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Chapitre I : Intégration et dévotion des magistrats municipau

B. Hiérarchisation des charges municipales.

1. A l’époque de la colonie latine

A la tête de la colonie, au début du Principat, et ceci sans doute jusqu’au règne de Claude, l’organisation municipale se fait autour des quattuorvirs, collège de quatre magistrats chargés de l’administration de la cité.

a. Le quattuorvirat.

Avant Caligula, les personnages qui ont atteint cette charge sont au sommet de la hiérarchie municipale. B. Rémy975 a recensé sept documents mentionnant cette fonction.

Quatre de ces témoignages attestent la présence de trois quattuorvirs ayant exercé parallèlement des prêtrises.

968R 185 et 186 – ILN 843, 844 – CIL XII 2606, 2607 – Annexes, p. 358 et 359. 969R 211 – ILN 845 – CIL XII 2613.

970R 187 – ILN 846 – CIL XII 2608 – Annexe, p. 358.

971F. Bertrandy, Le culte de Mars dans la cité de Vienne, R.A.N., t. 33, 2000, p. 240. 972R 188 – ILN 849 – CIL XII 2600 – Annexe, p. 392.

973R 190 – ILN 853. 974R 184 – ILN 837.

182 Le plus renommé d’entre eux, présent sur deux inscriptions découvertes à Vienne, et ayant suivi sa carrière sous Tibère, est C. Passerius Aper (R 7. 8) qui a été flamine du divin Auguste et flamine de Germanicus César, après le quattuorvirat, et avant la préfecture des ouvriers. Sex. Decidius, à la même époque, est mentionné à Saint-Alban-Leysse. Ce personnage appartenant à la plus prestigieuse famille de la Combe de Savoie, fut flamine de Mars en fin de cursus (R 145). Le dernier d’entre eux, L. Aemilius Tutor, fut à Genève (R 188), à la suite de son quattuorvirat chargé de dire le droit, flamine de Mars, et sans doute flamine de Rome et d’Auguste.

Il est intéressant de constater que ces trois notables occupent différents flaminats, mais aucun ne semble avoir occupé celui de la Jeunesse, ou encore les prêtrises de l’augurat ou du pontificat976. Chacun d’eux paraît néanmoins avoir suivi une carrière municipale complète.

Il faut également souligner que cette haute magistrature s’exerce essentiellement dans les plus importants pôles urbains.

b. Les autres charges civiles.

Sous la colonie latine, d’autres charges municipales et locales sont mises en place, charges souvent subalternes qui vont perdurer et continuer à faire partie du cursus de l’aristocratie allobroge, après le changement de constitution.

Selon B. Rémy977, la questure est peut-être attestée à deux reprises dès le début du

Principat ; mais rien dans la datation de ces documents ne peut réellement l’affirmer ou l’infirmer. De la même manière, l’édilité, mentionnée seule, peut l’être aussi avant le quattuorvirat. C’est ainsi sans doute le cas de l’édile Sextus Contessius Verus (R 28). Ce notable de Vienne de la gens Contessia, ayant exercé cette unique charge, et faisant preuve de dévotion dans ce document, a certainement vécu dans la première moitié du Ier siècle, mais

rien n’infirme qu’il n’est pas suivi sa carrière au tout début du Principat.

Toujours d’après B. Rémy978, le préfet du pagus de Diane, T. Valerius Crispinus, fut

notable sous Tibère, à Hauteville (R 147). Il a parallèlement été prêtre de Vintius. 2. A l’époque de la colonie romaine

Selon J. Gascou979, au changement de constitution dans la cité, la hiérarchie des charges municipales peut se présenter comme suit : questure, édilité, duumvirat et enfin triumvirat.980

Corrélativement, dans les pagi éloignés, les praefecti pagi auraient eu pour rôle de représenter les duumvirs du droit. Certains chercheurs pensent que la préfecture n’était tenue que par de simples fonctionnaires de Vienne.

976J. Scheid, Religion et piété à Rome, Paris, 2001, p. 61 et 63. J. Scheid définit les augures comme les maîtres de légitimité et les pontifes

comme les maîtres du rite.

