• Aucun résultat trouvé

Décide de la réalisation de l’évaluation

Effectue cette évaluation

Finance l’évaluation de la démarche

Légende des couleurs :

En vert apparaissent les lignes correspondant au financement des différentes

phases du projet

En bleu apparaissent les lignes correspondant aux prises de décisions

relatives au processus vidéo

5.3 Etude du déroulement des réunions de projection-débat

et construction d’une grille d’analyse conversationnelle

5.3.1 Méthode globale de l’analyse : choix et contraintes

De nombreux points de réflexion sur la méthode d’analyse nous ont été suggérés par les travaux de William’s Daré sur le déroulement de séances de jeux de rôles (Daré, 2005).

L’analyse des réunions a été faite essentiellement a posteriori, sur la base d’enregistrements vidéos et de transcriptions des discours. Il nous était difficile de porter un regard critique en cours de réunion puisque nous ne parlions pas systématiquement la langue (ce fut le cas du « bamanan » ou du « quechua »), que l’un de nous était toujours occupé à filmer et que nous souhaitions rester malgré tout pleinement attentifs pour pouvoir être réactifs en cas de besoin.

Lorsque nous en avons eu la possibilité, comme en Equateur, nous avons néanmoins dispersé dans la salle des observateurs, chargés d’apprécier des épisodes significatifs à l’aide d’une petite grille de relevé. Un « observateur général » consignait chaque prise de parole en spécifiant le thème abordé, le destinataire de l’intervention et le lien avec la vidéo, entre autres. Des « observateurs individuels » étaient en charge de groupes d’acteurs différents (un pour les paysans, un pour la mairie et la préfecture, etc.) et relevaient pour leur part les conversations et comportements jugés intéressants mais se produisant en aparté, entre voisins par exemple. Nous avons réussi à mobiliser des latino-américains et majoritairement des équatoriens pour ce travail, même si la personne qui se chargeait de l’observation générale était française.

Malheureusement au Mali il n’a pas été possible de trouver des personnes qui puissent et/ou veuillent s’impliquer dans ce rôle. Quant à la Bolivie, n’ayant pas encore développé nos questionnements de recherche à l’époque du projet, nous n’avions pas mis en place un dispositif aussi conséquent de récolte de données.

En cours de réunion, la caméra était souvent focalisée en plan serré sur l’interlocuteur, de manière à pouvoir ensuite éventuellement réintroduire son intervention avec une image correcte dans une nouvelle génération des vidéos (objectif opérationnel de faire évoluer le diagnostic). Quoi qu’il en soit, même en plan large la capture de ce qui se passe dans toute la salle était impossible (nombre de participants, physionomie des salles, etc.). Nous nous retrouvons donc dans l’impossibilité de traiter de façon suffisamment pertinente des interactions non verbales ou des interventions ou comportements non dirigés (signe d’agacement, de motivation - démotivation, d’ennui, d’attention, appel à Dieu, etc.). Ces appréciations seront plutôt faites de manière qualitative et non systématique, en évoquant dans la description factuelle les choses intéressantes que nous aurions pu remarquer ou nous faire indiquer.

Cette composante est néanmoins prise en compte dans la définition des « rôles » des acteurs : cette appréciation, il faut le reconnaitre en partie subjective et déterminée par nos propres normes, est influencée par l’attitude globale de la personne, la posture qu’elle présente aux autres acteurs et donc aux observateurs (la « face » goffmanienne). Cet « étiquetage » reste néanmoins, comme nous le verrons plus loin, essentiellement fondé sur le contenu des discours.

