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4.1 De la qualité des processus de concertation et des

potentialités des démarches de VP

Nous avons parcouru dans les précédentes sections toute la diversité des processus de concertation existants. Nous avons souligné leur utilisation de plus en plus fréquente, notamment dans le cadre de la gestion territoriale, ainsi que leurs principales caractéristiques (Cf. P1, Chapitre 2, Section 2). Nous avons également passé en revue les principaux outils et méthodes mis à disposition des décideurs, des experts ou autres animateurs pour accompagner, à différents moments, ces processus collectifs (Cf. P1, Chapitre 2, Section 3). Cette rapide analyse a montré que du coté des outils et méthodes d’appui à la concertation, il reste un certain nombre d’obstacles à franchir si l’on souhaite garantir une certaine « qualité »

de ces processus (Cf. P1, Chapitre 2, § 2.4). Nous avons alors explicité l’intérêt potentiel d’outils permettant d’assurer, au moins en partie, une « structuration » de la concertation favorisant sa qualité potentielle. S’il n’est pas pour autant question de déconsidérer totalement une approche centrée sur la pertinence du résultat de la réflexion collective, ces outils dits « de structuration » mettent malgré tout l’accent sur le processus plutôt que sur le produit de la concertation (Cf. P1, Chapitre 2, § 2.4).

Nous l’avons vu (Cf. P1, Chapitre 2, § 2.4.3), de tels outils doivent permettre (i) de valoriser les modes d’interactions locaux préexistants pour renforcer la légitimité et l’impact de la concertation ; (ii) l’identification et l’implication, sous une forme ou une autre et au bon moment, de l’ensemble des acteurs appropriés, pour permettre l’avancement de la concertation ; (iii) l’équilibrage des poids des participants, que ce soit dans la réflexion collective ou dans la ou les décisions finales si elles existent, en permettant notamment l’expression et l’écoute de tous et le dépassement des différences d’instruction, de langage, de rationalités, de valeurs, de pouvoir, etc. ; (iv) un partage plus égal des diverses informations et connaissances disponibles sur l’objet de la concertation et nécessaires à sa bonne compréhension. Nous avons vu également que de tels outils et méthodes, lorsqu’ils autorisent une maîtrise réelle du processus par le propre collectif engagé dans la concertation, constituent bien souvent un plus pour la pérennisation du fruit des discussions et l’adéquation avec les attentes locales des éventuelles décisions qui en sont issues78 (Cf. P1, Chapitre 1 § 2.7). Ces outils sont également censés garantir une certaine ouverture au processus, et éventuellement permettre l’incorporation de nouveaux participants, si le besoin s’en fait sentir au sein du collectif ou à l'extérieur, et lorsque le collectif est effectivement prêt à les accueillir. Enfin, ces outils et les hypothèses justifiant leur recours doivent être pleinement intelligibles pour l’ensemble des parties prenantes de façon à ne pas être perçus comme des boîtes noires, et limiter les risques de manipulation par certains acteurs qui chercheraient uniquement à en convaincre d’autres du bien fondé de leur point de vue (Cf. P1, Chapitre 2, Section 3).

Parallèlement, les descriptions de quelques-unes des expériences pionnières qualifiées de « Vidéo Participative » (Cf. P1, Chapitre 1, Section 3) nous ont permis d’identifier, en nous fiant aux dires de leurs promoteurs, un certain nombre d’atouts et de potentialités propres à ce type de démarche en ce qui concerne la mise en place et la régulation de nouvelles formes d’interactions et de nouveaux canaux de communication entre acteurs. Parmi les plus intéressants, nous pouvons citer plus particulièrement : l’interactivité, la transportabilité et la reproductibilité, l’intelligibilité, la mise sur un pied d’égalité, et l’ouverture (Cf. P1, Chapitre 1, § 3.3). Enfin, si dans les années 60 et 70 les expériences de Vidéo Participative étaient relativement lourdes à mettre en œuvre, nous avons vu que l’évolution technologique des 15 dernières années laisse entrevoir aujourd’hui de nouvelles perspectives d’utilisation de ces démarches, plus opérationnelles et moins coûteuses (Cf. P1, Chapitre 2, § 1.1).

Tout ceci nous amène finalement à nous poser la question de la pertinence d’un éventuel recours à une démarche de Vidéo Participative pour structurer un processus de concertation. Afin d’apporter des éléments de réponse à cette interrogation, et du fait du relativement faible nombre d’interventions de VP intimement associées à un processus de ce type, il nous faut conduire nos propres expérimentations de terrain.

Nous allons voir pourquoi la gestion des ressources naturelles nous a semblé constituer un champ d’application particulièrement adapté.

78 Même si comme nous le verrons, le rôle et l’importance de « personnes-moteurs » (qu’il s’agisse de porteurs de projet, d’experts…) éventuellement externes à la problématique peuvent être extrêmement bénéfiques à l’avancement du processus de concertation.

