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Texte avec corrections orthographiques (lexicales et grammaticales ) :

Constitution d’un corpus A.

2. Texte avec corrections orthographiques (lexicales et grammaticales ) :

« […] l’objectif de mon questionnaire était double. Il servait d’une part à vérifier s’il existait une distinction et une évolution, selon les variables d’âge et de sexe, dans l’acception des termes désignant la différenciation sexuelle, d’autre part, il permettait de faire émerger une certaine conscience linguistique auprès des usagers et usagères interviewé·es. Ce qui n’a pas manqué d’être.

« Mais puisque l’homologation au féminin des noms de métiers est dorénavant chose établie, on peut souhaiter que les filles (et les garçons) puissent recevoir d’autres images de l’identité féminine que ceux de mère, ménagère ou sage-femme. Car, si la langue est en effet un « instrument de communication selon lequel l’expérience humaine s’analyse », n’est-elle pas aussi un instrument selon lequel l’imaginaire social en particulier se construit ?

« Et comment un·e androgyne peut-il ou peut-elle analyser son expérience si elle n’a pas de terme pour se désigner ? Est-ce cette lacune dans la langue qui explique l’impossibilité manifeste, pour les parents confrontés à la situation, d’accepter la double sexualité ou l’indifférenciation sexuelle de leur enfant ?

« Quoi qu’il en soit, puisque la (ou le) linguiste peut être entendu·e par l’autorité législatrice, n’y aurait-il pas intérêt à identifier les « cases vides » en syntaxe ?

« Et dans la foulée des homologations au féminin, est-il envisageable de concevoir la transformation du lexème homme en « genre commun », ce qui permettrait de remplir la « case vide » correspondant au féminin du syntagme grand homme par grande homme.

« Pour finir, je dirai que l’objet de mon intervention était surtout de mettre l’accent, sinon sur une réalité linguistique quotidienne quelque peu monstrueuse, du moins sur un conditionnement sexiste de certaines pratiques de langues et de poser des questions pour susciter des études orientées autant en psycho- qu’en sociolinguistique. »

3. Explications :

« Usagers et usagères interviewé·es » :

les deux sexes en effet étaient présents, « sexe » étant entendu dans le sens de « genre », l’accord commun s’impose. Le pluriel étant à son tour marqué par une même lettre pour les deux genres, point n’est besoin de séparer cette marque de la marque du genre le plus proche.

« Un·e androgyne peut-il ou peut-elle analyser son expérience si elle n’a pas de terme pour se désigner ? »

Ici, le mot « androgyne » porte en lui-même le double genre correspondant chacun à un sexe, /andro/ mâle et masculin, /gyne/ femelle et féminin, le déterminant de l’ensemble est donc porteur aussi des deux marques, le masculin et le féminin. Le pronom de reprise étant cependant spécifique à chaque genre en fonction « sujet », c’est la raison du verbe répété avec un sujet différent qui renvoie aux deux sexes puisque l’apparence de l’androgyne peut être assimilée pour certain·es à un homme, pour d’autres à une femme de même que la catégorie féminine ou masculine peut être intégrée ou revendiquée par la personne androgyne elle- même - choix et revendication d’alternance que certains pays (tel le Brésil, mais la France aussi à présent) permettent de rendre officielles pour un même individu.

Enfin le pronom féminin de la deuxième partie de la phrase obéit à l’accord de proximité avec le dernier pronom cité, dans la mesure où ils ont le même référent auquel on peut remonter par ricochets dans la phrase.

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Ici la correction a porté sur le changement lexical et non plus grammatical. Le mot « situation » a remplacé le mot « problème ». C’est une correction motivée par la nécessité d’actualiser un discours en l’objectivant. Mais cette actualisation et cette objectivation répondent à un souci d’ordre épistémologique. En effet, en utilisant le mot « problème » je subjectivise une situation. Or, ce n’est pas à moi de décider que cette situation est un problème car elle peut non seulement ne pas en être un pour les parents ou le sujet concerné mais être vécue au contraire comme un privilège selon l’histoire.

Quant à la correction grammaticale encore possible, elle porterait sur « confrontés » qui pourrait, par syllepse, être écrit « confronté·es ». En effet bien que le mot « parents » soit du genre grammatical masculin, il fait traditionnellement référence à deux personnes de sexe différent. Cependant il peut aussi faire référence à un seul parent ou à plusieurs du même sexe ou non. Dans la mesure où c’est un sujet qui fait actuellement débat dans la société française, je conserve l’ancienne orthographe par souci diplomatique.

« La (ou le) linguiste peut être entendu·e par l’autorité législatrice »

Dans cette partie de phrase, il y a eu trois corrections sinon quatre. La première porte sur la détermination du mot « linguiste ». Dans la mesure où « linguiste » est un mot commun aux deux genres, sa forme le rapprochant plus d’une forme féminine que masculine, ce n’est pourtant pas cette dernière raison qui a motivé le premier déterminant féminin mais tout simplement le fait que j’ai pensé à moi en l’écrivant, comme la plupart des hommes ne pensaient peut-être qu’à eux jusque-là en l’écrivant au masculin. A la différence de ces derniers, j’ai envisagé entre parenthèses l’éventualité de l’autre sexe (correspondant à l’autre genre). C’est aussi pourquoi le participe passé est accordé avec le point d’altérité pour signifier les différentes éventualités du genre humain qualifié de « linguiste ».

La dernière correction est une correction lexicale qui rectifie le sexisme masculiniste et autocratique du terme « législateur », celui-ci ne renvoyant non seulement qu’à un homme mais encore qu’à une toute puissance masculine qui légifère.

