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Si la recherche se centre sur les relations entre deux ou trois logiques (4.1), des travaux plus récents s’intéressent aux constellations de logiques (4.2).

La littérature actuelle centrée sur les relations entre 2 ou 3 logiques

Afin d’analyser les relations entre les logiques multiples, la littérature montre que celles-ci prennent des formes très variées et sont présentes dans tous types d’organisations. Dans leurs recherches, Dunn et Jones (2010) identifient dans le secteur hospitalier la confrontation entre les logiques de soins aux patients, de recherche scientifique et de production des résultats. De son côté, Maire (2015) étudie les relations entre les logiques d’accountability et de religion au sein des structures des Scouts et Guides de France. D’autres études, telles que celles de Greenwood et al. (2010) montrent l’influence des relations entre les logiques de famille et d’état sur les réponses organisationnelles. Enfin, certaines approches détaillent l’impact de la multiplication des logiques de soins médicaux et de soins sociaux sur les routines d’une entreprise de téléassistance (Charue-Duboc et Raulet-Croset, 2014). Nous pouvons aussi citer les recherches de Thornton et al. (2005) qui observent la présence des logiques d’esthétisme et d’efficacité dans le secteur de l’architecture. De leur côté, les travaux de Reay et Hinings (2005) portent sur l’analyse des logiques de la profession médicale et de l’industrie médicale. Enfin Glynn et Lounsbury (2005) orientent leurs recherches sur le secteur des orchestres symphoniques pour y constater la présence des logiques d’esthétique et de marché.

Alors que la multiplicité des logiques est source de complexité institutionnelle, la plupart des recherches sont centrées sur les relations entre deux ou trois logiques institutionnelles (Delbridge et Edwards, 2013 ; Dunn et Jones, 2010 ; Kitchener, 2002 ; Lok, 2010 ; Lounsbury, 2007 ; Marquis et Lounsbury, 2007 ; Pache et Santos, 2010 ; Purdy et Gray, 2009 ; Reay et Hinings, 2009 ; Scott, 2000). Dans les faits, il est rare qu’une organisation ne doive prendre en compte que 2 ou 3 logiques institutionnelles. Cette limite des travaux actuels nous invite à mobiliser le concept de « constellation » de logiques appliqué à l’étude de la complexité (Goodrick et Reay, 2011).

« Constellation » de logiques institutionnelles : un concept émergent

Un nombre croissant de recherches commence à mettre en évidence la présence de logiques multiples, capables de coexister au cours de longues périodes de temps dans les organisations (Jarzabkowski et al., 2010 ; Reay et Hinings, 2009). Les travaux de Goodrick et Reay (2011),

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mais aussi de Greenwood et al. (2011), ou encore de Bertels et Lawrence, (2016) soulignent qu’il existe actuellement un manque de recherches traitant de la multiplicité et plus spécifiquement de la coexistence d’une « constellation » de logiques dans l’étude de la complexité. Nous entendons ici par « constellation » de logiques, des relations entre un grand nombre de logiques (supérieurs à deux ou trois).

Les récents travaux de Pedras et al. (2019) sont parmi les seuls qui analysent une telle constellation de logiques avec un environnement marqué par une forte complexité institutionnelle. Les auteurs identifient sept logiques au sein de leurs terrains de la commercialisation des clubs de sport européens. Ils soulignent que l’identification d’une constellation de logiques, lorsqu’elle est possible, permet de mieux appréhender le pluralisme institutionnel pesant sur les organisations. Les auteurs ajoutent que cette analyse par un grand nombre de logiques permet de mieux appréhender les « potentielles créations de fragmentation, incohérence et conflit » (Pedras et al., 2019, p.585) entre les différentes logiques, causes de la complexité.

Outre ces avantages pour la caractérisation de la complexité, la nécessité d’une analyse par une constellation de logiques est aussi renforcée par les limites des travaux sur les relations entre deux logiques. À titre d’exemple, si l’attention est seulement portée sur deux logiques, alors qu’un plus grand nombre de logiques existe, la connaissance des complications posées par la présence d’autres logiques sur le développement de la structure de l’organisation fait défaut. Greenwood et al. (2011) nous informent que pour éviter ces complications, les futures recherches doivent identifier plus que deux logiques, lorsque cela est possible. Ils recommandent d’être plus précis et explicites sur la justification de la présence ou de l’absence de certaines logiques dans les analyses. Notre travail de thèse entend donc prendre en considération ces recommandations.

