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À nouveau l’euphorie et les grands projets : construction de la deuxième usine littorale à Fos par Solmer, doublement de la capacité d’Usinor-Dunkerque (8 Mt).

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 91-93)

L’entrée en scène de la nouvelle classe ouvrière 1968-

4.2. À nouveau l’euphorie et les grands projets : construction de la deuxième usine littorale à Fos par Solmer, doublement de la capacité d’Usinor-Dunkerque (8 Mt).

Le 6e Plan (1971-1975) prévoit de porter la capacité française de production d’acier de 25,8 Mt/an à 35,6 Mt/an, dont 55% d’acier à oxygène pur

L’euphorie gagne les états-majors aussi vite que montent les marges bénéficiaires. Le résultat brut d’exploitation de la sidérurgie passe de 11,73% du chiffre d’affaires en 1968 à 19,07% en 1969, et 24,13% en 1970. Celui d’Usinor passe de 11,03 à 23,42, puis à 28,80%.

Le 6e Plan (1971-1975) est en préparation. C’est un constat de réussite du Plan pro- fessionnel qui est fait. La productivité a été élevée plus vite que prévu. 70% du minerai enfourné est aggloméré. Les sociétés se sont regroupées. Les marges bénéficiaires sont rétablies au-delà de ce qui était espéré. Il est temps maintenant d’accroître les capacités de production et de reconquérir la place perdue sur les différents marchés. Certes, la concurrence internationale restera vive. Les États-Unis risquent de prendre des mesures protectionnistes, et le comportement du Japon, qui se suréquipe, qui maintient une forte protection douanière, et peut pratiquer les prix les plus bas qui soient, est inquiétant. Mais avec des outils modernes, la sidérurgie française peut faire face, et la politique d’industrialisation nationale adoptée par le nouveau président Pompidou alimentera la demande d’acier. Il est donc décidé de porter la capacité de production d’acier de 25,8 Mt (dont 7,1 à oxygène pur) à 35,6 Mt (dont 19,5 à oxygène pur). Les capacités nouvel- les de laminage concerneront essentiellement les produits plats et les aciers spéciaux, « produits à haute rentabilité ».

Pour atteindre ces objectifs deux opérations essentielles sont prévues. La première consiste à accroître la capacité de l’usine de Dunkerque de 3 Mt à 8 Mt avec la cons- truction d’un quatrième haut fourneau, le 2ème du monde par sa capacité (10.000 t/j), d’une deuxième aciérie à oxygène pur avec coulée continue, d’un accroissement de ca- pacité du train à large bande existant, de l’installation d’un deuxième train à tôles fortes, et la construction d’une usine de laminage à froid à côté de l’usine de Dunkerque, à Mardyck. La deuxième opération essentielle est la création d’une nouvelle usine litto- rale à produits plats à Fos par la Solmer, filiale de Sollac, devant atteindre 3 Mt en 1975 et 6 Mt en 1980. Les autres opérations concernent les produits longs: deux nouveaux trains continus à fil sont prévus, un par Neuves-Maisons, l’autre par la Société métal- lurgique de Normandie, et un train à poutrelles.

L’accroissement très important de la capacité de production de la sidérurgie française doit s’accompagner d’une élévation de la productivité. En effet, les unités nouvelles vont, non seulement accroître la capacité globale, mais aussi se substituer à des unités anciennes. 5,45 Mt de capacité de production d’acier Thomas et Martin vont disparaître. Le pourcentage de minerai enfourné sous forme agglomérée doit atteindre près de 90%. Le nombre d’heures d’ouvriers et d’employés à la tonne d’aciers produits, qui est, selon le patronat, le plus élevé d’Europe (12 h 30 en 1970, contre 9 h 50 en RFA, 9 h 30 en Belgique, 8 h 03 en Italie, et 7 h 50 au Luxembourg), doit atteindre d’ici à 1975 8 h 40. Cet objectif est fondé sur plusieurs hypothèses : une progression de 36% des ventes de produits sidérurgiques en cinq ans, une réduction de l’effectif des ouvriers et des men- suels de 146.000 à 133.000, et de la durée hebdomadaire moyenne du travail de 44 h 55

à 43 h 00, et enfin un accroissement du pourcentage d’ouvriers travaillant en continu de 45% à 50%. Indiquons de suite qu’aucune de ces hypothèses ne seront justes.

Malgré quelques succès, la recherche sidérurgique est en France à un niveau très bas, par manque de moyen et de mise à l’essai industriel des découvertes. Le 6e Plan prévoit de porter l’effort de recherche à 790 MF, au lieu de 500 MF, pendant le 5e Plan. En fait, rapporté au chiffre d’affaires de la sidérurgie, l’effort reste le même 0,6 à 0,7%. L’accent est mis sur l’automatisation des procédés, la recherche des procédés continus, de nouvelles qualités d’acier, le traitement et les méthodes de transformation (extrusion, formage, soudage, collage, boulonnage, etc.), enfin sur l’utilisation de l’énergie nu- cléaire dans l’élaboration de la fonte et de l’acier.

