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Chapitre I : Intégration et dévotion des magistrats municipau

A. La répartition géographique des témoignages.

Les documents retrouvés sont présents sur l’ensemble du territoire, ce qui n’est pas surprenant dans le sens où les notables devaient posséder des terres en différents lieux936, même si les magistratures civiles sont logiquement plus abondantes dans les grands centres urbains de la cité.937

934B. Rémy, Cartographie des notables, in Le catalogue de l’exposition du Musée dauphinois de Grenoble, Gollion, 2002, p. 58 à 63. 935J. Gascou, Magistrats, sacerdoces et évergétisme dans la cité de Vienne, in Le catalogue de l’exposition du Musée dauphinois de

Grenoble, Gollion, 2002, p. 64 à 67.

936B. Rémy, La répartition des inscriptions latines dans la cité de Vienne – un moyen d’appréhender la latinisation et la romanisation des

campagnes, La Pierre et l’Ecrit, 19, Revue d’histoire et du patrimoine du Dauphiné, Grenoble, 2008, p. 7 à 24.

937Ph. Leveau, B. Rémy, Présentation du dossier : les agglomérations urbaines de la cité de Vienne. Les éléments d’une problématique,

R.A.N., t. 38-39, 2005-2006, p. 7 à 13 ; Ph. Leveau, Facteurs historiques et économiques du développement urbain, in La ville des Alpes occidentales à l’époque romaines, Actes du colloque international, Grenoble, 6-8 Octobre 2006, Grenoble, 2008, p. 100 à 104.

178 1. Autour de Vienne

Neuf textes nous font connaître huit notables distincts, dont un seul est resté anonyme. Très haut magistrat de la cité, Decimus Iulius Capito est présent sur deux témoignages938. Il a

occupé, selon F. Bertrandy939, le triumvirat pour l’administration du domaine public, le

duumvirat chargé du trésor, et enfin la censure dans la cité fédérée des Rèmes, et ceci sous le règne de Trajan. Parallèlement, il fut un important responsable religieux.

C. Passerius Aper est également mentionné sur deux textes940. A l’inverse de Capito,

Aper a exercé ses fonctions à l’époque de la colonie latine, sans doute sous Tibère ou Claude. Magistrat religieux, il a aussi atteint la plus haute charge civile chez les Allobroges en ce début de Principat : le quattuorvirat.

Dans un autre document étudié par A. Pelletier941, deux frères, jumeaux, Sex. Coelius

Canus et Sex. Coelius Niger ont été questeurs avant de devenir décurions entre la seconde moitié du Ier siècle et le IIème siècle. Ces deux citoyens romains, portant des gentilices et des

surnoms latins, n’ont par contre eu aucune responsabilité religieuse. C’étaient des personnages fort riches comme en témoigne la somme allouée de deux cent mille sesterces pour l’érection d’une statue en argent de Vienna.

A la même époque, un certain Cornelius Gabinianus942, ayant occupé des fonctions

sacerdotales, a également été questeur de la colonie, avant le duumvirat.

Un autre très haut magistrat est référencé dans la capitale et à Tain-l’Hermitage dans la proche agglomération. D’après F. Bertrandy943, ce notable a suivi sa carrière sous Hadrien ou

Antonin le Pieux. Il a parcouru un cursus local avec plusieurs charges civiles et religieuses. Après la questure de la colonie et le duumvirat financier, il atteint la charge la plus importante : le triumvirat. S’il ne semble jamais avoir siégé à Rome, Macedo a tout de même obtenu d’Hadrien le latus clavus (laticlave), la bande pourpre de la toge sénatoriale, dénotant sa très haute dignitas. Il fait partie, avec Capito et quelques autres, des grandes personnalités viennoises sous le Haut-Empire.944

Toujours à Vienna, un anonyme, magistrat religieux, a eu pour fonction le duumvirat juridictionnel.945

Enfin, dans une dédicace du Ier ou IIème siècle, un membre de la gens Contessia, un évergète, Sex. Contessius Verus, mentionne son édilité.946

2. A Cularo et dans le reste de l’Isère

Trois personnages ont été magistrats civils sur les rives de l’Isère. Titus Cassius Mansuetus, de la famille des Cassii, prêtre, a occupé aussi le duumvirat chargé de lire le droit, sans doute, comme le pense F. Bertrandy,947 à la fin du Ier siècle ou au début du IIème siècle. Toujours à Cularo, un témoignage nous apprend l’existence d’un certain Sextus Iulius

938R 5 et 6 - ILN 62, 63 - CIL XII 1869. 1870 – Annexe, p. 361.