« Et dans la foulée des homologations au féminin, est-il envisageable de concevoir la transformation du lexème homme en « genre commun »

« Homologations au féminin » a remplacé « féminisation », par souci de rigueur. « Féminiser la langue ? Non, mettre un terme à sa masculinisation »278 Oui. Employer le mot « féminisation » pour évoquer la forme féminine des noms qui peuvent avoir une forme masculine laisse entendre que ce serait un processus nouveau. Or les formes féminines et masculines sont intrinsèques à la langue française, que ce soit dans la continuité ou dans l’alternance, puisque l’accord en particulier oblige à faire varier la forme selon le genre. Cependant les formes féminines pour les substantifs en particulier ont une diversité diachronique et synchronique que n’ont pas les masculins. C’est pourquoi, il a été nécessaire en effet de réfléchir à l’homologation des formes officielles du féminin, en essayant de découvrir un système de règles applicables en fonction de l’étymologie ou de l’usage. L’étude de « La féminisation des noms de métiers » dirigée par Houdebine-Gravaud remplissait cet objectif. En revanche le travail de la commission dite de « féminisation » tant décriée par l’Académie française devait donner lieu à une homologation de certains féminins de préférence à d’autres.

Pour ce qui est de « genre commun » en remplacement de « neutre », la rectification est à la fois technique et épistémologique. Une telle confusion s’est installée dans l’utilisation du terme / épicène / que celui-ci a donné lieu à plusieurs polémiques auxquelles j’ai assisté ou dans lesquelles j’ai été prise à partie.

Pour ma part, j’avais jusque-là, et particulièrement en 2002, considéré le terme dans la double acception que lui donne le Petit Larousse illustré et que j’ai reprise, me semble-t-il, dans mes articles publiés jusqu’en 2013. Selon cette double acception le qualificatif « épicène » peut désigner un mot dont la catégorie grammaticale est exclusive, qu’elle soit

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féminine ou masculin, mais dont la signification renvoie aux différents sexes de l’humain ou de l’animal, ainsi de :

« personne » (féminin en tant que nom et masculin en tant que pronom mais renvoyant dans l’un et l’autre cas aux femmes comme aux hommes)

« individu » (grammaticalement masculin mais désignant une femme ou un homme),

« être humain » (également masculin en tant que verbe substantivé mais renvoyant à la partie féminine comme masculine de l’humanité),

« souris », « baleine », les deux étant grammaticalement féminins mais désignant le mâle comme la femelle,

« animal » (masculin en tant que substantif mais renvoyant aussi bien aux animaux mâles que femelles)

« bête » (féminin en tant que substantif mais renvoyant également aux bêtes mâles ou femelles), etc

Mais il désigne aussi ce qui a été appelé « commun » par Nicolas Beauzée comme on le verra dans la deuxième partie et ce sont tous les mots qui, bien que désignant un être humain, ont une forme commune pour désigner un homme ou une femme. Et c’est la détermination par l’article ou par l’accord grammatical qui apporte l’indice de sexe.

Ex : journaliste, ministre, secrétaire, juge, poète, notaire… Tous ces mots peuvent se retrouver avec un déterminant féminin ou masculin selon qu’ils réfèrent à une femme ou un homme. C’est parce que nous avons appelé « loi d’épicénie » cette capacité de la langue française de faire varier accord et détermination en fonction du sexe que nous avons, quelque peu abusivement peut-être, utilisé le mot /épicène/ pour qualifier ces mots dont le genre grammatical variait en fonction du sexe référentiel. Mais c’est aussi ce que faisaient André Martinet et le dictionnaire Larousse. Et c’est Julie Abbou qui a jeté le trouble dans ce bel ordonnancement quand en 2011, se situant d’un point de vue rhétorique, elle introduisit la notion d’hyperonyme pour qualifier les épicènes de la première catégorie, ceux qui ont un « genre grammatical fixe », qu’elle propose aussi d’appeler « épicène sémantique » alors qu’elle réserve l’appellation d’ « épicène morphologique » à la deuxième catégorie celle que nous disons appartenir au « genre commun » dans la continuité de Beauzée et selon le schéma de Patricia Violi. Par ailleurs d’autres termes étaient venus remplacer sous différentes plumes les notions d’épicènes : d’ambigène utilisé par Kerbrat-Orecchioni et repris par Perry à bivalent utilisé par Khaznadar, sans que la distinction soit faite visiblement entre les deux sortes d’épicénie dont rend compte J. Abbou.

Encore une fois, la multiplicité des termes n’éclaire pas le propos pour autant sinon l’obscurcit. Ainsi, nous avons choisi dans le travail présent de mettre nos pas dans ceux de Beauzée, plutôt que d’emprunter les chemins ouverts par l’un·e ou l’autre de nos contemporain·es, car il faudrait encore y rajouter la notion d’ « accord mixte » qu’introduit Pierre Fiala.

Or, nous souhaitons partir à la fois de plus loin dans le temps et de plus près géographiquement parlant, au plus près de notre propre plume avec cette injonction de Martinet toujours présente à nos oreilles : inutile de créer des mots où ils existent déjà !

Ainsi la transformation du lexème « homme » en genre commun se manifesterait avec la possibilité de l’accord féminin des différents déterminants ou qualificatifs. Mais alors le terme « femme » n’aurait plus de raison d’exister. Or le mot existe.

«(…) conditionnement sexiste de certaines pratiques de langues »

Ici la correction porte sur la responsabilité des sujets locuteurs et rompt avec l’idée que le langage viendrait uniquement « d’en haut » ou « des autres ».

Enfin j’ai remplacé « féminisation » par « homologation du féminin » dans le deuxième et l’avant dernier paragraphes par souci de cohérence. Cependant l’assertion première « la

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féminisation des noms de métiers est dorénavant chose établie » ayant étonné Véronique Perry, je précise ici la contextualisation de ce dire.