Le financement des investissements paraît raisonnablement assuré. L’autofinancement, les augmentations de capital et les cessions d’actifs devraient cou- vrir 54% des besoins. L’État n’interviendrait que pour le financement de Fos, soit 29,5% du coût de l’opération. L’endettement global de la sidérurgie est tombé de 73% de son chiffre d’affaires en 1965 à 55% en 1970. Normalement, il ne devrait pas croître sensiblement malgré l’importance du programme des travaux. Ce plan financier repose sur deux hypothèses : un résultat brut d’exploitation moyen de 18%, une moindre infla- tion des prix industriels par rapport aux prix de l’acier. Ici aussi, ces hypothèses se révè- leront fausses.

Au-delà des grandes options (Fos, doublement d’Usinor-Dunkerque), l’examen par société du programme des travaux traduit leur orientation stratégique. Usinor prévoit de terminer la rénovation de l’usine de Denain, dont le « train à large bande » a été moder- nisé en 1968. Grâce au canal Dunkerque-Valenciennes mis à grand gabarit en 1969, l’usine de Denain est maintenant alimentée en minerai riche. Le programme prévoit un atelier d’agglomération, la réfection des deux hauts fourneaux (8,70 et 9,50 de diamètre de creuset), portant la capacité de fonte à 2,6 Mt/an, et la mise en service de trois nou- veaux convertisseurs LD de 60 t. Il n’est pas prévu de coulée continue. Usinor fait un autre choix significatif : celui des « mini-aciéries ». Il s’associe avec Otto Lazar dans une société (Alpa) pour construire à Porcheville (région parisienne) une mini-aciérie intégrée : four électrique de 60 t, coulée continue et un train à ronds à béton de 160.000 t/a. Il prévoit de spécialiser aussi une partie de l’usine de Thionville dans cette filière, en construisant un four électrique (UHP) de 60 t et une coulée continue qui alimenteront les trains à fers marchands existants de l’usine. Parmi les usines à produits longs, Longwy a la préférence avec une nouvelle chaîne d’agglomération du minerai. Les au- tres usines sont laissées en l’état.

Wendel-Sidélor prévoit peu de travaux en Lorraine, accaparé qu’il est par Solmer. La deuxième tranche de Gandrange entre en service en 1971, portant la capacité à 4 Mt/an, grâce à une aciérie OLP (suite aux contre-performances du Kaldo), et à l’augmentation de capacité du blooming et du train à billettes. Wendel-Sidélor ne semble donc pas ap- précier la coulée continue, alors que les sociétés allemandes et italiennes s’en équipent activement. Le programme initial de Solmer à Fos ne prévoit pas non plus de coulée continue. Pour les autres usines, mise à part l’augmentation de capacité du train à fil de Jœuf, très peu de travaux sont envisagés. Wendel-Sidélor ne fait pas l’option des mini-aciéries pour les fers marchands et les ronds de béton. Il a misé avec le train de Gandrange sur des installations de grande capacité.

La mise en service de la deuxième tranche de Gandrange doit entraîner l’arrêt des aciéries Thomas d’Hayange et Knutange, des aciéries Martin d’Homécourt et Hagon- dange et de sept trains à Hayange et Knutange. Par ces mesures, l’usine de Knutange est quasiment fermée. Il ne lui reste plus qu’un train continu à fil, un train à fer marchand et trois hauts fourneaux. Pour les travailleurs concernés (1.550), la Convention sociale, signée en 1967, s’appliquera : c’est-à-dire qu’ils seront reclassés dans d’autres usines du groupe ou mis en pré-retraite avec l’aide du Fonds National pour l’Emploi. Ces mesu- res, annoncées en avril 1970, devant s’appliquer progressivement en 1971, sont présen- tées comme l’achèvement du Plan professionnel. Le satisfecit que le patronat de la sidérurgie et le gouvernement s’attribuent après cinq ans d’application de la Convention État-Sidérurgie laissent espérer aux sidérurgistes et aux Lorrains en général que la pé- riode difficile est passée.

Mais l’année 1971 se présente mal. On parle de difficultés chez Wendel-Sidélor et d’une nouvelle vague de suppression d’emplois. Ce nouveau « coup » qui est soupçon- né, en contradiction avec les déclarations euphoriques récentes, provoque la colère dans la vallée de la Fensch et la grève de Knutange.

4.3. Le bilan réel de la Convention État-Sidérurgie et le pari très risqué de Wen-

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 91-93)

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