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Chapitre II : Les citoyens de la cité et la dévotion aux dieux gréco-romains

A. Mercure, le dieu primordial.

Divinité protectrice des inventeurs et des voyageurs, messager veillant sur les carrefours, Mercure, par le nombre des documents qui attestent son culte, paraît bien, comme le pense P.-M. Duval296, le plus grand dieu de la Gaule romaine. Inscriptions, statues, bas-

291J.-P. Jospin, Les Allobroges, Gaulois et Romains des Alpes, Veurey, 2009, p. 43 ; R. Lauxerois, Vienne, un site en majesté, Veurey, 2003,

p. 16 et 17 ; E. Thevenot, Les Gallo-romains, Paris, 1948, p. 83 à 98.

292César, Guerre des Gaules, VI, 17.

293M. Clavel-Lévèque, Religion, culture, identité. Mais où sont les druides d’antan ? Le puzzle gaulois, Besançon, 1989, p. 389 à 457. 294B. Rémy, N. Mathieu, Les femmes en Gaule romaine (Ier siècle av. J.-C. – Vème siècle ap. J.-C.), Paris, 2009, p. 152.

295S. Cibu, Villes alpines et religion civique, in La ville des Alpes occidentales à l’époque romaines, Actes du colloque international,

Grenoble, 6-8 Octobre 2006, Grenoble, 2008, p. 123.

77 reliefs, statuettes de bronze et lieux de culte sont pour Mercure plus nombreux que pour tout autre dieu.

A Vienna, selon B. Rémy297, c’est toute la cité qui est placée sous son patronage et sa vénération n’est pas le seul fait d’initiatives individuelles et privées. Il apparaît ainsi, pour le peuple et pour l’élite viennoise, comme le dieu primordial du panthéon allobroge. Il est le dieu le plus honoré devant Mars, Jupiter et Apollon.298

1. La documentation épigraphique

Le dépouillement des différentes sources montre qu’une quarantaine de textes émanant de notables met en exergue la primauté de Mercure.299

a. Dans la capitale et le département de l’Isère.

Plusieurs d’entre eux ont été découverts à Vienna. Tout d’abord, une dédicace d’une flaminique300, membre de l’aristocratie allobroge, a offert une décoration à un édifice

religieux indéterminé à la fin du Ier siècle ou au début du IIème siècle. L’ornementation se composait de plusieurs statues : Castor, Pollux, Hercule et Mercure. On peut s’interroger sur cette association. Car, si les Dioscures connaissent un certain succès à Vienna, si Mercure est largement attesté dans la cité, Hercule, comme nous le verrons plus loin, n’est représenté que par de très rares statues et de nombreuses statuettes soulignant sans doute une piété populaire. Il peut apparaître singulier qu’un personnage de haut rang, à une période correspondant à l’expansion du culte impérial dans la Provincia Narbonensis, ait fait une telle donation. Cette décoration devait donc coïncider avec certaines inflexions religieuses dans le peuple allobroge, ce qui pourrait expliquer un tel groupement de dieux, à l’image d’un panthéon viennois aussi complexe que varié. Deux particuliers, Titus Laetorius Duellus Antestianus301

et … Laetorius Numida Antestianus, porteurs d’un gentilice et d’un surnom latins, ont eux fait ériger un autel en l’honneur du dieu des voyageurs. D’autre part, la partie supérieure d’un monument hexagonal consacré à Mercure auguste a été dédié par un certain Publicius302, qui

devait porter les duo nomina seconde manière, l’absence de prénom incitant à dater le texte du IIème siècle.

Dans l’autre centre majeur de l’Isère, à Cularo, ou pour être plus exact dans sa proche banlieue, à Echirolles et à La Terrasse, deux autres inscriptions ont été trouvées. La première est l’œuvre d’un citoyen nommé L. Manilius Silanus303, qui honore ici Mercure sous la dynastie des Julio-Claudiens. La seconde est un ex-voto gravé sur un autel, consacré à Mercure auguste au Ier ou au IIème siècle par un évergète nommé Lucius Divius Rufus304,

portant un gentilice celte (unicum en Narbonnaise) et un cognomen latin.

