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Chapitre V : Les Viennois de haut rang et les divinités indigènes

A. Les dieux indigènes.

Après une étude exhaustive et un dépouillement scrupuleux, quatre dieux, faisant l’objet de dédicaces, apparaissent incontournables : Sucellus, Borvo, Limetus et Vintius. 1. Sucellus, le dieu des bois

Comme nous l’avons vu, le culte de Sucellus est indissociable de celui de Silvain, auquel il est assimilé. De plus, la mention épigraphique de la divinité indigène en Gaule est fort rare (deux occurrences), rendant le petit autel de Vienna d’autant plus précieux. Sur ce monument813, la présence, dans le texte gravé, de « deus » avant le nom du dieu et la

paléographie permettent une datation entre la seconde moitié du IIème siècle et le début du IIIème siècle. Cette dédicace se distingue encore par le fait que son auteur est une dédicante,

nommée Gellia Iucunda.

Dans la cité, le dieu apparaît sur un second autel : l’autel anépigraphe de Boutae sur lequel figure un maillet, entouré de deux silhouettes correspondant à Sucellus et à sa parèdre.814

812Pline l’Ancien, H N, 3, 32. 813R 42 – ILN 22 - Annexe, p. 461.

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Sucellus est aussi présent dans la statuaire allobroge. Deux statuettes en bronze815,

datant probablement du Ier siècle, le représentent à Cularo ; et une autre fut trouvée en 1908 à

Optevoz, au nord de la capitale.816

Ces documents montrent une certaine persistance du culte à Sucellus, qu’il convient donc de mettre en corrélation avec celui de Silvain. En Narbonnaise, dix-sept inscriptions mentionnent l’un ou l’autre. Silvain étant l’objet de deux autels dans la cité, à Saint-Laurent- du-Pont (ILN 349) et à Genava (ILN 838), le premier datant de la période julio-claudienne, nous devons relever que les divinités Silvain-Sucellus sont présentes sur l’ensemble du territoire. Elles sont honorées par des citoyennes, des notables ou encore des bateliers, et ceci tout au long du Haut-Empire.

Il semble, néanmoins, que le dieu des bois ait une place moins importante chez les Allobroges que dans d’autres peuples du sud des Alpes817. Outre Silvain attesté à Vasio818,

Sucellus est ainsi présent à Glanum sur un autel au dieu montrant une main à six doigts et un

maillet. Il est aussi représenté, en ce lieu, par une statuette819. Il convient enfin de mentionner,

de l’autre côté de la frontière Nord de la Provincia Narbonensis, un bloc découvert à

lugdunum où apparaît Sucellus en compagnie des déesses Mères, de Mercure et de Fortune.820

2. Borvo, le dieu des sources

En Savoie, à Aquae (Aix-les-Bains), au cœur des célèbres thermes, plusieurs documents épigraphiques font référence à la divinité indigène Borvo (ou Bormo), fréquemment attestée dans les sources thermales.821

Un premier document l’honorant est le fait d’un certain Marcus Licinius Ruso822, de la gens Licinia. Le nom de la divinité étant précédé par celui du dédicant, ce témoignage

remonte sûrement à la période julio-claudienne. Conservé au musée lapidaire d’Aix-les-Bains, un deuxième document a été mis au jour dans les thermes antiques. Son auteur est un citoyen nommé Quintus Vettius Guticus823, porteur d’un surnom ethnique (gothicus), unique en

occident. Le formulaire votif, proche du texte précédent, permet donc de dater celui-ci des Julio-Claudiens.824

Un autel gravé par le patron du vicus a aussi été découvert. Il commémore la donation d’un bois sacré par les decemlecti. Certains chercheurs pensent que le bois était rangé sous la protection de Borvo.825

Parallèlement, il faut ici rappeler que le Temple dit de Diane à Aquae est considéré, à ce jour, par de nombreux spécialistes, comme un monument plus certainement consacré au

815A. Pelletier, F. Dory, W. Meyer, J.-C. Michel, Carte Archéologique de la Gaule, L’Isère, C.A.G. 38/1, Paris, 1994, p. 92. 816R. Royet, C. Coquidé, R.A.N., t 38-39, 2005-2006, p. 141 à 155.

