du processus de création du SCG de la Régie fait suite à une demande de la DEA à la Métropole et de la direction de la Régie pour le développement de son SCG.

Cette opportunité de participer au développement du SCG de la Régie n’est pas uniquement à l’origine de notre choix pour une étude qualitative, il est aussi à l’origine de notre recours à la recherche-intervention. En effet, la recherche-intervention désigne des formes de recherche où l’intervention des chercheurs auprès des acteurs du terrain est explicitement revendiquée. Par conséquent, notre participation au processus de création du SCG en collaboration avec les agents de la DEA à la Métropole et de la Régie renvoie aux caractéristiques d’une recherche- intervention. Cette collaboration avec les agents du terrain a nécessité un engagement réciproque entre l’équipe de recherche, la Métropole et la Régie des Eaux de Montpellier. Cet engagement a pris la forme d’un cofinancement de la présente thèse sur trois années (septembre

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2015 à septembre 2018). La mise en place d’un tel engagement nécessite de déterminer le type d’investigation à mener, la nature des rendus et le type d’objectif visé. Dans cette perspective, notre recherche-intervention se distingue aussi bien des recherches hypothético-déductives classiques que d’une relation de mandat. Notre recherche-intervention ne cherche pas à tester des hypothèses théoriques qui auraient été identifiées en amont, mais bien à engager une exploration dans les services de la gestion de l’eau, afin de caractériser le problème en jeu, d’identifier des pistes de réflexions et d’instrumentation.

Dans un premier temps, la caractérisation du problème en jeu nous a permis de relever un besoin des agents de la Métropole et de la régie de réussir à travailler ensemble, vers un objectif commun : la recherche du succès de l’exploitation et de la gestion des services de l’eau. Il nous a aussi poussés à inscrire notre recherche au cœur du développement de la convention d’objectif, pour analyser comment les deux entités (Métropole et régie) travaillent ensemble à la réalisation d’un projet commun : la mise en place de la convention d’objectif, contrat qui définissait les engagements réciproques. Cette nécessité d’une collaboration entre les agents de la Régie et de la Métropole aux objectifs, cultures et modes de fonctionnement différents nous a conduits à explorer le concept de complexité institutionnelle. En effet, notre participation aux réunions hebdomadaires de création de la convention d’objectif, mais aussi les comités de thèses avec la direction de la Métropole et de la régie, nous a permis de discuter des difficultés à faire cohabiter des agents qui n’ont pas les mêmes objectifs. Ces questionnements sont d’autant plus importants que la période de mise en place de la nouvelle régie constitue une étape stratégique dans le fonctionnement futur de l’organisation. C’est donc le constat de la présence de multiples acteurs porteurs de prescriptions contradictoires lors du processus de création de la régie, qui nous a conduit à mobiliser le concept de complexité institutitionnelle. Ce lien entre recherche-intervention et mise en évidence de la complexité est souligné par les travaux de Parker (2012). L’auteur stipule que la recherche-intervention, au travers de l’engagement rapproché du chercheur sur le terrain, permet d’embrasser la complexité de la situation et de répondre aux préoccupations des praticiens et des décideurs publics. Dès lors, la recherche- intervention représente une méthodologie particulièrement pertinente pour étudier la complexité institutionnelle.

Dans un deuxième temps, la caractérisation des problèmes en jeu au contact du terrain nous a permis d’orienter la formulation de notre question de recherche vers l’apport de « réponses » à la complexité. Cette question de recherche permet d’inscrire notre travail au cœur des nécessités exprimées par les acteurs de notre terrain. Elle vise notamment à favoriser l’élaboration de réponses aux prescriptions contradictoires issues des cultures des agents originaires du secteur

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public et ceux du privé, pour aider l’ensemble du personnel à travailler dans une direction commune, malgré leurs diversités. Cet aspect des « réponses à la complexité » que nous exprimons avec notre question de recherche n’a donc pas uniquement vocation à remplir nos objectifs d’enrichissement de la connaissance académique. Elle vise aussi à répondre aux attentes et obstacles rencontrés par les acteurs de la Métropole et de la Régie de Montpellier. Parallèlement à l’identification des pistes de réflexion et de notre question de recherche, la DEA à la Métropole et la direction de la Régie nous ont explicitement demandé de participer à la création du SCG. L’absence de tableaux de bord de gestion nous a amené à proposer de travailler sur les tableaux de bord. Nos discussions et entretiens avec les acteurs nous ont permis de faire ressortir deux besoins. Tout d’abord, un besoin prioritaire était de fournir à la régie des tableaux de bord pour suivre et contrôler le bon fonctionnement de l’exploitation et de ses services. Ce besoin a notamment était à l’origine de la création des tableaux de bord à destination du service d’exploitation et de gestion des ressources humaines. Ensuite, un besoin plus stratégique était de renforcer la transversalité et le travail de l’ensemble des agents de la régie vers un objectif commun : le bon fonctionnement de l’organisation. C’est dans cette optique que nous avons créé le tableau de bord transversal qui inclut dans son processus de création l’ensemble des acteurs de l’organisation, pour les faire travailler ensemble lors de réunions communes à la mise en place d’un outil qui les concerne tous. Notre recherche- intervention est donc centrée sur le processus d’élaboration des tableaux de bord, ce qui nous a permis de construire progressivement notre grille d’analyse des multiples logiques institutionnelles dans un premier temps, et d’appréhender les stratégies de réponse à la complexité institutionnelle dans un second temps. La création des tableaux de bord et plus généralement l’implémentation du SCG constituent donc des supports pour l’analyse de la complexité institutionnelle.

Bien que notre question de recherche tende à s’inscrire au centre des problématiques de notre terrain, notre recherche-intervention ne répond pas à un cahier des charges dicté par la Métropole ou la régie, comme dans la plupart des missions de conseil. Dans notre recherche- intervention, la Métropole, la régie et l’équipe de recherche acceptent une forme d’indétermination des problématiques et des questions de recherche qui se précisent chemin faisant.

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