De nombreux témoignages ont été mis au jour dans le reste du département. A Feyzin, un sévir augustal, Lucius Taietius Chresimus305, a consacré un autre autel, en ex-voto, à la

divinité. De même sur le fameux autel octogonal de marbre blanc consacré à Septime Sévère

297B. Rémy, Des dieux gaulois aux dieux de la Gaule romaine, in Le catalogue de l’exposition du Musée dauphinois de Grenoble, Gollion,

2002, p. 147.

298J.-C. Béal, Le sanctuaire antique du Châtelet à Saint-Désirat (Ardèche) une relecture, R.A.N., t. 38-39, 2005-2006, p. 171 à 199. 299Tableaux, p. 112 à 114.

300R 15 – CIL XII 1904 ; F. Bertrandy, Inscriptions Latines de Narbonnaise, V1, Vienne, Paris, 2004 : ILN 88 – Annexe, p. 212. 301R 29 – CIL XII 1830 ; A. Pelletier, B. Rémy, Inscriptions Latines de Narbonnaise, V1, Vienne, Paris, 2004 : ILN 17 – Annexe, p. 376. 302R 30 – ILN 18.

303R 60 – ILN 361 – CIL XII 2223 ; A. Pelletier, F. Dory, W. Meyer, J.-C. Michel, Carte Archéologique de la Gaule, L’Isère, C.A.G. 38/1,

Paris, 1994, p. 168 – Annexe, p. 380.

304R 64 – ILN 454 – Annexe, p. 377. 305R 77 – ILN 287 – Annexe, p. 367.

78 à Agnin306, parmi les autres documents figurés, on peut reconnaître le buste du dieu

primordial du panthéon allobroge. A Hières-sur-Amby, dans la seconde partie du deuxième siècle, ou au début du troisième, un citoyen du nom de C. Capitoius Macrinus307 (gentilice et surnom latins) consacre au dieu un autel de granit. Sur cette dédicace, Mercure porte trois surnoms : Victor, Magniacus et Vellaunus, soulignant des caractères bien spécifiques. Vellaunus serait un synonyme d’Adsmerius « bienveillant, pourvoyeur », dieu garant de la prospérité terrienne et de l’abondance. Magniacus, surnom indigène, serait le roi ou le chef. Le surnom latin Victor nous fait découvrir un caractère surprenant, à première vue, pour Mercure, celui d’un dieu guerrier, ou d’un dieu victorieux…sans doute de la maladie. L’autre intérêt de ce texte réside dans le fait que l’épithète « auguste » précède, comme rarement, le nom de la divinité, laissant à penser qu’on y honore conjointement un empereur associé au chef du panthéon viennois308. Mercure apparaît ici comme la divinité tutélaire de la cité. A

Chatte et à Chevrières, déjà auteur d’un ex-voto à Maïa dans la même commune, le très important évergète, T. Eppius Iullinus309, honore ici sur deux dédicaces, également en ex-voto,

Mercure auguste. L’ensemble de ces documents date du Ier ou du IIème siècle. Leur proximité

laisse préfigurer qu’il existe un lieu de culte au couple Mercure-Maïa. A Saint-Martin-le- Colonel, c’est un autel de calcaire qui lui est érigé aussi au premier ou second siècle. Le dédicant est une femme, Dannia Martina310, sans doute une noble qui porte les duo nomina. A

Beaucroissant, on a trouvé deux autres autels, en ex-voto, dédiés à la divinité primordiale du panthéon allobroge. Le premier a été gravé par Sex. Geminius Cupitus311 à Mercure auguste « Artaius ». Certains historiens, comme J. Toutain, F. Benoit ou J.-J. Hatt312, considèrent cette

épithète comme un nom topique d’un quartier de la commune. D’autres, comme E. Thevenot, P.-M. Duval ou H. Lavagne313, mettent en rapport Artaius avec l’ours (Artos) et la patronne et déesse Artio (connue chez les Trévires C.I.L. XIII 4113 ; et chez les Helvètes par un bronze). Mercure serait sur ce témoignage assimilé à un dieu indigène local, comme il l’est à Châteauneuf avec Limetus, un dieu protecteur et garant de la prospérité et de la propriété terrienne. L’autre texte est l’œuvre de Caius Atisius Sedulus314, porteur d’un gentilice celtique et issu d’une fameuse famille de potiers d’Aoste dont la renommée va bien au-delà de la cité : les Atisii. Beaucroissant est certainement le lieu d’un sanctuaire. A Creys Mépieu, deux magistrats, tous deux augures, Sennius Martius et Melius Martiniacus315, ont fait ériger un autel, ex stipe, dédié à Mercure auguste. Ces deux dévots appartiennent à l’aristocratie et Martius est de la gens Sennia. Enfin, à Charencieu, une plaque de calcaire a été gravée par Marcus Veratius316 en l’honneur du dieu des voyageurs.