939F. Bertrandy, Le culte de Mars dans la cité de Vienne, R.A.N., t. 33, 2000, p. 244. 940R 7 et 8 - ILN 66, 67 - CIL XII 1872. 1873 – Annexes, p. 357 et 358.

941R 9 - ILN 72 - CIL XII 5864 ; A. Pelletier, Les inscriptions viennoises des jumeaux Coelii et le recrutement des décurions en Gaule,

R.A.N., t. 33, 2000, p. 2 à 7. A. Pelletier date ce document, qui explique l’accès à la curie dans la cité par la cooptation, de la seconde moitié du Ier ou IIème siècle ; B. Rémy, F. Kayser, avec collab d’I. Cogitore et F. Delrieux, Les Viennois hors de Vienne, Bordeaux, 2005, p. 62 à 63.

Les auteurs précisent que le conseil des décurions de Vienne avait chargé l’un de ses hauts magistrats, M. Nigidius Paternus, de faire ériger une statue de la dea Vienna et graver une dédicace (C.I.L. VI 36835) sur le forum de Rome - Annexe, p. 367.

942R 10 - ILN 73 ; R. Lauxerois, Un nouveau magistrat de la colonie romaine de Vienne, R.A.N., t. 33, 2000, p. 96 à 99. L’inscription a été

découverte à la suite de recherches archéologiques menées en 1980-1981 sur le site d’un habitat à Vienne – Annexe, p. 359.

943R 11 et 81 - ILN 76, 303 - CIL XII 1903. 1783 ; F. Bertrandy, Le culte de Mars dans la cité de Vienne, R.A.N., t. 33, 2000, p. 244. 944R 81 – ILN 303.

945R 13 - ILN 79.

946R 28 – ILN 11 – CIL XII 1821.

179 Condianus, flamine de la Jeunesse, questeur, puis édile948. Cette épitaphe du IIème siècle

montre que l’âge légal d’accès aux magistratures à vingt-cinq ans n’est pas toujours respecté, comme pour ce membre de la gens Iulia. Enfin, un anonyme, magistrat religieux, a été à la fin du Ier siècle, duumvir chargé du trésor, puis triumvir.949

Deux autres documents découverts dans le département attestent de la présence de magistrats civils ayant fait preuve d’évergétisme religieux ou occupant une ou plusieurs prêtrises. Le premier, demeuré anonyme, a laissé un texte aux franges de la cité à Mauves950. Ce flamine impérial a également atteint le triumvirat locorum publicorum persequendorum. L’autre témoignage a été découvert à Saint-Just-de-Claix. Datant de la seconde moitié du Ier

siècle ou du IIème siècle, il met en scène un certain Gaius Contessius Laevinus, mentionné aussi à Saint-Nazaire-en-Royans, appartenant à la même fratrie que l’édile Sex. Contessius Verus (ILN 11). Sans doute sacerdoce, porteur d’un gentilice celtique et un cognomen latin (unicum en Narbonnaise), il a été duumvir juridictionnel.

3. En Savoie

Quatre inscriptions nous font connaître en Savoie quatorze notables ayant eu des charges civiles. Parmi ceux-ci, comme nous allons pouvoir le constater, certains occupent des fonctions locales que nous n’avons point rencontrées précédemment dans les deux grandes agglomérations iséroises.

Dans la Combe, à Grésy, un homme nommé Taurinus951 a été au Ier siècle, peut-être

sous Caligula, duumvir chargé de lire le droit, pontife, avant d’être au sommet de la carrière municipale par le biais du triumvirat.

A Saint-Alban-Leysse, F. Bertrandy952 a recensé Sex. Decidius, notable appartenant à

la puissante gens Decidia de la Combe. Le texte953 retrace sa carrière dans l’ordre direct. Ce

personnage décoré par Tibère entre 14 et 37 a été sacerdoce et quattuorvir.

