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La vidéo participative : outil d'accompagnement du développement local ? Etude de trois processus de concertation en Bolivie, en Equateur et au Mali

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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N° /__/__/__/__/__/__/__/__/__/__/

T H È S E

pour obtenir le grade de Docteur de l’Institut des Sciences et Industries du Vivant et de

l’Environnement (Agro Paris Tech)

Spécialité : Sociologie du Développement et de la Communication

présentée et soutenue publiquement le 10 octobre 2008 par

Loïc COLIN et Vincent PETIT

LA VIDEO PARTICIPATIVE : OUTIL D’ACCOMPAGNEMENT

DU DEVELOPPEMENT LOCAL ?

ETUDE DE TROIS PROCESSUS DE CONCERTATION EN

B

OLIVIE

,

EN

E

QUATEUR ET AU

M

ALI

Directeur de thèse : Jean-Pierre PROD’HOMME

AgroParisTech, UFR de Sociologie, F-75005 Paris

Codirecteur de thèse : Patrick D’AQUINO

CIRAD, UPR GREEN Gestion des Ressources Renouvelables et Environnement, F-34398 Montpellier

Devant le jury :

M. René BILLAZ, Président d’AVSF

Président

M. Jean-Eudes BEURET, MC, ENSAR

Rapporteur

M. Marcel BURSZTYN, Pr, Université de Brasilia

Rapporteur

M. Jean-Pierre PROD’HOMME, Pr. Emérite, AgroParisTech

Directeur

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À mes parents auxquels je dois tout Vincent À Chantal, Gérard, Mélanie et Gwenhaël Loïc

Nous tenons à remercier chaleureusement :

Nos directeurs de thèse, Jean-Pierre Prod’homme d’AgroParisTech, pour sa confiance sans cesse renouvelée, son écoute, sa disponibilité et ses conseils sincères et avisés ; et Patrick D’Aquino du CIRAD, pour la rigueur scientifique qu’il nous a apportée et son aptitude à déconstruire nos questionnements pour leur donner du sens ; plus largement le laboratoire GREEN, notamment pour le soutien financier dont il nous a gratifié en fin de thèse. Nous remercions également les

projets ALFA-Transamazonia et ADD-Trans pour leur appui financier et pour nous avoir

accueillis au sein d’un de leurs projets de terrain, en Equateur.

Jean-François Tourrand du CIRAD, qui nous a lancé dans l’aventure et nous a épaulé sur une

bonne moitié du chemin.

Dominique Gentil, pour son soutien essentiel et désintéressé. Sans vous, cette thèse n’aurait

jamais été achevée !

Françoise Launay d’ABIES, pour sa vision très humaine de l’administration.

Marcel Kuper et Eric Sabourin du CIRAD, Dominique Vinck du CNRS et Vanina Mollo du

CNAM, pour leurs avis consultatifs lors de l’élaboration du plan, de la question et des hypothèses de recherche.

Anne Lothoré ainsi que toute l’équipe de l’Inter Réseaux Développement Rural, qui ont partagé

toutes leurs informations avec nous, qui ont participé à notre réflexion, et qui ont su donner de la valeur à nos travaux quand nous en doutions.

Michel Merlet d’AGTER, pour ses encouragements constants et son intérêt sincère.

Alfredo Durán Nuñez del Prado, Rocio Bustamente Zenteno, Iván del Callejo Veracc et toute l’équipe du Centro AGUA de Cochabamba. Pourvu qu’elle continue longtemps ses combats

pour un monde meilleur. Le directoire d’ASIRITIC et notamment Juan Quinteros pour son accueil, sa disponibilité et la patience dont il a su faire preuve en Bolivie avec les jeunes étudiants que nous étions.

Jorge Grijalva Olmedo de l’INIAP de Quito et Diego Grefa de Kallari pour nous avoir accueillis à

bras ouverts en Equateur.

Toute l’équipe de l’IRAM pour la confiance qu’elle a placée en nous lors des projets maliens. Loïc Elies d’E-Sud et la direction de l’Office du Niger qui nous ont accueillis au Mali.

Par ailleurs, Vincent tient à remercier Perrine, qui l’a soutenu dans les phases les plus difficiles, et Clara et Martin, surtout gardez votre dynamisme.

Loïc remercie plus particulièrement Mélanie, pour avoir su lui insuffler le courage nécessaire pour mener cette aventure jusqu’à son terme.

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Contenu de la thèse et itinéraires de lecture

Plusieurs raisons expliquent la longueur de ce manuscrit, au premier rang desquelles se situe la double paternité de son contenu : la co-rédaction partagée entre deux auteurs, pendant de nombreux mois, nous a conduits à produire un travail quasiment deux fois plus important que les standards – implicites - dans le domaine.

La seconde raison, non moins influente, tient au nombre des terrains sur lesquels nous avons eu la chance de travailler : un peu plus de 18 mois ont été partagés entre la Bolivie, l’Equateur et le Mali, sur trois projets de Vidéo Participative (VP) dont nous avions l’entière maîtrise d’ouvrage. Des cinq parties qui composent notre thèse, ces terrains constituent les trois volets centraux (parties II, III et IV). Chacun d’entre eux fait l’objet d’un long développement, justifié par une volonté de rigueur et de transparence : nous souhaitions détailler le plus possible les protocoles d’action et d’expérimentation, afin notamment de ne laisser planer aucun doute sur les modalités de participation de chacune des personnes impliquées dans nos interventions. Nous souhaitions par ailleurs produire une analyse fournie des situations sur lesquelles nous avions travaillé, et avant tout des systèmes d’acteurs, comme une manière de souligner par le poids des pages cette idée - que nous défendrons au fil du texte - selon laquelle l’implication d’un étranger dans le développement local ne peut prétendre être raisonnable et légitime qu’à condition de maîtriser les logiques d’action des groupes locaux et les enjeux liés au bouleversement volontaire de leurs relations. Et finalement, nous tenions à donner à connaître au lecteur la plus grande partie des données qualitatives sur lesquelles s’appuient nos raisonnements, notamment avec force citations, afin que chacun puisse juger du bien-fondé des conclusions qui sont les nôtres.

Ajoutant à cela un domaine théorique à la croisée de plusieurs disciplines, nous obtenons un mémoire de plusieurs centaines de pages qui justifie la proposition d’itinéraires de lecture. A ce titre la restitution intégrale en page 657 de notre soutenance de thèse, constitue un bon

condensé du contenu de nos travaux bien que certains aspects ont du être éludés. Cette lecture

doit pouvoir permettre au lecteur pressé d’accéder rapidement à nos principales conclusions

de recherche. Cette présentation s’accompagne également d’éléments de réflexions

complémentaires issus des rapports et des échanges avec les membres du jury (Cf. p. 673).

S’il n’y avait qu’une seule expérimentation à consulter, le lecteur curieux de découvrir une pratique de la concertation appuyée par vidéo est invité à lire la partie IV consacrée au Mali, notre terrain le plus riche. Pour sa part le praticien au fait de ces projets pourrait être intéressé par la réalisation vidéo s’appuyant sur un groupe de travail local, dans la partie III consacrée à l’Equateur.

