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Le contrôle de gestion opérationnel s’est développé bien avant sa reconnaissance académique (1.1). Les recherches en contrôle de gestion ont progressivement évolué vers le concept de SCG (1.2), sans lever toute l’ambiguïté attachée au contrôle de gestion et au SCG (1.3).

Émergence opérationnelle et académique du contrôle de gestion

Le contrôle de gestion est de nos jours reconnu comme une discipline à part entière des sciences de gestion (Bouquin, 2008). Pourtant, bien avant cette « reconnaissance académique », le contrôle de gestion s’est développé dans « des grandes entreprises nord-américaines au début du XXe siècle » (Colon, 2014, p.46). Le but du contrôle de gestion est alors de rationaliser les méthodes de gestion et « d’accroître l’efficience des grandes entreprises industrielles des

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secteurs chimique, métallurgique ou encore automobile » (Meyssonnier, 2012, p.74). Les auteurs de référence comme « Taylor, Brown ou encore Wilson », effectuent des apports à l’organisation scientifique du travail, au pilotage de la performance financière et à l’optimisation de la logistique (Meyssonnier, 2012, p.74).

À l’aube des années 80, les méthodes de contrôle de gestion font l’objet de nouvelles formes d’innovation venues du Japon. Ces dernières remettent en cause « l’optimisation locale de la production pour accroître les interrelations sur l’ensemble des processus de la chaîne de valeur » (Meyssonnier, 2012, p.75).

Parallèlement à ces évolutions opérationnelles, il faut attendre l’ouvrage d'Anthony (1965) pour assister à « la naissance du contrôle de gestion en tant que discipline académique » (Colon, 2014, p.46). La première définition du contrôle de gestion est développée par Anthony (1965, p.17) : « le processus par lequel les managers assurent que les ressources sont obtenues et utilisées de manière efficace et efficiente dans l’accomplissement des objectifs de l’organisation ».

Cette évolution parallèle du contrôle de gestion entre la théorie et l’action est jugée complexe par de nombreux auteurs (Berry et al., 2009). Il semble que les recherches autour du contrôle de gestion ont besoin de développer de nouvelles formes de production de la connaissance, dans le but d’établir les liens entre la théorie et la pratique. En effet, le besoin de développer la théorie et la pratique en étroite collaboration est aujourd’hui de plus en en plus fort. Les recherches de la théorie de l’action militent en ce sens et proposent que les académiques s’engagent de manière plus active auprès des praticiens (Reason et al., 1996). Les travaux d'Argyris (1952) vont dans ce sens et montrent qu’une théorie plus tournée vers l’action est capable de se rapprocher des activités des consultants, sans pour autant perdre son indépendance.

Du contrôle de gestion au SCG

L’expression « contrôle de gestion » n’est pas présente dans les premiers écrits de référence proposés par Général Motors et Dupont (Bouquin, 2008 ; Brown, 1977 ; Sloan, 1964). Elle n’est toujours pas présente dans de nombreux écrits de la première moitié du 20e siècle. Les travaux d’Anthony (1965) sont les premiers à distinguer le contrôle de gestion comme une discipline à part entière. À l’origine, ces travaux d’Anthony appréhendent le contrôle de gestion comme un cadre conceptuel qui regroupe les notions de stratégie, de tactique et d’opérations. Leurs premières définitions du contrôle de gestion renvoient ainsi aux « dispositifs que les managers emploient pour contrôler d’autres managers, donc finaliser, piloter et évaluer leur action » (Anthony, 1965, p.17). Les auteurs ajoutent que cette définition implique un processus

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de contrôle scindé en trois étapes. Une première étape de finalisation vise à définir les finalités assignées à un ensemble d’actions. Une deuxième étape de pilotage cherche à organiser le suivi et l’anticipation des actions pour entreprendre des corrections. Une troisième étape de post évaluation consiste à évaluer les résultats obtenus en termes d’efficience, d’efficacité et d’impact économique. Le contrôle de gestion a ainsi la charge de façonner le contrôle opérationnel et les processus qui garantissent que les tâches spécifiques sont menées de manière efficace et efficiente (Bouquin, 2005). Les travaux de Simons (1995) poursuivent et renforcent cette approche en proposant quatre leviers de contrôle : le système de croyances, le système de limitation (ou de contraintes), le système de contrôle interactif, et le système de contrôle stratégique. Sur la base de ces travaux fondateurs, des recherches plus récentes réactualisent la définition du contrôle de gestion : « le contrôle de gestion renvoie aux dispositifs et processus qui garantissent en priorité la cohérence entre la stratégie et les missions des managers, notamment les actions concrètes et quotidiennes » (Bouquin, 2006).