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Conclusion de la section 2

Les différents auteurs abordant la question de la complexité institutionnelle au cours de ces dernières années (Bertels et Lawrence, 2016 ; Bullinger et al., 2015 ; Delbridge et Edwards, 2013 ; Voronov et al., 2013) s’accordent tous sur une même définition. La thèse entend donc s’inscrire dans la lignée de ces travaux et retient la définition proposée par Greenwood et al. (2011, p.317) : « l’organisation fait face à de la complexité institutionnelle lorsqu’elle est confrontée à des prescriptions contradictoires émanant de multiples logiques institutionnelles ». La complexité institutionnelle représente un concept « d’actualité pour les entreprises et les organisations contemporaines » (Journé et al., 2012, p.15). Différents facteurs expliquent cette inscription de la complexité au sein des préoccupations actuelles des organisations, notamment le renforcement des liens entre l’organisation et son environnement. En effet, plusieurs auteurs soulignent que les théories organisationnelles et institutionnelles perdent de plus en plus de vue ce qui faisait autrefois l’essence de leur existence (Kirchner et al., 2010 ; Walgenbach, 2011), ce lien entre l’organisation et son environnement. Le mérite de la complexité institutionnelle tient donc en partie en ce point.

La coexistence des logiques est une problématique qui reste difficile à résoudre (Bullinger et

al., 2015). Les perspectives théoriques restent encore à explorer (Pedras et al., 2019), en

étudiant une constellation de logiques dans un cas caractérisé par un environnement institutionnel complexe. Toutefois, les recherches qui portent sur les relations entre deux ou trois logiques apportent des éléments de réponses pour réussir à faire coexister les logiques et diminuer la complexité institutionnelle. La prochaine section détaille ces réponses, en revenant par exemple sur les notions d’équilibre, de compartimentation (Kraatz et Block, 2008) , de résistance ou encore d’évitement (Pache et Santos, 2010) de certaines logiques.

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S

ECTION

3 :R

EPONSES A LA COMPLEXITE INSTITUTIONNELLE

La présence de multiples logiques peut conduire à des situations d’incompatibilité ou de coexistence entre les logiques. Il est démontré que les relations entre des logiques parfois opposées peuvent conduire à des opportunités ou au contraire des paralysies (Maire, 2015), en fonction des caractéristiques des logiques et de leurs environnements (Thornton et al., 2012). Ainsi, certaines associations de logiques s’accompagnent de situations de contestation ou de conflit (Battilana et Dorado, 2010 ; Zilber, 2002). En se plaçant dans cette perspective, la littérature explicite spécifiquement les effets de la multiplication des logiques. Dès lors, la présence de potentielles menaces sur les performances, pouvant aller jusqu’à une dissolution complète de l’organisation, apparaît comme possible (Tracey, Phillips et Jarvis, 2011). Boitier et Rivière (2016) nous expliquent que ces conflits peuvent aussi se manifester par une absorption de l’ancienne logique par la nouvelle. Il est intéressant de relever qu’un couplage positif entre différentes logiques est aussi possible. Il se traduit notamment par une situation de coexistence (McPherson et Sauder, 2013) et conduit à une augmentation de l’innovation et de la pérennité de l’organisation (Jay, 2013). Dès lors, il incombe aux acteurs et à leur responsabilité de maintenir les compromis pour faire face aux conflits (Reay et Hinings, 2009). Nous nous proposons d’étudier dans cette section les réponses que peut mettre en place l’organisation pour gérer les potentiels conflits liés à la multiplicité des logiques. Ces réponses sont abordées par la littérature sous le terme de « stratégies organisationnelles » (Oliver, 1991), qui permettent à l’organisation d’atteindre un couplage positif entre les différentes logiques et ainsi de mieux répondre à la complexité institutionnelle. La survie des organisations dépend des réponses apportées à la complexité (1.), des stratégies organisationnelles déployées (2.), variables selon les stratégies des différents acteurs (3.).

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