En sus, différentes consultations peuvent être faites des sections qui constituent les vraies productions originales de notre thèse. Pour ce qui est du protocole de recherche en lui-même, et de ses résultats, nous renvoyons le lecteur aux points suivant :

P1, chapitre 2, section 4 : formulation de la question et des hypothèses de recherche

P1, chapitre 3, section 5 : mise au point d’outils d’analyse spécifiques à la Vidéo Participative

P5, chapitre 1 : discussion des hypothèses et réponse à la question de recherche

• P5, chapitre 2, sections 3 et 6 : enrichissement des conclusions grâce aux apports d’autres expériences de VP

En termes plus théoriques, nous apportons certaines nouveautés, qui sont à consulter :

P1, chapitre 2, section 1 : définition générale de la Vidéo Participative

P5, chapitre 2, sections 2, 4 et 5 : catégorisation des différents types de démarches de VP

existantes, caractérisation de concepts permettant d’enrichir la définition initiale

• P5, chapitre 3 : comparaison de la VP aux autres outils des approches participatives, considérations pratiques sur le temps et l’espace pour sa mise en ouvre dans un projet,

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PLAN GENERAL

Un plan détaillé est proposé en ouverture de chacune des parties

PAGE 10

Préambule

PAGE 14

Introduction Générale

Partie 1

Positionnement théorique, construction de l’objet et du

protocole de recherche

PAGE 23 Chapitre 1 : La communication au service du développement : d’une utilisation massive et standardisée des médias à un usage localement maîtrisé

PAGE 65 Chapitre 2 : Délimitation du concept de Vidéo Participative, identification des problématiques liées aux dynamiques de concertation pour la gestion du territoire et élaboration de notre question de recherche

PAGE 103 Chapitre 3 : Choix des terrains d’étude et élaboration des protocoles d’expérimentation

Partie 2

La vidéo comme outil de concertation sociale pour la

gestion locale de l’eau à Tiquipaya (Bolivie)

PAGE 180 Chapitre 1 : Description des contextes institutionnel et local

PAGE 224 Chapitre 2 : Déroulement du projet

PAGE 235 Chapitre 3 : Première analyse des données recueillies

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Partie 3

La vidéo comme catalyseur d’une réflexion collective

sur un projet territorial à Tena - Equateur

PAGE 285 Chapitre 1 : Place du projet dans notre recherche et contexte institutionnel

PAGE 292 Chapitre 2 : Identification et description du système d’acteurs local en lien avec les dynamiques de développement rural dans le canton de Tena

PAGE 321 Chapitre 3 : Protocole d’action : analyse des différentes étapes

PAGE 375 Chapitre 4 : Analyse du terrain du point de vue des hypothèses de recherche

Partie 4

La vidéo comme outil de diagnostic participatif à

l’Office du Niger, Mali

PAGE 399 Chapitre 1 : Place du projet dans notre recherche, contextes institutionnel et local

PAGE 431 Chapitre 2 : Description de l’intervention et analyse des résultats

Partie 5

La Vidéo Participative et le rôle du communicateur,

deux concepts pluriels

PAGE 518 Chapitre 1 : Comparaison des résultats des expérimentations, réponse et discussion de la question de recherche

PAGE 566 Chapitre 2 : Analyse du modus operandi de quelques interventions de Vidéo Participative dans le monde

PAGE 608 Chapitre 3 : La Vidéo Participative replacée dans le cadre de la pratique du développement

PAGE 630

Conclusion Générale

PAGE 637

Bibliographie

PAGE 657

Compte-rendu de Soutenance

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Index des figures, tables et images

Figure 1 (page 67) : cheminement « classique », linéaire, de production d’une vidéo Figure 2 (page 70) : représentation comparative des processus classique et participatif de

production d’une vidéo

Figure 3 (page 133) : typologie des formes de concertation entre agriculteurs et non-agriculteurs

pour la gestion d'espaces ruraux

Figure 4 (page 135) : axes de caractérisation des objets intermédiaires

Figure 5 (page 183) : localisation des vallées dites « interandines » sur une coupe transversale de

la Cordillère des Andes

Figure 6 (page 184) : localisation de Tiquipaya sur une vue depuis la cordillère orientale en

direction de la cordillère de Cochabamba

Figure 7 (page 191) : avancée du front urbain dans la vallée de Cochabamba au cours des années

90

Figure 8 (page 192) : évolution de l’usage des sols à Tiquipaya entre 1983 et 2003 Figure 9 (page 193) : cartes d’usage des sols à Tiquipaya en 1983 et 2003

Figure 10 (page 205) : localisation du bassin versant Khora Tiquipaya dans la cordillère de

Cochabamba

Figure 11 (page 206) : priorité des usages de l’eau à Tiquipaya Figure 12 (page 214) : MISICUNI : schéma du projet par l’entreprise

Figure 13 (page 233) : tramogramme des concertations dans et autour du projet vidéo a

Tiquipaya

Figure 14 (page 284) : Localisation de la municipalité de Tena et point de vue sur le fleuve Napo Figure 15 (page 331) : interventions lors de la première réunion du groupe de travail à Tena Figure 16 (page 344) : interventions lors de la deuxième réunion du groupe de travail à Tena Figure 17 (page 352) : interventions lors de la troisième réunion du groupe de travail à Tena Figure 18 (page 373) : tramogramme des concertations autour du projet vidéo équatorien Figure 19 (page 444) : tramogramme des concertations autour du projet vidéo malien Figure 20 (page 448) : analyse du public de la projection de Niono

Figure 21 (page 450) : analyse des prises de parole pendant la réunion de Niono

Figure 22 (page 452) : seconde analyse des prises de parole pendant la réunion de Niono Figure 23 (page 454) : prises de parole au sein du groupe des paysans pendant la réunion de

Niono

Figure 24 (page 463) : rôle de la vidéo dans l’orientation des débats lors de la réunion de Niono Figure 25 (page 467) : analyse des spectateurs de la réunion de Macina

Figure 26 (page 468) : analyse des prises de parole pendant la réunion de Macina

Figure 27 (page 469) : seconde analyse des prises de parole pendant la réunion de Macina Figure 28 (page 539) : correspondances entre les temps de la concertation et les étapes de

production des vidéos

Figure 29 (page 583) : processus linéaire et processus itératif d’élaboration d’une vidéo

Figure 30 (page 616) : intervention d’accompagnement d’un processus de réflexion/concertation

multi-acteurs s’appuyant sur le recours combiné de différents outils : JdR, SMA et VP

Encadré 1 (page 100) : l’importance de la volonté politique dans la mise en place et le

déroulement des processus de concertation autour de la GRN

Encadré 2 (page 149) : le collectif comme enjeu ou comme moyen ? Encadré 3 (page 218) : les « us et coutumes » des irrigants de Tiquipaya

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Tableau 1 (page 118) : typologie des modalités de concertation à caractère environnemental selon

l’asymétrie de pouvoir existant entre porteurs de projets et parties prenantes

Tableau 2 (page 121) : présentation des « critères de forçage » au sein de processus de

concertation

Tableau 3 (page 122) : apprécier la part de débat public dans le portage des projets ; détail de la

seconde case du tableau 2

Tableau 4 (page 123) : grille d’évaluation de la contribution des dispositifs de concertation aux

processus de décision

Tableau 5 (page 154) : présentation des principales variables testées par les différents protocoles

d’expérimentation mis en place sur les terrains bolivien, équatorien et malien

Tableau 6 (page 163) : table d’identification des fonctions de production et de leur prise en charge

lors du déroulement d’un projet vidéo

Tableau 7 (page 209) : systèmes d’irrigation à Tiquipaya

Tableau 8 (page 209) : quelques exemples de communautés et leurs droits sur les systèmes Tableau 9 (page 236) : table d’identification des fonctions de production et de leur prise en charge

lors du déroulement du projet vidéo à Tiquipaya

Tableau 10 (page 483) : proportions des différents groupes d’acteurs présents aux projections de

