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Supports, formes et matériaux utilisés par les élites allobroges.

CHAPITRE III : La diversité des témoignages archéologiques viennois

A. Supports, formes et matériaux utilisés par les élites allobroges.

Le nombre de témoignages épigraphiques et les documents figurés très divers peuvent laisser présager une grande hétérogénéité des supports, des formes et des matériaux utilisés par les citoyens, les riches évergètes, et les puissants personnages du territoire.

1. Supports et formes

a. Les supports épigraphiques.

Les supports des textes épigraphiques, des dédicaces (69% du corpus), des épitaphes (18%), des inscriptions et autres donations (13%), sont d’une grande variété dans la cité. Certes, en dehors de 10% de documents au support indéterminé, il existe trois ensembles majeurs : les autels qui représentent 24% du corpus, les blocs 25% et les plaques 23%. Néanmoins, 18% des épitaphes ont été gravées sur des colonnes (5 occurrences), sur des sarcophages (4 occurrences), sur des bases de statues (4), des stèles (2), ou des tablettes et des fragments de pierre (2) ; et, plus exceptionnellement, sur une façade, sur un monument, une frise, un accoudoir, un bas relief, une bande, un dé, ou encore sur une anse.

L’épigraphie est une source essentielle et inestimable pour connaître entre autres les croyances. Mais, outre les textes gravés sur pierre, ceux-ci peuvent donc apparaître sur des supports aussi divers que des objets de la vie quotidienne, des briques, des matériaux de constructions, des tuyaux, des outils, des armes, des vases, des ustensils, des amphores, ou

38 bien des bijoux117… C’est ainsi le cas dans la cité de Vienne, comme dans le reste du monde

romain, où l’inscription est un des principaux moyens de communications. Dans cette véritable civilisation de l’épigraphie, les Allobroges, romanisés et latinisés, ont cherché à laisser des traces textuelles pouvant traverser les âges sur des objets et en des lieux multiples.

b. Les formes iconographiques.

Les documents figurés offrent également un visage hétérogène. Les principaux véhicules de ce type de témoignages tournent, comme nous l’avons vu précédemment, autour des statuettes (40% des documents iconographiques), des statues (15%), et des mosaïques (10%) notamment nombreuses dans les domus cossues de l’agglomération viennoise.

A côté de ces documents, les archéologues ont mis au jour des têtes (4%), des bustes (3%), mais aussi des objets plus petits comme des bagues ou des chatons (3%). Parallèlement, 15% de la documentation font apparaître à plusieurs reprises des intailles, des reliefs, des ailes ou des caducées appartenant à de la statuaire liée à Mercure, des camées, des décors, des pesons, des patères ou encore différents fragments. Enfin, 10% représentent des objets disparates et moins fréquents : vase, oscillum, architrave, fontaine, hampe, lampe, applique, médaillon, frise, coupe, base attique, clipeus, shaouabti, amulette ou encore glyptique.

La pluralité des formes iconographiques (une trentaine) se manifeste, corrélativement, à travers leurs dimensions. Ainsi, parmi les statues, certaines dépassent les deux mètres, alors que d’autres ne font, tout au plus, que 50 cm. Il en va de même pour les bustes, dont les dimensions peuvent aller de 43 cm à 8 cm. Cette hétérogénéité se retouve pour l’ensemble des documents figurés : d’une intaille de 1,2 cm, en passant par un médaillon de 5,2 cm, d’une patère de 14,7 cm, ou d’un vase de 24 cm, pour arriver à un caducée de 45 cm.

Ce phénomène se retrouve de manière encore plus significative dans la statuaire, notamment pour les statuettes. Dans notre étude, 54% d’entre elles bénéficient de dimensions précises. Parmi celles-ci, plus de la moitié (58%) ont une hauteur oscillant entre 5 et 10 cm, 27% mesurant entre 10 et 20 cm, et enfin 15% sont supérieures à 20 cm.

De plus, il faut insister sur le fait que les différents documents iconographiques n’ont pas tous la même portée cultuelle. Ainsi, les divinités figurant sur des ustensiles, comme des balances ou des appliques, n’ont sans doute guère de caractère religieux. Ceci peut être également le cas d’une partie des mosaïques décorant les maisons des plus riches. Les intailles sont le plus souvent perçues comme des amulettes magiques. Les dieux apparaissant sur des objets de la vie courante ont certainement un rôle protecteur, sans qu’on puisse savoir s’ils font l’objet d’un culte ou d’une véritable piété. Achetés le plus souvent lors de fêtes religieuses, certains petits bronzes, statuettes, lampes ou vases à médaillons sont d’une interprétation plus délicate, même si ces achats demeurent des actes volontaires. Le choix d’une divinité pour une statue, servant à l’ornementation, ne peut être que seulement esthétique. Selon le coût, il est difficile de ne pas imaginer une orientation selon les croyances religieuses de l’acheteur.118

La diversité et l’originalité se manifestent concrètement tant dans le champ épigraphique qu’iconographique à travers la multiplicité des supports et des formes utilisés par les Viennois, et ceci sur l’ensemble du territoire.

