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Chapitre IV : Les religions à Mystères chez les élites allobroges

D. Bacchus et ses compagnons.

Selon P.-M. Duval789, en s’appuyant les travaux d’A. Bruhl790, le culte de Bacchus,

combiné avec les Mystères de Dionysos, n’a connu un succès que limité en Gaule, ce qui tendrait à prouver que les bourgeois gallo-romains n’ont sans doute pas été vraiment initiés au culte bacchique.

1. La statuaire consacrée à Bacchus

Si Bacchus est absent de l’épigraphie, les archéologues ont mis au jour plusieurs éléments statuaires dans la cité. En Isère, une statuette en bronze, d’une hauteur de 30cm environ, de Bacchus enfant a été retrouvée à Saint-Martin-d’Uriage, non loin de Cularo791. En

Savoie, à La Chapelle du Mont-du-Chat, a été découverte une statuette en bronze, haute de 6cm, figurant Dionysos792. A Boutae, une statuette, d’une hauteur de 8cm, représente, elle, un Bacchus nu et imberbe793. Non loin de là, à Chevrier, une autre statuette en bronze, de 22cm,

782P.-M. Duval, Les dieux de la Gaule, Paris, 2002, p. 106, 107 et 167.

783H. Savay-Guerraz, Les dieux de Lugdunum, in H. Savay-Guerraz, A. Destat ( sous la dir.), Rencontres en Gaule romaine, 2005-Expo.

Lyon, 2005, p. 55 à 60.

784F. Bertrandy, F. Kayser, B. Rémy, A. Buisson, Les Inscriptions de l’Ain (ILAin), Bresson, 2005, p. 27 : ILAin 103. 785C. Jourdain-Annequin, Les divinités orientales dans les Alpes, DHA 31/Supplément 1, 2005, p. 192.

786A. Pelletier, F. Dory, W. Meyer, J.-C. Michel, C.A.G. 38/1, Paris, 1994, p. 163.

787B. Rémy, F. Ballet, E. Ferber, Carte Archéologique de la Gaule, La Savoie, C.A.G. 73, Paris, 1997, p. 150 et 151 ; H. Barthélémy, C.

Mermet, B. Rémy, La Savoie gallo-romaine, Chambéry, 1997, p. 191.

788 C. Jourdain-Annequin, Quand Grecs et Romains découvraient les Alpes, Les Alpes voisines du ciel, Paris, 2011, p 254 ; C. Jourdain-

Annequin, Les divinités orientales dans les Alpes, DHA 31/Supplément 1, 2005, p. 191 et 195. Selon l’auteur, dans les Alpes, le témoignage le plus significatif est le splendide buste de bronze découvert en 1960 à Saint-Laurent du Cros, conservé aujourd’hui au Musée de Gap. Les autres exemples relèvent « plus d’un exotisme décoratif que religieux ».

789P.-M. Duval, Les dieux de la Gaule, Paris, 2002, p. 82, 83, 101 et 116.

790A. Bruhl, Liber Pater, origine et expansion du culte dionysiaque à Rome et dans le monde romain, Paris, 1953, p. 240 à 248. 791A. Pelletier, F. Dory, W. Meyer, J.-C. Michel, C.A.G. 38/1, Paris, 1994, p. 64.

792B. Rémy, F. Ballet, E. Ferber, C.A.G. 73, Paris, 1997, p. 140 – Annexe, p. 458. 793F. Bertrandy, M. Chevrier, J. Serralongue, C.A.G. 74, Paris, 1999, p. 146.

151 a été mise au jour794. Dans le Faucigny, à Mieussy795, c’est une tête de marbre, imberbe,

couronnée de pampres et de lauriers, qui est recensée. 2. Les autres documents figurés

Aux Roches-de-Condrieu796, sur une plaque de bronze haute de 22cm et large de

13,5cm, Bacchus est honoré barbu, muni d’un thyrse, et appuyé contre l’un de ses compagnons, Silène.

En Savoie, d’après la Carte Archéologique, à Albens, P. Broise797 a examiné deux

bases attiques, des fûts à astragales et un tambour de colonne, qui auraient été exhumés à Bacchus.

Près d’Annecy, à Talloires798, une bague en or a été retrouvée dans un tombeau. Elle

est ornée d’une intaille en cornaline, dont le motif est Bacchus. 3. Les mosaïques de la capitale

En dehors de la statuaire et autres objets, le dieu du vin et de l’ivresse apparaît assez fréquemment sur les décors des domus de Vienna.

Ainsi, le site exceptionnel de Saint-Romain-en-Gal799 a été le lieu de prospections, qui

ont permis de découvrir de magnifiques mosaïques ornant les grandes salles des demeures des notables. On peut admirer en son musée le décor de sols comme « Le banquet de Dionysos » ou « Le châtiment de Lycurge ».