306R 84 – ILN 320 – Annexe, p. 372.

307R 86 – ILN 559 – CIL XII 2373 – Annexe, p. 379.

308F. Bertrandy, F. Kayser, B. Rémy, A. Buisson, Les Inscriptions de l’Ain (ILAin), Bresson, 2005, p. 25. Dans le département de l’Ain, les

auteurs envisagent une association de Mercure au culte impérial ; Sur le culte de la divinité : W. Van Andriga, La religion en Gaule romaine. Piété et politique (Ier-IIIème siècle ap. J.-C.), Paris, 2002, p. 135 à 137.

309R 93 et 94 – ILN 328, 329 ; O. Hirschfeld, Inscriptiones Galliae Narbonensis Latinae, C.I.L., Corpus Inscriptionum Latinarum, tome

XII, Berlin, 1888 : CIL XII 2195. 2196 ; A. Pelletier, F. Dory, W. Meyer, J.-C. Michel, Carte Archéologique de la Gaule, L’Isère, C.A.G. 38/1, Paris, 1994, p. 128 – Annexes, p. 376.

310R 96 – ILN 333 – Annexe, p. 377. 311R 97 – ILN 341 – C.A.G. 38/1, p. 108.

312A propos de Mercure et de l’épithète Artaius : J. Toutain, Les cultes païens dans l’Empire romains (provinces latines), 3 vol., Rome,

1967, (Paris, 1905-1917) ; F. Benoit, Mars et Mercure. Nouvelles recherches sur l’interprétation gauloise des divinités romaines, Aix-en- Provence, 1959 ; J.J. Hatt, Mythes et dieux de la Gaule, I, Paris, 1989.

313En complément : E. Thevenot, Sur les traces des Mars celtiques entre Loire et Mont Blanc, Bruges, 1955 ; P.-M. Duval, Les dieux de la

Gaule, Paris, 2002 ; H. Lavagne, Les dieux de la Gaule narbonnaise : romanité et romanisation, Journal des savants, Juillet-Septembre, 1979, p. 155 à 197.

314R 98 – ILN 342.

315R 103 – ILN 557 – Annexe, p. 378. 316R 105 – ILN 587 – Annexe, p. 379.

79 b. Dans le département de la Savoie.

Le dieu primordial des Viennois est aussi très présent en Savoie, et ceci notamment dans la Combe.

A La Rochette, un petit autel317 nous apprend qu’un certain Iustus, dont le statut est

délicat à restituer, fut esclave de Mercure et Cérès. Etait-il véritablement un esclave ou plus simplement un desservant ? Son statut se rapprochait-il de celui des esclaves sacrés dans le monde grec ? Et pourquoi alors avoir fait élever en ex-voto ce monument en l’honneur d’Apollon ?

Dans le sanctuaire de Châteauneuf, de nombreuses dédicaces ont été écrites pour la seule Rome, comme nous l’avons vu précédemment318. Mais, ce lieu de culte est également

dédié à des Empereurs, à la divinité indigène Limetus, à Maïa, et surtout et avant tout à Mercure. Une série de graffiti sur enduit mural lui est consacrée. Un certain P. Attius Firmus319 de l’illustre famille des Attii, y a fait vœu au dieu. Le contexte votif et sacrificiel est

dans ce texte explicite. Un personnage, demeuré anonyme, y fait aussi une offrande, des deniers, en signe de vénération à Mercure et à sa parèdre Maïa. L’auteur devait être un assez riche donateur320. Un autre anonyme a fait une dédicace à la suite d’un vœu acquitté à ces deux divinités321. Toujours dans la Combe, à Tournon, un bloc de calcaire nous renseigne sur

l’existence de Titus Domitus Montanus322, prêtre de Mercure, devant officier dans un

sanctuaire local à l’initiative d’une autorité sûrement publique. Deux autres dédicaces ont été découvertes à Gilly-sur-Isère323. Des frères, Caius Betutius Bassinus et Quintus Betutius

