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Chapitre V : Les Viennois de haut rang et les divinités indigènes

B. Les déesses indigènes.

Les divinités féminines indigènes sont plus nombreuses que leurs homologues masculins, mais elles n’ont pas forcément la même portée que ceux-ci auprès de l’aristocratie locale.

860R 161 - ILN 736 – I.L.H.S. 59 – C.A.G. 74, p. 230 – Annexe, p. 399. 861R 164 – ILN 752 – I.L.H.S. 2 – Annexe, p. 399.

862S. Morabito, Inscriptions Latines des Alpes Maritimes, Nice, 2010, p. 176 et 177 : ILAM 70.

863G. Barruol, I. Tournié, Les divinités indigènes, in Atlas culturel des Alpes occidentales, Paris, 2004, p. 198 et 199.

864F. Bertrandy, C.A.G. 74, Paris, 1999, p. 120 à 125 ; N. Jufer, T. Luginbülh, Répertoire des dieux gaulois, Paris, 2001, p 15 à 74. 865S. Morabito, Inscriptions Latines des Alpes Maritimes, Nice, 2010, p. 176 et 177 : ILAM 70. Notons que le dédicant nommé Marcus

Rufinius Felix est sévir et incola de Cemenelum.

866A. Vigier, L’énigmatique Vintius, DHA 35-2/2009, 2010, p. 119 à 132. 867J.-J. Hatt, La tombe gallo-romaine, Paris, 1986, p. 418.

162 1. Les déesses Mères : abondance, fertilité et fécondité

Ces déesses ancestrales sont représentées en groupe de deux, trois ou cinq individus. Personnifications universelles de la terre et de la prospérité agricole, elles sont garantes de la santé des hommes. Ce sont des divinités guérisseuses, vénérées sur les lieux d’eau et de cure. Elles symbolisent, de plus, la maternité et sont protectrices de l’enfance. A l’origine, leur culte se déroulait en plein air, mais, à l’époque gallo-romaine, les fidèles leur ont bâti des sanctuaires. Parmi les divinités indigènes, elles occupent, sans doute, la première place au niveau de la Gaule romaine, étant attestées par de nombreuses dédicaces et représentations figurées.868

Différentes appellations permettent à quatorze épigraphies de faire référence aux déesses Mères dans la cité869. Parmi celles-ci, huit mettent en scène des dédicants pouvant

appartenir à l’élite allobroge.870 a. Les Mères Augustes.

Dans l’agglomération viennoise, trois autels honorent les déesses Mères sous leur forme celtique : Matres Augustae (Mères Augustes). Le premier gravé en ex-voto a été érigé par Decimus Dimarius Messulus871, porteur d’un gentilice et surnom, unica en Occident.

Actuellement conservé au musée lapidaire de Vienne, la bonne graphie permet de proposer une datation inférieure au IIème siècle. Le second est l’œuvre de Cn. Pompeius Quartus872, son

prénom et son gentilice renvoyant au grand Pompée qui opéra de nombreuses naturalisations en Gaule, lors de la réorganisation de la Province. Il est sans doute issu des Pompeii d’Aquae. Non loin de Vienna, un troisième témoignage, en ex-voto, a été retrouvé à Sainte- Colombe. Son auteur, Caius Titius Sedulus873, appartient à la très puissante gens Titia de Cularo et d’Aquae. Toutes ces épigraphes sur autel font penser qu’il existait un temple

consacré aux Mères Augustes dans la capitale.

Sur le reste du territoire, à Grenoble, un membre de la gens Cassia, Titus Cassius Eros874, leur a aussi dédié une dédicace sur un autel. Eros devait être un personnage

suffisamment riche, comme le démontre un autre document de Seyssel en l’honneur de Junon (C.I.L. XII 1816).

En Savoie, les Mères Augustes font l’objet d’un culte, notamment dans le réputé sanctuaire de Brison-Saint-Innocent875. Un certain Lucius Daverius M… leur consacre une dédicace. Un autre personnage, dont on ne peut restituer le nom avec exactitude, Lucius A…rius …inus876, y honore, en ex-voto, des divinités augustes, dont on peut imaginer qu’il

s’agisse des déesses Mères.

868 B. Rémy, N. Mathieu, Les femmes en Gaule romaine (Ier siècle av. J.-C. – Vème siècle ap. J.-C.), Paris, 2009, p. 147.

869Carte, p. 502. 870Tableau, p. 169.