4.2 De l’importance de la concertation dans la gestion des

ressources naturelles

La bonne gestion des ressources naturelles est aujourd’hui un enjeu majeur, perçu par l’ensemble de la communauté scientifique. Selon Jacques Weber : « De nombreux conflits sont

perçus comme politiques ou religieux, qui plongent en fait leurs racines dans des conflits d’accès à ou d’usage des ressources renouvelables. Ainsi se présentent les guerres entre Mauritanie et Sénégal, entre Israéliens et Palestiniens, la révolte casamançaise, les conflits supposés « ethniques » en Assam et ailleurs (Homer- Dixon et al., 1993) ou le durcissement des relations entre l'Egypte et le Soudan pour la maîtrise du Nil » (Weber J., 1995). Si les

besoins en ressources naturelles sont partagés par l’ensemble de l’humanité, leur répartition non homogène sur la Terre entraîne des phénomènes de dépendance, des jalousies, et des conflits parfois extrêmement violents. Et l’accroissement incessant de la population mondiale accentue un peu plus encore la pression sur ces ressources.

Puisque les ressources naturelles existent en quantité limitée et que leurs usages et leurs usagers sont multiples, il est indispensable d’organiser leur partage, et la mise au point d’une gestion adéquate suppose généralement la mise en confrontation de points de vue et d’intérêts divers, parfois contradictoires. La nécessité de trouver un mode de gouvernance respectueux de l’ensemble des besoins du groupe conduit à la mise en œuvre de processus multi-acteurs de concertation. Car bien que situées le plus souvent dans des espaces d’appropriation privée, les ressources naturelles sont fondamentalement des biens communs79, qu’il faut être en mesure de gérer collectivement pour ménager les intérêts individuels et assurer au mieux l’intérêt général (Beuret J-E, Tréhet C., 2001). C’est la multifonctionnalité des ressources naturelles qui explique la grande diversité des usages et donc des usagers, et la multiplication d’intérêts individuels souvent divergents. Et c’est notamment le caractère vital de l’accès à ces ressources naturelles - à plus ou moins long terme - qui explique que leur bonne gestion relève de l’intérêt collectif.

Hardin montrait à la fin des années 60 que sous de telles contraintes sociales, une ressource commune laissée en libre accès (sans limite ni contrôle) était vouée à la surexploitation et finalement à la dilapidation. À l’époque, il qualifia un peu rapidement cette dynamique de « tragédie des communaux » ou « tragédie des biens communs », ce qui permit dans un premier temps à certains de soutenir l’idée de la nécessité d’une appropriation privée de ces ressources (Hardin G., 1968). Aujourd’hui il est clair que ce n’est pas le caractère commun de la ressource qui explique sa dilapidation, mais bien le fait qu’elle soit en libre accès, et que l’intérêt collectif n’est pas la somme des intérêts individuels. Or il existe de nombreuses modalités de régulation et de contrôle de l’accès à des ressources demeurées communes permettant d’assurer leur pérennité. Localement, la définition de ces modalités constitue justement tout l’enjeu de la mise en place de processus de dialogue entre acteurs. Un peu partout, lorsque de nouveaux usages entrent en compétition avec les usages traditionnels ou que la disponibilité des ressources est menacée, s’il existe une réelle volonté politique de les maintenir sous un régime d’appropriation collective alors des processus de concertation peuvent être mis en place. De la qualité et de la légitimité de ces processus vont dépendre la préservation à long terme de l’accès pour tous à ces ressources et la satisfaction d’un certain nombre d’intérêts individuels et collectifs, dans le respect des modes de vie existants, assurant ainsi une certaine stabilité sociale.

79 Malgré l’indéniable dynamique d’appropriation privée observée ces dernières années et soulignée notamment par J. Weber, 1995

Face à l’importance des enjeux associés à la gestion des ressources naturelles et à leur prégnance actuelle dans de nombreux pays (au Nord comme au Sud), et face à la nécessité d’instaurer des espaces de dialogue entre les différents usagers d’une même ressource, à la complexité des systèmes d’acteurs impliqués et aux grandes inégalités qui règnent en leur sein, il nous a semblé particulièrement intéressant de tester l’utilisation des démarches de Vidéo Participative dans ce contexte, pour accompagner les processus de concertation. Si nos terrains d’étude se situent tous au Sud, au travers de nos expérimentations nous espérons néanmoins interroger les possibles conséquences d’un recours à la VP sur le déroulement des processus de concertation dans leur ensemble, qu’ils traitent de ressources naturelles ou pas, et qu’ils se déroulent au Nord ou au Sud.

4.3 Formulation de la question principale et des hypothèses

de recherche

Comme nous l’avons exposé au travers de la définition que nous proposons (Cf. P1, Chapitre 2, § 1.2), le principal point commun des démarches de VP, en dehors de la présence d’une caméra, est l’établissement de collaborations diverses (plus ou moins temporaires, stables, et formalisées). Ces collaborations s’établissent entre les membres du système d’acteurs concernés par une problématique donnée (intervenant vidéo compris), à l’occasion des différents temps de la construction d’une ou plusieurs productions audiovisuelles destinées à faire avancer le débat. En ce sens la vidéo se veut finalement une sorte de prétexte pour susciter des collaborations et favoriser des rapprochements entre acteurs. La question de ces interactions aux modalités extrêmement variées est donc centrale dans ces démarches et renvoie à la notion de « participation » des différents acteurs à la réflexion collective et

Encadré 1 : L’importance de la volonté politique dans la mise en place et le

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