Les travaux de Ferreira et Otley (2009) insistent sur le fait que l’emploi du terme de « contrôle de gestion » est aujourd’hui restrictif. Afin de mettre en avant les différentes composantes du contrôle de gestion (Simons, 1995), de nombreuses recherches préfèrent employer le terme de SCG (Ferreira et Otley, 2009; Malmi et Brown, 2008).Différentes définitions et descriptions des SCG existent. Certaines de ces définitions se rejoignent quand d’autres semblent plus éloignées les unes des autres (Abernethy et Wai Fong, 1996 ; Alvesson et Kärreman, 2004 ; Anthony, 1965 ; Chenhall, 2003 ; Emmanuel et al., 1990 ; Flamholtz et al., 1985 ; Green et Welsh, 1988 ; Langfield-Smith, 1997 ; Merchant et Van der Stede, 2007 ; Otley et Berry, 1980 ; Simons, 1995).

Au travers de ces différents travaux, ceux de Simons (1995) sont parmi les premiers à définir les SCG comme des mécanismes utilisés par les managers pour réussir à introduire leurs stratégies « les SCG sont des routines et procédures managériales utilisées pour maintenir ou modifier les activités et objectifs organisationnels » (Simons, 1995, p.5). D’autres recherches, telles que celles de Chenhall (2003) notent que les SCG renvoient à « l’utilisation systématique du contrôle de gestion de manière conjointe à d’autres formes de contrôle personnel ou culturel » (Chenhall, 2003, p.129). Merchant et Otley (2006) ajoutent que les SCG comprennent des « facteurs stratégiques et des processus d’apprentissage qui sont bien souvent hors de portées du contrôle de gestion. Dans cette conceptualisation, presque tout dans l’organisation renvoie au SCG » (Merchant et Otley, 2006, p.785).

Toutefois, il existe d’autres visions plus recentrées des SCG. Merchant et Van der Stede (2007) séparent le contrôle de gestion du contrôle stratégique. Abernethy et Chua (1996) optent pour

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la même ligne d’argumentation et définissent les SCG comme « une combinaison de mécanismes de contrôle créée par les managers pour augmenter la probabilité que les acteurs de l’organisation se comportent de façon à remplir les objectifs organisationnels » (Abernethy et Chua, 1996, p.573). Le manque de clarté sur la manière dont les SCG sont conceptualisés et définis crée plusieurs problèmes pour la recherche, notamment une absence de périmètre clair des SCG, ou de séparation nette entre contrôle de gestion et contrôle stratégique.

Les travaux de Malmi et Brown (2008) clarifient la définition des SCG « les SCG représentent un ensemble de systèmes de règles, de pratiques, de valeurs et d’activités managériales mises en place pour diriger le comportement des employés » (Malmi et Brown, 2008, p.290). Le Tableau 4 ci-dessous souligne cette présence dans un SCG de multiples dimensions (Malmi et Brown, 2008, p.291). Il montre qu’au-delà des divers outils de gestion (outils de planification ou de gestion à court, moyen et long terme, système de récompense), le SCG inclut des contrôles de type administratif (structure organisationnelle, structure de gouvernance, règles et procédures), mais aussi des contrôles de type culturel (valeurs, symboles et clans).

Cultural Controls

Clans Values Symbols

Planning Cybernetic Controls Reward

and  Compensation Long range planning Action planning Budgets Financial Measurement Systems Non Financial Measurement Systems Hybrid Measurement Systems Administrative Controls Governance Structure

Organisation Structure Policies and Procedures

Tableau 4 : la représentation d’un SCG comme un « package » (issu de Malmi et Brown 2008, p.291)

Cette approche des SCG comme un ensemble de règles, pratiques, valeurs et activités renvoie à la notion de « package » proposé par Malmi et Brown (2008, p.289). Le terme de « package » est employé pour souligner le fait que de nombreuses organisations contemporaines utilisent des SCG composés d’une multitude d’éléments. Cependant, ce concept de package met en évidence qu’ils sont généralement introduits pour répondre à des intérêts divers, de groupes multiples à des temps différents. Par conséquent, le SCG ne peut être défini comme un système simple, mais comme un ensemble de systèmes. Cette notion comme un ensemble de