817S. Morabito, Inscriptions Latines des Alpes Maritimes, Nice, 2010, p. 269 et 270. Par exemple, deux dédicaces à Silvain sont attestées

dans la cité de Cemenelum (ILAM 161, 162).

818C. Bezin, Vaison-la-Romaine, Une longue histoire…, Aix-en-Provence, 1999, p. 37.

819A. Roth Congés, Glanum, De l’oppidum salyen à la cité latine, Paris, 2000, p. 40. Le dieu paraît avoir protégé tout particulièrement les

carriers.

820H. Savay-Guerraz, Les dieux de Lugdunum, in H. Savay-Guerraz, A. Destat ( sous la dir.), Rencontres en Gaule romaine, 2005-Expo.

Lyon, 2005, p. 55 à 60. Sucellus, comme Silvain, est honoré à Lyon.

821Ph. Leveau, B. Rémy, A. Canal, M. Segard, Aix-les-Bains, vicus thermal et bourg rural, R.A.N., t. 38-39, 2005-2006, p. 85 à 103. 822R 127 – ILN 660 – Annexe, p. 412.

823R 128 – ILN 661 – Annexe, p. 412.

824Ph. Leveau, B. Rémy, A. Canal, M. Segard, Aix-les-Bains, vicus thermal et bourg rural, R.A.N., t. 38-39, 2005-2006, p. 89 à 92. Selon les

auteurs, les deux inscriptions à Borvo « le bouillonnant » date très probablement de la première moitié du Ier siècle. Borvo, dieu de la source

curative, fut à l’origine un nom commun appliqué aux divinités locales des eaux. Les auteurs référencent également, toujours à Aquae, une dédicace à une divinité indéterminée, qui pourrait bien être Borvo, par un affranchi nommé Q. Clodius Potitus (ILN 664).

157 dieu des sources thermales826. Divinités très locales, Bormo et Borvo à Aix-les-Bains

occuperaient, selon I. Tournié827, la même place que Glanis et Glanicae à Glanum. Ce

parallèle n’est pas dénué de fondements, les divinités liées aux sources pour leur caractère curatif étant très nombreuses en Gaule.828 Bormana, sa parèdre, est ainsi vénérée seule, dans

l’Ain, à Saint-Vulbas, et est associée à Bormanus à Aix-en-Diois. Le dieu est enfin mentionné, associé à Damona sur trois autres inscriptions à Bourbon-Lancy et à Bourbonne- les-Bains.829

3. Limetus et le sanctuaire de Châteauneuf

Inséré dans le très riche contexte archéologique de la Combe de Savoie, le sanctuaire de Châteauneuf830, dont nous avons déjà longuement débattu, nous fait connaître un autre dieu

indigène, exclusivement allobroge : Limetus831. Dans ce temple double édifié au confluent de l’Arc et de l’Isère, les archéologues ont pu étudier une série de graffites rendant hommage à Mercure, Maïa, Rome, ou encore à différents empereurs dont Néron.

Parmi ces documents, plusieurs mentionnent Limetus, divinité locale832,

qu’aujourd’hui nous pouvons associer à Mercure833. L’un d’eux est particulièrement intéressant. Sur une plaque de schiste, une dédicace à Limetus commémore l’agrandissement du sanctuaire834. Il est le fait de deux dédicants Primus et Quartus, aux noms latins, qui sont

sans doute des pérégrins. Comme il arrive parfois à l’époque des Julio-Claudiens, leurs noms précédent celui du dieu.

Limetus a une dénomination évocatrice pouvant se rapprocher du mot limes. Le

sanctuaire se situant très près des Alpes cottiennes, le dieu allobroge en serait le gardien, en tant que protecteur de la frontière, caractère l’assimilant à Mercure, la divinité primordiale du panthéon viennois.

Même si les témoignages de Châteauneuf évoque une ferveur populaire835, la richesse des dédicaces, l’importance du sanctuaire, la présence d’un théâtre, tout indique l’intervention de personnalités locales, et ceci dès le début du Haut-Empire.836

826Ph. Leveau, B. Rémy, A. Canal, M. Segard, Aix-les-Bains, vicus thermal et bourg rural, R.A.N., t. 38-39, 2005-2006, p. 88 et 89. 827G. Barruol, I. Tournié, Les divinités indigènes, in Atlas culturel des Alpes Occidentales, Paris, 2004, p. 198 et 199 ; A. Roth Congés,

Glanum, De l’oppidum salyen à la cité latine, Paris, 2000, p. 40. Glanis et les Mères Glaniques, divinités topiques, y étaient honorés aux côtés d’une pléiade de dieux guérisseurs.

