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Termes (notions) clés : F.

2. Nouveau paradigme

Pour concevoir ce nouveau paradigme, nous définirons le fonctionnement de la langue selon son axe paradigmatique et son axe syntagmatique.

L’axe syntagmatique étant en quelque sorte l’axe visible et/ou audible, c’est donc l’axe syntagmatique qui est perçu par le sujet récepteur. L’opération de décryptage du sens se fait à partir de l’observation syntagmatique. Ce que j’appelle « observation syntagmatique » est l’observation de ce que Martinet a nommé prosaïquement et métaphoriquement la « chaîne parlée ».

Cette « chaîne parlée » est linéaire325 à l’oral mais rarement linéaire à l’écrit, ou plutôt susceptible d’une reconstruction linéaire différente suivant chaque sujet lecteur, sachant que la lecture strictement linéaire n’existe pas, de même que le sujet émetteur de l’écrit peut jouer sur plusieurs trajets consciemment concomitants. « Le coup de dé » de Mallarmé en est l’exemple type. Mais l’utilisation de polices de caractères différentes, en taille, en forme et en empâtements a précisément pour but de hiérarchiser un propos, d’introduire différents niveaux de lecture dans la linéarité obligée de l’outil traitement de texte.

L’axe syntagmatique est le résultat visible et/ou audible d’une série de choix opérés sur l’axe paradigmatique.

L’axe paradigmatique relève du domaine de la « compétence linguistique ». L’axe syntagmatique relève de la « performance linguistique » pour employer des termes chomskiens. Mais nous pourrions parler aussi de virtualité pour l’axe paradigmatique et d’actualisation pour l’axe syntagmatique. Cependant l’axe syntagmatique peut laisser affleurer la conscience de l’axe paradigmatique. La publicité et le langage poétique sont spécialistes de cet affleurement puisque l’une et l’autre en jouent.

Certains choix sur l’axe paradigmatique entraînent des contraintes morphologiques discontinues sur l’axe syntagmatique. Le choix des personnes, le nombre, la catégorie de genre des substantifs sont en français des choix qui entraînent des contraintes morphologiques souvent discontinues sur l’axe syntagmatique.

Le nouveau paradigme dont il est question va devoir offrir un troisième choix pour la mise en discours de la catégorie des personnes et, ce faisant, va élargir le champ des possibles dans un nouveau déploiement sur l’axe syntagmatique. Ce troisième choix pourrait même être considéré comme choix par défaut pour les humains, le masculin et le féminin relevant alors du domaine de la spécificité.

3. Sexisme

« Faut-il voir dans la haine des femmes commune au judaïsme, au christianisme et à l’islam, la conséquence logique de la haine de l’intelligence ? »

demande Michel Onfray dans son Traité d’athéologie, p.134.

« Quand l’égalité des deux sexes sera reconnue, ce sera une fameuse brèche dans la bêtise humaine », pour paraphraser Louise Michel qui, en 1886 dans ses Mémoires, écrivait cette phrase au conditionnel (Si…, ce serait…) c’est-à-dire à l’irréel du présent, mon optimisme préfère adopter la pensée réelle d’un futur que je souhaite le plus proche possible.

325 C’est le paradoxe de l’image : une ligne ne peut être identifiée que visuellement, mais son abstraction permet

de l’imaginer de façon auditive si bien que l’on peut évoquer aussi la ligne continue ou discontinue, y compris ligne de silence qui fait la structure du morse.

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L’égalité est aujourd’hui reconnue, hors la sphère des religions, même si certain·es s’accrochent à la complémentarité plus qu’à l’égalité, tenant aux caractéristiques stéréotypées de la bourgeoisie qui leur servent de garde-fous, y compris dans le cadre des recherches en anthropologie où l’on décrète une nature archaïque qui serait une base sociologique de comportement sexué alors que c’est le comportement sociologiquement sexué de la classe au pouvoir qui a conditionné le point de vue androcentré et occidental pour déterminer la description d’une nature archaïque qui ne correspond pourtant en rien à ce qui peut être observé dans la nature animale beaucoup plus complexe et diverse qu’une lecture androcentrée la détermine.

Et si l’on accepte le schéma darwinien de l’évolution, ne serait-il pas plus judicieux pour comprendre l’anthropos et spéculer sur sa future évolution de considérer les mœurs génétiques des poissons et des différent·es mammifères plutôt que de vouloir trouver justification des comportements humains par l’observation des mammifères dont on a au préalable décrété la parenté avec l’être humain et dont on décrypte les attitudes en fonction des préjugés conditionnés par un point de vue anthropocentré, sinon androcentré, occidental ? C’est ce préjugé sur un comportement qui serait caractéristique en fonction du sexe que j’appelle « sexisme ».