A Saint-Colombe800, commune attenante, une remarquable mosaïque décorait une salle de réception. Bacchus y contemple, avec ses suivants, le fameux Lycurge. A la différence du style habituel de l’école de Vienne, la scène se déploie librement, sans contrainte géométrique, offrant des tons vert émeraude.

4. Orphée, Silène et Pan

Fils d’une Muse, Orphée est un musicien et poète mythique, maîtrisant à la perfection la harpe. A cet égard, il apparaît souvent sur les scènes figurées représentant Bacchus. Sur la cinquantaine de mosaïques connue dans la partie occidentale de l’Empire où il apparaît, quatre ont été mises au jour à Vienne. Dans le quartier sud de la capitale, proche des thermes, une domus, notamment, nommée « La Maison d’Orphée », est ornée d’une d’entre elles, symbolisant la civilisation et la pérennité de la Pax romana801. En dehors de Vienna, une autre

mosaïque se trouve dans le triclinium d’hiver de la villa des Mingauds à Saint-Paul-lès- Romans.802

Silène est l’un des compagnons habituels de Dionysos, être mi-homme, mi-cheval, grand buveur de vin803. Il passe pour avoir inventé la flûte de Pan. Il est donc intéressant de

constater, qu’en dehors de la plaque des Roches-de-Condrieu, deux autres documents figurés

794Ibidem, p. 209 – Annexe, p. 458. 795Ibidem, p. 274.

796A. Pelletier, F. Dory, W. Meyer, J.-C. Michel, C.A.G. 38/1, Paris, 1994, p 152 – Annexe, p. 443. 797B. Rémy, F. Ballet, E. Ferber, C.A.G. 73, Paris, 1997, p. 114.

798F. Bertrandy, M. Chevrier, J. Serralongue, C.A.G. 74, Paris, 1999, p. 335 – Annexe, p. 458.

799H. Savay-Guerraz, P. Veysseyre, Saint-Romain-en-Gal, Des objets qui racontent l’Histoire, Lyon, 2004, p. 78 à 117 – Annexe, p. 458. 800R. Lauxerois, Vienne, un site en majesté, Veurey, 2003, p. 15 ; H. Savay-Guerraz, P. Veysseyre, Saint-Romain-en-Gal, Des objets qui

racontent l’Histoire, Lyon, 2004, p. 108 et 109.

801H. Savay-Guerraz, P. Veysseyre, Saint-Romain-en-Gal, Des objets qui racontent l’Histoire, Lyon, 2004, p 55 à 76.

802M.-N. Roy, Les marbres de la villa des Mingauds à Saint-Paul-lès-Romans (Drôme), La Pierre et l’Ecrit, 20, Revue d’histoire et du

patrimoine en Dauphiné, Grenoble, 2009, p. 8 à 11.

152 le représentent en Haute-Savoie. A Annecy804, un buste de Silène, haut de 8cm, semble avoir

constitué l’extrémité supérieure d’un couronnement de trépied ou d’un support de table. A Collonges-sous-Salève805, tout proche de Genève, conservé au Musée d’Art et d’Histoire de la cité de Calvin, un peson de balance en bronze est orné de la représentation du même compagnon.

Parallèlement, il faut ici, encore, mentionner la statuette retrouvé à Cularo, représentant un luperque, desservant du culte de Pan.

Bacchus, le dieu de l’ivresse, de la transe, et de la fertilité du vignoble, a vogué sur le succès rencontré par les cultes à Mystères. Cependant, comme le souligne P.-M. Duval806, en

Narbonnaise, Nîmes est l’unique agglomération où l’on connaisse une troupe d’artistes dionysiaques, et un récent article de Jacques Daniel807 expose la découverte, en 2006, d’une mosaïque dite de Bacchus, datant du IIème siècle. Ce chef d’œuvre de 35m2 met en scène le

dieu s’apprêtant à tuer de son thyrse le géant Eurytos. Dans des médaillons, on peut voir ses compagnons Silène et Pan. Mais, ce sont dans les villes de garnison du Rhin, où l’on retrouve le plus de traces du culte bacchique.

Au regard des découvertes dans la cité, Bacchus apparaît, en premier lieu, dans des représentations ornementales. Il s’impose, toutefois, au cœur de la vie sociale et religieuse des élites allobroges, figurant notamment sur les décors des domus viennoises. Loin d’être un facteur de ségrégation ou d’isolement, le culte de Dionysos pouvait être parfois, au contraire, facteur d’insertion et d’intégration dans la communauté808. Il est cependant délicat de voir

dans les documents iconographiques de la cité une réelle dévotion ou une quelconque pratique cultuelle.

