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Chapitre II : Promotion et charges sacerdotales

B. L’augurat et le pontificat.

Vienne, en tant que colonie, possède des magistratures religieuses romaines, dont notamment l’augurat et le pontificat. Tous deux bénéficient encore, sous le Haut-Empire, d’un très grand prestige et peuvent apparaître, à première vue, comme l’aboutissement d’une carrière sacerdotale. Il semble donc indispensable de cerner la place de ces prêtrises dans le

cursus des hauts personnages viennois.

J. Gascou1051 pense qu’il est fort délicat de voir une carrière sacerdotale rectiligne,

même en ce qui concerne ces deux fonctions sur le sol allobroge. De plus, augurat et pontificat n’ont pas, à réellement parler, de rapport direct avec le culte impérial, la mise en place de la nouvelle idéologie, ou encore la vénération des principales divinités du panthéon. Ils apparaissent plutôt comme les garants des règles religieuses. Cicéron définissait ainsi les pontifes comme les interprètes des observances et les augures comme les interprètes et messagers de Jupiter Maximus.

1. L’augurat

Les augures sont des « maîtres de légitimité », des techniciens de la prise des auspices, rite fondamental obligeant les magistrats à constater, avec la caution du collège augural, l’existence d’une situation harmonieuse entre les volontés de la cité et celles des dieux1052.

Pour J. Gascou1053, une huitaine de documents mentionne l’augurat sur le territoire viennois ; mais, parmi ceux-ci, certains personnages y sont référencés à plusieurs reprises.

1049A. Allély, Comptes rendus, REA, 109, 2, 2007, p. 804 à 807 – à propos : Mars en Occident. Actes du Colloque international « Autour

d’Allonnes (Sarthe), les sanctuaires de Mars en Occident », Le Mans, 4-6 Juin 2003, Rennes, 2006. L’auteur rappelle l’analyse de M. Th. Raepsaet-Charlier sur les cultores en Gaule Belgique et dans les Germanies. Celle-ci note que Mars est notamment très présent chez les élites et dans le culte public. P. Le Roux précise qu’il réside avec d’autres dieux au sein des sanctuaires.

1050F. Bertrandy, Le culte de Mars dans la cité de Vienne, R.A.N., t. 33, 2000, p. 223 à 235.

1051B. Rémy, J. Gascou, Magistratures, sacerdoces et évergétisme dans la cité de Vienne, in Le catalogue de l’exposition du Musée

dauphinois de Grenoble, Gollion, 2002, p. 64 à 67.

1052J. Scheid, Religion et piété à Rome, Paris, 2001, p. 63.

195 C’est le cas du célébrissime D. Iulius Capito recensé, comme nous le savons, sur deux textes à Vienne et un autre à Genève1054. Sans reprendre le détail de son cursus, plusieurs

remarques s’imposent sur ce notable ayant vécu sous Trajan. Dans la capitale, l’augurat est exercé après le duumvirat et avant la préfecture, alors qu’il se trouve à une place diamétralement différente dans la cité de Calvin. L’augurat dans les deux inscriptions viennoises paraît clôturer la carrière religieuse, ce que semble démentir le document de Genève1055 où c’est le flaminat de Mars qui apparaît en dernier. En effet, l’augurat y est mentionné en premier, avant même le duumvirat.

Egalement fort bien connu, Q. Valerius Macedo1056 a aussi exercé l’augurat, mais sans

doute sous Hadrien ou Antonin le Pieux. Dans le témoignage de Vienne cette charge achève l’ensemble de sa carrière, et se situe après le flaminat de la Jeunesse. Cependant dans le texte de Tain-l’Hermitage1057, l’augurat se trouve entre le duumvirat et le triumvirat, ne semblant

être l’aboutissement que du seul cursus religieux.

En dehors de la capitale, en Isère, deux augures sont recensés sur un même document découvert à Creys-Mépieu. Sennius Martius et Melius Martiniacus1058, magistrats, portent les duo nomina avec des gentilices celtiques. Datant probablement de la fin du IIème siècle ou du

début du IIIème siècle, cette inscription ne fait apparaître que cette seule et unique charge. Importance donnée à l’augurat…il semble hasardeux d’en tirer une quelconque conclusion. Notons que Martius appartient à la gens Sennia.

Si l’augurat semble absent de la Savoie et de la Haute-Savoie, Genève est le lieu de découverte de deux autres témoignages déjà rencontrés, où est mentionné L. Iulius Brocchus Valerius Bassus1059. Il fut, comme son petit-fils Capito, augure. Il a fait graver cette charge

après le triumvirat, mais avant le pontificat, le duumvirat et le flaminat de la colonie équestre de Nyons. Ni l’augurat, ni même le pontificat ne paraît ici achever sa carrière religieuse.

La première remarque sur l’augurat est que cette fonction se concentre essentiellement à Vienna (4 occurences) et Genava (3 occurrences). Un seul document se trouve ailleurs, à Creys-Mépieu. Ce texte se singularise par le fait qu’il est relativement tardif et qu’il met en scène deux magistrats qui ont occupé cette unique prêtrise. Ces deux notables n’ont, semble-t- il, pas la même aura que les trois autres.