977J. Gascou, Inscriptions Latines de Narbonnaise, V1, Vienne, Paris, 2004, p. 43 et 44. 978B. Rémy, I.L.H.S., Paris, 1995, p. 91.

979J. Gascou, Magistratures, sacerdoces et évergétisme dans la cité de Vienne, in Le catalogue de l’exposition du Musée dauphinois de

Grenoble, Gollion, 2002, p. 64 à 67.

980B. Rémy, F. Kayser, avec collab d’I. Cogitore et F. Delrieux, Les Viennois hors de Vienne, Bordeaux, 2005. Dans l’introduction de leur

ouvrage, les auteurs donnent la même hiérarchie des cinq collèges de magistrats administrant la cité : questeurs, édiles, duumvirs aerari, duumvirs iure dicundo (sans ordre hiérarchique entre ces deux collèges) et triumvirs locorum publicorum persequendorum.

183 a. Le triumvirat.

Le triumvirat locorum publicorum persequendorum est assurément le sommet des charges municipales civiles. En mettant en parallèle ager publicus et loci publici ou loca

publica, on peut penser que le triumvirat devait avoir une extension importante. J. Gascou981 a

recensé treize documents attestant cette fonction.982

Dans notre étude, avec des référents religieux, onze textes nous font connaître neuf triumvirs, dont deux demeurent anonymes.

A l’exception des témoignages de Vienne concernant D. Iulius Capito (R 5. 6), toutes les carrières sont gravées dans l’ordre direct dans les autres documents ; et le triumvirat clôture, sans autre exception, tous les cursus municipaux, confirmant plus encore que c’est le sommet de la hiérarchie civile.

Sept des neuf magistrats civils ont exercé des prêtrises majeures. A Vienne, D. Iulius Capito a été flamine de la Jeunesse et augure. A Cularo, un triumvir anonyme (R 54) a été flamine d’Auguste. A Tain-l’Hermitage, Q. Valerius Macedo (R 81), très haut magistrat, comme Capito, a occupé le flaminat de la Jeunesse et l’augurat. A Mauves, un autre triumvir anonyme (R 83) fut flamine du divin Auguste. A Grésy, dans la Combe de Savoie, Taurinus a lui été pontife. A Genève, L. Iulius Brocchus (R 185. 186) a exercé le flaminat de la colonie équestre de Nyons. Quant à T.Iulius Valerianus (R 187), il a été flamine d’Auguste et pontife. Il est donc intéressant de constater qu’une majorité des hauts magistrats civils ont occupé parallèlement des prêtrises très prestigieuses. Fonctions municipales et sacerdotales paraissent donc révéler le statut de ces différents notables.

Il faut aussi souligner qu’avant le triumvirat huit des neuf personnalités ont fait graver leur duumvirat, celui attaché au trésor à quatre reprises (R 5. 6. 54. 81. 187), et celui attaché au droit à quatre autres reprises (R 110. 150. 155. 185. 186).

Géographiquement, ces magistrats sont présents sur l’ensemble du territoire. Ils sont attestés plusieurs fois dans les grands centres urbains, où à proximité (R 5. 6 à Vienne – R 54 à Grenoble- R 81 à Tain – R 185. 186. 187. à Genève). Ils sont mentionnés ailleurs en Isère, en Savoie, ou encore en Haute-Savoie, dans des sanctuaires ou dans des pagi plus ou moins importants.

Enfin, en dehors de deux documents délicatement datables, une majorité de textes est issue de la seconde moitié du Ier siècle ou de la première moitié du IIème siècle, démontrant la mise en place efficace de la seconde constitution viennoise avec à sa tête le triumvirat.

b. Le duumvirat.

Selon J. Gascou983, le duumvirat aerari est attesté à vingt reprises, et le duumvirat dicundo à douze reprises. Ces fonctionnaires ont sans doute pris le relais du collège des

quattuorvirs pour respecter le principe qui voulait qu’en Narbonnaise une colonie romaine eut à sa tête seulement des duumvirs.

