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conscient de son implication dans le système d’acteurs et des limites de sa légitimité d’intervention

3.4 Un engagement sur le terrain qui se veut respectueux de la maîtrise locale des dynamiques de développement

3.5.2 Explicitation de la posture

Considérant les systèmes sociaux et biologiques - et leur interaction - comme des systèmes complexes156, le groupe ComMod met en avant l’imprévisibilité du résultat de l’accompagnement, qui consiste dès lors essentiellement en « favoriser le système

d’interactions qui préside au changement ». La démarche ComMod consiste ainsi à

accompagner un processus collectif de prise de décision pour modifier les interactions dans le système socio-environnemental, et donc son fonctionnement. « L’accompagnement se situe en

amont de la décision technique, pour appuyer la réflexion des différents acteurs concernés […] il s’agit de donner au collectif les moyens de prendre en charge au mieux les incertitudes de la

153 La démarche ComMod se veut constructiviste en ce qu’elle vise à assister la construction de représentations collectives : l’accompagnement du groupe vers la prise de décision passe entre autres par la recherche d’un cadre interprétatif ou de points de vue communs, à partir des interprétations individuelles. Le modèle doit aider à atteindre cet objectif.

154 Parmi lesquels les objets intermédiaires (pour faciliter la communication au sein d’un système d’acteurs hétérogène), les théories de la justification de Boltanski et Thévenot ou l’analyse stratégique (essentiellement les principes établis par Mermet, Mermet et al. 2005) pour comprendre les principes qui sont derrière les actions entreprises par les acteurs.

155 Funtowicz S. O. and J. R. Ravetz. (1993). Science for the post-normal age. Futures 25 (7), pp : 739-755.

156 « Un système complexe peut être défini comme un système composé de nombreux éléments différenciés interagissant entre eux. Il se caractérise par l'émergence au niveau global de propriétés non observables au niveau des éléments constitutifs, et par une dynamique de fonctionnement global non prédictible à partir de l'observation et de l'analyse des interactions élémentaires » Weisbuch G. (1991). Systèmes complexes et comportement générique. In : Les théories de la complexité. Autour de l'oeuvre de Henri Ataln. edited by : F. Fogelman Soulié, Seuil. / Wolfram S. (1984). Cellular automata as models for complexity. Nature 311, pp : 419-424 / Langton C. G. (1992). Life at the edge of chaos. In : Artificial Life {II}. edited by : C. G. Langton, C. Taylor, J. D. Farmer and S. Rasmussen, Addison-Wesley. pp : 41-91.

situation examinée en commun. La démarche d’accompagnement vise ainsi à favoriser la qualité du processus qui a conduit à la décision et à établir les conditions du suivi et de sa révision éventuelle » (Collectif ComMod, 2007). La posture associée est claire : le chercheur

produit des connaissances sur le système de GRN et sur la démarche d’accompagnement qui est son objet d’étude, mais il est aussi acteur du système, porteur d’un point de vue qui n’est pas neutre, et promoteur du changement. La charte ComMod esquisse un cadre déontologique autour de quatre points :

la transparence des hypothèses et des procédures sous-jacentes

l’affichage clair des domaines d’utilisation des modèles développés

l’implication volontaire du chercheur dans le processus

la remise en cause en continu de la démarche proposée.

Dans ce type d’approche le chercheur est amené à concilier de multiples casquettes, « messager de la pluralité des points de vue », porteur de savoir parmi d’autres, animateur du processus, « expert », le tout dans une position générale de fait ambiguë. « Quelle doit être la

réaction du chercheur si la décision collective va à l’encontre de ce qu’il connaît [ou pense connaître, nda] de l’évolution du système ? La démarche ComMod et tous les courants qui l’appuient insistent sur la qualité du processus plus que sur la solution qui va en découler : doit-on en conclure que toute solution « bien » agréée est bonne ? Comment en évaluer la pertinence? » (Collectif ComMod, 2007). L’attitude que le chercheur est ainsi censé adopter est

équivoque et potentiellement contre-nature. Elle est difficile à tenir et suppose le développement d’une compétence qui ne s’acquiert pour l’essentiel qu’au travers de la pratique. Si les spécificités de ce rôle et ses garde-fous sont sans cesse remis en question et précisés par les chercheurs du collectif, ils restent néanmoins conditionnés par un objectif explicite sur le terrain : « La démarche d’accompagnement, acceptant l’incomplétude des

analyses techniques ainsi que la subjectivité des choix d’avenir, suggère que l’enjeu n’est pas de déceler la « bonne » solution, en particulier technique, mais de faire émerger un processus de décision qui soit, dans sa forme, le plus alimenté en informations utiles et le plus ouvert possible. » (P. D’Aquino et al., 2002)

Cette posture conclue ce chapitre car elle nous semble en accord avec toutes les considérations de « positionnement » exposées précédemment.

Encadré 2 : Une question de recherche liée à cette posture : le collectif comme enjeu ou comme moyen ?