871R 39 – ILN 14 – Annexe, p. 416. 872R 40 – ILN 15.

873R 41 – ILN 16 – Annexe, p. 416.

874R 67 – ILN 359 ; B. Rémy, B. Dangréaux, Inscriptions Latines de Grenoble et de son agglomération, I.L. de Grenoble n°9, Grenoble,

2002, p. 104 – Annexe, p. 416.

875R 132 – ILN 694 – Annexe, p. 417. 876R 133 – ILN 695.

163 b. Les déesses Mères sous d’autres dénominations.

Toujours à Brison-Saint-Innocent, les déesses Mères y sont vénérées sous l’appellation de Dominae, sur une épigraphie en ex-voto. Le dédicant, Marcus Carminius Magnus877, devait

être un dévôt se rendant au sanctuaire pour puiser de l’eau. Ce document de la fin du IIème

siècle ou du début du IIIème siècle semble retenir le rôle guérisseur de ces divinités, en raison

notamment de leur localisation près d’agglomérations thermales, comme peut le confirmer le témoignage suivant.

En effet, un autre ex-voto a été découvert à Aquae. Son auteur, Marcus Helvius Iuuentius878, qui indique sa filiation, y honore les Comedovae Augustis, déesses guérisseuses, assimilées aux déesses Mères.879

c. Statuaires, monuments et sanctuaires.

Comme Maïa très présente dans l’épigraphie, les déesses Mères sont peu représentées dans le domaine iconographique. Cependant trois fragments d’une statuette en terre blanche, dont l’un figure une tête d’enfant tétant, appartenant au groupe des déesses Mères allaitant un enfant au sein droit, ont été retrouvés à Viuz-Faverges. Les fouilles récentes ont mis au jour d’autres statuettes faisant référence à ces divinités.880

Il est curieux que ce témoignage figuré soit attesté dans le pagus d’Apollon, dans l’actuelle Haute-Savoie, où les documents épigraphiques sont absents.

Parallèlement, nous pouvons nous interroger sur la présence ou non d’un lieu de culte dans la capitale. Le nombre de dédicaces peut faire penser qu’il existait bien un sanctuaire881.

De la même manière, il devait y avoir différents sanctuaires à Cularo.882

En Savoie, dans le site religieux de Brison-Saint-Innocent, trois épigraphes ont été découvertes (C.I.L. XII 2446. 2448. 2449). Tout laisse à penser que ce lieu abritait un sanctuaire dédié aux divinités guérisseuses.

Enfin, lieu de fouilles assez récentes (1988-89 et 1992-93), Viuz-Faverges, avec des bâtiments dont les plus anciens remontent au milieu du Ier siècle, même si aucune dédicace,

ex-voto, ou statuette y est attribuable avec certitude à une divinité, un nombre important de

petits objets pourrait témoigner des vœux et dévotions effectués en l’honneur de ces déesses indigènes.883

La moitié des documents épigraphiques référencés, mentionnant les déesses Mères, sont des autels et 60% d’entre eux ont été gravés en ex-voto. Ils ont été essentiellement localisés autour de Vienna, Cularo et à Brison-Saint-Inncocent. Si leurs datations demeurent le plus souvent délicates à appréhender, il ne fait guère de doute que les divinités furent

877R 131 – ILN 693 – C.A.G. 73, p. 132 – Annexe, p. 417. 878R 129 – ILN 662 – Annexe, p. 417.

879Ph. Leveau, B. Rémy, A. Canal, M. Segard, Aix-les-Bains, vicus thermal et bourg rural, R.A.N., t. 38-39, 2005-2006, p. 92. L’origine du

nom de ces divinités n’a pas été totalement explicitée. La racine med sous-entend l’idée de soins curatifs, ou une allusion au medu, l’hydromel source d’ivresse.

880F. Bertrandy, M. Chevrier, J. Seralongue, C.A.G. 74, Paris, 1999, p. 82 et 239.

881B. Rémy, J.-P. Jospin, Recherches sur la société d’une agglomération de la cité de Vienne – Aoste(Isère), R.A.N., t. 31, 1998, p. 83. Les

auteurs avancent le fait, que comme dans la capitale, à Aoste en Isère, le culte aux déesses Mères dépassait certainement les seules initiatives individuelles. Fruit d’une quête annuelle, une dédicace (ILN 596) pourrait amener à penser à l’existence de prêtres. Trop fragmentaire, ce document ne permet pas de connaître le nom du dédicant, ce qui explique que ce document ne rentre pas directement dans notre étude.