828B. Rémy, N. Mathieu, Les femmes en Gaule romaine (Ier siècle av. J.-C. – Vème siècle ap. J.-C.), Paris, 2009, p. 149.

829F. Bertrandy, F. Kayser, B. Rémy, A. Buisson, Les Inscriptions de l’Ain (ILAin), Bresson, 2005, p. 24. La déesse celtique des sources est

attestée à Saint-Vulbas (ILAin 15 – C.I.L. XIII 2452) ; Ph. Leveau, B. Rémy, A. Canal, M. Segard, Aix-les-Bains, vicus thermal et bourg rural, R.A.N., t. 38-39, 2005-2006, p. 92. les auteurs mentionnent la dédicace d’Aix-en-Diois (C.I.L. XII 1561), les inscriptions de Bourbon- Lancy (C.I.L. XIII 2805, 2806) et celle de Bourbonne-les-Bains (C.I.L. XIII 5911).

830B. Rémy, La répartition des inscriptions latines dans la cité de Vienne – un moyen d’appréhender la latinisation et la romanisation des

campagnes, La Pierre et l’Ecrit, 19, Revue d’histoire et du patrimoine du Dauphiné, Grenoble, 2008, p. 7, 12 et 16.

831B. Rémy, Un exemple de latinisation et de « romanisation » précoces dans la cité de Vienne : les graffites du sanctuaires de Châteauneuf

(Savoie), La Pierre et l’Ecrit, 16, Revue d’histoire et du patrimoine du Dauphiné, Grenoble, 2005, p. 9 à 17 (plus particulièrement les pages 13-15).

832G. Barruol, I. Tournié, Les divinités indigènes, in Atlas culturel des Alpes occidentales, Paris, 2004, p. 198.

833C. Mermet, Châteauneuf-les-Boissons, in Le catalogue de l’exposition du Musée dauphinois de Grenoble,Gollion, 2002, p. 158 et 159. 834R 119 – ILN 462 ; B. Rémy, F. Ballet, E. Ferber, Carte Archéologique de la Gaule, La Savoie, C.A.G. 73, Paris, 1997, p. 144 et 145 –

Annexe, p. 413.

835B. Rémy, La répartition des inscriptions latines dans la cité de Vienne – un moyen d’appréhender la latinisation et la romanisation des

campagnes, La Pierre et l’Ecrit, 19, Revue d’histoire et du patrimoine du Dauphiné, Grenoble, 2008, p. 7, 12 et 16 ; B. Rémy, Un exemple de latinisation et de « romanisation » précoces dans la cité de Vienne : les graffites du sanctuaires de Châteauneuf (Savoie), La Pierre et l’Ecrit, 16, Revue d’histoire et du patrimoine du Dauphiné, Grenoble, 2005, p. 9 à 17.

158 4. L’énigmatique Vintius

Situé autour des rives du Rhône et du Fier, entre les antiques Genava et Augustum (Aoste), le pagus [Dia---] offre un visage religieux tout à fait singulier au sein du très riche panthéon allobroge. En effet, à l’inverse du reste de la cité où s’impose une grande diversité des témoignages, les découvertes dans cette préfecture marquent l’omniprésence sous le Haut- Empire d’une seule et unique divinité : le dieu indigène Vintius.837

A ce jour, les chercheurs n’y ont retrouvé ni ensemble monumental, ni document figuré, nos connaissances se limitant à une série de six textes épigraphiques, dont la portée est des plus originales.838

a. Les dédicaces à Vintius.

Les différents témoignages ont été retrouvés dans deux localités proches de l’actuelle frontière administrative entre les départements de l’Ain et de la Haute-Savoie.