A Aquae, deux documents954 nous font apprécier le fonctionnement administratif du

vicus au début du IIIème siècle. A l’époque de la dynastie des Sévères, Aix-les-Bains est géré

par de simples honorati sans autre charge religieuse. Ceux-ci sont organisés comme un collège d’artisans. Certains, comme Zmerticcius Titianus, Rufus Iulianus ou Smerius Masuetus sont des patrons du vicus955 ; alors que les autres sont des decemlecti956 comme

Canius Decimus, Titius Hyginus, Tincius Derco, Iulius Spinter, Smerius Licinianus, Romanius Valerius, Cacusius Decimianus, Aelius Decumanus, ou encore Sollius Se….

948R 51 – ILN 382 ; A. Pelletier, F. Dory, W. Meyer, J.-C. Michel, Carte Archéologique de la Gaule, l’Isère, C.A.G. 38/1, Paris, 1994, p. 87

– Annexe, p. 376.

949R 54 ; B. Rémy, Inscriptions Latines de Grenoble et de son agglomération, Grenoble, 2002, p. 35 à 37. 950R 83 – ILN 317 – Annexe, p. 357.

951R 110 – ILN 529 – CIL XII 2337 – Annexe, p. 213.

952F. Bertrandy, Le culte de Mars dans la cité de Vienne, R.A.N., t. 33, 2000, p. 238. 953R 145 – ILN 638 – CIL XII 2430 – Annexe, p. 391.

954R 121 et 130 bis – ILN 666, 665 – Annexes, p. 186 et 372.

955Ph. Leveau, B. Rémy, A. Canal, M. Segard, Aix-les-Bains, vicus thermal et bourg rural, R.A.N., t. 38-39, 2005-2006, p. 95. Les patrons

assurent la protection du vicus et la défense des intérêts des vicani auprès des autorités de la cité. Ils étaient peut-être des équivalents aux magistri. Ce patronage de vicus est à rapprocher du patronage du pagus.

956Ibidem, p. 94 et 95. Les decemlecti disposent sans doute d’une caisse permettant de financer ses membres, sous l’autorité des patrons de

180 Il est intéressant de remarquer qu’une majorité de ces notables aixois957, membre de

l’aristocratie locale, ont choisi de conserver une dénomination de tonalité indigène958 à une

date très avancée de l’Empire. 4. En Haute-Savoie

Les magistrats civils faisant preuve de dévotion, ou ayant exercé une charge religieuse, se concentrent essentiellement dans trois lieux : à Annecy, dans le pagus de Diane, et dans le sanctuaire de Passy. Il est important de remarquer que de nombreux préfets de pagi y sont attestés, ayant recouvert parallèlement des prêtrises.

A Boutae, portant un gentilice et un surnom latins, Gaius Ateius Peculiaris, préfet du district d’Apollon, a fait acte d’évergétisme. Ce notable est en charge de la gestion du pagus rattaché à Annecy.959

A Hauteville et à Seyssel sont également attestés des préfets, mais ceux-ci sont en charge du pagus de Diane, à la frontière de l’Ain. Titus Valerius Crispinus960, après sa prêtrise

de Vintius, a exercé cette fonction. B. Rémy961date ce document du règne de Tibère. Il est à

noter que cet homme est l’un des dédicants du texte honorifique dédié au chevalier C. Passerius Aper (ILN 66). Cela peut tendre à prouver que par sa préfecture, Crispinus appartient à l’élite allobroge. Q. Catius Bellicus962, à Seyssel, a la même carrière que

Crispinus, occupant au Ier siècle, après sa prêtrise, la préfecture. Un second témoignage mentionne un anonyme963 qui a sans doute aussi exercé la préfecture. Un dernier personnage,

évergète, fait partie des notables du pagus : Caius Marius, duumvir juridictionnel, puis triumvir. B. Rémy964 date cette inscription entre 45 et 68. Marius fait certainement partie de l’ordre équestre, et il est peut-être de parenté avec une famille de Vienne (ILN 75).

