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systèmes de justice des sociétés indiennes (toujours prégnantes) avec les textes d’influence européenne érigés comme

systèmes de justice des sociétés indiennes (toujours prégnantes) avec les textes d’influence européenne érigés comme fondement des « nations » bolivienne et équatorienne.

124 Cet accès supposé égal aux ressources critiques, à compétences similaires par ailleurs, est une hypothèse à caractère très libéral, qui rejoint en ce sens l’axiome sus cité concernant la redistribution verticale automatique du bonheur. Ces postulats généreux et utopiques sont critiquables dans les sociétés réelles.

125 Pour une critique plus générale de la théorie des grandeurs, nous vous suggérons de vous référer à Alain Caille, 1995.

nous sommes intervenus. S’il est vrai qu’en l’état ces outils restent plus descriptifs qu’analytiques, ils permettent néanmoins de mettre en évidence un certain nombre d’étapes et de rôles clefs, structurant les dynamiques de concertation, ainsi que divers facteurs de réussite ou d’échec sur lesquels nous serons amenés à porter notre attention. L’approche catégorielle et séquentielle des processus de concertation ainsi proposée doit nous aider à organiser notre effort de comparaison.

Enfin la référence aux travaux de J.-E. Beuret nous donnera l’occasion d’approfondir l’importance de la fonction de « médiation » ainsi que les diverses formes qu’elle est susceptible d’emprunter.

2.4.1 Une typologie des dynamiques de concertation constituée de façon empirique

Pour établir sa typologie J.-E. Beuret s’est appuyé sur 86 cas de mise en œuvre d’une gestion concertée des espaces ruraux entre agriculteurs et non agriculteurs, identifiés entre 1999 et 2001 dans la région Bretagne. L’une de ses premières constatations est que près des deux tiers des cas recensés ont émergé en marge des politiques publiques, de façon « spontanée ». Le caractère spontané et souvent informel de ces démarches explique leur grande diversité de forme. Il a ainsi identifié 8 types de concertation, selon leurs objets, leur contexte initial, les acteurs impliqués, le ou les institutions supports et selon les formes d'accord sur lesquelles elles ont débouché. L’ensemble de ces critères définissent ce qu’il nomme « l’itinéraire de concertation ». Ces 8 types sont schématisés sur la figure 3 présentée plus bas.

Le premier critère discriminant utilisé par J.-E. Beuret est celui de l’origine des initiatives, qui est selon lui déterminante quant à la forme, l’intérêt et les problèmes posés par la concertation. Lorsque la concertation émane d’institutions externes au territoire, il la qualifie de « démarche descendante », par opposition aux « démarches ascendantes » qui s’initient sous l’impulsion d’acteurs locaux.

Les démarches descendantes vont à la recherche d’une accroche locale, d’une dynamique de concertation, qui soit ne préexiste pas à leur mise en place et qu’il faut donc susciter (« démarche descendante stricte », DD), soit qui préexiste et qu’il s’agit de raccrocher (« démarche descendante ascendante », DA).

Pour ce qui est des démarches ascendantes, l’auteur distingue tout d’abord celles de type formel, portées par des institutions locales. Elles peuvent intervenir afin de prévenir un conflit : une « cellule de concertation permanente », CP, peut alors être mise en place pour prévenir au quotidien, par le dialogue, les risques de conflit, ou alors on préfère opter pour une « dynamique de médiation-projet », MP, qui vise à transformer le conflit en projet collectif. Ces démarches formelles, institutionnelles, peuvent également viser d’emblée la mise en place d’un projet touchant aux espaces ruraux et nécessitant le recours à une concertation. Il s’agit alors de ce que J.-E. Beuret nomme les « projets institutionnels », PI. Une fois précisée l’origine, c’est donc la finalité et la forme de la concertation qui constituent les critères discriminants. Enfin les démarches ascendantes informelles semblent très diverses, et l’auteur les distingue selon le groupe d’appartenance du ou des leaders qui en sont à l’origine, et selon les objectifs visés par la dynamique. Il identifie ainsi les « initiatives de leaders citoyens », IC, les « initiatives de leaders agricoles », IA, et les « communications intersectorielles », CS. Ces dernières correspondent le plus souvent à un groupement professionnel agricole qui cherche à modifier son image auprès d’autres acteurs du territoire, et leur ouvre en quelque sorte ses activités (J.-E. Beuret, 2001).

Nous avons vu que la majorité des cas étudiés sont le fruit d’initiatives locales, de nature ascendante et informelle. Il est donc probable que selon les contextes socio-politiques considérés les formes que prennent ces initiatives varient. En ce sens cette typologie apparaît comme très contextualisée et reste sans doute non exhaustive. Elle ne doit donc constituer pour notre recherche qu’une référence nous donnant les moyens de caractériser le type de

dynamique de concertation dans lequel nous intervenons. Nous devrons donc être très attentifs aux éventuels écarts entre les caractéristiques identifiées par J.-E. Beuret et celles issues de nos propres observations de terrain.