Vintius apparaît gravé sur une plaque de calcaire, mise au jour à Hauteville,

mentionnant la donation d’un sanctuaire au dieu839. Selon B. Rémy840, cette plaque pourrait dater du règne de Tibère. Son auteur, Titus Valerius Crispinus, est un personnage important de la cité, possédant une certaine fortune. Il a tenu des charges civiles et religieuses, la préfecture du pagus et le sacerdoce de Vintius, sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement. De plus, il appartient à la gens Valeria, la même famille qui verra l’un de ses membres, le célèbre Valerius Asiaticus, atteindre le consulat. Enfin, Crispinus figure aussi dans une inscription à Vienne (ILN 66) gravée par ses amis en l’honneur du chevalier C. Passerius Afer.

Un second témoignage perdu, datant probablement du Ier siècle, a été retrouvé à

Seyssel, localité qui devait être le chef-lieu du district. Le dédicant, Quintus Catius Bellicus841, a fait ériger un monument, peut-être un temple, ou plus probablement une stèle, un autel, ou encore une statue, consacré à Vintius Auguste Pollux, associant la divinité indigène à l’un des Dioscures du panthéon romain. Il faut remarquer que ce magistrat a suivi le même cursus que Crispinus.

Toujours à Seyssel, un autel a fait également l’objet d’une dédicace en ex-voto à

Vintius Pollux. Cependant, cette dédicace, qui ne peut dater qu’après 135 ap. J.-C. comme

l’atteste la présence du mot « Deo » devant le nom du dieu, émane d’un citoyen, Cnaeus Terentius Terentianus842, porteur d’un gentilice latin.

Une autre plaque, retrouvée dans le chef-lieu, met en scène un haut magistrat de la cité vénérant auguste Vintius. Comme pour les autres dédicants du pagus, C. Marius843 porte sans

doute les tria nomina et s’impose comme membre de l’aristocratie locale, ayant occupé la plus haute charge civique viennoise, le triumvirat locorum publicorum persequendorum . C. Marius n’affiche aucun sacerdoce dans sa carrière. Selon B. Rémy844, ce personnage devait

néanmoins appartenir à l’ordre équestre. Il faut aussi noter que c’est la seule et unique fois en Narbonnaise que la préfecture des ouvriers est ainsi encadrée entre duumvirat et triumvirat,

837A. Vigier, L’énigmatique Vintius, DHA 35-2/2009, 2010, p. 119 à 132.

838Un programme de prospection, mené par l’INRAR Lyon, a été lancé fin 2008 sur le site de Vens dominant le confluent du Fier et du

Rhône.

839R 147 – ILN 778 – CIL XII 2558 – I.L.H.S. 67 – Hauteville se trouve à environ 14kms du Rhône, avant l’entrée dans la gorge du Fier –

Annexe, p. 414.

840B. Rémy, I.L.H.S., Annecy, 1995, p. 91. 841R 148 – ILN 784 – CIL XII 2561 – I.L.H.S. 96.

842R 149 – ILN 785 – CIL XII 2562 – I.L.H.S. 97 – C.A.G. 74, p. 325 – Annexe, p. 414. 843R 150 – ILN 786 – I.L.H.S. 98 – Annexe, p. 414.

159 pouvant suggérer une interruption du cursus, après l’octroi pour la cité du statut de colonie romaine honoraire, soit sous Caligula, soit au plus tard durant les premières années du règne de Claude. C’est pour cette raison que ce document a une datation comprise entre 45 et 68 ap. J.-C.

Deux dernières dédicaces fragmentaires ont été découvertes à Seyssel845. Même si la

première met certainement en scène un préfet du pagus, les deux fragments ne représentent que peu d’intérêt isolément, mais peuvent apparaître sous un autre angle en complément des autres témoignages. Concernant la divinité honorée, nous pouvons légitimement penser à

Vintius, l’unique dieu référencé dans ce district.

b. Commentaire sur le corpus.