882B. Rémy, B. Dangréaux, Inscriptions Latines de Grenoble et de son agglomération, I.L. de Grenoble n°9 et 10, Grenoble, 2002, p. 104 à

107.

883J. Serralongue, Le sanctuaire de Viuz-Faverges, in Le catalogue de l’exposition du Musée dauphinois de Grenoble, Gollion, 2002, p. 160

164 vénérées tout au long du Haut-Empire. Les dédicants sont pour la plupart de simples citoyens. Même si 40% d’entre eux appartiennent à de grandes familles allobroges, dont le riche évergète T. Cassius Eros, aucun n’a tenu une magistrature ou un sacerdoce. Il faut, de plus, signaler que les auteurs de ces dédicaces étaient tous des cultores masculins.884

Le tableau récapitulatif885 montre surtout la place occupée par les Mères augustes

(75% des occurrences). Si les déesses Mères jouissent en Gaule d’une insigne ferveur, elles sont dans la cité viennoise honorées le plus souvent sous leur forme celtique, Matrae, et portent le qualificatif d’auguste. Ces Mères augustes ne se retrouvent guère en dehors de Vienne, si ce n’est chez les Helviens (C.I.L. XII 2672), à Lyon886 (C.I.L. XIII 1758. 1760.

1764. 11176), ou encore dans l’Ain à Lhuis et à Belley887. Elles auraient donc pu faire l’objet d’un culte dépassant les seules initiatives individuelles, occupant une place fondatrice et un rôle essentiel dans le panthéon allobroge.888

A l’échelle de la Provincia889, l’importance des déesses Mères est confirmée par leur omniprésence. Ainsi, dans les Alpes-de-Haute-Provence, à Riez, une dédicace (C.I.L. XII 497) est consacrée aux Matres Conservatrices (Mères salvatrices)890. Plusieurs autres leur

sont dédiées en Ardèche ou dans l’Aude891. Dans les Bouches-du-Rhône et le Var, elles sont

mentionnées à Aix (C.I.L. XII 504), à Plan d’Aups (C.I.L. XII 330) sous le nom de Matres

Almahae, à Rians (C.I.L. XII 505) sous le nom de Matres Gerudatiae, ou encore à Saint-

Zacharie (C.I.L. XII 333). Un autel a été recensé à Olbia, et elles sont présentes à Nice sous le nom de Vediantiae892. Dans le Gard, à Nîmes, sur les chapiteaux domiques dans le centre public et religieux de la Fontaine, une dédicace aux Mères namausiques a été retrouvée. Le nombre et la nature des offrandes mises à jour dans ce lieu attestent l’existence d’un sanctuaire de la source à la parure monumentale datant du Ier siècle893. Ce sanctuaire fait écho à celui de Glanum, où les déesses sont recensées sous le nom de Glanicae894. Toujours à

Nîmes, une autre inscription, ainsi qu’une statuette ont été découvertes. Dans le reste de cette région, elles sont mentionnées à Anduze, à Collias (C.I.L. XII 5887), à Brignon (C.I.L. XII 2915), ou encore à la Roque-de-Viou avec des statuettes datant du Ier siècle. Elles sont aussi présentes à Vasio895 et à Apt (C.I.L. XII 1078) dans le Vaucluse896. Au-delà de la

Narbonnaise, dans la province des Alpes maritimes, elles sont attestées par trois dédicaces dans la cité de Cemenelum avec la même dénomination qu’à Nikaia.897

Les déesses Mères sont attestées des dizaines de fois en Narbonnaise. Néanmoins, Vienne apparaît comme l’une des cités où ces divinités ont connu leur plus large

884B. Rémy, N. Mathieu, Les femmes en Gaule romaine (Ier siècle av. J.-C. – Vème siècle ap. J.-C.), Paris, 2009, p. 147.

885Tableau, p. 169.

886H. Savay-Guerraz, Les dieux de Lugdunum, in H. Savay-Guerraz, A. Destat ( sous la dir.), Rencontres en Gaule romaine, 2005-Expo.

Lyon, 2005, p. 55 à 60. Comme nous l’avons déjà vu, les déesses Mères sont notamment en compagnie de Sucellus, Mercure et Fortune sur un bloc découvert à Lugdunum.

887F. Bertrandy, F. Kayser, B. Rémy, A. Buisson, Les Inscriptions de l’Ain (ILAin), Bresson, 2005, p. 24 : ILAin 37, 54.