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systèmes est présente dans un grand nombre de travaux qui abordent les SCG (Abernethy et Chua, 1996 ; Chenhall, 2003 ; Robert. Simons, 1995), ce qui s’explique par plusieurs raisons. Premièrement, chaque composante du SCG n’opère pas de manière isolée (Malmi et Brown, 2008). Les travaux de Fisher (1998) montrent que si les liens entre les composantes d’un SCG ne sont pas pris en compte alors les résultats de l’analyse de ce dernier sont forcément erronés. Cette idée est supportée par (Chenhall, 2003) qui soutient que la mise en place d’un SCG isolé et non pas pris dans son ensemble conduit au développement d’un modèle sous-exploité. Deuxièmement, les précédentes recherches en contrôle de gestion portent une grande attention à l’innovation de pratiques, telles que les budgets ou les tableaux de bord. Néanmoins, les travaux n’apportent pas toujours une attention particulière à la manière dont les outils étudiés interagissent avec d’autres outils ou pratiques managériales. L’approche d’un SCG comme un package développe une meilleure compréhension des impacts réels (positifs comme négatifs) de l’implémentation d’un tableau de bord ou d’une innovation managériale. Au final, cette approche d’ensemble non isolé aide à mettre en place un SCG qui répond au mieux aux attentes de l’organisation. Troisièmement, l’approche comme un package est intéressante pour combler le manque de connaissances sur les impacts d’autres types de contrôle que les outils de gestion, par exemple les valeurs, les symboles, les systèmes de récompense, les règles et procédures, etc (Malmi et Brown, 2008).

Ambiguïté autour du contrôle de gestion et des SCG

Bien qu’il existe de bonnes raisons pour étudier un SCG comme un ensemble de pratiques et de valeurs non isolées, cette approche n’est pas sans difficulté. La première de ces difficultés est liée au manque de clarté qui accompagne son concept. Ce flou prend ses racines avec l’ambiguïté autour de la notion de contrôle de gestion. De nombreuses définitions du contrôle de gestion diffèrent en fonction des langues, mais aussi des époques auxquelles se réfèrent les travaux scientifiques. Ainsi, en anglais le terme de « control » signifie « amener autrui à agir dans un sens qu’il n’aurait pas nécessairement privilégié, de l’y amener sans lui en donner explicitement l’ordre, en prenant le contrôle, en partie au moins, de son comportement » (Bouquin, 2008, p.179). Cette approche anglo-saxonne du contrôle renvoie aussi à la notion de pouvoir tel que défini par la sociologie. D’un autre côté, l’approche française du contrôle renvoie en partie au sens de maîtrise des activités. Toutefois, il ne faut pas oublier le sens de « vérification » porté par la notion de « contrôle » (Fornerino et Godener, 2006). Le « contrôle- vérification » est bien « une réalité » dans les recherches scientifiques (Bouquin, 2008, p.180). Ces distinctions deviennent encore plus difficiles à appréhender lorsque l’on parle du

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management dans son ensemble. Au sens français, tel que proposé par des auteurs de référence comme Fayol, cette notion renvoie au fait de réussir à faire agir les individus dans un but ou une direction donnée. Plus tard, la proposition du terme de « management control » par les recherches en anglais renvoie elle aussi à une conception large dont les interprétations ont été multiples. Une première porte sur « les fonctions d’orientation des comportements, de gouvernance ou encore d’aide à la décision » (Bouquin, 2008, p.180). Une seconde a plus tendance à renvoyer le « management control » (Otley, 1999) à sa notion d’outils, de techniques et d’instruments de surveillance. Ces différentes visions du « mangement control » sont d’ailleurs étroitement liées à l’approche fonctionnaliste du contrôle de gestion (Colon, 2014) que nous détaillons plus loin dans cette section.

Cette ambiguïté autour de la notion de contrôle de gestion n’a pas disparu avec l’introduction du concept de SCG. Les SCG permettent de se concentrer sur le contrôle organisationnel dans son ensemble et pas uniquement sur les supports de décision (Malmi et Brown, 2008). Toutefois, cette approche du contrôle reste floue dans ses modalités : comment appréhender les interrelations entre les acteurs, les comportements et artefacts aux différents niveaux de l’organisation ?

Outre ces aspects, l’ambiguïté autour de la notion de SCG est renforcée par la difficulté à déterminer ses composantes : quelles composantes inclure ou non ? Pourquoi ? Ces questionnements montrent qu’il est difficile d’étudier les SCG qui sont des systèmes complexes. Cette ambiguïté rend difficile la retranscription des résultats de manière claire et compréhensible. Afin de clarifier ces flous qui accompagnent le concept, les recherches ne doivent pas négliger la délimitation des caractéristiques des composantes du système observé. Selon le périmètre plus ou moins large choisi, le SCG peut être analysé en fonction des outils de gestion, des instruments de gestion, des dispositifs de gestion ou encore des techniques managériales.

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