En effet, la complémentarité homme-femme n’est effective que dans l’acte sexuel reproducteur et ce n’est donc pas tant la complémentarité homme-femme que la complémentarité ovule-spermatozoïde qui dans ce cas est effective.

Chaque être humain étant issu d’un ovule et d’un spermatozoïde intégré, les gènes d’un homme et d’une femme sont forcément répartis dans chaque nouvel être humain. La conformation finale est un résultat unique que la législation décide de regrouper selon des caractéristiques sexuées bi-catégorielles correspondant au schéma procréateur de l’humain « Ovule-Spermatozoïde ». Il faut une femme pour produire un ovule humain, il faut un homme pour produire un spermatozoïde humain. C’est à partir des caractères sexuels extérieurs identifiables à la naissance que l’enfant a été dans un premier temps identifié mâle ou femelle, c’est-à-dire fille ou garçon. Les groupes sont ainsi répartis en sexe féminin et sexe masculin. La reconnaissance des chromosomes et de leur nombre pour détecter une possible anomalie non acceptée par les parents ou futurs parents permet de détecter avant la naissance le type de chromosomes qui détermine le sexe de l’enfant à venir.

L’éventualité d’une catégorie non productive d’ovules ni de spermatozoïdes n’a pas été envisagée.

Il apparaît cependant que la nature est plus complexe que ce qu’en retient l’être humain : les chromosomes x et y ne se répartissent pas systématiquement selon les attentes des généticien·nes326. La législation n’ayant pas prévu une catégorie pour les enfants dont on ne peut prédire la future production ou non production d’ovules ou de spermatozoïdes, c’est la médecine qui tranche avec l’accord des parents pour le choix d’un des deux sexes. Le premier sexisme s’exerce donc ici, dans l’impossibilité pour le troisième sexe de se reconnaître et d’être reconnu à égale valeur que les deux sexes complémentairement procréateurs.

Mais le mot « sexisme » est né, selon la doxa critique, à partir du terme de « racisme » qui, en 1972, est devenu un délit en France avec la « loi Pleven ». Or dans le racisme, le problème n’est pas tant de considérer que tel groupe d’individus qui ont des caractéristiques physiques communes auraient aussi des caractéristiques comportementales communes que de considérer qu’un groupe humain, quel qu’il soit, est génétiquement supérieur ou inférieur à un autre. Dans le racisme comme dans le sexisme, le problème vient de l’identification de la race ou du sexe qui a pris le pouvoir. Mais « prendre le pouvoir » nécessite un accaparement. Il peut y avoir, peut-être, des situations où le pouvoir n’a pas été pris mais accepté.

(L’Histoire ne s’intéresse guère qu’aux « prises de pouvoir » parce qu’elles ont une potentialité narrative à suspense et qu’elle détermine donc une situation instable à surveiller. Surveiller renvoie à « veiller sur » et place donc l’Histoire au-dessus de la situation. Or

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l’Histoire est écrite par un, une ou plusieurs auteur(s) dont chacun, chacune a un point de vue. Ce qui place une grande partie du pouvoir entre les mains des sujets scripteurs et/ou interprètes. La nécessité de l’instant me fait rencontrer par hasard un fichier que j’ouvre et dont le contenu vient judicieusement illustrer la phrase précédente. C’est une note manuscrite de mon père qui demande :

« Qui est chargé dans notre pays, de choisir dans les tranches de l’histoire, celles que l’on apprend aux enfants et celles que l’on étouffe ? »327

)

Quoi qu’il en soit, que le pouvoir ait été pris par les uns ou donné par les autres (comme dans le cas des disciples qui font les maîtres), c’est la façon de l’exercer qui détermine sa qualité. Quand le groupe qui a le pouvoir établit une hiérarchie dans la lecture et l’écriture du monde à partir d’une vision unique qu’il considère comme supérieure et qui est la sienne, il instaure le totalitarisme.

C’est ainsi qu’un totalitarisme culturel s’est installé en France si ce n’est en occident, voire plus largement, instaurant une culture explicitement sexiste.

Forgeant à mon tour un mot sur le modèle de « sexisme » et « racisme », je suis en train d’observer qu’un « classisme » est également à l’œuvre dans nos sociétés intellectuelles, correspondant à un élitisme auto-proclamé et surtout à un mépris pour qui ne partage pas les mêmes codes de savoir.