Gratinus324, au gentilice latin d’assonance gauloise, y ont fait ériger un autel. Un autre

document est consacré au dieu par un personnage dont le nom est impossible à restituer325. La Chapelle-du-Mont-du-Chat est aussi un lieu de découvertes. Un autel a été élevé par Albanus Valerius326 associant sans doute Mercure à Minerve. Ce bloc aujourd’hui perdu a été vu par

peu de personnes. L’un des témoins, Ph. Pingon327, en a donné plusieurs versions. Mercure

auguste fait aussi l’objet d’un ex-voto gravé par un évergète du nom de Sextus Apicius Successus.328

Dans la région d’Aquae (Aix-les-Bains), deux textes ont été mis au jour au Bourget- du-lac. Un certain Titus Terentius Catullus329 s’est acquitté de son vœu à Mercure auguste. Un autre citoyen lui a consacré la base d’une statue en calcaire. L. Catius Lucanus devait certainement vivre à l’époque julio-claudienne.330

317R 111 – ILN 459 ; B. Rémy, F. Ballet, E. Ferber, Carte Archéologique de la Gaule, La Savoie, C.A.G. 73, Paris, 1997, p. 188. 318B. Rémy, Loyalisme politique et culte impérial dans la cité de Vienne au Haut-Empire d’après les inscriptions, R.A.N., t. 36, 2003, p.

376.

319R 112 ; B. Rémy, J. Scheid, Inscriptions Latines de Narbonnaise,V2, Vienne, Paris, 2004 : ILN 466 – C.A.G. 73, p. 144 et 145. 320R 113 – ILN 471 – Annexe, p. 140.

321R 114 – ILN 472 – Annexe, p. 381.

322R 115 – ILN 532 – CIL XII 2340 – Annexe, p. 381.

323H. Barthélémy, Un site gallo-romain alpin : Gilly (Savoie), R.A.N., t. 19, 1986, p. 211 à 244. H. Barthélémy émet l’hypothèse d’un

sanctuaire dédié à la divinité dans ce site. Comme nous allons pouvoir le constater, outre les objets provenant d’une grande statue et les dédicaces retrouvées à Gilly, celle découverte non loin de là à Tournon, du sanctuaire tout proche de Châteauneuf consacré notamment à Mercure et Maïa, l’auteur souligne aussi le toponyme voisin de Mercury.

324R 117 – ILN 534 – CIL XII 2339. 325R 118 – ILN 535.

326R 143 – ILN 627 – C.A.G. 73, p. 140, commune n°076 ; Ph. Pingon, Storia della Real Casa, storie generale, sans date, ca 1545-1552

(manuscrit conservé aux archives d’Etat à Turin).

327R 143 – ILN 627 – C.A.G. 73, p. 140, commune n°076 ; Ph. Pingon, Storia della Real Casa, storie generale, sans date, ca 1545-1552

(manuscrit conservé aux archives d’Etat à Turin).

328R 144 – ILN 628.

329R 124 – ILN 642 ; B. Rémy, F. Ballet, E. Ferber, Carte Archéologique de la Gaule, La Savoie, C.A.G. 73, Paris, 1997, p. 129. 330R 125 – ILN 643 – C.A.G. 73, p. 129, commune n°051 – Annexes, p. 382.

80 c. En Haute-Savoie et dans le vicus de Genève.

La Haute-Savoie est un département où plusieurs documents épigraphiques ont été trouvés.

A Boutae (Annecy), Gaius Spurius331 honore Mercure auguste sur une plaque de

calcaire. Dans le même vicus, Sex. Iulius Optatus332 l’y honore également. Le formulaire

permet de dater ce texte de l’époque julio-claudienne. Deux autres témoignages333 découverts à Cran, dans le bassin annécien, nous apprennent qu’Optatus est un riche évergète, mais aussi un personnage faisant partie de l’aristocratie locale puisqu’il est flamine de Mars. Cet homme appartient à la gens Iulia. Toujours dans l’agglomération, à Villaz, un certain Titus Coelius334, issu de la gens Coelia, est mentionné sur un autel consacré à Mercure et à Maïa. Tout proche de là, à Groisy, un ex-voto, gravé par Gaius Verrius Aurelius335, un important évergète de Boutae, est aussi consacré à Mercure et à sa parèdre Maïa.

