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L'enlisement de la lutte contre le Plan acier Alors que l'Union de la Gauche apparaît majoritaire dans le pays aux élections municipales, le mouvement ouvrier

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 137-139)

subit un recul sérieux dans la sidérurgie. Des licenciements sans reclassement lui sont imposés. L'échec de la bataille de Thionville

Dès l'annonce par les sociétés de leur nouveau plan de réduction d'effectif impliquant des licenciements sans reclassement, les sidérurgistes lorrains se mobilisent, notamment ceux de Thionville. La CGT de cette ville parle fin décembre 1976 d'occuper sans tarder l'usine. Mais comme les réductions par usine ne sont pas publiées, les syndicats hésitent sur la façon d'engager l'action : occupation d'Usinor-Thionville, action générale au bas- sin ? Les atermoiements durent jusqu'aux municipales.

La CGT répète qu'il n'y a pas de solution hors de la nationalisation. Elle soutient l'ini- tiative du PC qui organise un référendum en Lorraine pour la nationalisation. Relance de la consommation et planification démocratique doivent permettre de maintenir et de développer le potentiel productif existant. La CFDT dénonce le transfert des profits vers les holdings qui ensuite ne les retournent plus aux sociétés sous forme d'augmentation ou avance de capital, ne veut pas de « socialisation » des pertes, réclame une prise de participation majoritaire de l'État, et dans l'immédiat une négociation tripartite patro- nat-syndicats-gouvernement sur les choix industriels avant toute discussion sur les me- sures sociales. La CFDT défend la diversification de la sidérurgie vers les biens d'équipement et la machine-outil, l'abaissement de l'âge de la retraite, la diminution du temps de travail et la création de la cinquième équipe.

Les élections municipales passées (amenant notamment à Thionville la gauche à la mairie), les sociétés publient le détail des réductions d'effectif par usine. De multiples actions sont engagées. Rallye CGT pour l'emploi sur Metz. Manifestations au « portier » d'Usinor. Thionville, ville morte. Délégations. Une fois de plus, c'est la levée de bou- cliers de tous les élus, toutes tendances confondues, des régions concernées. Le RPR affirme que les industriels doivent assumer leur responsabilité en trouvant des solutions aux problèmes sociaux et dénonce l'immobilisme de la Commission de Bruxelles. Même un conseiller général RPR, Jena Louis Masson, parle de hold up du siècle, à pro- pos des prêts d'État détournés de leur but. Raymond Barre accepte un débat parlemen- taire sur la sidérurgie. La CGT décide, seule, aussitôt une « montée sur Paris » avec cortège vers l'Assemblée nationale le jour du débat. La CFDT se rallie. Les députés siè- gent, alors que le Parlement est entouré de cordons de gardes mobiles. Le cortège des sidérurgistes échoue sur l'esplanade des Invalides. Raymond Barre annonce un sursis pour le haut fourneau de Thionville. Les divergences CGT/CFDT éclatent. La CFDT, au niveau national, espère un mouvement du type 1967 s'étendant à tout le bassin. La CGT veut des « actions responsables » et « en bon ordre ». Elle tend à organiser en plus des actions de propagande visant à montrer à l'opinion publique le mécontentement ouvrier justifié et le scandale de la politique patronale. Le point culminant est la grève nationale du 24 mai.

Mais les syndicats ont accepté d'engager avec le patronat seul des discussions sur les mesures sociales accompagnant les réductions d'effectif, sans discuter le plan industriel. Il arrive ce qui devait arriver : un syndicat, en l’occurrence Force Ouvrière, accepte le 3 juin les propositions patronales. Selon la fiction de concertation voulue par le gouver- nement, les aides de l'État ne peuvent être accordées à la sidérurgie sans un accord de représentants des travailleurs sur une Convention sociale. Dès lors, les réductions d'ef- fectif, dont les licenciements, peuvent commencer. Indignation des autres syndicats : mais il est trop tard. La CFDT d'Usinor-Thionville rue dans les brancards : « Nous

avons assez freiné l'action, maintenant il faut aller jusqu'au bout, et occuper les instal- lations ». Séquestration du directeur, blocage des trains, des autoroutes... Le patronat se

dérobe. La CGT ne participe pas à ces actions.