888B. Rémy, I.L. de Grenoble, Grenoble, 2002, p. 104 et 105 ; C. Jourdain-Annequin, I. Tournié, Les Divinités féminines, in Atlas culturel

des Alpes occidentales, Paris, 2004, p. 206 et 207.

889Carte, p. 509.

890A. Chastagnol, I.L.N., Antibes, Riez, Dignes, Paris, 2002, p. 207 à 209.

891J. Dupraz, C. Fraisse, Carte Archéologique de la Gaule, L’Ardèche, C.A.G. 07, Paris, 2001, p. 464 ; E. Dellong, C.A.G. 11/1, L’Aude,

Paris, 2002, p. 641 à 645.

892J. Gascou, I.L.N., Aix en Provence, Paris, 1995, p. 74, 231 et 233 ; J.-P. Brun, C.A.G. 83/1, Paris, 1999, p. 166 ;S. Morabito, Inscriptions

Latines des Alpes Maritimes, Nice, 2010, p. 420 et 421. Les Mères Védantiennes sont notamment vénérées dans les collines s’étendant en arrière de la plaine littorale niçoise.

893J.-C. Fiches, A. Veyrac, C.A.G. 30/1, Paris, 1996, p. 151.

894P.-M. Duval, Les dieux de la Gaule, Paris, 2002, p. 54 et 55 -A. Roth Congés, Glanum, De l’oppidum salyen à la cité latine, Paris, 2000,

p. 5 - 9 et 36 - 41.

895C. Bezin, Vaison-la-Romaine, Une longue histoire…, Aix-en-Provence, 1999, p. 37. 896J. Gascou, Ph. Leveau, J. Rimbert, I.L.N., Apt, Paris, 1997, p. 45.

897S. Morabito, Inscriptions Latines des Alpes Maritimes, Nice, 2010, p. 265, 266 et 419 à 421. Trois dédicaces mentionnent les Mères

165 popularisation. Ceci s’explique par l’attachement des Allobroges aux dieux et déesses de la terre et de la nature. A part Maïa, ou encore Vénus, elles sont les grandes divinités féminines du territoire.

2. Les déesses tutélaires dans la cité

Deux déesses tutélaires sont attestées sur le territoire allobroge, au cœur même des deux plus importants grands pôles urbains : Vienna et Genava. Elles sont à l’image de Roma, des entités protectrices d’une agglomération urbaine. Ce sont des divinités régionales, dont le culte est très localisé. Corrélativement, il demeure délicat de les classer dans une catégorie précise.

Si le rôle de ces déesses tutélaires est relativement modeste dans le panthéon viennois, il est nécessaire de connaître leur place dans la religiosité des élites de la cité.

Connus par une dédicace, coptés par le sénat de Vienne, puis décurions, les célèbres jumeaux Coelii, aristocrates fort riches, sont à l’origine de l’érection d’une statue d’argent de

Vienna. L’intérêt de ce témoignage réside dans le fait que la somme allouée pour sa

réalisation est la plus importante du monde romain.898

Dans la capitale, plusieurs autres témoignages figurés ont été référencés. Selon R. Lauxerois899, comme la grande salle des thermes du palais du Miroir, de nombreuses statues, dont une déesse tutélaire, ont été mises au jour dans les thermes des Lutteurs, là où se trouvent les piscines et les bassins. Une autre statue, une Tutela, divinité protectrice de la ville avec corne d’abondance, un globe à terre et une couronne de tours, est aujourd’hui conservée au Musée St Pierre900. Découvert à Lyon, il faut aussi mentionner le vase du Triomphe de

Vienne, vase à médaillon d’applique, qui représente le triomphe de la capitale, l’agglomération étant ici symbolisée sous la forme d’une déesse tutélaire conduisant un bige. A l’arrière une Victoire coiffe Vienna d’une couronne de lauriers. En arrière-plan, portes et tours matérialisent le prestige de la colonie. Ce vase est actuellement conservé au musée de la Civilisation gallo-romaine de Lyon. Il est d’une hauteur de 24cm.901

La déesse est présente une seule et unique fois en dehors de Vienne, à Gilly, en Savoie, sur un peson faisant partie de la Grande balance en fer de ce site archéologique de premier plan902. De par ses dimensions, cette statera est exceptionnelle. Son peson en bronze

de 1,5 kg est moulé en un buste nu d’une divinité au visage massif, coiffé d’une couronne de tours, portant une chlamyde sur son épaule.903

Dans le centre urbain des rives du Léman, un monument a été érigé par une dédicante

nommée Aurelia Firmina904 en l’honneur de Genaua aug(ustae). Avec la dédicace ILN 820,

nous avons l’attestation épigraphique du culte rendu à la déesse tutélaire de Genève :

Genava905. L’auteur porte un gentilice impérial, issu d’une famille ayant reçu la citoyenneté

romaine, peut-être, de Marc Aurèle, de Commode, ou, au début du IIIème siècle, de Caracalla.

