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Sous l'euphorie, la préparation de la crise financière

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 52-54)

Sidérurgie Industries de transformation 1954

2.14. Sous l'euphorie, la préparation de la crise financière

La période de la reconstruction se termine dans tous les pays et l'équipement industriel marque une pause. Les industries de transformation demandent de plus en plus des nuances d'acier et des profils qui permettent de diminuer les quantités nécessaires pour un effet utile supérieur et de les rendre aisément usinables sur des machines de plus en plus automatisées servies par des « Ouvriers Spécialisés ». Des produits de substitution gagnent en importance : plastique, aluminium, etc. Dès lors, le coefficient observé de- puis 10 ans entre la progression du produit intérieur brut et la consommation d'acier qui est de 1,3 commence à se modifier.

La compétitivité de la sidérurgie lorraine était fondée non pas sur ses propres instal- lations, mais sur le minerai dont l'exploitation est aisée et a été de plus mécanisée. La multiplication des usines littorales et l'arrivée des minerais riches d'Outre-Mer dévoilent les faiblesses de l'ensemble lorrain. Le risque de déclassement du gisement et de l'abais- sement brutal de la compétitivité de l'acier est réel. La rente de situation qui assurait la tranquillité d'esprit des sociétés lorraines peut s'évanouir.

Dès 1957, un renversement de tendances est observable. Les clients de la «minette» lorraine les plus éloignées (Ruhr, la Belgique, le Nord de la France) assurent l'accrois- sement de leurs besoins par du minerai «exotique» ou suédois. Les mines «exportatri- ces» vont réagir immédiatement en mécanisant la taille et le transport du minerai, en réduisant le nombre de puits à partir desquels des couches nouvelles sont exploitées, en n'exploitant que les couches qui le sont le plus facilement et qui ont les teneurs les plus élevées. Mais il est trop tard. Cela n'empêche pas la crise de 1961.

Les retards dans la «modernisation» des installations sidérurgiques ne sont pas catas- trophiques si l'expansion continue. Ils le sont immédiatement si la demande se ralentit et si la concurrence s'aiguise. La façon de réagir à la phase d'expansion crée également certaines conditions et caractéristiques de la crise à venir.

Dans le but d'économiser des investissements, tout en essayant d'honorer les com- mandes, les sociétés ont pratiqué largement le « rapiéçage ». Cette politique est en fait très coûteuse. Rapporté aussi bien à la production réalisée qu'à la capacité de production nouvelle, l'investissement est beaucoup moins efficace en France que dans les autres pays de la CECA, à l'exception de la Belgique. De 1957 à 1960, en tenant compte des variations du taux de change entre les monnaies, il faut en France, pour une tonne sup- plémentaire de capacité, de 1,76 à 1,26 fois plus d'investissements que dans les 5 autres pays de la CECA. De plus, ce « rapiéçage e» devient non compétitif en cas de concur- rence aiguë. Les ressources sont donc mal utilisées. Elles feront cruellement défaut au moment de la crise.

La politique d'exportation maximale pratiquée par les sociétés, dans le but de contourner la limitation des hausses des prix intérieurs, aura deux effets. La nécessité pour les industries de transformation françaises de recourir à des importations a permis aux sociétés sidérurgiques étrangères, notamment belges, de pénétrer le marché français et de disposer d'un réseau de commercialisation au moment de la crise. Le coup que les sociétés sidérurgiques françaises ont porté aux industries de transformation se retourne- ra contre elles. Les industries de transformation ne se priveront pas de recourir après 1960 à l'acier étranger devenu moins cher. Cette lutte empêchera que naissent des solu- tions associant Sidérurgie- Industrie de Transformation.

Enfin, les sociétés voient dans l'expansion la possibilité de rester autonomes et non la possibilité de joindre leurs ressources pour réaliser des usines ayant les meilleurs et les derniers développements de la technique. Les fusions que les sociétés ont opérées de 1948 à 1953 les ont mises, à l'ouverture du marché commun de l'acier, simplement à la taille des sociétés allemandes (1,3 à 1,5 Mt) ou des sociétés anglaises, et loin derrière la Finsider italienne, les sociétés japonaises et américaines.

À la différence des françaises, les sociétés allemandes se regroupent en pleine pé- riode d'expansion et prennent le contrôle de sociétés transformatrices et de construction. En 1956, cinq des sociétés issues de la décartellisation de Thyssen se regroupent en deux ensembles: la Phoenix Rheinrohr A.G. et la August Thyssen Hütte, qui atteignent chacune la taille des 4 Mt. La sixième société, la Dormund Hoerder Hüttenunion rachète les Hüttenwerke Siegerland en 1960, atteignant ainsi 3 Mt. La société d'État hollandaise Hoogoven possède 40% du capital de la Dormund. En 1958, Krupp prend le contrôle de Bochumer Verein AG de Bochum, et reconstitue un ensemble industriel de 8 Mt de charbon, de 4 Mt d'acier, avec 110 usines de transformation employant au total 100.000 salariés. Mannesmann fusionne avec Stahlindustrie und Maschinenban.

En Belgique, la concentration est lente comme en France. En 1955, la société John Cockerill et la Société Ougrée forment Cockerill-Ougrée qui atteindra 2 Mt en 1960, soit la taille de Lorraine-Escaut. Cockerill-Ougrée contrôle cependant les hauts four- neaux de la Chiers à Longwy (0,66 Mt en 1960) et a des liens avec les Forges de la Pro- vidence, qui a notamment deux usines en France à Rehon près de Longwy et à Hautmont dans les Ardennes.

On assiste cependant en France à quelques concentrations de sociétés de petite taille. Le sous-secteur de la fonderie n'a pas progressé comme le reste de la sidérurgie. La fonte de moulage se vend mal. La Société des Hauts Fourneaux de Saulnes et la Société métallurgique de Longwy deviennent les Hauts Fourneaux de Saulnes et Gorcy. Le groupe Schneider cède sa participation dans la Société Métallurgique d'Au- brive-Villerupt à la compagnie de Pont-à-Mousson. Par contre sa Société des Forges et Ateliers du Creusot (la SFAC) spécialisée dans les aciers spéciaux a noué des liens étroits avec la Société Métallurgique d'Imphy. Mais dans le secteur de la sidérurgie fine l'opération la plus notable est l'accroissement du domaine industriel de la CAFL (Com- pagnie des Ateliers et Forges de la Loire), par absorption de petites sociétés et par ap- ports par les sociétés mères d'usines qui étaient restées sous leur gestion directe (Les Dunes à Dunkerque, notamment). Les sociétés mères fusionnent et deviennent holding sous le nom de Marine-Firminy.

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 52-54)

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