Dans notre étude, dix-neuf textes font état de cette magistrature pour quinze personnages distincts, dont deux sont des anonymes. Parmi ces notables, six sont assurément des duumvirs financiers et sept sont des duumvirs juridictionnels. Huit des ces hommes sont

981J. Gascou, Inscriptions Latines de Narbonnaise, V1, Vienne, Paris, 2004, p. 44 à 50.

982B. Rémy, F. Kayser, avec collab d’I. Cogitore et F. Delrieux, Les Viennois hors de Vienne, Bordeaux, 2005. Egalement dans

l’introduction de leur ouvrage, les auteurs s’interrogent sur les fonctions précises des triumvirs. Ils se demandent s’ils ne jouaient pas le rôle de duumvirs quinquennaux, puisque cette charge n’est pas attestée à Vienne.

184 parvenus, comme nous l’avons vu, au triumvirat, et nombreux d’entre eux ont exercé des sacerdoces.

Le flaminat de la Jeunesse est ainsi exercé par cinq duumvirs, et le flaminat impérial fait partie du cursus de quatre personnages, alors que le flaminat de Mars n’est occupé que par le seul D. Iulius Capito. Deux autres notables sont des flamines indéterminés.

Les duumvirs ont parfois et parallèlement occupé d’autres prêtrises : deux ont atteint l’augurat (R 5.6.81.11.211) et deux autres le pontificat (R 110.187).

De plus, il faut remarquer qu’aucun magistrat n’a exercé les deux duumvirats, et rien n’affirme ni n’atteste qu’il y ait eu obligation de gérer préalablement la questure ou l’édilité. Seulement, en atteignant le triumvirat et même le duumvirat, de nombreux notables négligent de mentionner certaines charges subalternes.

Ces différents documents ont été retrouvés partout sur le sol viennois, mais plus particulièrement autour des agglomérations: cinq textes à Vienne ( R 5. 6. 10. 11. 13) – deux à

Cularo (R 47. 54) – cinq à Genève (R 185. 186. 187. 190. 211). Il est aussi remarquable que

trois duumvirs soient mentionnés dans le sanctuaire de Passy en Haute-Savoie (R 153. 155. 156). Corrélativement, ces témoignages ont une datation qui s’étale du milieu du Ier siècle jusqu’à la fin du IIème siècle.

c. Les charges subalternes.

D’après les travaux de J. Gascou984, la première magistrature municipale est la

questure ou l’édilité. Le fait que l’une comme l’autre puissent apparaître seule certifierait qu’elles se trouvent en début de carrière. L’historien985 a recensé deux documents gravés

mentionnant la questure et six l’édilité.986

Deux édiles interviennent dans la vie religieuse à travers l’épigraphie : Sex. Contessius Verus (R 28) à Vienne que nous avons déjà rencontré et Sex. Iulius Condianus à Grenoble (R 51). Ce dernier est le seul personnage à avoir occupé édilité et questure, et ceci au IIème siècle.

Il faut rajouter qu’il a été également flamine de la Jeunesse.

En dehors de Condianus, cinq autres questeurs sont recensés : Sex. Coelius Canus et Sex. Coelius Niger à Vienne (R 9), qui sont aussi de riches décurions – Q. Valerius Macedo, haut magistrat civil et religieux de la capitale (R 11. 81) – Cornelius Gabinanus (R 10), encore à Vienne, qui fut parallèlement sacerdoce – et M. Arrius Gemellus, flamine de Mars à Passy, qui avant le duumvirat a exercé la questure des deniers, et non celui de la colonie (R 156).

Il faut noter que questure et édilité sont attestées tout au long du Haut-Empire, notamment à partir du règne de Caligula, mais qu’elles se concentrent quasi-totalement dans l’agglomération de Vienna.

Sans revenir sur les decemlecti987, qui représentent un groupe de notables constituant

une sorte de sénat de dix hommes dans le vicus d’Aquae, ayant tenu leur rang au début du IIIème siècle, sous la dynastie des Sévères, il faut s’arrêter sur les préfets des pagi. En dehors

de T. Valerius Crispinus (R 147) qui a fait carrière sous Tibère, six autres magistrats du district, comme nous l’avons vu précédemment, sont attestés à l’époque de la colonie

984J. Gascou, Magistratures, sacerdoces et évergétisme dans la cité de Vienne, in Le Catalogue de l’exposition du Musée dauphinois de

Grenoble, Gollion, 2002, p. 64 à 67.