Macina et de Niono ayant répondu au questionnaire écrit

Tableau 11 (page 576) : index des interventions de VP analysées par les auteurs

Tableau 12 (page 586) : principales caractéristiques des différents types de Vidéo Participative Planche 1 (page 183) : photos de Tiquipaya et de Cochabamba

Planche 2 (page 189) : images de l’agriculture à Tiquipaya

Planche 3 (page 196) : l’urbanisation et ses conséquences à Tiquipaya

Planche 4 (page 203) : la place centrale de Cochabamba durant la Guerre de l’Eau Planche 5 (page 211) : les retenues d’ASIRITIC dans la cordillère

Planche 6 (page 228) : images de la projection à l’assemblée générale d’ASIRITIC Planche 7 (page 263) : quelques images des évènements des 8 et 9 juillets à Tiquipaya Planche 8 (page 298): milieu de vie de la communauté de Shandia

Planche 9 (page 301) : milieu de vie de la communauté de Puni Bocana Planche 10 (page 310) : la station biologique Jatun Sacha

Planche 11 (page 317) : la commercialisation du cacao par Kallari

Planche 12 (page 339) : aperçu des conditions de tournage dans les communautés Planche 13 (page 374) : quelques phases de concertation durant le projet équatorien Planche 14 (page 411) : quelques images des périmètres irrigués à l’Office du Niger Planche 15 (page 429) : instruments de gestion de l’eau et acteurs du système Planche 16 (page 436) : images de la phase de tournage au Mali

Planche 17 (page 440) : images de réunions de projection au Mali

Précisons ici que tous les crédits photographiques non mentionnés sont à assimiler aux auteurs de la thèse

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PRÉAMBULE

Avant d’entrer dans le vif du sujet et afin d’éviter le mélange des genres, nous avons pris le parti de présenter brièvement, sous forme de préambule organisé autour de quelques points d’étapes, notre trajectoire personnelle commune. L’objectif est de donner à comprendre au lecteur en toute sincérité comment sont nés, en amont, les prémices des questionnements qui ont fait par la suite l’objet de notre travail de recherche.

Mars 2001 –

Alors que depuis quelques mois déjà se tisse entre nous une amitié forte, en première année d’études à l’Institut National Agronomique de Paris - Grignon, une idée commence à germer dans nos esprits : partir. Voyager et profiter de cette possibilité offerte par l’école d’interrompre notre cursus le temps d’une année, afin d’élaborer puis de concrétiser un projet personnel sous forme de stage conventionné (année dite « de césure »). Il ne s’agit pas d’une fuite, mais simplement d’une irrésistible envie d’apprendre autrement : découvrir un peu le monde et se découvrir un peu plus soi-même. Débute alors un long processus de maturation à trois têtes qui durera presque un an. Si l’Amérique Latine s’impose à nous comme une évidence à cette époque, le choix de la destination se fait attendre. Il faut dire que nous ne souhaitons pas seulement voyager. Nous cherchons à nous rendre réellement utiles sur place, au sein d’un projet d’appui au développement local où nos compétences d’agronomes en formation sont susceptibles d’être appréciées. Et par la même occasion nous espérons y voir ainsi plus clair quant à nos aspirations professionnelles. Parallèlement, le bagage artistique de l’un d’entre-nous et son attirance pour les métiers de l’audiovisuel font qu’il engage la réflexion du groupe (nous étions trois à l’époque) vers le recours à des outils de communication afin de valoriser cette expérience. On pense notamment à la photographie. Ce que l’on imagine alors, c’est produire une œuvre engagée, à caractère artistique, à même de capter et de restituer notre processus d’apprentissage tout au long de ce voyage, et qui puisse autant être utile sur place qu’à notre retour. L’ambition est élevée. Nous optons pour un stage long d’un an, au sein d’un projet unique. Nous retiendrons finalement la Bolivie, et l’équipe de chercheurs du Centro AGUA située à Cochabamba. Travaillant sur la gestion de l’eau dans un contexte très conflictuel, ces chercheurs sont immédiatement intéressés par notre proposition de réalisation d’une vidéo afin de documenter l’un de leurs terrains d’étude : Tiquipaya. Ils nous invitent à incorporer temporairement leur équipe. Débute alors, en parallèle de notre seconde année d’école d’ingénieur, une longue recherche de financements afin de payer les billets d’avion, le logement sur place et surtout le matériel audiovisuel nécessaire. Nous trouverons ainsi plusieurs milliers d’euros, auprès notamment de la Mairie de Paris, du Conseil Mondial de l’Eau, et de deux antennes locales du Rotary Club. Et nous emprunterons chacun un peu d’argent pour compléter. Notre engagement dans ce projet était total. Nos connaissances en audiovisuel et en espagnol, nulles.

Novembre 2002 –

Nous somme arrivés en Bolivie depuis presque deux mois et commençons tout juste à prendre nos marques. Entre recherches bibliographiques et visites de terrains nous mesurons peu à peu la complexité de la problématique de l’eau sur la commune. Progressivement se dessine une situation impliquant un très grand nombre d’acteurs, aux intérêts parfois fortement divergents, qui pour la plupart méconnaissent l’ensemble des composantes de la problématique, et par dessus tout ne se parlent pas. Pourtant l’eau, élément vital par excellence, vient à manquer ; compte tenu de l’enjeu de son approvisionnement et de son partage entre urbains et agriculteurs, la situation est explosive. Nous vient alors l’idée qu’au travers de la réalisation d’une vidéo sur le sujet, il est sans doute possible de faire bien plus que simplement documenter le terrain d’étude favori du Centro

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AGUA. En effet, nous commençons à pressentir que la vidéo pourrait être un moyen de faire communiquer les différentes parties prenantes de la gestion de l’eau, et de leur fournir par la même occasion les informations pertinentes permettant de mieux saisir la problématique dans sa globalité. La vidéo initialement destinée à un usage académique prend dès lors une toute autre dimension : elle devient un outil élaboré en collaboration avec les acteurs locaux, qui leur est spécifiquement destiné, et qui vise à favoriser l’émergence d’un dialogue pluripartite. On est bien loin des ambitions initiales que nous caressions à Grignon. Rapidement séduite par l’idée, l’équipe du Centro AGUA nous encourage à poursuivre dans cette voie, y voyant une bonne amorce pour proposer la mise en place d’une plate-forme de concertation multi-acteurs à Tiquipaya, visant à terme à appuyer le pilotage de la gestion de l’eau sur la commune. Nous apprenons à filmer et à monter sur le tas, au prix d’un travail considérable, d’un engagement fort et d’une multitude d’erreurs. L’engouement local est perceptible auprès de la majorité des acteurs impliqués, en dehors de quelques-uns qui restent méfiants vis-à-vis de notre initiative. À l’occasion des réunions finales de projection, plusieurs centaines de personnes font le déplacement pour voir le résultat et participer aux débats. Si d’un côté ce projet est une réussite, puisque nous avons réussi à mobiliser l’ensemble des acteurs concernés par la gestion de l’eau et à les engager dans une dynamique de dialogue, nous restons malgré tout sur notre faim. Quel sera l’impact à moyen ou long terme de notre intervention ? Quelle sera l’utilisation future de ce diagnostic vidéo ? En diffusant ces informations au plus grand nombre, avons-nous vraiment joué en faveur de la résolution des conflits, ou au contraire les avons-nous attisés plus encore, en jouant aux apprentis-sorciers des relations sociales ?

