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La richesse des formulaires dans les inscriptions viennoises.

CHAPITRE III : La diversité des témoignages archéologiques viennois

B. La richesse des formulaires dans les inscriptions viennoises.

Pour reprendre les termes de P. Corbier123, l’épigraphie est une source qu’un historien doit s’efforcer d’exploiter dans sa totalité, d’autant plus que les trois premiers siècles de notre ère constituent une époque privilégiée.

Les inscriptions dans la cité, comme nous avons déjà pu le constater, sont complexes. Ces témoignages fondamentaux proposent aussi une multiplicité de formulaires, souvent sous forme d’abréviations plus ou moins usuelles, pouvant exprimer les souhaits et expressions religieux, les référents municipaux, ou encore les clauses testamentaires.

1. Les souhaits d’un vœu et les formulations religieuses

Les monuments votifs (autels, plaques…) et leurs formulaires sont assez classiques dans la cité124. Cela avait une signification forte dans l’esprit des dévôts, impliquant une très

bonne connaissance des complexes pratiques cultuelles romaines.125

Le formulaire votif le plus répandu est l’ex-voto (à la suite d’un vœu), très présent notamment dans les dédicaces religieuses (19% du corpus épigraphique). L’autre formulaire très courant (15% du corpus) est l’acquittement d’un vœu volontiers et à juste titre, u(otum)

s(oluit) l(ibens) m(erito), se déclinant sous plusieurs formes et abréviations : u(t) u(ouerat), s(oluit) l(ibens) m(erito) « comme il l’avait promis…s’est acquitté de son vœu volontiers et à

juste titre » ; s(oluit) l(ibens) m(erito) ; ou encore l(ibens) m(erito).

Il existe d’autres formulaires à intention votive comme d(e) s(ua) d(edit) « à la suite d’un vœu », votum soluit « suite à un vœu », ou simplement votum.

Ce type d’occurrences se retrouve sur pas moins de 36% des documents textuels gravés. Dans tout acquittement d’un voeu, le dévôt (cultor) attend la satisfaction de sa demande. Il s’agit donc « d’un paiement libératoire ».126

Cependant, les dédicaces ne comportent pas obligatoirement de formulaire votif et peuvent être de simples prières aux divinités pour solliciter leur bienveillance (pax deorum), pour les remercier ou les vénérer.127

121B. Rémy, N. Mathieu, Les femmes en Gaule romaine (Ier siècle av. J.-C. – Vème siècle ap. J.-C.), Paris, 2009, p. 141 à 145.

122M.-N. Roy, Les marbres de la villa des Mingauds à Saint-Paul-lès-Romans (Drôme), La Pierre et l’Ecrit, 20, Revue d’histoire et du

patrimoine en Dauphiné, Grenoble, 2009, p. 5 à 27. Cet article a été tiré du Master II de M.-N. Roy, Contribution de l’étude des marbres à la connaissance des décors antiques – les marbres de la villa des Mingauds à Saint-Paul-lès-Romans, université Pierre-Mendès France, Grenoble, 2007.

123P. Corbier, L’épigraphie latine, Paris, 1998, p. 5 et 6.

124B. Rémy, La répartition des inscriptions latines dans la cité de Vienne – un moyen d’appréhender la latinisation et la romanisation des

campagnes, La Pierre et l’Ecrit, 19, Revue d’histoire et du patrimoine du Dauphiné, Grenoble, 2008, p. 7 à 24.

125J. Scheid, Religion, institutions et société de la Rome antique, Leçons inaugurales du Collège de France, Paris, 2003, p. 25 et 26.

L’auteur note que dans la religion romaine, « le vœu est un contrat qui est passé avec une divinité, ou du moins une promesse conditionnelle, stipulée devant témoins, généralement mise par écrit, puis scellée et déposée dans un lieu de culte ou dans des archives…Le vœu ne devient exécutoire qu’une fois la condition remplie ».

126B. Rémy, H. Desaye, Les dieux et les hommes à Luc-en-Diois/Lucus Agusti, d’après les inscriptions, La Pierre et l’Ecrit, 20, Revue

d’histoire et du patrimoine en Dauphiné, Grenoble, 2009, p. 29 à 50.

127B. Rémy, H. Desaye, Les dieux et les hommes à Luc-en-Diois/Lucus Agusti, d’après les inscriptions, La Pierre et l’Ecrit, 20, Revue

41 La première des expressions religieuses est certainement sacrum, « consacré à », avec vingt-six occurrences. Trois inscriptions portent la mention d(edi)t d(edicauit) « a donné et à dédié » et deux autres sub ascia « sous l’ascia ». Selon B. Rémy128, la dédicace sous l’ascia peut être un acte religieux, une promesse d’immortalité, la tombe devenant un monument sacré. Plus exceptionnelles sont les mentions ex r(esponso) p(osuerunt) « à la suite d’une réponse (du dieu) ont élevé », aedem d(edit) « a donné ce temple ». Ces formulations du sacré représentent environ 15% du corpus.