898R 43 – ILN 72 ; A. Pelletier, Les inscriptions viennoises des jumeaux Coelii et le recrutement des décurions en Gaule, R.A.N., t. 33,

2000, p. 2 à 7. La somme mentionnée est de deux cent mille sesterces. A. Pelletier date ce document, qui explique l’accès à la curie dans la cité par la cooptation, de la seconde moitié du Ier ou IIème siècle – Annexe, p. 367.

899R. Lauxerrois, Vienne, un site en majesté, Veurey, 2003, p. 34. 900Ibidem, p. 4 – Annexe, p. 459.

901Le journal de l’exposition du Musée Savoisien de Chambéry, Chambéry-Grenoble, 2002 – Annexe, p. 171. 902H. Barthélémy, C. Mermet, B. Rémy, La Savoie gallo-romaine, Chambéry, 1997, p. 135 et 187 – Annexe, p. 460.

903H. Barthélémy, Un site gallo-romain alpin : Gilly (Savoie), R.A.N., t. 19, 1986, p. 213 à 224. L’activité archéologique sur ce site a débuté

en 1975. L’auteur note la rareté d’un tel document, peut-être le plus grand en Gaule.

904R 214 – ILN 819 – Annexe, p. 418.

905N. Jufer, T. Luginbülh, Répertoire des dieux gaulois, Paris, 2001, p. 15 à 74 ; R. Christinger, W. Borgeaud, Mythologie de la Suisse

166 Ces découvertes sont peu nombreuses, mais d’une grande qualité, tendant à prouver qu’elles étaient le fruit d’actes d’évergètes relativement riches. Nous savons par ailleurs qu’un certain M. Nigidius Paternus, duumvir de la cité, a élevé à Rome un autel au numen de la déesse Vienna.906

3. Les autres déesses topiques, éponymes, de la nature, des sources et des eaux

Il existe une foule de divinités indigènes liées notamment à des lieux sacrés, portant des noms qui peuvent évoquer une montagne, une forêt, un lac ou encore une tribu907. Dans

les Alpes occidentales, ce ne sont pas moins de cent dix-sept d’entre elles qui sont référencées, dont quatre-vingt n’apparaissent qu’une seule fois.908

Nous ignorons presque tout de la personnalité réelle et profonde de celles-ci. Chez les Allobroges en dehors des déesses Mères, plusieurs autres divinités féminines ont fait l’objet de dédicaces.

a. Les inscriptions.

Un bas-relief a été retrouvé en Isère à Soyons. Ce document, aujourd’hui disparu, mentionne une dédicace à la déesse Soioni, gravée, pour la postérité, par Luccius Marcia et Sennius Marianus909, ce dernier appartenant à l’importante gens Sennia. Nous ne savons pas grand chose de cette déesse, si ce n’est qu’elle a donné son nom à la localité.

Au nord de la capitale allobroge, à Optevoz, a été mis au jour un bronze, datant du Haut-Empire, avec une anse portant une inscription à la Deae Coriotanae. Son dédicant, M. Iulius Primulus910, fait partie de la famille des Iulii. Comme Soioni, Coriotana est mal

connue. Comme elle, elle est attestée une seule et unique fois. Il pourrait s’agir ici d’une divinité topique.

Dans la Combe de Savoie, à Grésy, une divinité nommée Elausia911, inconnue par ailleurs, fait l’objet d’un hommage en ex-voto. Iulia Avita912, la dédicante qui a indiqué sa

filiation, est issue de la gens Iulia de Fréterive. Son nom précède celui d’Elausia, permettant de dater cette épigraphie de la période des Julio-Claudiens.