2.4.2 Les « itinéraires de concertation »

Pour J.-E. Beuret, « la concertation est un processus de construction collective de

questions, de visions, d’objectifs et de projets communs. Elle n’a pas obligatoirement pour finalité de prendre ou d’influencer une décision » (J.-E. Beuret, cité par le groupe de travail

IRAM, RéDèv, 2004)126. Il décompose les dynamiques de concertation selon trois étapes

élémentaires qui peuvent éventuellement se chevaucher, ou se décomposer chacune en plusieurs phases, plusieurs périodes de temps. Ainsi ce processus n’est pas linéaire mais bel et bien constitué d’incessants allers-retours entre les trois étapes suivantes :

« Rapprochement des acteurs et élaboration du réseau de participants » : cette étape consiste en prendre contact et motiver l’implication des acteurs considérés comme essentiels à la formulation d’un accord durable autour d’un objet aux contours progressivement et collectivement définis. L’auteur attire notre attention sur l’importance de la légitimité des personnes ainsi impliquées (légitimité à la fois interne et externe à chaque catégorie d’acteurs sensée être représentée), et sur l’attribution ou l’adoption de rôles spécifiques (facilitateur, animateur, médiateur, expert, partie prenante, arbitre …)

« Interconnaissance et dialogue » : cette étape est présentée comme étant potentiellement la moins conflictuelle, ce qui n’enlève rien de son importance. Il s’agit pour les différents participants d’apprendre à se connaître, de se constituer un langage commun, une culture commune de la situation et des intérêts en présence, pour pouvoir dépasser les préjugés et aborder les problématiques de façon constructive. Ceci passe par des travaux de groupes, des visites mutuelles, etc.

« Construction d’un accord » : cette étape (la plus importante ?), selon J.-E. Beuret, n’aboutit le plus souvent qu’après qu’il y ait eu « contraction de l’accord », soit par rejet ou abandon d’une ou plusieurs catégories d’acteurs, soit par requalification de l’objet, soit encore par d’autres limitations, de type spatial ou temporel. Mais en se donnant ainsi les moyens de formuler et concrétiser un accord sur de nouvelles bases, J-E Beuret estime que son impact est nécessairement réduit par rapport aux objectifs initiaux associés à la concertation.

Les formes, durées et conditions de réalisation pratique de chacune de ces phases sont extrêmement variables, puisque comme nous l’avons dit plus haut, dans leur majorité les pratiques de concertation émergent localement et sont donc réinventées chaque fois127. Cette spontanéité, cette « endogénéité » (P. D’Aquino, 2002) est-elle un facteur important pour le succès de ces dynamiques ? Est-il possible ou plutôt pertinent, malgré cette diversité de formes, d’itinéraires, de s’appuyer sur des méthodes et outils d’accompagnement plus ou moins standards ? Ou bien doivent-ils également être réinventés à chaque fois ? Le recours à la Vidéo Participative est-il en mesure de susciter l’émergence de telles dynamiques de concertation au niveau local ? Peut-il permettre de relier une initiative locale à un niveau plus global et inversement ? Est-il sujet à des risques de détournement, de manipulations de nature politique ? Voilà autant de questions qu’il nous faudra nous poser à propos de nos terrains. Il sera donc important de bien expliciter, pour chacune de nos expérimentations, sur quelles

126 Par opposition à la « négociation » qui au contraire a pour objectif de décider ensemble.

127 Même s’il existe, en France notamment, un certain nombre de lois et procédures relatives à l’usage de la concertation et de la participation dans la définition d’un certain nombre de programme, notamment à caractère environnemental (Cf. note 42 en P 1, Chapitre 2, § 2.1).

étapes particulières nous sommes intervenus (volontairement ou non), de quelle manière, et comment se sont éventuellement déroulées les autres étapes de ce processus.

La vidéo n’est qu’un outil dont le recours n’est a priori utile que dans certaines conditions et à certains moments particuliers des dynamiques cognitives collectives . Cette approche séquentielle des processus de concertation doit nous permettre d’identifier les phases ainsi que les conditions dans lesquelles cet outil est susceptible de proposer des alternatives bénéfiques.