Comme nous l’avons vu précédemment cinq inscriptions sont assurément le fait de citoyens. Parmi ceux-ci, de manière formelle, quatre d’entre eux sont des magistrats de la cité. Ils appartiennent à l’élite allobroge et le poids de leur évergétisme ne peut donc être remis en cause. Caius Marius, fils de Decimus, a atteint le sommet de la hiérarchie civile. Trois autres personnages ont été, eux, préfet de district. Selon J. Gascou846, dans les pagi éloignés, les

praefecti pagi auraient eu pour rôle de représenter les duumvirs du droit. Il n’est pas sûr,

comme nous pourrions le penser, que la préfecture n’ait été tenue que par de simples fonctionnaires à Vienne. Ainsi, le premier d’entre eux est Titus Valerius Crispinus, issu de l’illustre gens Valeria dont quatre membres847 auront des responsabilités au niveau impérial,

et dont le plus célèbre est Decimus Valerius Asiaticus, consul en 35 puis en 46. Le second se nomme, comme nous l’avons vu, Q. Catius Bellicus, alors que le troisième est demeuré anonyme.

Il est également intéressant de souligner que le préfectorat des pagi n’est mentionné qu’à sept reprises sur le territoire allobroge, dans le pagus Ati[---] à Cularo (ILN 368), dans le

pagus Oct[---] à Augustum (ILN 603), dans le pagus Vale[---] à Albertville (ILN 539), mais

trois fois dans le seul pagus de Diane. Un dernier préfet, nommé G. Ateius Pecularis848, est

attesté à Boutae (Annecy), dans le pagus d’Apollon, circonscription voisine de celle relevant de Seyssel.

Corrélativement, la prêtrise de Vintius est recensée sur deux dédicaces. Elle précède à chaque fois, dans le cursus des dignitaires, le préfectorat ; et seule l’inscription ILN 787, trop fragmentaire, ne permet pas de restituer un quelconque sacerdoce, ce qui n’empêche pas de se demander si ce préfet anonyme ne pouvait pas être aussi prêtre de Vintius.

Pour B. Rémy849, Vintius semble avoir été le dieu tutélaire du district, où la divinité

jouit sans doute d’un culte quasi-officiel.

En dehors des deux documents fragmentaires, trois sur quatre datent du Ier siècle et sont l’œuvre de magistrats formellement recensés au début du Haut-Empire. Le quatrième datant de la seconde moitié du deuxième siècle a été gravé par un simple évergète, prouvant une certaine persistance du culte. Il faut aussi noter que parmi le corpus nous pouvons dénombrer trois dédicaces en ex-voto et un autel850. En revanche, l’épigraphie révèle la

donation d’un sanctuaire et l’élévation d’un monument. Or, ces deux derniers actes sont le fait des deux sacerdotes, ce qui tend à prouver la place qu’occupent ces magistrats religieux dans

845R 151 et 152 – ILN 787, 788 – I.L.H.S. 99, 100 – Annexes, p. 414 et 415.

846J. Gascou, Actes du Xème congrés international d’épigraphie grecque et latine, Nîmes, 1992, p. 92 à 100 ; J. Gascou, Inscriptions latines

de Narbonnaise, V1, Vienne, Paris, 2004, p. 43 à 52.

847A. Pelletier, La bourgeoisie municipale à Vienne sous le Haut-Empire, in Mélanges Pierre Lévêque,Tome III, Besançon, Paris, 1989, p.

305 à 312.

848R 164 – ILN 752 – I.L.H.S. 2 – Annexe, p. 399. 849C.A.G. 74, commnune n°269, p. 320 à 328. 850Tableau, p. 169.

160 l’aristocratie locale, leur richesse et leur puissance. Toutes ces remarques semblent renforcer l’idée d’un culte quasi officiel.

c. Les caractères de la divinité.

Vintius est accompagné dans trois dédicaces par l’épithète couramment utilisé dans les

dévotions aux dieux du panthéon viennois : « Auguste » ; et à deux reprises l’attribut précède le nom de la divinité.

Pour B. Rémy851, notamment dans l’inscription de Hauteville, ce n’est pas une simple

adjonction de l’épithète, mais une véritable association du culte impérial au culte du dieu indigène honoré. Il s’interroge aussi sur le début de l’épigraphe de Seyssel : « Consacré à l’Auguste régnant ?… ». R. Etienne852, lui, voyait dans le culte des divinités augustes le

révélateur d’un mécanisme du culte impérial, le panthéon auguste devenant le panthéon de l’Auguste. Une autre tendance de l’historiographie, depuis J. Toutain853, voyait peu de

relation entre l’épithète accolée aux dieux et la personne impériale.