985J. Gascou, Inscriptions Latines de Narbonnaise, V1, Vienne, Paris, 2004, p. 44 à 50.

986J.-P. Jospin, avec la collab. de P.-Y. Carron, Une fontaine romaine à Aoste (Isère), La Pierre et l’Ecrit, 18, Revue d’histoire et du

patrimoine en Dauphiné, Grenoble, 2007, p. 7 à 17. L’édile, magistrat local, avait la responsabilité de la restauration et de la construction des fontaines permettant de desservir en eau la population urbaine ; A. Roth Congés, Glanum, De l’oppidum salyen à la cité latine, Paris, 2000, p. 39. Certaines fontaines avaient un caractère sacré de par leurs vertus thérapeutiques. Elles fixaient l’habitat et le culte autour de ses eaux et pouvaient faire la fortune d’un site.

185 romaine, notamment à Grenoble (ILN 368), Aoste (ILN 603) et Albertville (ILN 539). A Seyssel, toujours dans le pagus de Diane, deux notables sont mentionnés : Q. Catius Bellicus (R 148) qui au Ier siècle a exercé cette charge, et comme Crispinus, la prêtrise semi-officielle de Vintius – et un anonyme uniquement préfet du pagus de Diane (R 151). Le sixième est un préfet du pagus d’Apollon à Boutae se nommant G. Ateius Pecularis.

Cette charge est, pour terminer, relativement localisée, notamment en Haute-Savoie, ce qui pourrait confirmer l’idée qu’elle se substituait à celle des duumvirs dans des lieux éloignés de la capitale. Toutefois, cela reste une hypothèse, sachant que Boutae ou encore

Augustum sont des agglomérations secondaires de la cité.

Les magistratures civiles peuvent être avec certitude hiérarchisée, ce qui n’est pas le cas, comme nous le verrons dans le prochain chapitre, pour les magistratures religieuses. Si les magistrats locaux ont l’initiative cultuelle dans la formulation des vœux, dans les dédicaces, dans certains sacrifices ou dans la présidence des jeux, « il existe dans la vie publique une sphère spécifiquement sacrée dont ils sont exclus en tant que tels, cette sphère étant réservée aux prêtres proprement dits »988. Néanmoins, la relation charges municipales et

charges sacerdotales semble bien déterminer en grande partie le statut et la qualité du notable, sa place et son rang dans la société viennoise. Ainsi, les plus hauts fonctionnaires du territoire exercent au cours de leur carrière les prêtrises les plus importantes, tout comme des fonctions équestres et militaires.

Tous ces personnages font partie intégrante de l’élite allobroge. Présents dans les grandes agglomérations, ils ont aussi laissé des témoignages dans des lieux plus isolés, et ceci tout au long du Haut-Empire.989

Reste cependant la grande particularité viennoise dans la Provincia Narbonensis, la plus haute charge civile à l’époque de la colonie romaine : le triumvirat locorum publicorum

persequendorum.990

988J. Scheid, Religion et piété à Rome, Paris, 2001, p. 52.

989B. Rémy, La répartition des inscriptions latines dans la cité de Vienne – un moyen d’appréhender la latinisation et la romanisation des

campagnes, La Pierre et l’Ecrit, 19, Revue d’histoire et du patrimoine du Dauphiné, Grenoble, 2008, p. 7 à 24.

990B. Rémy, F. Kayser, avec collab d’I. Cogitore et F. Delrieux, Les Viennois hors de Vienne, Bordeaux, 2005. Comme nous l’avons vu, les

186

R. 130 bis –Autel de calcaire – Aix-les-Bains – les decemlecti

Dédicace commémorative, donation par les patrons et decemlecti du vicus

R. 138 –Plaque de calcaire – Albens – monument

Donation aux habitats du vicus d’Albens par un anonyme

ILN, Vienne, 3, n° 665, p. 65 Dimensions : 44,5 x 35 x 22,5

ILN, Vienne, 3, n° 709, p. 107 Dimensions : 62,5 x 130,5 x 22

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