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Comme le soulignent Boitier et Rivière (2016, p.53), « l’adoption de SCG formel peut n’être qu’une manière de gagner en légitimité dans le champ institutionnel (Covaleski et Dirsmith, 1988)». Une telle approche comme renfort à la légitimité montre que ceux-ci peuvent se positionner comme transporteurs des symboles, des valeurs et des logiques de l’organisation : « les SCG véhiculent des symboles et valeurs, au-delà de leur dimension matérielle, et sont ainsi vecteurs des logiques institutionnelles, articulant des transformations sociales et des changements organisationnels » (Boitier et Rivière, 2016, p.53). Tout comme les logiques institutionnelles, les SCG ont pour objectif de structurer les décisions et les pratiques des acteurs (Thornton et Ocasio, 1999). Château-Terrisse (2013, p.118) souligne que les SCG comme des « outils » sont alors des « intermédiaires entre les logiques et les pratiques des acteurs ». Leur rôle est de refléter les logiques et de les décliner concrètement au travers des activités quotidiennes de l’organisation. L’auteur ajoute que l’observation du fonctionnement et de la structure des SCG permet de « comprendre les logiques institutionnelles en jeu au niveau organisationnel, analyser les tensions qu’elles engendrent et l’impact de leurs luttes ».

Les SCG sont en fait des vecteurs de logiques institutionnelles (4.1) ; ils constituent des objets intermédiaires (4.2) qui servent à réguler les conflits (4.3).

Les SCG comme transporteurs de logiques

Les travaux de Colon (2018) ou encore de Boitier et Rivière (2016, p.54) soulignent que cette capacité des SCG à transporter les logiques « contribue à la construction et au changement de la réalité organisationnelle (Townley, 2002), tout en étant eux-mêmes modifiés pour répondre aux spécificités du contexte (Amans et al., 2015 ; Ezzamel et al., 2012 ; Schäffer et al., 2015) ». Ils permettent donc de formaliser, synthétiser et verbaliser les logiques institutionnelles. Une variation dans le panel de logiques de l’organisation peut être identifiée et diffusée par l’intermédiaire des SCG (Dambrin et al., 2007) porteurs d’une logique de changement ou

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d’évolution. Boitier et Rivière (2016, p.54) reviennent aussi sur le rôle des SCG comme vecteurs de certaines représentations qui participent à « la légitimation des dirigeants » et notamment de leurs décisions. Les auteurs ajoutent que les SCG contribuent à la « catégorisation des pratiques ou des objets considérés comme légitimes » et « peuvent être porteur d’une nouvelle logique déclinant des valeurs à travers des discours et des techniques de contrôle (Bourguignon, 2013 ; Dambrin et al., 2007 ; Ezzamel et al., 2012)». Ainsi, les nouvelles actions prescrites par les nouvelles logiques sont supposées être positives pour l’organisation. En d’autres termes, des « idéaux ambigus » et multiples, ainsi que des « techniques ambivalentes » aident l’organisation à intégrer de nouvelles logiques (Château- Terrisse, 2013, p.118). Les recherches qui lient les SCG et la TNI aident donc à comprendre les processus d’institutionnalisation des logiques, en analysant la façon dont des logiques multiples influencent simultanément l’organisation, les groupes professionnels et les individus (Faulconbridge et Muzio, 2016 ; Goodrick et Reay, 2011).

Le milieu des Universités fait l’objet de plusieurs travaux qui s’intéressent à la manière dont les SCG véhiculent des symboles et des valeurs, au-delà de leur dimension matérielle. Dans ce contexte, Boitier et Rivière (2016, p.54) soulignent le rôle joué par les SCG formels comme vecteurs d’une nouvelle logique gestionnaire dans un processus d’institutionnalisation complexe. Les auteurs montrent qu’ils constituent ainsi « des instanciations organisationnelles (Thornton et al., 2012) qui transforment les logiques en action, de par leurs dimensions formelles (les outils et les pratiques matérielles) et informelles (les représentations, symboles et valeurs associés) (Guibert et Dupuy, 1997; Naro et Travaillé, 2010) ». Cette « dualité » des SCG qui oscille entre « des aspects matériels et immatériels » nécessite « une prise en compte conjointe des aspects matériels, mais aussi symboliques des logiques (Jones, Harvey, et Lefoe, 2014) » (Boitier et Rivière, 2016, p.54).

Dans leurs travaux, Château-Terrisse (2013, p.118) donne l’exemple des travaux de Kraatz, Ventresca, et Deng (2010), pour montrer comment les Universités se caractérisent par un « ensemble de pratiques et d’outils de gestion », dont l’objectif est « d’améliorer leurs rangs et d’augmenter leurs ressources ». Les auteurs montrent comment le recours à de nouvelles pratiques de gestion permet d’introduire une logique de marché dans les Universités.