Dans le sanctuaire de Mars, comme nous l’avons déjà vu, de hauts magistrats sont mentionnés. Le premier d’entre eux est Aulus Isugius Vaturus965. Portant un gentilice et un

surnom celtiques, il a, après le flaminat impérial, occupé le duumvirat financier. Lucius Vibius Vestinus a lui atteint, après le duumvirat juridictionnel, le triumvirat, sans n’avoir jamais été prêtre. Son cursus complet ne semble, toutefois, n’indiquer que les principales fonctions966. Un troisième document ne fait que confirmer l’importance du sanctuaire de Passy qui devait être le pendant de celui de Châteauneuf ou de Brison-Saint-Innocent. Marcus Arrius Gemellus967 occupe en premier la questure des deniers publics, charge non encore

rencontrée, avant d’achever son cursus par le flaminat de Mars.

957B. Rémy, La dénomination des habitants d’Aix-les-Bains (Aquenses), R.A.N., t. 40, 2007, p. 447 à 454. Pour B. Rémy, les Aquenses

ayant les moyens de faire graver des inscriptions portent très largement des dénominations « italiennes ». Celles entièrement latines sont d’ailleurs les plus nombreuses, ce qui distingue Aquae du reste de la colonie. B. Rémy note néanmoins un double patrimoine onomastique, local et latin.

958Il est possible de se référer ici au chapitre consacré à l’onomastique ; B. Rémy, La dénomination des habitants d’Aix-les-Bains

(Aquenses), R.A.N., t. 40, 2007, p. 447 à 454.

959R 164 – ILN 752 – I.L.H.S. 2 – CIL XII 2526 – Annexe, p. 399. 960R 147 – ILN 778 – CIL XII 2558 – Annexe, p. 414.

961B. Rémy, I.L.H.S., Annecy, 1995, p. 91. 962R 148 – ILN 784 – I.L.H.S. 96 – CIL XII 2561. 963R 151 – ILN 787 – I.L.H.S. 99 – Annexe, p. 414.

964B. Rémy, I.L.H.S. 98, Annecy, 1995 ; R 150 – ILN 786 – Annexe, p. 414.

965R 153 – I.L.H.S. 79 – F. Bertrandy, M. Chevrier, J. Serralongue, Carte Archéologique de la Gaule, la Haute-Savoie, C.A.G. 74, Paris,

1999, p. 286.

966R 155 – ILN 548 – I.L.H.S. 80 – Annexe, p. 389. 967R 156 – ILN 549 – I.L.H.S. 81 – Annexe, p. 390.

181 5. Autour de Genève

Sept documents font mention de six magistrats, ayant revêtu des prêtrises, ou étant connus pour leur dévotion. Deux épigraphies968 attestent la présence d’un certain L. Iulius

Brocchus Valerius Bassus, grand-père du notable de Vienne D. Iulius Capito. Notre dédicant devait appartenir, avant son adoption, à la gens Valeria. Il a suivi une carrière dans le troisième quart du premier siècle : duumvirat du droit, triumvirat, et a été magistrat religieux dans la colonie voisine de Nyons. Son petit-fils, D. Iulius Capito969, est aussi présent à Genava. Connu par des témoignages de Vienna (ILN 62. 63. 64) et un texte à Douvaine (ILN

809), il semble retracer, ici, dans l’ordre chronologique, sa carrière sous Trajan. Il fut augure, puis duumvir financier, avant d’être flamine. Les documents de Vienne nous apprennent qu’il est parvenu au sommet de la hiérarchie municipale (triumvirat), et qu’il a occupé un second flaminat officiel.

De la tribu Cornelia, T. Iulius Valerianus, a, entre 41 et 70 ap J.-C., exercé les plus hautes charges de la cité des Allobroges : patron de la colonie, duumvir du trésor, puis triumvir. Il fut aussi flamine et pontife.970

F. Bertrandy971 a également étudié un texte mettant en lumière un quattuorvir ayant exercé plusieurs flaminats, et ceci avant le règne de Caligula : Lucius Aemilius Tutor.972

Un dernier magistrat973, Sex. Iulius Orgen ?, a exercé une prêtrise et un duumvirat.

Enfin, est mentionné Victor, un affranchi impérial, qui est, de par son statut, un personnage important de l’administration, sans doute rattaché au siège genevois de la XL Galliarum, comme un autre affranchi impérial nommé Aurelius Valens (ILN 870). L’absence du gentilice indique que Victor a vécu à une période relativement tardive, après 150.974