Mai 2003 –

Nous découvrons la communauté quechua de Laphia, perchée sur la Cordillère de Cochabamba, à 3 500 mètres d’altitude et à trois heures et demi de marche de Tiquipaya. Nous partageons avec ses habitants d’intenses moments de vie, très marquants, et nous prenons conscience de la dureté de leur condition de communautaires indigènes dans un pays en proie à d’importants bouleversements économiques et sociaux. Ils nous demandent de leur venir en aide avec notre caméra. En lutte depuis presqu’un demi siècle pour la reconnaissance de leur territoire et de leurs ressources, ils estiment qu’une vidéo, en bon espagnol, pourrait les aider à plaider leur cause auprès des tribunaux boliviens. Nous élaborons une ébauche de scénario. Dès lors, nous consacrerons l’ensemble de notre temps libre à tourner les images dont ils auront besoin. La vidéo devient alors un outil de plaidoyer, une arme militante.

Juillet 2003 –

Retour en France, après 11 mois passés en Bolivie. La tête pleine de doutes et d’interrogations sur les conséquences de notre intervention, nous retrouvons peu à peu notre vie d’avant. Enchantés par notre expérience, et dorénavant certains de notre désir de travailler pour l’amélioration des conditions de vie des populations pauvres et marginalisées, nous choisissons en troisième année d’école de suivre la spécialisation Développement Agricole de la Chaire de Sciences Economiques et Sociales. Nous y apprenons beaucoup, et notamment à relativiser notre expérience bolivienne grâce aux études de cas abordées tout au long de l’année. Nous prenons avec frayeur la mesure de la tâche que l’humanité doit encore accomplir si elle désire réellement mettre un terme à la faim et à la pauvreté dans le monde. Idéalistes, nous aspirons à participer de cet effort, à notre échelle et selon nos moyens.

Mars 2004 –

Nous effectuons tous deux nos stages de fin d’études en Amérique Latine : l’un dans un périmètre irrigué en zone aride argentine, l’autre sur un front pionnier agricole en Amazonie équatorienne. Nous y appliquons strictement la méthode acquise durant l’année, et réalisons chacun une

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analyse-diagnostic des systèmes agraires, traitant à la fois les aspects agronomiques, techniques, économiques, sociaux, mais aussi politiques et environnementaux. Nous sommes alors confrontés aux difficultés coutumières de la réalisation de ce type d’étude : des paysans lassés par des enquêtes dont ils n’ont généralement aucun retour et auxquelles ils ne sont donc pas toujours disposés à répondre, ou fournissent des informations à la véracité douteuse, pas toujours évidentes à vérifier ; des responsables paysans souvent démunis face à des modalités de restitution peu adaptées (schémas, graphiques, analyses de données chiffrées, etc.) et ne leur permettant pas vraiment d’y retrouver leur apport. À cela s’ajoutent des difficultés liées à la langue utilisée pour réaliser le diagnostic, qui ne peut pas toujours être lu par les paysans. Une nouvelle fois nous ressentons de la frustration au moment de partir. Quel sera l’impact réel de ce travail, et quel sera le degré d’appropriation de ses résultats par les acteurs locaux ? Sa portée nous semble moins importante que lors de notre expérience bolivienne. À l’issue de nos premières expériences de terrain, nous avons ainsi acquis la conviction qu’il importe aujourd’hui de trouver les moyens de favoriser la reprise en mains, par les acteurs locaux, de leur propre développement, et de mieux valoriser la débauche d’énergie et de réflexion des intervenants extérieurs. Ces diagnostics nous permettent néanmoins d’obtenir nos diplômes d’ingénieur en novembre de la même année. Le souvenir de la Bolivie, enrichi de nos nouvelles connaissances et de notre meilleure compréhension du milieu de l’aide au développement, reste très présent à notre esprit. Après notre départ, le Centro AGUA avec qui nous sommes restés en contact a poursuivi la réalisation de vidéos à des fins de documentation et d’animation. L’outil vidéo nous apparait puissant s’il est utilisé à bon escient et par des personnes avisées. Après discussions, nous décidons de nous investir dans une activité de prestation de services indépendante, centrée sur l’accompagnement/diagnostic en vidéo. Au-delà du caractère hasardeux de cette nouvelle aventure, le nombre et la complexité des tâches à accomplir dans cette activité audiovisuelle particulière nous encouragent à continuer en binôme. En plus des études et enquêtes préalables, la phase de réalisation et de montage audiovisuelle est très consommatrice en temps et en main d’œuvre, tout comme la phase de diffusion et d’exploitation des produits réalisés. Nous nous donnons un an pour évaluer la pertinence de l’idée et lancer notre entreprise.

Février 2005 –

Afin de parfaire nos compétences audiovisuelles et de manière à avoir un produit de qualité à montrer à de futurs commanditaires, nous nous lançons dans la réalisation d’un documentaire vidéo. Si notre cursus nous permet en effet de prétendre à des postes d’agroéconomistes, rien ne prouve nos compétences vidéo et la qualité technique de notre réalisation bolivienne reste sommaire. Nous nous formons ainsi, seuls, à l’utilisation d’un matériel de montage professionnel, et réalisons en trois mois notre premier documentaire, « Laphia, histoire d’un exemple » (46 minutes), qui nous sera par la suite racheté par Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières et utilisé dans le cadre de leurs actions d’éducation au développement et de plaidoyer.

Octobre 2005 –

Repérés grâce au film Laphia par un consultant de l’Iram (Institut de Recherches et d’Applications des Méthodes de développement), nous signons un premier contrat avec le CCFD (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement) qui organise un voyage d’études en France et en Espagne pour des agriculteurs et des techniciens cubains. L’objectif du séminaire est de leur faire découvrir les principaux rouages socio-institutionnels de ces deux agricultures (le coopérativisme, les lois françaises sur le fermage, les politiques structurelles, les organisations professionnelles agricoles, le syndicalisme paysan, etc.). De son côté le recours à la vidéo vise d’une part à participer, en cours de voyage, à l’animation de la réflexion collective, par le biais de séances de visionnage d’extraits choisis parmi les visites et exposés de la semaine, suivies de discussions. D’autre part il s’agit de réaliser, en étroite collaboration avec les participants, des modules vidéo thématiques synthétisant l’ensemble des données et informations qu’ils ont pu

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recueillir durant leur séjour. Ces modules, réalisés en espagnol, sont destinés à permettre le partage de ces informations à Cuba, en dehors du cadre des seuls participants au voyage. La vidéo est alors un outil d’animation d’un processus cognitif collectif et permet la capitalisation et la diffusion de savoirs. Les participants au séminaire semblent emballés et s’investissent complètement dans la réalisation des séquences. Près de deux heures de vidéo seront finalement montées, soit 9 modules, édités en plusieurs centaines d’exemplaires et diffusés sur place à Cuba par les participants, ainsi qu’en d’autres circonstances et d’autres lieux par les différents accompagnateurs du séjour.