D’autres travaux tels que ceux de Rautiainen et Järvenpää (2012) mettent en évidence comment les logiques institutionnelles influencent les outils de mesure de la performance. Pour cela, ils montrent que les logiques institutionnelles arrivent à diffuser certaines pratiques managériales, telles que des tableaux de bord de gestion. Ils appréhendent ainsi les tableaux de bord comme

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des transporteurs d’une logique marchande et de l’institution du New Public Management dans les villes finlandaises.

Les SCG comme objets intermédiaires

L’approche de Rautiainen et Järvenpää (2012), poursuivie par Château-Terrisse (2013, p.119), appréhende les SCG comme « des objets qui circulent » entre les mains des différents acteurs, lesquels ont la possibilité de « manipuler » le SCG. Château-Terrisse (2013, p.119) ajoute que les outils qui le composent traduisent alors les logiques institutionnelles présentes dans l’organisation. L’auteur continue son propos en soulignant qu’ils jouent alors le rôle de « marqueur » des acteurs qui les portent et tiennent de ceux-ci une partie de « leurs sens et de leurs caractéristiques ».

Bien qu’ils ne mobilisent pas le cadre de la TNI et des logiques institutionnelles, Morales et Pezet (2010) précisent que les SCG permettent la diffusion de la financiarisation. Les auteurs soulignent que l’implémentation des outils de gestion et des pratiques managériales conduit à une forme de financiarisation des organisations. Ils ajoutent que le processus de création et de mise en place du SCG traduit cette logique financière au sein des pratiques des acteurs de l’organisation.

Dans ce cadre, Château-Terrisse (2013, p.120) montre que les outils qui composent un SCG sont des « objets intermédiaires » capables d’établir la « représentation des logiques institutionnelles des différents groupes d’acteurs ». L’auteur stipule que chaque acteur va alors tenter de « transformer » le SCG pour qu’il « représente et traduise ses propres logiques ». Château-Terrisse (2013, p.120) conclut son propos en soulignant qu’un tel objectif de transformation des SCG peut être mené par plusieurs acteurs en même temps, ce qui peut aboutir à des « rivalités et des tensions ».

Les SCG : régulateurs des conflits

Des conflits de logiques peuvent apparaître à la suite de l’émergence d’une nouvelle logique (Arman et al., 2014 ; Goodrick et Reay, 2011 ; Reay et Hinings, 2009 ; Townley, 2002). Le résultat de ces conflits peut prendre différentes formes (Besharov et Smith, 2014). Boitier et Rivière (2016, p.56) soulignent que l’ancienne logique initialement en place peut se voir remplacée par une nouvelle logique, ce qui a pour effet de supprimer les conflits en même temps que l’ancienne, ou encore que les logiques peuvent être « segmentées selon les pratiques en jeu (Goodrick et Reay 2011) ». Les auteurs reviennent aussi sur le rôle des acteurs, qui peuvent trouver directement des solutions et des « compromis pour faire face aux conflits » causés par l’émergence d’une nouvelle logique. Ils montrent aussi que « la résolution des confrontations

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de logiques est particulièrement contextuelle et que l’enjeu est de comprendre la manière dont elle participe au changement institutionnel porté par les SCG ».

De leurs côtés, les travaux d’Ezzamel et al. (2012, p.284) soulignent comment les conflits de logiques autour des pratiques managériales « donnent lieu à des réponses hétérogènes de la part des organisations et à des réinterprétations au niveau du champ faisant évoluer la logique initialement prescrite ». Les SCG ne sont alors plus uniquement transporteurs des logiques, ils sont aussi des « reflets des changements institutionnels et des objets de conflits dans des dynamiques complexes multiniveaux » (Boitier et Rivière 2016, p.56).

Dans leurs recherches, Goodrick et Reay (2011), mais aussi McPherson et Sauder (2013) soulignent que la façon d’appréhender et d’employer les logiques peut varier en fonction des acteurs et des groupes professionnels. Ainsi, il est important de comprendre l’importance jouée par les groupes professionnels (Goodrich et Reay 2011) dans le pilotage des organisations pour « mieux comprendre l’articulation ou la confrontation des différentes logiques en compétition » (Boitier et Rivière 2016, p.56). Si les SCG sont développés en accord avec les acteurs et les groupes professionnels de l’organisation, ceux-ci permettront à la fois de diminuer les conflits entre les acteurs et de favoriser la diffusion des logiques.

Certaines recherches mettent l’accent sur la capacité des SCG à connecter les logiques entre elles (Amans et al., 2015). Ainsi, les SCG participent à gérer la multiplicité des logiques et à renforcer leur coexistence dans l’organisation. Bien qu’encore peu nombreuses, ces recherches apportent les premiers éléments d’éclairage sur le rôle des SCG comme élément de réponse à la complexité institutionnelle (Amans et al., 2015 et 2020 ; Ezzamel et al., 2012)

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