• Aucun résultat trouvé

Pour analyser les composants d’un SCG, il convient de clarifier les différences entre outil de gestion, instrument de gestion ou encore dispositif de gestion (2.1). De même, il importe de préciser la notion de technique managériale (2.2).

Outil, instrument et dispositif de gestion

Outre l’analyse du SCG, la définition des outils qui composent ce dernier est un élément primordial à prendre en compte. Nous revenons maintenant rapidement sur la notion « d’outil

Partie 1 : chapitre 2

81

de gestion ». De manière classique dans les travaux de recherches, mais aussi dans les entreprises, l’outil renvoie à des notions relativement simples. Ainsi, l’outil fait figure de « prolongement de la main », au sens du terme qu’il est « l’outil de l’artisan et l’ustensile du travailleur » (Aggeri et Labatut, 2010, p.8). Nous pouvons aujourd’hui recenser plusieurs outils, comme le tableau de bord, le planning, les indicateurs de performance (IP), ou les budgets. La finalité de ces différents outils de gestion est d’aider un acteur ou un groupe d’acteurs à raisonner sur les fonctionnements dans lesquels leur action s’inscrit et à anticiper leurs évolutions possibles (Moisdon, 1997). Moisdon (1997) rappelle qu’un outil de gestion n’est pas forcément prescriptif. Son rôle consiste avant tout à « instruire les choix, les orienter ou les évaluer » (Moisdon, 1997, p8). Un outil de gestion est toujours une représentation formalisée de l’organisation. Contrairement à une règle, il ne peut être informel. Moisdon distingue ainsi les outils de gestion des règles qu’ils alimentent, des instruments et des dispositifs de gestion. L’instrument de gestion peut être vu comme « le produit d’une opération de pensée d’ordre supérieur » (Aggeri et Labatut, 2010). Dès lors, l’instrument ne peut être dissocié de son artisan, ni même exister sans lui. Un contrôleur de gestion se doit alors de tirer le meilleur parti de ses outils (par exemple des IP). Grâce à ce travail qui se traduit par une combinaison de l’expérience, des pratiques et des compétences, le contrôleur de gestion peut être en mesure de transformer un simple outil en un instrument organisationnel, mais aussi politique. L’instrumentation des outils par le contrôleur de gestion permet alors de concevoir et de réaliser des opérations beaucoup plus complexes. Aggeri et Labatut (2010, p.9) soulignent que « les instruments économiques ou à visée publique » portent « une dimension politique forte ». Le recours à la notion d’instrument de gestion impose de dépasser la seule dimension matérielle pour les concevoir comme des produits d’action intellectuelle.

Dans la lignée des travaux sur les outils et les instruments de gestion, les composantes techniques d’un SCG comprennent aussi des dispositifs de gestion. La notion de dispositif est principalement employée par les recherches en sciences de gestion (Labatut, 2009). De Vaujany (2005) conçoit le dispositif de gestion comme un ensemble d’objets (informatisés ou non), de règles et d’acteurs. Il propose la définition suivante : « Un dispositif de gestion sera un ensemble d’éléments de design organisationnel porté par une intention stratégique, produit et géré par le centre ou le pivot d’un collectif organisé, et qui vise à intégrer les outils et les acteurs de façon cohérente, et dans le respect de certaines règles de gestion. » (De Vaujany, 2005, p.113). Tout comme pour les instruments de gestion, les dispositifs sont le résultat d’actions « délibérément menées par les gestionnaires » (Aggeri et Labatut, 2010, p.11). Ainsi, les dispositifs sont réfléchis, construits et adaptés en vue d’atteindre un objectif particulier. La particularité du

Partie 1 : chapitre 2

82

dispositif de gestion tient dans son niveau d’analyse, plus développé que celui de l’instrument. Les dispositifs cherchent plus les agencements idéaux entre les différentes parties et moins leur efficacité individuelle (Foucault, 1994 ; Gentil et Stéphanie, 2013). La stratégie n’est pas uniquement cantonnée au niveau des dirigeants. Elle peut être appréhendée comme une mission d’ « ingénierie » et comme une activité de conception de dispositifs qui travaillent à améliorer le fonctionnement de « l’action collective » (Aggeri et Labatut, 2010, p.11).

