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Les travaux de Collier (2001) montrent que la TNI est en mesure d’apporter un éclairage théorique utile pour mieux comprendre comment les organisations font face aux multiples pressions externes. Ajoutées à cela, de nombreuses études empiriques proposent d’interpréter l’adoption de nouvelles pratiques de contrôle de gestion au travers d’organisations publiques comme une réponse à des pressions institutionnelles.

Les outils de gestion comme des mythes rationnels

La rationalité fait partie des concepts clés du champ de la TNI. Les travaux fondateurs de DiMaggio et Powell (1983) indiquent que les causes de la rationalité ne sont plus la bureaucratisation et la recherche d’efficience, mais l’isomorphisme et la recherche de légitimité. Dans ce cadre, les outils de gestion n’ont pas comme objectif la recherche « d’efficacité et d’efficience », mais seraient plutôt des moyens pour accroître la « légitimité » de l’organisation (Château-Terrisse, 2013,p.33).

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Chatelain-Ponroy et Sponem (2011, p.2) soulignent que ce dernier point permet de comprendre la présence actuelle du contrôle de gestion dans des organisations « aussi différentes que des grandes entreprises, des hôpitaux, des hôtels » ou des universités. L’auteur ajoute que les SCG sont devenus des « symboles de rationalité, principe légitime pour la gestion des grandes organisations », pour lesquelles ils jouent « la fonction de mythe rationnel ». Chatelain-Ponroy et Sponem (2011, p.2) résument leurs propos en stipulant que les « structures institutionnalisées » contribuent à « donner l’illusion de la rationalité ». Par conséquent, une grande partie de la légitimité acquise par les SCG « provient de leur caractère formel et chiffré qui renvoie à une vision instrumentale de la gestion ». Ce constat nous renvoie aux travaux de Berland et al. (2008) qui rappellent qu’il est fréquemment admis « qu’on ne gère bien que ce que l’on mesure ». Berland et al. (2008) appuient aussi sur le fait que la vision instrumentale des SCG rend nécessaire « la transformation de données qualitatives permettant de décrire l’organisation (la compétence, la performance, etc.) en valeurs quantifiées ». Par conséquent, la partie la plus émergée d’un SCG, caractérisée par « les outils, les procédures et les techniques » confère à celui-ci « l’apparence d’une fonction centrée sur des outils quantitatifs, chiffrés et qui participe donc à sa légitimité » (Chatelain-Ponroy et Sponem, 2011, p.3).

Rôle cérémoniel des SCG et recherche de légitimité

Plusieurs recherches abordent le rôle des SCG en lien avec les problématiques soit de légitimité, soit d’efficacité, par exemple les recherches sur les méthodes comptables (Meyer, 1983). Pour cet auteur, la comptabilité cherche à simplifier les procédures organisationnelles et rationaliser les bénéfices. Les recherches de Château-Terrisse (2013 p.46) montrent que « les outils comptables sont des mythes qui décrivent l’organisation comme unifiée, rationnelle et bien contrôlée avec des objectifs clairs. Les outils comptables permettent de rendre des comptes à un environnement qui en est satisfait et attribue à l’organisation légitimité et fonds. Ils permettent aussi l’ordre et la stabilité. » Toujours sur les méthodes comptables, les travaux de Ansari et Euske (1987) mettent en évidence qu’elles font figure de symbole de rationalité auprès des acteurs à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur de l’organisation. Cela implique que les organisations passent d’une logique de rationalité économique à une logique de rationalité symbolique. Les SCG ne sont plus mobilisés uniquement pour accroître les bénéfices et l’efficacité. La symbolique et les messages informels transmis par leur adoption deviennent aussi très importants.

D’autres travaux se focalisent sur les budgets. Ils montrent que si les budgets ont pour mission la réduction des coûts, ils sont aussi utilisés pour que l’organisation puisse « se conformer

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aux valeurs sociales et aux exigences des parties prenantes » (Château-Terrisse, 2013, p.47). Les SCG cherchent donc à améliorer la rationalité économique et symbolique de l’organisation pour faciliter l’obtention des ressources ainsi que leur optimisation. Les causes de l’implémentation d’un SCG sont donc multiples. Elles peuvent être techniques, mais aussi symboliques. Ainsi, une organisation peut avoir recours au même SCG qu’une autre organisation de son champ dans l’unique but de renforcer sa légitimité vis-à-vis des parties prenantes externes. Ce phénomène renvoie à la notion de mimétisme et explique pourquoi les modèles de SCG implémentés dans une organisation peuvent provenir des professions ou des organisations qui réussissent et font figure de référence.

Cette adoption des SCG n’est pas déterministe, les organisations conservent des possibilités d’adaptation des SCG. En d’autres termes, après avoir adopté un SCG par mimétisme, l’organisation peut modifier et adapter le SCG à son propre contexte et son environnement singulier. Les organisations sont toutes constituées de leur propre environnement et ont toutes le pouvoir de construire leurs mythes rationnels, de les modifier et de les utiliser d’une façon qui leur est propre (Carruthers, 1995). Ce dernier élément s’inscrit dans la lignée d’autres travaux qui considèrent que l’organisation a une marge d’autonomie dans le choix des structures formelles. Au lieu de se soumettre aux pressions institutionnelles pour la mise en place d’un SCG, les organisations ont la capacité de choisir et d’adapter leurs mythes rationnels. Ainsi, la légitimité ne constitue pas la seule variable qui définit les caractéristiques et les composantes d’un SCG. Les impératifs techniques, environnementaux et contextuels propres à l’organisation sont aussi à prendre en compte si cette dernière souhaite développer un SCG adapté.

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