De notre côté nous percevons toujours plus de potentialités d’utilisation de l’outil vidéo, et nous affinons progressivement nos méthodes de travail. En accord avec nos convictions, nous leur donnons une coloration de plus en plus participative. La capacité de mise en relation et de création de lien social de ces exercices de réalisation collective nous amène à envisager de nouvelles pistes. Nous commençons à nous demander dans quelle mesure et selon quelles modalités la vidéo pourrait être utilisée en appui aux processus de concertation multi-acteurs.

Janvier 2006 –

Fortement encouragés par Jean-François Tourrand, du CIRAD, qui a eu vent de nos projets à l’occasion de nos diverses recherches de contrats, puis par Jean-Pierre Prod’homme, de l’INA-PG, qui fut également notre directeur de césure, nous décidons de nous inscrire en doctorat afin d’étudier plus en profondeur le potentiel de la vidéo utilisée de manière participative dans un contexte d’aide au développement. Nous aspirons ainsi à prendre du recul sur des méthodologies empiriques et à évaluer scientifiquement la valeur de nos travaux. Il nous faut dès lors changer d’optique et mettre en œuvre la rigueur méthodologique nécessaire à une telle recherche.

Septembre 2006 –

Sur les conseils de différents membres de notre comité de pilotage, nos propres terrains d’étude, que nous avions initialement réunis en une seule partie et reléguée au second plan par rapport à la bibliographie, sont replacés au cœur de notre recherche.

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Introduction générale

Dans bien des cas, lorsqu’il s’agit d’aménagement du territoire et d’appui au développement, il semble que la prise en compte vraie et juste des divers intérêts de la population locale exigerait une refonte institutionnelle importante des systèmes politiques en place, comme des modalités de mise en œuvre des projets venus de l’extérieur. Trop souvent considérées comme les « bénéficiaires » des politiques et des actions déployées, les populations locales se voient généralement dévolu un rôle passif, les condamnant subir les résultats de décisions prises ailleurs, plus haut, par des « élites » qui savent mieux qu’elles ce qu’il convient de faire. De ce mode de fonctionnement qui méprise les aspirations réelles des personnes, au profit des certitudes des éminences grises du développement, résultent deux conséquences majeures intrinsèquement liées : dans un premier temps, le trop fréquent manque d’adéquation entre des programmes théoriques pour le moins standardisants et les inévitables aspérités du terrain ; dans un second temps, l’absence d’appropriation sur le long terme de ces décisions par les véritables acteurs territoriaux. Si replacer ces derniers au cœur des décisions concernant leur territoire n’est pas une approche qui fait nécessairement l’unanimité, l’applicabilité et l’application effective des politiques et des projets mis en œuvre constituent en revanche le souci permanent des décideurs et des porteurs de projet. Par ailleurs, cette forme de primauté donnée aux populations ne doit surtout pas conduire à renier les capacités scientifiques des experts des nombreuses disciplines mobilisées lors de ces projets (agronomie, ingénierie civile, économie et comptabilité, communication, etc.). Comme un moyen de lutter contre ces innombrables décalages entre les niveaux de prise de décision et les réalités du terrain, et de manière à redonner du poids aux multiples formes de gouvernance locale, le concept « d’approches participatives », né à la fin des années soixante, a rapidement été décliné à toutes les échelles et dans divers domaines, donnant ainsi naissance à de très nombreux outils et méthodes dans le cadre de l’appui au développement (Participatory Rural Appraisal, plateformes multi-acteurs, arènes de concertation, débat public, cartographie communautaire, etc.). Mais, après quarante ans d’existence, les critiques à l’égard de ces approches pourtant de plus en plus sophistiquées sont toujours aussi nombreuses, et les résultats avérés ne sont malheureusement pas encore à la hauteur des espérances. Si ceci résulte pour beaucoup, comme nous l’avons souligné plus haut, de mécanismes sociopolitiques globaux généralement inadaptés, tous ces échecs ne peuvent pas leur être imputés. Ces derniers résultent également du fait qu’il ne suffit pas de décréter la « participation » pour qu’elle s’établisse de manière efficace et équitable entre tous les acteurs. Encore faut-il en effet que chacun veuille et soit en mesure de prendre part aux activités, au même titre que les autres, si l’on veut réellement échapper aux risques de manipulation et éviter les frustrations qui se dissimulent derrière les vitrines participatives des projets, souvent montrées du doigt par les évaluateurs. Cela signifie notamment que les acteurs doivent pouvoir accéder aux mêmes informations, à des espaces d’expression adaptés à leurs aptitudes, avec un minimum de capacités d’analyse et de proposition, et qu’ils soient enfin tous véritablement parties prenantes de l’acte décisionnel final, s’il existe. Un certain nombre de conditions doivent donc être réunies pour que la participation puisse pleinement se concrétiser et produire les fruits que l’on attend d’elle. Et s’il est effectivement important de poursuivre la réflexion autour d’une redéfinition institutionnelle des modalités locales de gouvernance, il est certain qu’en parallèle des outils doivent être mis au point pour permettre aux acteurs locaux, dans toute leur diversité, de se saisir pleinement, et à bon escient, de ces modalités qui restent à inventer.

Face aux multiples asymétries existant entre les groupes d’acteurs plus ou moins directement concernés par la gestion territoriale, la communication apparait comme une solution potentielle

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pour améliorer de la situation. Celle-ci, comprise comme un échange d’informations, peut en effet être un moyen efficace de lutter contre la marginalisation progressive des groupes les plus pauvres, et contre leur écartement des processus de prises de décision les concernant. Par son biais, il s’agit de renseigner les populations quant à leurs droits et leurs devoirs, les projets de développement qui les impliquent, les lois en vigueur, et de leur donner les moyens de s’exprimer par eux-mêmes sur leurs conditions de vie - avec leurs propres mots - pour rendre publiques leurs aspirations. Si cela ne leur permet pas toujours pour autant de prendre eux-mêmes les décisions concernant leur territoire, cela a au moins le mérite d’exercer une certaine pression sur les véritables décideurs, voire de créer des contre-pouvoirs. La communication est alors perçue comme un outil au service de la transparence des processus décisionnels, et comme un outil de désenclavement socioculturel des populations. En outre, elle peut permettre, au travers de divers médias (tels que les journaux écrits, la vidéo, la radio, les contes, les chants, le théâtre...) l’établissement de dialogues entre des groupes n’ayant pas nécessairement l’habitude d’échanger, et briser ainsi, au moins temporairement, certaines barrières liées aux statuts sociaux ou aux incompréhensions linguistiques. Lorsqu’elle est utilisée à de telles fins, les spécialistes parlent alors de Communication Pour le Développement (CPD). Les formes empruntées par la CPD et les outils mobilisés sont très divers, allant du marketing social télévisuel massif aux spectacles interactifs et itinérants de marionnettes en milieu rural. Parmi ceux-ci la vidéo présente un certain nombre d’atouts qui lui sont spécifiques. Certains peuvent sembler évidents a priori : la visualisation des porteurs de points de vue et la possible illustration de leurs propos, la reproductibilité du support et la diffusion potentiellement massive, notamment. Mais d’autres le sont moins, comme c’est le cas du caractère possiblement interactif de son utilisation : le fait de pouvoir faire participer les spectateurs à la conception même de la vidéo, afin de leur donner accès à un outil de représentation de leurs perceptions de leur réalité ; et la possibilité, par ce biais, de mettre en relation diverses représentations afin de favoriser le dialogue entre des groupes d’intérêt distincts. Les expériences de Communication Pour le Développement appuyées par vidéo sont relativement nombreuses dans la littérature. Et récemment, au gré notamment de l’évolution rapide de la technologie numérique et du succès croissant des approches participatives, a (re-)surgi le concept encore relativement flou de « Vidéo Participative » (VP). En permettant la confrontation des représentations individuelles dans un premier temps puis la construction collective d’une représentation plus partagée, à défaut d’être consensuelle, la vidéo utilisée de manière participative semble pouvoir permettre de trouver des pistes de compromis, des alternatives nouvelles, et même de restaurer, voire d’instaurer, un dialogue. La vidéo fonctionne alors comme un objet intermédiaire. Mais peut-elle permettre de rééquilibrer les capacités de participation de chaque acteur à un processus réflexif et/ou décisionnel commun, comme nous en avons identifié le besoin ? Voilà résumée la question centrale de notre travail de recherche, dont l’objet d’étude, la Vidéo Participative, reste encore à définir avec précision.