Aujourd’hui, l’emploi de cette épithète fait encore débat. A la suite d’A. Chastagnol854

ou de D. Fischwick855, il y a eu remise en cause de ce que les historiens croyaient acquis. Plus récemment, W. Van Andringa856 a montré que les divinités dites Augustes correspondent dans

de nombreux cas aux grands dieux communautaires de la cité.

Cependant, selon J.-C. Béal857, cette remarque paraît moins vraie dans la Provincia

Narbonensis, et encore moins exacte chez les Allobroges où l’épithète est aussi bien accolée

aux dieux indigènes et locaux qu’à des divinités au nom latin.

Il faut revenir sur l’association de Vintius avec Pollux à Seyssel (ILN 784. 785), et fait que celle-ci soit présente sur le document de la seconde moitié du IIème siècle. Sur ce texte

épigraphique, nous pouvons nous interroger sur les intentions du dédicant : simple pérennisation d’un culte un temps oublié, ou encore volonté du personnage de se démarquer ?

Géographiquement, l’association peut s’appréhender, lorsque l’on sait que le pagus est bercé par les eaux du Fier et du Rhône. Or, les Dioscures avaient le don d’apaiser les eaux.

Vintius serait alors le protecteur des utilisateurs de ces voies fluviales, des bateliers et des

voyageurs.

Les uniques témoignages citant chez les Viennois des utriculaires et des ratiaires ont été mis au jour à Vienna858 et Genava859. Toutefois, cette caractéristique du dieu est plausible dans le sens où Seyssel se trouve sur la route menant deux des grandes agglomérations de la cité, de la capitale à la localité lémanique.

Il est également singulier de voir que le culte de l’autre Dioscure, Castor, est attesté seulement dans le pagus voisin, celui d’Apollon, dans le bassin annécien. Les deux pagi portent le nom des jumeaux Diane-Apollon, et parallèlement le culte des Dioscures Pollux- Castor se retrouve aussi largement et quasiment exclusivement dans ces deux seuls districts de la cité. Le chercheur peut se demander si cette analogie est un simple hasard des découvertes archéologiques et épigraphiques. En effet, à Duingt, non loin de Boutae, un certain Caius

851B. Rémy, I.L.H.S., Annecy, 1995, p. 120 à 125. 852R. Etienne, Le siècle d’Auguste, Paris, 1999, p. 349.

853J. Toutain, Les cultes païens dans l’Empire romain, Rome, 1967, (Paris, 1905-1917), p. 300 et suivantes.

854A. Chastagnol, Société et droit latin dans les provinces des Alpes occidentales, in Actes du 116ème congrés national des sociétés savantes,

Chambéry, 1991 ; A. Chastagnol, La Gaule romaine et le droit latin, Lyon, 1995, p. 143 à 154.

855D. Fischwick, The imperial cult in the latin west, I-II, 1, Roma et Augustus, Leiden-Boston, 1991, p. 446 à 454. 856W. Van Andringa, La religion en Gaule romaine, Piété du Ier au IIIème siècle, Paris, 2000.

857J.-C. Béal, Le sanctuaire antique de Châtelet à Saint-Désirat (Ardèche) : une relecture, R.A.N., Tome 38. 39, 2005-2006, p. 171 à 199. 858R 25 – ILN 7 – CIL XII 1815.

161 Caprilius Sparus860, de la plus prestigieuse famille d’Annecy, la gens Caprilia, a fait élever un

monument avec le produit de la souscription de l’année 91 (ex-stipe) en l’honneur de Castor auguste. Plus étonnante est l’inscription découverte à Boutae mentionnant la donation, grâce à une quête doublée, d’un autre monument ou d’une statue861, rendant hommage à Castor et

Pollux. Car, le dédicant n’est autre que Gauis Ateius Pecularis, préfet du pagus d’Apollon. Ce magistrat, à la différence des préfets du pagus de Diane, n’a pas tenu de charge religieuse, mais il est très curieux de pouvoir constater de telles connotations entre les deux districts voisins.

On pourrait rapprocher Vintius de la divinité Mars Ventius à Vence862, dans les Alpes- Maritimes (C.I.L. XII 3). Pour I. Tournié863, Ventius faisait partie des divinités tutélaires et