Enfin, à Mieussy, dans le pagus d’Auguste, aux franges orientales du territoire, un autel, érigé par Servilia Terentia913, mentionne la déesse Athubodua auguste914. J. Toutain915

rapproche « Athu » du nom du marais ou lac d’Anthon, voisin du lieu de découverte de l’inscription. La déesse serait une divinité des eaux, une divinité topique du lac ; ce qui est une hypothèse plausible. N. Jufer et T. Luginbühl916 ont une autre lecture. L’autel

906B. Rémy, Cartographie des notables, in Le catalogue de l’exposition du Musée dauphinois de Grenoble, Gollion, 2002, p. 59 ; B. Rémy,

F. Kayser, avec collab d’I. Cogitore et F. Delrieux, Les Viennois hors de Vienne, Bordeaux, 2005, p. 62 à 63. Les auteurs précisent que c’était le conseil des décurions de Vienne qui avait chargé l’un de ses hauts magistrats d’aller faire ériger une statue et graver une dédicace (C.I.L. VI 36835) sur le forum de Rome.

907B. Rémy, N. Mathieu, Les femmes en Gaule romaine (Ier siècle av. J.-C. – Vème siècle ap. J.-C.), Paris, 2009, p. 147. Les auteurs

soulignent « les nombreuses divinités indigènes locales, dont nous ne connaissons que le nom et dont nous ignorons les attributions » en Gaule ; A. Roth Congés, Glanum, De l’oppidum salyen à la cité latine, Paris, 2000, p. 40. A Glanum, par exemple, A. Roth Congés note la pléiade de divinités, spécialement celles au caractère guérisseur.

908G. Barruol, I. Tournié, Les divinités indigènes, in Atlas culturel des Alpes occidentales, Paris, 2004, p. 198 et 199. 909R 106 – CIL XII 2656.

910R 107 – ILN 565 – Annexe, p. 419.

911C. Mermet, Nouvelle lecture d’une inscription de la cité de Vienne, à Grésy-sur-Isère (Savoie), Etudes Savoisiennes, 4, Revue d’Histoire

et d’Archéologie, 1995, p. 77-79. C. Mermet remarque, dans son article, la mise en page soignée et symétrique avec des lettres régulières et profondément gravées de cette inscription dédicatoire.

912R 120 – ILN 528 – C.A.G. 73, p. 171 – Annexe, p. 418. 913R 183 – ILN 813 – I.L.H.S. 77 – Annexe, p. 419.

914B. Rémy, N. Mathieu, Les femmes en Gaule romaine (Ier siècle av. J.-C. – Vème siècle ap. J.-C.), Paris, 2009, p. 147.

915J. Toutain, Les cultes païens dans l’Empire romain, III, Rome, 1967, (Paris, 1905-1917), p. 306. 916N. Jufer, T. Luginbühl, Répertoire des dieux gaulois, Paris, 2001, p. 15 à 74.

167 s’adresserait à [C]athuboduae Augustae, c’est-à-dire la corneille du combat. Ce serait alors davantage une déesse guerrière de base théonyme. L’auteur de cette dédicace est une citoyenne rendant ici un hommage sans doute non officiel.

b. Documents figurés, et autres témoignages archéologiques.

Ces divinités indigènes aussi diverses que variées apparaissent également sur d’autres supports. Ainsi, l’exposition du Musée Savoisien de Chambéry, comme celui du Musée dauphinois de Grenoble, révèle l’existence d’une étrange déesse à la pomme, retrouvée à

Vienna, tenant le fruit dans sa main gauche.917

Deux trésors ont été découverts pouvant attester la présence de lieux de culte à des déesses naturalistes. A Brides-les-Bains, en Savoie, de nombreuses monnaies romaines portant l’inscription des bains, avec la marque d’exergue A.Q., pouvant être interprétée comme Aquae, témoignent peut-être d’offrandes à la divinité de la source918. A Sillingy, dans

le pagus d’Apollon, près d’un établissement thermal, furent recueillis six sesterces de Trajan. Comme pour le trésor de Brides-les-Bains, il pourrait s’agir d’offrandes à une divinité liée aux thermes.919

Quelques sanctuaires et monuments, enfin, témoignent de certaines pratiques religieuses. Ainsi, aux confins sud du territoire, dans une modeste agglomération, à Varches Lachar, deux petites cellae de plan presque carré attesteraient d’un lieu de culte à l’eau, un culte des eaux guérisseuses920

A Aquae, nous nous sommes déjà interrogés sur la fonction du temple de Diane ; l’importance des thermes posant la question d’un culte aux déesses des eaux. Pour terminer, il