Pour tenter de répondre à cette question, nous avons choisi comme champ d’application privilégié la gestion des ressources naturelles. Ceci se justifie par la nature territoriale et politique des problématiques qui y sont liées, qui impliquent presque systématiquement un grand nombre d’acteurs aux intérêts divergents, voire contradictoires. Ceci s’explique également par la prolifération somme toute assez récente des processus concertation mis en place dans ce domaine et visant la prise en compte de l’ensemble des intérêts des parties prenantes. Enfin, la relation aux ressources naturelles renvoie à des dimensions affective et culturelle, qui n’apparaissent pas toujours rationnelles aux regards extérieurs, mais doivent entrer en ligne de compte dans l’élaboration et l’application des plans locaux de gestion. Le recours à la Vidéo Participative peut-il aider à l’accompagnement de ces processus de concertation, en assurant leur qualité, autant du point de vue de leur déroulement que du point de vue de leur résultat ? La Vidéo Participative peut-elle constituer un moyen de cheminer collectivement vers une représentation partagée de la problématique et de l’objectif de gestion à atteindre ? Le principe de la VP n’étant pas réellement arrêté, nous l’avons déjà souligné, et les modalités de participation des différents acteurs pouvant donc varier considérablement d’une intervention à une autre (influant du même coup sur la qualité

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du processus de concertation accompagné), nous étions poussés à réaliser nos propres expérimentations afin d’espérer en contrôler tous les paramètres. Notre formation à l’analyse comparative des systèmes agraires ainsi que l’importance des facteurs socioculturels dans les processus de concertation, de participation et plus largement de communication, nous ont convaincus de travailler sur des zones contrastées. Associée aux opportunités concrètes de travail qui se sont présentées, cette exigence nous a conduits à expérimenter le recours à la VP en appui à des processus cognitifs collectifs dans deux pays, l’Equateur et le Mali, qui viendront compléter les observations issues de notre première expérience, réalisée en Bolivie deux ans avant le démarrage de cette thèse (cf. préamblule).

Organisation de l’ouvrage

Les aspects méthodologiques se sont révélés primordiaux dès l’origine de notre recherche. Travaillant en effet sur un sujet assez original, il nous a notamment fallu mettre au point l’ensemble de nos méthodes d’intervention, puis nos méthodes de récolte et d’analyse des données, et enfin établir nos propres grilles de lecture susceptibles de mettre en évidence et évaluer l’impact à court, moyen puis long terme d’une intervention de Vidéo Participative sur le traitement d’une problématique environnementale, et sur le fonctionnement global du système d’acteurs concerné. La méthodologie ici proposée se veut reproductible et ajustable à l’étude de l’impact de tout autre type d’outils participatifs d’accompagnement de processus cognitifs collectifs. Nous avons construit cette thèse en cinq parties d’égale importance.

La première partie s’attache à présenter notre positionnement théorique, notamment vis-à-vis des deux champs, centraux dans notre travail, que sont le Développement et la Communication. On y décortique ensuite la construction et la légitimité de notre question de recherche et des hypothèses associées au regard des débats scientifiques actuels, avant de justifier les protocoles d’expérimentation et d’analyse qui seront suivis sur le terrain. Dans un premier chapitre, après avoir brièvement décrit les grands paradigmes du développement puis de la communication, nous mettons leurs évolutions respectives en parallèle, de manière à redéfinir le rôle de ce que nous nommerons par la suite « l’animateur du développement local ». Ce chapitre s’achève sur la présentation des quelques expériences pionnières de Vidéo Participative (VP) et l’identification des atouts de ces approches. Le second chapitre nous permet alors de proposer d’emblée notre propre définition du concept de VP afin de fixer la signification de ce terme pour toute la suite de notre recherche. Nous expliquons ensuite notre choix de travailler dans le cadre spécifique des dynamiques de concertation autour de la gestion des ressources naturelles, puis approfondissons cette notion de concertation, notamment dans le but de mieux appréhender sa composition, ses critères de qualité ainsi que les outils existants permettant de l’appuyer : notre objectif est d’identifier précisément les besoins en termes d’accompagnement, afin de questionner l’intérêt du recours à l’outil vidéo. Ce chapitre se conclut sur la formulation de la question de recherche. Le troisième et dernier chapitre de cette partie présente les différentes écoles et outils théoriques nous permettant d’éclairer sous différents angles nos hypothèses et notre questionnement. Nous nous référons notamment à la sociologie des organisations, à l’analyse stratégique de la gestion environnementale, à l’économie des grandeurs, à la théorie de l’acteur réseau, ou encore à celles des objets intermédiaires et de l’ethnométhodologie. Nous puisons dans ces théories les moyens de proposer un protocole de recherche rigoureux et d’élaborer nos propres méthodes d’analyses, destinées à apporter des éléments de réponse pertinents et spécifiques à notre question de recherche. Ce chapitre est également l’occasion d’aborder les tensions internes inhérentes à tout processus de recherche-action, et les principes que nous suivrons sur le terrain, dans la mesure du possible, afin de nous y soustraire.

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Les parties deux à quatre présentent tour à tour nos trois terrains d’expérimentation, à savoir la Bolivie, l’Equateur et le Mali. Notre attention s’y concentre sur les rôles et les modalités d’implication concrètes de chaque acteur concerné par l’intervention de VP (intervenant vidéo compris). Ces expérimentations constituent les véritables piliers de notre démarche de recherche et sont les garants de l’existence d’un lien très fort entre nos questionnements théoriques et les besoins et réalités de l’action de terrain. Ceci explique l’importance quantitative qui leur est attribuée et leur place centrale dans cet ouvrage. Chacune de ces parties propose tout d’abord une présentation fine du contexte socio-historique local permettant de saisir la composition et le fonctionnement du système d’acteurs local concerné par l’intervention. Après avoir présenté l’origine et les objectifs spécifiques de l’intervention, nous décrivons les protocoles d’action prévus pour le test des hypothèses, avant d’expliciter ceux réellement suivis du fait des contraintes de terrain. Enfin, nous analysons l’ensemble des données recueillies et présentons les résultats relatifs à la mission en elle-même, puis ceux relatifs à notre recherche proprement dite.