117F. Bérard, L’épigraphie : une mine d’informations très variées, in H. Savay-Guerraz, A. Destat ( sous la dir.), Rencontres en Gaule

romaine, 2005-Expo. Lyon, 2005, p. 35 à 38.

39 2. Les matériaux dans l’épigraphie et dans l’iconographie

La variété des témoignages archéologiques doit, sans doute, aussi s’exprimer par la pluralité des matériaux tant pour les inscriptions que pour les objets figurés.

a. Les matériaux dans les inscriptions.

Il n’existe pas la même diversité de matériaux que pourraient le suggérer les différents supports utilisés. Ceci est certainement dû, en premier lieu, au coût induit par le gravage d’une dédicace, d’une épitaphe, ou encore d’une donation. Environ 20% du corpus épigraphique ne déterminent pas clairement le matériau ; et 65% de la documentation a été gravée sur du calcaire. Celui-ci pouvait être d’origine différente, valanginien ou urgonien. Il pouvait être blanc, roux, jaune, schiste gris ou gris lemenc. La prépondérance du calcaire s’explique certainement, outre par son faible coût, par son abondance en territoire allobroge et dans les cités voisines. A. Le Bot-Helly et B. Helly119 notent que le calcaire dur du Jura

remplaça celui du midi, notamment pour les constructions des monuments à Vienna, à partir du milieu du Ier siècle. J.-P. Jospin120, lui, fait remarquer que la pierre de nombreuses traces archéologiques d’Aoste provient d’un calcaire valanginien, peut-être de la carrière de Cordon dans l’Ain.

A titre de comparaison, seuls 8% des inscriptions ont été fixées sur du marbre jaune, blanc ou gris. Rare, voire absent du sol, le marbre devait sans doute être importé, et devait donc être l’apanage des plus riches citoyens de la cité.

Enfin, 7% des témoignages utilisent exceptionnellement divers matériaux comme le bronze, la molasse, l’enduit, le granit, la tuile, la pierre, l’ardoise ou le grès.

b. Les matériaux dans les documents figurés.

Les matériaux dans l’iconographie sont plus hétérogènes que dans le champ épigraphique. Si 20% des documents figurés ne profitent pas de renseignements précis, le matériau le plus utilisé est le bronze pour 35% de la documentation. La prépondérance du bronze s’explique certainement par son abondance à l’époque impériale, favorisant la création de statuettes multiples à un coût abordable pour une partie non négligeable des Allobroges.

15% des témoignages sont en marbre et 11% en mosaïque. La terre cuite blanche ou émaillée sert dans 5% des créations, l’argent et la cornaline pour 4%. Enfin, 6% de l’iconographie emploient de l’or, du verre bleu ou noir, de la simple pierre, du bois, du plomb, du fer ou du cuivre.

La pluralité des matériaux, à l’image de la diversité des supports, apparaît plus conséquente pour les documents figurés que pour les inscriptions. Si le calcaire prédomine dans le domaine épigraphique, le bronze prédomine, dans une bien moindre mesure, dans le domaine iconographique.

Il faut aussi remarquer la place prise par le marbre dans l’ensemble des découvertes archéologiques dans la cité. Ceci peut s’expliquer par la réussite économique de Vienne, et par l’enrichissement de l’élite allobroge au cours du Haut-Empire, lui permettant d’acquérir ou de faire ériger des manifestations de piété ou révélant un statut social et politique. En effet,

119A. Le Bot-Helly, B. Helly, Vienne, du village à la capitale de cité, in H. Savay-Guerraz, A. Destat ( sous la dir.), Rencontres en Gaule

romaine, 2005-Expo. Lyon, 2005, p. 25 à 34.

120J.-P. Jospin, avec la collab. de P.-Y. Carron, Une fontaine romaine à Aoste (Isère), La Pierre et l’Ecrit, 18, Revue d’histoire et du

40 le choix de matériaux coûteux peut relever d’une volonté esthétique et d’une volonté de manifester des croyances religieuses121. Les marbres apportent, de plus, « d’appréciables

indications sur les échanges commerciaux et l’histoire du goût dans les provinces ».122