Tout ce cafouillage est l'expression de fissures qui commencent à se manifester dans l'Union de la Gauche, alors même que l'ensemble des travailleurs et de larges couches de la population ont fini par s'y rallier. En effet, les difficultés réelles de la lutte contre les licenciements, le chômage, ne leur laissent qu'un espoir : un changement politique qui, malgré le flou et l'étatisme du programme commun, ainsi que le doute sur la capaci- té d'union des partis de gauche, pourrait leur redonner une marge de liberté. Mais ils ne savent pas alors que les résultats des élections municipales, victoire nette de la gauche, vont être à l'origine de la rupture de l'Union de la Gauche en septembre. Cette rupture a des répercussions immédiates à la municipalité de Thionville. La municipalité, qui de- vait être une arme et un soutien pour les sidérurgistes dans leur lutte, devient la vitrine désastreuse d'une union qui a été décidée un jour entre états majors politiques sans être portée par un processus unitaire parmi les travailleurs. Le jour de la dernière coulée du haut fourneau d'Usinor-Thionville, la manifestation rassemble 200 personnes. C'est l'échec d'une bataille qui n'a jamais été vraiment engagée. Licenciements et mutations ont commencé. Plus de 1.000 travailleurs sont mutés à Usinor-Longwy, où de nouvelles surprises les attendent.

La Convention sociale signée par Force Ouvrière contient, pour limiter au maximum les licenciements proprement dits parmi les 16.000 suppressions d'emplois prévues (dont 13.400 en Lorraine) d'ici avril 1979, la série de mesures suivantes :

- la généralisation de la retraite à 60 ans pour l'ensemble de la sidérurgie française, avec 70% du salaire brut calculé sur les trois derniers mois, jusqu'à l'âge de 65 ans et 3 mois. Cela permet de dégager 2.500 emplois dont 1.500 à Usinor, Sacilor-Sollac, et Chiers-Chatillon.

- la « cessation anticipée d'activité » à 59 ans uniquement pour les trois groupes ci-dessus, avec indemnité de 90% du salaire jusqu'à 60 ans. 900 emplois libérés.

- la « cessation anticipée d'activité » à 56 ans et 8 mois pour les travailleurs justifiant de dix ans d'appartenance à un régime de sécurité sociale, et n'ayant pas d'importantes charges familiales. Ils toucheront 70% du salaire brut calculé sur les trois derniers mois jusqu'à l'âge de 60 ans. 8.000 travailleurs sont concernés, dont 6.500 en Lorraine.

- la « cessation anticipée d'activité » à 54 ans pour les travailleurs postés ayant pratiqué soit pendant cinq ans le régime des feux continus de 56 heures hebdomadaires, soit pen- dant quinze ans le régime des feux continus de 48 heures hebdomadaires, soit pendant vingt ans le régime des feux continus. Ils toucheront 75% du salaire brut calculé sur les trois derniers mois jusqu'à 60 ans, sous réserve de l'aide de l'État et de la CECA. 1.000 à 2.000 travailleurs postés pourraient être concernés.

- les garanties de ressources des travailleurs en « pré-retraite » seront assurées par un fonds social géré paritairement et alimenté par les aides publiques, les prestations des

ASSEDIC, l'allocation supplémentaire d'attente, et, le cas échéant, des contributions de sociétés sidérurgiques.

- l'incitation au « départ volontaire ». Les travailleurs « sans attache locale » (c'est-à-dire les travailleurs immigrés) recevront un pécule équivalent à six mois de salaire en plus de leur indemnité de licenciement, s'ils retournent dans leur pays d'origine. Chaque société prendra des mesures pour inciter aux départs volontaires les autres travailleurs.

- les postes libérés par des départs volontaires et des départs en pré-retraite, mais devant être maintenus, permettront de réaliser 3 à 4.000 mutations, soit à l'intérieur de la même usine, soit au sein même de la société, soit entre sociétés sidérurgiques. En cas de muta- tion interne entraînant une baisse de salaire, une indemnité compensatoire sera accordée pendant un an représentant 80% de l'écart entre l'ancienne et la nouvelle rémunération.

5.8. Les constructeurs automobiles au secours de mesures d'industrialisation inef-

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 137-139)

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