2. Les clauses testamentaires et les dieux Mânes

Les Viennois ont le souci de perpétuer leur passage sur terre par leur épitaphe ou de faire graver celle d’un proche129. Les clauses testamentaires peuvent y être précisées, se

déclinant sous différentes formes, la plus usuelle étant t(estamento) p(oni) i(ussit) « a ordonné par testament » l’érection d’un monument ou d’une statue.

Dans la cité, diverses clauses ont été découvertes à plusieurs reprises : et sibi

t(estamento) f(ieri) i(ussit) « a ordonné par testament la réalisation d’un monument », t(estamento) f(ieri) i(ussit) « monument élevé par testament », t(estamento) p(osuit) « a fait

posé ce monument par testament », ex testamento « en exécution du testament », testamento « par testament », ou encore memoriae aeternae « à la mémoire éternelle ».

Ces clauses sont présentes sur 6% des inscriptions du corpus.

Parallèlement, comme nous le verrons ultérieurement, les dieux Mânes (Dis Manibus) sont plus d’une quinzaine de fois (7% du corpus) associés dans les épitaphes. Ils sont donc mentionnés presque une fois sur deux sur ce type d’inscription funéraire.

3. Les expressions municipales et les autres formulaires

Plusieurs formules sont couramment sur les inscriptions viennoises relevant de magistrats municipaux, énumérant un cursus, ou exprimant une déférence vis à vis du pouvoir impérial ou d’une personnalité de la Maison divine.

Ainsi six occurrences font apparaître l(oco) d(ato) d(ecreto) d(ecurionum) « emplacement donné par décret des décurions », ou plus simplement d(ecreto) d(ecurionum), ou encore l(oco) d(ato) d(ecreto) u(triclariorum) « emplacement donné par décret des utriculaires. Plus d’une dizaine de dédicaces l’ont été Pro salute « pour le salut », et une autre

pro meritis « pour ses mérites ». Ces différentes expressions ont été gravées sur plus de 8% du corpus.

Diverses formules expriment soit l’origine des fonds pécuniaires pour l’érection du monument ou de la statue, soit l’origine personnelle de la dédicace.

Les fonds requis pour une dédicace peuvent être « le produit d’une quête » ex stipe (quatre occurrences), ou le fait même du dédicant, d(e) s(ua) p(ecunia) d(edit) « a offert à ses frais ». Ce formulaire se décline sous plusieurs abréviations : d(e) s(ua) p(ecunia) « monument élevé à ses frais », pecunia « à ses frais », ou encore de suo ponendum

curaverunt « ont pris soin de faire élever (une statue) à leurs frais ».

128B. Rémy, L’ascia dans la cité de Vienne, Revue Savoisienne, 143, 2003, p. 119 à 130.

129B. Rémy, La répartition des inscriptions latines dans la cité de Vienne – un moyen d’appréhender la latinisation et la romanisation des

campagnes, La Pierre et l’Ecrit, 19, Revue d’histoire et du patrimoine du Dauphiné, Grenoble, 2008, p. 7 à 24. L’auteur souligne la prépondérance des épitaphes dans l’épigraphie viennoise.

42 L’origine personnelle s’exprime sous différents formulaires : sibi vivus posuit « à lui même érigé de son vivant », solus posuit « seul, sur son ordre…élevé », restituit « a restauré », uiuos p(onendum) c(urauit) « a pris soin d’ériger ce monument de son vivant ».

Ces divers formulaires sont gravés sur presque 10% des inscriptions.

La richesse des formulaires dans les inscriptions viennoises s’exprime dans les souhaits d’un vœu, dans les dédicaces religieuses, dans les clauses testamentaires, dans les expressions municipales, comme dans bien d’autres formulations. Cependant, cette richesse se manifeste encore plus certainement par la composition des textes inscrits dans le calcaire, le marbre, le bronze ou la pierre, dans lesquels se mêlent les formules usuelles et les formules plus rares.

Ainsi, un ex-voto peut s’accompagner de sacrum, de uotum soluit libens merito ou de

Pro salute. Un vœu fait volontiers et à juste titre peut mentionner de sua dedit et être fait Pro salute. Une clause testamentaire, testamento poni iussit, peut être gravée sur un document

érigé ex stipe. L’invocation aux dieux Mânes peut s’accompagner d’expressions comme

memoriae aeternae, sub ascia, de sua pecunia, solus posuit ou encore sibi vivus posuit. Sacrum peut se trouver dans la même dédicace que restituit ou encore de suo ponendum curauit.