En effet, ce sont seulement cinq augures qui sont attestés dans la cité : L. Iulius Brocchus Valerius Bassus (2 occurrences) qui devait vivre vers le milieu du premier siècle – son petit-fils Capito (3 occurrences) qui a exercé ses fonctions sous Trajan – Macedo (2 occurrences) qui a vécu sous Hadrien ou Antonin le Pieux – Martius et Martiniacus qui eux ont exercé cette charge plus tardivement. Les trois premiers personnages ont occupé la plus haute charge municipale après le changement de constitution : le triumvirat ; ce qui n’est pas le cas des magistrats de Creys-Mépieu.

L’augurat n’est donc pas non plus, dans tous les cas, l’aboutissement des promotions sociales dans la cité. De plus, l’augurat se trouve seul ou encadré par d’autres fonctions, ou peut encore se trouver avant le duumvirat sans qu’une autre charge ne soit exercée auparavant. Enfin, l’augurat semble souvent clôturer le cursus religieux à Vienne, ce qui n’est pas le cas à Genève.

1054R 5, 6 et 211 – ILN 62, 63 et 845 – CIL XII 1869, 1870, 2613. 1055R 211 – ILN 845 – CIL XII 2613.

1056R 11 – ILN 76 – CIL XII 1903 ; F. Bertrandy, Le culte de Mars dans la cité de Vienne, R.A.N., t. 33, 2000, p. 244. 1057R 81 – ILN 303 – CIL XII 1783.

1058R 103 – ILN 557 – CIL XII 2378 – Annexe, p. 378.

196 Au regard de tous ces paramètres, force est de constater, à la suite de J. Gascou1060,

qu’il est très difficile, voire impossible de fixer cette charge au sein d’une carrière et d’une hiérarchie des fonctions.

2. Le pontificat

Ces prêtres sont les premiers représentants des collèges sacerdotaux, qui peuvent être définis comme les « maîtres du rite »1061. J. Gascou1062 a référencé une dizaine de documents

indiquant la présence d’un pontife. Comme pour l’augurat, le pontificat est concentré très largement à Vienna et Genava.1063

Parmi les quatre occurrences de la capitale, un magistrat anonyme (CIL XII 1839) est l’auteur d’une dédicace au futur Trajan. Ce document de 101 ap. J.-C. mentionne uniquement le pontificat, laissant suggérer qu’il était le sommet du cursus religieux.

Cette charge est également présente en Savoie à deux reprises, notamment à Grésy1064.

Le magistrat Taurinus a tenu cette fonction au cours de sa carrière. Il a ainsi au Ier siècle régit

les règles du culte privé entre le duumvirat et le triumvirat.

A Genava, quatre autres occurrences nous font recenser trois pontifes. Les deux inscriptions déjà étudiées mentionnant le grand père de Capito, L. Iulius Brocchus Valerius1065, indiquent qu’après l’augurat ; mais avant le flaminat de la colonie équestre de

Nyons, il a été pontife, ce qui laisserait penser que ce sacerdoce, ici, ne clôture pas toujours une carrière.

Titus Iulius Valerianus1066 a aussi tenu cette prêtrise, charge achevant un cursus où il a

été dans la seconde moitié du Ier siècle également triumvir et flamine d’Auguste. Originaire de la tribu Cornelia, il a fait toute sa carrière dans la cité des Allobroges. Toujours au bord du Léman, un autre pontife anonyme1067 signifie en tout début de cursus cette charge, avant le

triumvirat et le curatat. Ce témoignage est intéressant notamment par la mention de cette dernière fonction, qui est unique dans la cité.

A Vienna, à l’image de l’augurat, le pontificat semble souvent clore le cursus, ce qui n’est, à l’évidence, pas le cas à Genève. Cette prêtrise n’est quasiment jamais suivie d’un autre sacerdoce dans les carrières où il apparaît, mais sa place, par rapport aux magistratures civiles, est très variée.

Attesté dès le Ier siècle, le pontificat, chez les Allobroges, ne semble pas avoir le même prestige que dans d’autres cités et provinces. Le champ épigraphique à notre disposition ne permet nullement de lui donner une position précise dans la hiérarchie religieuse et sociale, comme c’est le cas pour l’ensemble des sacerdoces.

1060B. Rémy, J. Gascou, Magistratures, sacerdoces et évergétisme dans la cité de Vienne, in Le catalogue de l’exposition du Musée

dauphinois de Grenoble, Gollion, 2002, p. 64 à 67.

1061J. Scheid, Religion et piété à Rome, Paris, 2001, p. 61.

1062J. Gascou, Inscriptions Latines de Narbonnaise, V1, Vienne, Paris, 2004, p. 44 à 50. 1063ILN 30, 31, 32, 60, 529, 575, 843, 844, 846 et 848.

1064R 110 – ILN 529 – CIL XII 2337 – Annexe, p. 213. 1065R 185 et 186 – ILN 843, 844 – CIL XII 2606, 2607. 1066R 187 – ILN 846 – CIL XII 2608 – Annexe, p. 358. 1067ILN 848 – CIL XII 2618.

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