Il est, parallèlement, significatif de constater que les témoignages ont été mis au jour aux quatre coins du territoire, ce qui tend à prouver une certaine pénétration dans les terres des cultes à Mystères.

Enfin, proche du quartier du Jardin de Cybèle, dans la capitale, au sommet des gradins du théâtre, un monument a été découvert, un monument cultuel dédié à Dionysos en liaison à son caractère scénique et théâtral.

Les divinités des cultes à Mystères tiennent donc une place singulière dans la religiosité viennoise, et notamment les grandes déesses. Les témoignages relatifs à celles-ci se situent largement autour de Vienna, centre métroaque de première importance, lieu de découverte de nombreuses mosaïques, décorant les demeures de la capitale, sur lesquelles évoluent souvent Bacchus et ses compagnons ; mais aussi autour de Cularo où s’imposent les processions isiaques.

Le reste du territoire est clairsemé de découvertes éparses, relevant du champ iconographique, montrant une certaine pénétration de cette religiosité aux confins de la cité.

804F. Bertrandy, M. Chevrier, J. Serralongue, C.A.G. 74, Paris, 1999, p. 147. 805Ibidem, p. 214 et fig. 170.

806P.-M. Duval, Les dieux de la Gaule, Paris, 2002.

807J. Daniel, Nîmes, un trésor de mosaïques au centre ville, Archéologia, n°447, article de Septembre, 2007, p. 20 à 25.

808C. Apicella, Comptes rendus, REA, 110, 2, 2008, p. 728 à 730 – à propos de l’ouvrage : Religions orientales – culti misterici. Neue

153 En effet, pour schématiser, l’épigraphie met en relief la vénération rendue à Cybèle et à Isis, alors que la statuaire s’adresse surtout à Bacchus.

Plusieurs autres faits sont marquants. Ainsi, l’introduction du culte des religions à Mystères s’est faite d’une manière précoce, se structurant autour du développement urbain quasi simultanément avec l’implantation et le développement du culte impérial, et ceci de manière prégnante à partir du IIème siècle et du règne d’Antonin le Pieux.

De plus, la documentation viennoise nous permet de recenser différentes prêtrises : dendrophore, hastifère, desservante de Cybèle, anubofore, gardien d’Isis ou encore luperque. Ces personnages peuvent appartenir, comme certains dédicants, à de puissantes familles : les Attii, les Iulii ou les Rufii, mais ils ne semblent n’avoir occupé aucune autre charge.

Il faut également relever la richesse et la diversité des supports servant l’évergétisme : colonne de marbre, épitaphe, autel, statue, statuette, bas relief, oscillum, médaillon, buste, plaque, éléments architecturaux, bague, mosaïque, sans omettre temple, théâtre et jardin.

Cybèle, Isis, voir Mithra à Genava, font l’objet d’un culte publique dans les grandes agglomérations, alors que la statuaire et les documents figurés paraissent suivre une autre logique dans la plupart des cas, soulignant davantage un culte privé, ou étant plus simplement des objets d’ornementation809. A la suite de C. Jourdain-Annequin810, dans les Alpes comme à

Vienne, rien n’évoque, cependant, concrètement les mystères. La documentation exprime avant tout un caractère votif, témoigne plus de la présence romaine, plus d’une certaine romanisation des cultes, que de l’attitude religieuse des populations.

Au regard de la localisation de la cité en Narbonnaise, celle-ci a été pénétrée par les cultes à Mystères, remontant le Rhône depuis la Méditerranée811, suivant une population

migrante venue s’installer en pays allobroge, mouvement religieux répondant à un phénomène plus largement répandu au niveau de l’Empire.

809C. Apicella, Comptes rendus, REA, 110, 2, 2008, p. 728 à 730 – à propos de l’ouvrage : Religions orientales – culti misterici. Neue

Perspektiven – nouvelles perspectives – prospettive nuove., C. Bonnet, J. Rüpke, P. Scarpi Hrsg, Stuttgart, 2006. L’ouvrage souligne que « la véritable ligne de partage, en ce qui concerne l’intervention des autorités, passe entre cultes privés et cultes publics bien plus qu’entre cultes étrangers ou orientaux et indigènes ».

810C. Jourdain-Annequin, Les divinités orientales dans les Alpes, DHA 31/Supplément 1, 2005, p. 210. 811Carte, p. 501.

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Les jardins de

Cybèle

in, Vienne un site en majesté, p. 27.

in, Vienne un site en majesté, p. 27.

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Chapitre V : Les Viennois de haut rang et les divinités