Dans le reste du département, des fragments mentionnent Mercure auguste à Saint- Félix. Le dieu est honoré par Lucius P… Amoenus à Saint-Julien-en-Genevois vers la seconde moitié du IIème siècle.336

Enfin, dans la troisième agglomération de la cité, à Genava, le dieu primordial du panthéon fait l’objet de cinq dédicaces. Deux frères, Marcus Cassius Mercator et Lucius Cassius Asper337, appartenant à la grande famille des Cassii, l’associent sur un texte du Ier ou

du IIème siècle à Mars et à Jupiter. Marcus Attius Birr…338, de la gens Attia, l’honore également dans ce vicus, tout comme un certain Marcus sur un ex-voto339. Un autre document

du Ier ou IIème siècle lui est consacré par L. Iulius340. Enfin, sur la partie supérieure d’une

colonnette, Marcus Veratius Bassus, affranchi de Mercator (ILN 817), issu de la gens Veratia, lui a fait graver un texte.341

Plusieurs commentaires s’imposent au regard de la richesse du corpus épigraphique342. Mercure fait l’objet de dédicaces ou de donations sur l’ensemble du territoire viennois. Il est autant vénéré dans les grands centres que dans les agglomérations secondaires, ou encore dans des lieux plus reculés. Ainsi, environ 39% des témoignages proviennent de l’actuel département de l’Isère, dans la partie occidentale du territoire. 26% ont été mis au jour en Savoie, principalement concentrés dans la Combe. Dans la partie plus orientale de la cité, 21% des documents découverts viennent de Haute-Savoie, dont 75% du seul pagus d’Apollon, autour de Boutae. Enfin, 14% des témoignages ont été trouvés à Genava. Parallèlement, il faut noter le fait que les trois grands centres ne réunissent que 25% de cette documentation. Le culte de Mercure semble bénéficier d’une certaine homogénéité géographique et d’un nombre conséquent de sanctuaires, montrant, sous cet angle, la popularité de la divinité dans la religiosité allobroge durant le Haut-Empire.

331R 166 – ILN 754 ; B. Rémy, I.L.H.S., Annecy, 1995 : I.L.H.S. 3 – Annexe, p. 382. 332R 167 – ILN 755 – I.L.H.S. 4 – Annexe, p. 383.

333ILN 770, 771.

334R 170 ; F. Bertrandy, M. Chevrier, J. Serralongue, Carte Archéologique de la Gaule, La Haute-Savoie, C.A.G. 74, Paris, 1999, p. 358. 335R 172 – ILN 798 – C.A.G. 74, p. 249 – I.L.H.S. 64 – Annexe, p. 408.

336R 175 et 177 – ILN 720, 799.

337R 199 ; F. Wiblé, Inscriptions Latines de Narbonnaise, V3, Vienne, Paris, 2005 : ILN 823. F. Wiblé a soutenu sa thèse à l’Université

Pierre Mendès France de Grenoble : « Le valais à l’époque romaine : histoire et archéologie d’un district alpin et spécialement de sa capitale, Forum Claudii Vallensium » sous la direction de B. Rémy, Grenoble, Décembre 2008.

338R 204 – ILN 830.

339R 205 – ILN 831 – Annexe, p. 384. 340R 206 – ILN 833 – Annexe, p. 384. 341R 207 – ILN 834 – Annexe, p. 380. 342Carte, p. 488 – Tableaux, p. 112 à 114.

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La datation de ces documents est beaucoup plus délicate343. Une bonne partie de ces

textes sont du Ier siècle, voire du IIème siècle, et un nombre réduit du début du IIIème siècle. Les

supports sont cependant très variés : colonnettes, édifices, monuments, blocs, bases de statuts, graffites et autels… Le matériel utilisé peut être du calcaire, du marbre ou encore du granit. Mais, ce qui frappe lors du dépouillement, c’est le nombre élevé d’autels (quatorze, soit environ 30% des documents), corrélativement à un formulaire souvent basé sur l’ex-voto (une dizaine d’occurrences, soit environ 25% des textes épigraphiques).