La cinquième et dernière partie nous permet, au travers d’une analyse comparative des protocoles suivis et des résultats obtenus sur nos terrains d’expérimentation, de tirer, dans un premier chapitre, un certain nombre de conclusions au regard de nos hypothèses et de notre question de recherche, notamment sur les liens existants entre les degrés/modalités de participation des acteurs locaux et la qualité des processus de concertation accompagnés. Le second chapitre vise à élargir notre raisonnement et notre appréciation de l’intérêt du recours à la Vidéo Participative en appui au développement, en proposant une analyse bibliographique d’une cinquantaine d’expériences de VP recensées dans le monde. L’analyse des objectifs poursuivis et des démarches mises en œuvre nous conduit à proposer une typologie fine des ces interventions de VP, permettant de mettre en relief les ambiguïtés des processus participatifs. Enfin, au sein du troisième et dernier chapitre nous tentons d’ouvrir le débat et d’explorer d’autres horizons de recherche. Nous y abordons notamment les questions d’ordre déontologique liées à ce type d’intervention et proposons quelques pistes de réflexion visant à étudier les possibles complémentarités entre divers outils d’accompagnements, et notamment ceux développés par le réseau ComMod. Ce chapitre final est ainsi destiné en priorité à des praticiens désireux de mettre en place des protocoles d’intervention comparables aux nôtres.

Bien que cette cinquième partie puisse être considérée comme une conclusion approfondie, nous prenons tout de même finalement le temps de récapituler, en quelques lignes finales, les principaux éléments issus des résultats de nos investigations, et proposons quelques pistes de prolongement pour la recherche.

Nous vous souhaitons une bonne lecture, en espérant que nos travaux puissent vous apporter un éclairage nouveau sur vos propres activités de recherche, ou vous inspirer quant à la mise au point d’interventions de terrain pour appuyer les dynamique locales de développement et renforcer le poids des acteurs locaux dans les prises de décision concernant leur territoire.

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Première partie

POSITIONNEMENT

THEORIQUE, CONSTRUCTION

DE L’OBJET ET DU PROTOCOLE

DE RECHERCHE

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CHAPITRE I

La communication au service du développement : d’une utilisation

massive et standardisée des médias à un usage localement maîtrisé

Section 1 : Naissance, affirmation et limites du concept de participation dans les pratiques du développement

PAGE 23 1.1 La « modernisation » : première conception de l’aide au développement

PAGE 25 1.2 Redéfinition des notions de développement et de pauvreté et réhabilitation du facteur humain

PAGE 27 1.3 La participation : entre fin et moyen pour le développement

PAGE 30 1.4 Elaboration de nombreuses démarches participatives

PAGE 31 1.5 Les critiques récurrentes à l’encontre des démarches participatives

Section 2 : La communication dans une perspective de développement

PAGE 34 2.1 Précisions sur l’objet de la section

PAGE 35 2.2 Un lien historique entre communication et développement

PAGE 38 2.3 La télévision et les NTIC face à la démocratie et au changement social

PAGE 42 2.4 Première définition et bref historique des principales tendances de la Communication Pour le Développement (CPD)

PAGE 46 2.5 Les apports d’un pionnier : Paulo Reglus Neves Freire

PAGE 48 2.6 La Communication Pour le Développement, aujourd’hui

PAGE 50 2.7 Un nouveau regard porté sur les médias et leur utilisation afin d’appuyer les processus de développement local

Section 3 : Découverte du potentiel présumé des approches participatives de production audiovisuelle pour l’appui au développement

PAGE 53 3.1 Une expérience pionnière de Vidéo Participative : le « Fogo Process »

PAGE 57 3.2 Développement de la « pédagogie audiovisuelle massive » en Amérique du

Sud et en Afrique

PAGE 63 3.3 Intérêts d’une utilisation participative de la vidéo dans une stratégie de

communication pour le développement

CHAPITRE II

Délimitation du concept de Vidéo Participative, identification des

problématiques liées aux dynamiques de concertation pour la gestion du

territoire, et élaboration notre question de recherche

Section 1 : Première définition de la Vidéo Participative

PAGE 65 1.1 Innovations technologiques et multiplication des interventions vidéo de

communication pour le développement

PAGE 67 1.2 Quel sens attribuons-nous à l’expression « Vidéo Participative » ?

PAGE 68 1.3 Qu’apporte cette nouvelle définition de la VP par rapport aux définitions existantes ?

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PAGE 70 1.4 Schématisation du processus de production d’une Vidéo Participative

Section 2 : Approche théorique des processus de concertation

PAGE 72 2.1 Qu’est-ce que la « concertation » ? Explicitation du concept

PAGE 77 2.2 Les modes d’interactions entre individus ou groupes : composants possibles

d’une de concertation

PAGE 79 2.3 Projets de développement : quels participants pour la concertation ?

PAGE 84 2.4 Processus ou produit ? De l’évaluation de la « réussite » d’une concertation

Section 3 : Quels outils ou méthodes pour une aide à la concertation ?

PAGE 88 3.1 Des outils pour assurer la qualité de la concertation

PAGE 89 3.2 Quels sont les outils d’aide à la réflexion collective proposés dans le domaine

de la gestion territoriale ?

PAGE 93 3.3 Les outils de la « modélisation d’accompagnement »

PAGE 97 3.4 Face aux caractéristiques des outils existants, quelle place pour la Vidéo Participative ?

Section 4 : Elaboration de la question de recherche et des hypothèses

PAGE 97 4.1 De la qualité des processus de concertation et des potentialités des démarches de VP

PAGE 99 4.2 Une problématique centrée sur les acteurs du développement

PAGE 100 4.3 Question principale et hypothèses de recherche

CHAPITRE III

Choix des terrains d’étude et élaboration des protocoles d’expérimentation

Section 1 : Choix raisonné des sites d’études

PAGE 103 1.1 Une expérimentation de terrain indispensable à la récolte de données pertinentes

PAGE 103 1.2 Les différents scénarios envisageables pour organiser nos expérimentations

de terrain

PAGE 104 1.3 Un choix des terrains déterminé par nos contraintes matérielles

PAGE 105 1.4 Atouts et contraintes d’expérimentations dans des contextes culturels variés

Section 2 : Les outils d’analyse théorique mobilisés dans la recherche

PAGE 107 2.1 La sociologie des organisations

PAGE 117 2.2 Apports méthodologiques de l’ASGE pour l’analyse des concertations

PAGE 124 2.3 La théorie des grandeurs

PAGE 128 2.4 Apport de l’analyse des médiations territoriales

PAGE 134 2.5 La théorie des objets intermédiaires

Section 3 : Positionnement global : un chercheur conscient de son implication dans le système d’acteurs et des limites de sa légitimité d’intervention

PAGE 138 3.1 Préalable théorique : l’interactionnisme symbolique et l’ethnométhodologie,