(Extrait de Collectif ComMod, 2007) « La question est ici celle de l’objectif de l’apprentissage collectif : est-ce la structuration

des organisations de base et le développement d'une démocratie participative (le collectif est l’enjeu) ou bien la recherche d'orientations consensuelles pour un objectif donné (le collectif est le moyen d’arriver à cette fin) ? […] Il n'est pas prouvé que de transférer les pouvoirs de décision aux acteurs locaux soit, à tous les coups, efficace, au moins à court terme, mais la structuration des populations et la démocratisation ("empowerment") y sont considérées comme la seule façon d'aboutir à terme à un développement durable. D'un autre côté, se fixer un enjeu "thématique" (environnement, productivité, durabilité,…) implique des orientations méthodologiques qui ne visent pas toutes la démocratisation […]. Selon la classification de Groot and Maarleveld [1], ces deux objectifs correspondent l’un à une rationalité stratégique (le collectif comme moyen) et l’autre à une rationalité dialogique vue plus haut (le collectif comme enjeu).

Ces deux rationalités impliquent des formes de facilitation du processus différents. Si le collectif est l’enjeu, tout sera mis en œuvre pour impliquer le maximum de catégories d’acteurs dans la création d’un protocole d’interaction. Si par contre, le collectif n’est qu’un moyen, la constitution du collectif d’acteurs en charge dépend fortement de la structuration ou non du problème posé.

La posture adoptée par le groupe travaillant sur l’analyse stratégique qui se définit des objectifs de changement et choisit les acteurs de changements qui sont les plus à mêmes d’atteindre ce changement semble s’opposer sur les principes à la démarche ComMod, qui prétend prendre en compte toutes les parties prenantes dans une rationalité communicationnelle. Mais, en pratique, est-il toujours vrai que le chercheur ComMod aborde le processus sans idée sur le dysfonctionnement du système et sans intention que le processus conduise à une amélioration, de son point de vue ? En prenant les exemples pour lesquels le processus s’est établi, n’observe-t-on pas qu’il s’est déroulé avec un groupe bien particulier d’acteurs du début à la fin, conducteurs du changement pour l’ensemble de la collectivité ? Le débat reste ouvert à ce sujet mais voici un point d’argumentation : la démarche ComMod consiste à tenter de rassembler les différents acteurs concernés par un enjeu donné ou engagés dans la construction de nouveaux protocoles d’interactions. […] Il s’agit bien de mettre en place un dialogue entre les porteurs d’enjeu. […] Que le collectif soit l’enjeu ou le moyen pour résoudre un problème, le rôle de celui ou de ceux qui initient une démarche ComMod est d’aider à la constitution progressive d’un groupe qui prendra en charge ce problème plutôt que de bien identifier un groupe et de l’amener à résoudre ce problème. »

Remarque : « Moyen » et « fin » ne sont peut-être pas exclusifs l’un de l’autre. L’expérience montre qu’il est difficile de gérer des réunions avec de nombreux acteurs en même temps. En ce sens, le recours au collectif est un « moyen » qui doit rester prêt à se transformer en une « fin », en étant toujours « ouvert » à (voire en encourageant constamment) l’incorporation de nouveaux acteurs sans distinction avec ceux déjà membres du réseau.

1 : Groot A. and M. Maarleveld, 2000, “Demystifying Facilitation in participatory development”, Gatekeeper Series, IIED

Section 4 : Elaboration des démarches d’intervention

4.1 L’ambiguïté d’un objet d’étude entièrement élaboré par

le chercheur au cours même de sa recherche

Notre travail s’inscrit dans un projet de recherche-action. Nous l’avons vu, la démarche que nous nous proposons d’étudier, fondée sur la réalisation de différents travaux vidéo pour accompagner, voire susciter des dynamiques de concertation, n’est pas préexistante à cette thèse. Il s’agit donc pour nous de la concevoir et de la proposer a priori, avant de la soumettre à l’expérimentation. Ceci présente d’emblée une ambiguïté qu’il nous faut souligner. En termes « d’action », l’objectif d’une telle démarche d’accompagnement ne peut être que la recherche d’un processus de concertation qui soit juste, transparent, ouvert et accessible à tous, et orienté vers une « meilleure » gestion locale des ressources. Son élaboration sera donc nécessairement pensée dans le sens de la validation de nos hypothèses H1 et H2, puisque nous aspirons à proposer une méthode d’intervention utile dans la pratique. Ceci suppose que l’objet d’étude en lui-même évolue : les facteurs d’échec identifiés au cours de chaque expérimentation doivent nous permettre de modifier certains aspects de la démarche d’accompagnement afin de l’améliorer. Cette ambiguïté nous oblige à prêter une attention particulière à l’identification des résultats (positifs ou négatifs) relevant spécifiquement de l’outil vidéo et ceux relevant de la méthode d’intervention. Elle nous pousse également à être d’autant plus critiques quant à l’identification et l’analyse des critères d’invalidation de nos hypothèses.

Ainsi nos démarches d’intervention évoluent d’un terrain à un autre selon deux directions : renforcer l’efficacité de la démarche et tester nos hypothèses (en particulier H3, en faisant varier comme nous le verrons les degrés et modes d’implication respectifs des intervenants vidéo et des acteurs locaux). S’il est vrai que cette façon de faire ne suit pas strictement l’itinéraire hypothético-déductif classique de la recherche scientifique et complique l’exercice de comparaison des différentes expérimentations, elle nous invite surtout à faire preuve d’une extrême rigueur dans l’analyse de nos résultats.

4.2 Les principales variables d’ajustement de la méthode

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