Technique managériale

Outre leurs composantes techniques, les SCG comportent aussi des valeurs et des éléments culturels propres à chaque organisation. Ce constat renvoie aux travaux d’Hatchuel et Weil (1992) qui soulignent que toute technique managériale comprend un substrat technique, une philosophie gestionnaire et une vision simplifiée des relations organisationnelles.

Dans le prolongement des travaux d’Hatchuel et Weil (1992), David (1996, p.4) propose une définition du substrat technique comme : « l’abstraction sur laquelle s’appuie une technique managériale pour fonctionner ». Un peu plus tard, David (1998, p.54) complète sa définition : « il s’agit du modèle formel de l’outil, la composition de symboles qui rend sa représentation possible, et ce sont aussi les éléments concrets qui permettent son fonctionnement ». Ce substrat technique peut prendre différentes formes selon l’organisation et l’objet d’étude. Par exemple, les recherches de David (1996) qui portent sur une production assistée par ordinateur identifient les ordinateurs, algorithmes et tables de gestion informatisée comme composantes du substrat technique. Si l’on prend l’exemple d’un tableau de bord de gestion, le substrat technique de ce dernier renvoie aux indicateurs de performance retenus et à la forme finale prise par l’outil. De son côté, la philosophie gestionnaire est ce qui confère à une technique managériale ou un SCG « une signification gestionnaire » (David, 1996, p.5). Hatchuel et Weil (1992, p.124) ajoutent que la philosophie gestionnaire renvoie au « système de concepts qui désigne les objets et les objectifs formant les cibles d'une rationalisation ». La philosophie gestionnaire fait donc référence aux outils qui expriment dans leur utilisation une philosophie de l’action (automatisation, décentralisation, participation, etc.). Les travaux de David (1998) montrent que cette philosophie renvoie très souvent au principe d’efficacité : « Philosophie gestionnaire et théorie de l’efficacité constituent un modèle d’action qui reflète à la fois la vague de rationalisation à laquelle on peut rattacher l’outil et, à un niveau plus concret, les objectifs visés par ceux qui veulent implémenter et utiliser cet outil » (David, 1998, p.54). En se basant sur l’exemple d’une production assistée par ordinateur, l’auteur ajoute que « la philosophie gestionnaire associée à l'organisation scientifique du travail est un accroissement de la

Partie 1 : chapitre 2

83

productivité du travail humain. La gestion de production assistée par ordinateur ne cherche pas à modéliser pour optimiser, mais pour assurer le contrôle, la cohérence et la fluidité de la production, les systèmes experts visent l'automatisation de raisonnements dont la notion de décision n'est qu'un produit. L'informatisation de la gestion d'une organisation repose sur une philosophie d'accroissement d'efficacité et de cohérence : efficacité, grâce à la bureautique, d'un certain nombre de tâches administratives, cohérence et sophistication des décisions grâce à l'utilisation d'une base de données commune » (David, 1996, p.5).

L’auteur ajoute que « chaque technique managériale est porteuse d'une vision simplifiée des relations organisationnelles » (David, 1996, p.5). Ces techniques seraient « muettes et sans vertus mobilisatrices si elles ne se définissaient à travers une scène dont les personnages viennent expliciter les rôles que doivent tenir un petit nombre d'acteurs sommairement, voire caricaturalement définis » (Hatchuel et Weil, 1992, p.125). David (1996) souligne que cette vision simplifiée des relations organisationnelles induit un certain type de rapport de travail entre les différents niveaux hiérarchiques autour de l'outil développé. Ainsi, le projet de mise en place d’un SCG qui partage une « base de données commune à l’ensemble de l’organisation, laisse entrevoir des acteurs connectés autour de connaissances qu’ils contribuent à faire vivre » (David, 1996, p.5).

Documents relatifs