Enfin nous avons tenu de nombreuses discussions informelles avec des spectateurs plus ou moins « neutres » dans le système d’acteur (en général des chercheurs nationaux, voire locaux), de manière à recueillir leurs perceptions et vérifier nos propres impressions sur les moments clefs ou les interventions jugées les plus importantes à chaud (agression, signe clair de détente entre deux acteurs, etc.) ou de se faire expliquer les raisons de certaines réactions que nous ne comprenions pas (parfois un brouhaha, un rire général dont l’origine est floue, etc.). Nous cherchions par là à minimiser les biais de notre perception allochtone de

la situation : un observateur local (qui maîtrise la langue, qui est imprégné des représentations et de l’habitus) est plus à même de comprendre les subtilités comme les interjections ou les onomatopées, la signification des silences, l’aspect inhabituel de certains comportements, etc. Le couplage de ces deux niveaux d’observation, même s’il fut souvent réalisé malheureusement de manière non structurée et non systématique, nous a permis de tenir compte de l’importance des représentations individuelles des observateurs sur l’interprétation des faits. Si l’existence du point de vue objectif du sociologue, détaché de toute norme et convention sociale nous semble utopique, voire prétentieux (cf. L. Boltanski, L. Thévenot, 1991), il convient pour essayer de décrire une situation de manière « extérieure » (c’est-à-dire sans pouvoir accéder directement aux perceptions intimes des acteurs sur la situation, les multiples « réalités » qu’il serait d’ailleurs difficile de juxtaposer) de ne pas se laisser abuser par ses propres croyances ou préjugés, d’autant plus lorsque le sociologue en question est le toubab ou le gringo. Se remettre en question, apprendre à désapprendre autant que possible… cette attitude est aussi difficile à adopter que nécessaire pour recueillir les données du terrain.

5.3.2 Construction d’une grille d’analyse du déroulement des débats ou des réunions de travail

Les objectifs assignés à la construction d’une grille d’analyse des projections étaient divers. Il s’agissait premièrement de disposer d’une représentation graphique du déroulement de ces réunions qui soit relativement facile à appréhender dans son ensemble, et qui traduise la dynamique globale et la succession des types d’interventions durant la réunion. Face à une transcription d’une centaine de pages, il est en effet difficile de porter un regard englobant et distancié sur la session de travail. Nous souhaitions également pouvoir visualiser l’enchaînement des interventions afin de permettre l’identification d’éventuelles associations ou oppositions entre acteurs. Nous cherchions ensuite au travers de cette grille à disposer d’éléments de réflexion nous permettant de questionner nos hypothèses de recherche, et plus particulièrement H1 et H2. Enfin il fallait que la grille puisse être remplie à partir de la seule transcription des réunions, pour les raisons évoquées au dessus.

Afin de construire cet outil nous nous sommes inspirés des travaux du psycho-sociologue interactionniste américain, Robert F. Bales (R. F. Bales, 1979, 1999), relatifs à l’analyse des groupes de discussion. A partir d’une grille d’analyse connue sous le nom de « grille de Bales » - qui décrivait la nature des interactions en jeu et leur évolution lors de la discussion – l’auteur proposait une lecture (une « mesure ») des personnalités et des rôles joués par chaque individu impliqué dans la discussion. Il compléta cette approche par des travaux de sociométrie reposant sur l’étude des positions et déplacements des individus en cours de discussion. Cette deuxième partie de son analyse, adaptée à de petits groupes de discussion, se révèle difficile à conduire dans notre cas (avec des ensembles de plus de 50 personnes). Nous avons bien essayé d’envisager une approche de ce type pour les réunions du groupe de travail restreint en Equateur, mais il n’y avait pratiquement aucun déplacement au cours de ces brainstormings qui se déroulaient assis, où l’attention était permanemment captée par le tableau et l’animateur ou par les images que nous projetions. Les positionnements se faisaient pour leur part parfois par affinités, mais relevaient plus souvent des retards de bus ou de pirogue que de réelles relations entre acteurs.

La grille de Bales propose de simplifier l’univers des échanges possibles entre individus en 4 catégories réparties en deux domaines : celui de la tâche (du travail qui justifie la discussion, le « pourquoi nous sommes là ») et celui du socio-émotionnel (l’affectif qui en interférant avec le domaine précédent traduit la personnalité de l’individu). Ces deux domaines se divisent eux-mêmes en deux sous-groupes représentant les deux faces possibles des échanges : négative ou positive.

Nous pouvons ainsi présenter cette grille de Bales de la façon suivante :

Outline

Documents relatifs