2.4.3 Les pratiques de médiation

Dans ses travaux, J.-E. Beuret met en évidence l’importance et la diversité de la fonction de médiation au sein des processus de concertation. L’objectif de la médiation est bien de favoriser le dialogue et l’écoute mutuelle, et se distingue donc clairement des fonctions « d’expertise »128 et « d’arbitrage »129. De son coté, dans son approche de la médiation, P. Barret semble plus insister sur la constitution d’une base commune, d’un cadre interprétatif commun sur lequel puisse s’adosser la réflexion. Selon lui la médiation vise à faciliter le dialogue, l’interconnaissance, mais aussi « l’émergence d’une culture commune et doit veiller

au respect mutuel de tous les intérêts » (P. Barret, 2003).

J.-E. Beuret définit deux grands types de médiations territoriales : la « médiation miroir » et la « médiation passerelle ». La première est généralement le fait d’intervenants externes au processus de concertation, voire au territoire, qui sont sollicités, par les parties prenantes de la concertation, ou par l’animateur. C’est la raison pour laquelle il la qualifie également de médiation « froide ». Cette médiation cherche à mettre en forme la réalité locale, à en donner une représentation, une image la plus neutre possible130, qui puisse servir de « miroir » aux acteurs impliqués et les amener à réfléchir sur leurs propres points de vues et positionnements vis-à-vis des autres. La médiation « passerelle » au contraire est une médiation « chaude » car elle est portée par des personnes directement impliquées dans la dynamique. Ces personnes se caractérisent en général par leur « multi-appartenance » (J.-E. Beuret, 2001), à savoir qu’elles bénéficient d’une certaine expérience de vie au sein de plusieurs des parties prenantes. Ce sont des « êtres équivoques », qui sont donc à même de comprendre les langages et logiques d’acteurs différents. Ils jouent alors un rôle de lien et facilitent les prises de contact, et les dynamiques d’interconnaissance et de dialogue.

Il semble donc assez clair que les processus d’accompagnement de concertations par recours à la vidéo sont des interventions de médiation, qui plus est de médiation « froide », ou « miroir » : il est question pour un intervenant extérieur de faciliter par recours à un outil spécifique le dialogue et la recherche d’un accord susceptible de convenir à l’ensemble des parties prenantes. L’effort de représentation y est multiple, il s’agit d’illustrer les points de vue et positionnements relatifs des différents acteurs impliqués, et d’illustrer à la fois des réalités factuelles susceptibles d’appuyer ou contredire certains discours. On est évidemment en droit d’interroger la pertinence d’un outil visant autant d’objectifs simultanément… Par ailleurs, afin de réduire les asymétries d’information, les produits vidéo aspirent à donner accès à un certain nombre de données (considérées comme essentielles pour comprendre la problématique dans toute sa complexité) à l’ensemble des participants. En ce sens cette intervention constitue également un travail « d’expertise », secondaire. Alors que le travail de médiation froide suppose que les intervenants acquièrent en cours d’action une légitimité pour assumer ce rôle, en « nouant leurs propres liens avec les acteurs locaux et en donnant des gages de

non-ingérence » (J.-E. Beuret, 2001), l’expertise au contraire cherche à peser sur l’orientation de la

128 Le but de l’expertise est d’apporter à l’ensemble des acteurs impliqués dans la concertation des éléments scientifiques pour appréhender une réalité factuelle (objectif d’information), ou de proposer des solutions techniques à un problème spécifique (objectif de proposition et de prospection).

129 L’arbitrage a pour objectif de décider à la place des acteurs assis à la table de concertation, et d’imposer des décisions. L’arbitrage est souvent la chasse gardée des institutions publiques, voir juridique, et des porteurs de projet. L’arbitrage n’est sollicité ou imposé que ponctuellement au sein d’un processus de concertation.

discussion. Il nous faudra également questionner cette ambiguïté à la lumière du déroulement concret de nos expérimentations et de leurs résultats sur le terrain.

L’analyse proposée par Beuret nous amène enfin à interroger d’autres caractéristiques de notre proposition de médiation par recours à la vidéo participative : la démarche proposée permet-elle de s’affranchir de la subjectivité des intervenants dans l’éclaircissement des points de vue et positionnements relatifs des différents acteurs impliqués ? Et plus généralement, la neutralité des médiateurs vidéo est-elle réellement un objectif à viser à tout prix ? A quelles conditions, ou sous quelle forme cette démarche peut-elle être menée par des personnes « internes » au processus de concertation ? Les intervenants doivent-ils être des spécialistes de la problématique ou l’inverse est-il préférable ? Quels peuvent être les modes d’articulation entres les fonctions de médiation et d’animation dans ce type d’intervention ? Quelle légitimité pour les intervenants ? Ces questions doivent nous servir de guide dans notre travail d’analyse comparative de nos expérimentations.

Figure 3 : Typologie des formes de concertation entre

Démarche descendante

L’initiative est lancée par une

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