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PAGE 141 3.2 Une approche méthodologique qui lie intimement le chercheur avec le terrain

et les acteurs

PAGE 142 3.3 Un chercheur engagé dans l’action, de par la nature de ses recherches mais

aussi par devoir moral

PAGE 144 3.4 Un engagement sur le terrain qui se veut respectueux de la maîtrise locale

des dynamiques de développement

PAGE 146 3.5 La « modélisation d’accompagnement » selon ComMod

Section 4 : Elaboration des démarches d’intervention

PAGE 150 4.1 L’ambiguïté d’un objet d’étude entièrement élaboré par le chercheur au cours

même de sa recherche

PAGE 150 4.2 Les principales variables d’ajustement de la méthode d’accompagnement

assistée par vidéo

PAGE 155 4.3 Les méthodes de collecte des données

Section 5 : Construction d’outils pour l’analyse du déroulement et des résultats des expérimentations

PAGE 156 5.1 Construction d’une grille de lecture générale

PAGE 159 5.2 Construction du tableau séquentiel visant à caractériser les fonctions de

productions et leur prise en charge

PAGE 166 5.3 Etude du déroulement des réunions de projection-débat et construction d’une

grille d’analyse conversationnelle

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Chapitre I

La communication au service du

développement : d’une utilisation

massive et standardisée des médias à un

usage localement maîtrisé

Section 1 : Naissance, affirmation et limites du concept

de participation dans les pratiques du développement

L’ambition de cette première section est de resituer les approches dites participatives dans le cadre plus large du développement, rural essentiellement, et d’en discuter les objectifs et les limites. Ce sera par ailleurs pour nous l’occasion de préciser notre propre positionnement vis-à-vis des diverses conceptions du développement. Ces dernières ayant fait l’objet de très nombreuses descriptions détaillées (G. Azoulay, 2002, B. Prévost, 2005, J.-P. Chauveau, 2006, plus récemment A. Jones et bien d’autres), nous ne nous y attarderons pas plus que nécessaire. Nous aborderons donc rapidement l’évolution des principaux paradigmes ayant guidé les pratiques du développement lors des dernières décennies, avant de nous intéresser plus en profondeur à l’émergence du concept de participation. Nous verrons qu’une certaine ambiguïté persiste autour de ses objectifs, et que de nombreuses critiques sont formulées, à juste titre, à son encontre. Néanmoins, un consensus se dessine tout de même au sein des ONGs, des institutions internationales, des organismes bilatéraux et parmi les « experts » du développement autour de l’intérêt de cette approche. De nombreux outils et méthodes sont donc développés en ce sens ; nous en passerons quelques-uns en revue pour mieux appréhender leurs atouts et leurs contraintes.

1.1 La « modernisation » : première conception de l’aide au

développement

1.1.1 Caractérisation du paradigme

Traditionnellement on envisage les actions dites « d’appui au développement » à partir de la fin de la seconde guerre mondiale, dans un contexte de décolonisation et d’acquisition d’indépendances politiques dans les pays du Tiers Monde. Si la question de l’existence d’une pratique du développement dans le cadre des activités coloniales (et le cas échéant de sa nature) est une question tout à fait intéressante, elle ne fera pas ici l’objet d’une discussion.

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Dans les années 40 et 50, les anciennes puissances coloniales et les toutes récentes institutions financières internationales ont mis en place des programmes d’appui au développement reposant sur l’exemple récent de la croissance des pays occidentaux, à savoir le développement industriel. L’Amérique du Nord était le modèle à suivre par excellence. Largement inspirés par la pensée économique libérale néo-classique (A.O. Hirschman, 1958) ces programmes prônaient un investissement massif dans l’économie et les infrastructures des pays sous-développés, afin de favoriser leur modernisation et leur industrialisation, et par là-même leur croissance. Le développement était alors perçu comme intimement et exclusivement lié à cette dernière. Il s’agissait de rattraper un « retard économique » (H. Leibenstein, 1957, A. Gerschenkron, 1962) pour permettre la croissance et de manière automatique l’augmentation des revenus trop faibles (considérés à l’époque comme l’unique facteur de pauvreté) par redistribution équitable de ses bienfaits, suivant le fameux principe du « trickle down effect » (effet de retombée) issu de la théorie néo-classique. Cette conviction s’est traduite par l’élaboration de programmes d’appui au développement standardisés, proposés de manière paternaliste et visant à promouvoir un modèle de développement unique (W. W. Rostow, 1963). Ce paradigme est aujourd’hui souvent mentionné sous le terme de « modernisation ». Dans le domaine agricole, cette approche était fondée sur la transmission verticale de paquets techniques conçus pour l’intensification des cultures (semences, engrais, mécanisation).

1.1.2 La « modernisation » sous le feu des critiques

Les résultats obtenus par ces approches ont très vite été l’objet de vives critiques1. Là où

la croissance et les investissements furent forts, la pauvreté persistait. Le « trickle down

effect » fut remis en cause et des auteurs évoquèrent même la notion de « croissance perverse » (I. Sachs, 1977) dans certains contextes sociopolitiques (fortes disparités de

revenus, existence d’une ploutocratie, importance des phénomènes de corruption, etc.). Il fallait bien le reconnaître, à la fin des années 60 la majorité de ces programmes d’appui au développement étaient des échecs cuisants. Ils se révélaient dans la majorité des cas inadaptés aux contextes sociaux, culturels et politiques, car calqués sur un modèle étranger, et ne prenaient aucunement en considération les attentes et besoins ressentis et exprimés par les populations locales, car mis en place de manière paternaliste, sans implication aucune des futurs bénéficiaires. Remis en question au Nord comme au Sud, ce modèle a progressivement dû évoluer sous l’influence militante de certaines ONG locales et internationales et de certains chercheurs parmi les plus engagés. C’est ainsi par exemple que l’on a vu émerger dans les années 60-70 le paradigme de la « dépendance », porté entre autres par Samir Amin, Fernando Henrique Cardoso ou Raul Prebisch. Cette théorie affirme que les pays riches ont besoin des plus pauvres pour assurer la continuité de leur croissance. Il devient donc impossible pour ces derniers de se développer, puisque le développement des pays du Nord repose justement sur leur propre sous-développement. Il s’installe ainsi un phénomène de dépendance entre riches et pauvres, du centre sur la périphérie, hérité de l’époque coloniale, et entretenu par une série de mesures et de contraintes mises en place par le Nord (financières et légales en particulier) et par un système de transfert technologique volontairement défaillant. Selon cette théorie, radicale sur certains aspects, les obstacles au développement ne sont pas internes au pays, mais externes, à l’exemple du système économique mondial. Il convient alors

1En France notamment, nous pouvons citer Louis-Joseph Lebret (dominicain, fondateur d’Economie et humanisme, un centre de recherche et d’action en économie) et François Perroux (économiste et professeur au Collège de France) qui ont sans aucun doute été parmi les pionniers de la contestation de la théorie néoclassique, dés les années 40, et notamment de l’équilibre général proposé par Léon Walras. Ils prédisaient alors et condamnaient par anticipation la dictature de l’économie marchande. Ils défendaient la notion « d’économie humaine », et « d’économie politique », se proposant de remettre l’économie au service de l’homme. On leur doit notamment cette célèbre formule : « le développement de tout l’homme et de tous les hommes » (Cf. L.-J. Lebret, « Suicide ou survie de l’Occident ? », 1968).

Références

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