Corrélativement, le caractère populaire de Mercure s’exprime également à travers la variété des statuts des dédicants. En dehors de riches évergètes ou de simples citoyens, on retrouve un certain nombre de magistrats religieux : une flaminique, un sévir augustal, un flamine de Mars, un prêtre de Mercure, deux augures, un esclave sans doute sacré. Un affranchi est aussi l’auteur d’une dédicace, et uniquement deux dédicantes sont référencées. Il faut relever qu’aucun magistrat civil n’est explicitement l’auteur d’un texte, alors que beaucoup de dédicants sont issus des fratries aristocratiques de la cité : les Attii, Sennii, Atisii, Iulii, Coelii, Cassii et Veratii. Mais, ce qui est plus étonnant encore, c’est que les dédicaces issues de ces grandes lignées, représentant environ 30% du corpus, ont été gravées, essentiellement, par des personnages venant des pagi d’Apollon ou d’Auguste.

Tous ces aspects démontrent la complexité de son culte, d’autant plus que Mercure est régulièrement associé à d’autres divinités : Associé à Hercule, Castor et Pollux dans la donation de statuts, son caractère paraît avant tout romain. La mention de l’esclave de Mercure et Cérès honorant Apollon a une autre portée. Selon H. Le Bonniec344, la déesse est

ici la divinité de la fertilité favorisant l’abondance des moissons. Les Allobroges de la Combe, dans le sanctuaire de La Rochette, l’unissent à Mercure, qui apparaît alors comme le garant de la prospérité terrienne. Adjoint à Minerve sur un autel de La Chapelle-du-Mont-du-Chat, le dieu primordial revêt, sans doute, son caractère d’inventeur de tous les arts. Son association à Genève avec Mars et Jupiter ressemble à la première triade romaine. Mercure pourrait ici remplacer Quirinus, dieu très ancien, honoré principalement à Rome et en Italie. Avec Maïa, sa parèdre, les caractéristiques du dieu primordial du panthéon allobroge semblent encore s’élargir. Tout d’abord, Maïa, comme nous le verrons plus loin dans notre étude, a une place tout à fait singulière à Vienne, une place dont l’importance n’existe nulle part ailleurs en Gaule sous le Haut-Empire. Avec Mercure, le couple s’impose comme les divinités protectrices du territoire, les divinités dominantes de la religiosité viennoise.

Enfin, Le dieu des voyageurs et du commerce se voit aussi attribuer plusieurs épithètes, soulignant aussi l’étendue de ses caractères : outre Auguste, on peut mentionner Artaius, Vellaunus, Victor et Magniacus. Ces épithètes apparaissent sur plus de 35% des épigraphes.

Toute cette documentation nous apprend que Mercure s’impose bien comme la divinité du panthéon viennois la plus honorée et qu’il est présent dans le cœur de l’aristocratie. Notables, magistrats, riches évergètes, citoyens issus des grandes lignées indigènes l’honorent et lui consacrent de nombreux lieux de culte. Vénéré aux côtés d’autres dieux, vénéré dans de hauts sanctuaires avec Maïa, Rome, et les princes de la Maison Divine, comme à Châteauneuf où Limetus lui est assimilé, Mercure revêt bien des caractères, dénotant une certaine universalité, et, peut-être même, une certaine accointance avec le culte impérial. Cette hypothèse n’est pas dénuée de fondements, et peut être mise en parallèle avec l’analyse

343M. Dondin-Payre, M.-Th. Raepsaet, Critères de datation des inscriptions religieuses, in Dondin-Payre M., Raepsaet M.-Th. (éd.),

Sanctuaires, pratiques cultuelles et territoires civiques dans l’Occident romain, Bruxelles, 2006, p. XIII ; B. Rémy, La répartition des inscriptions latines dans la cité de Vienne – un moyen d’appréhender la latinisation et la romanisation des campagnes, La Pierre et l’Ecrit, 19, Revue d’histoire et du patrimoine du Dauphiné, Grenoble, 2008, p. 10. Les difficultés de datation, selon B. Rémy, s’expriment tout particulièrement pour les dédicaces aux divinités.

82 faite des inscriptions de l’Ain345. De plus, au regard de la qualité et de la diversité des

dédicaces346, de la place centrale occupée par Mercure dans la religiosité viennoise, il

convient de s’interroger sur la romanité de sa personnalité. En effet, les dieux gallo-romains ne sont pas la simple transposition de divinités superficiellement romanisées. Ce phénomène est essentiel pour saisir le degré d’intégration dans la religion romaine des divinités et des