• Aucun résultat trouvé

Au lieu de réagir vite, de se regrouper et de rassembler leurs ressources, les sociétés sidérurgiques ajournent les travaux, attendent la reprise de la demande et

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 62-68)

L’affrontement avec la classe ouvrière 1961-

3.3. Au lieu de réagir vite, de se regrouper et de rassembler leurs ressources, les sociétés sidérurgiques ajournent les travaux, attendent la reprise de la demande et

espèrent éviter les fusions. Les autres sidérurgies font l’inverse

La stagnation de la production et la chute des prix ne peuvent plus mal tomber. De grands travaux ont été engagés, et les charges de remboursement d’emprunt du 1er, 2e et 3e Plan s’additionnent. Mais le renversement de tendance n’est pas suffisamment bru- tal pour provoquer une réaction rapide, à la hauteur de la situation nouvelle. L’espoir d’une reprise persiste jusqu’en 1964.

Or, face à la brusque montée de la concurrence et au ralentissement de la demande, il faudrait moins que jamais, compte tenu des retards de productivité, arrêter l’effort d’investissement de modernisation. Et, les marges bénéficiaires s’amenuisant, il n’y a, pour poursuivre l’effort, d’autre moyen en logique capitaliste que la fusion de sociétés permettant d’additionner les ressources propres et les capacités d’emprunt, de rationali- ser l’appareil de production existant et de licencier l’excédent de main-d’oeuvre. D’autant plus que la course au gigantisme est engagée. Aux journées d’étude de la sidé- rurgie allemande en novembre 1965, il a été calculé que la tonne d’acier revient à 45 DM de plus dans une usine de 1,5 Mt que dans une usine de 4 Mt, et à 30 DM de plus que dans une usine de 2 Mt. Il n’existe alors en France qu’une usine qui dépasse 2 Mt/an : la Sollac, et encore n’est-elle pas intégrée puisque la fonte lui est fournie par ses sociétés adhérentes. C’est durant les périodes de crise que se jouent les premières places de demain. Mais les sociétés françaises n’ont ni la volonté commune ni la capacité poli- tique de décider une vaste concentration - rationalisation, impliquant une crise sociale.

Or, en RFA, August Thyssen Hütte et Phoenix Reinrohr fusionnent en 1963, attei- gnant les 8 Mt. En 1965, Krupp absorbe Rheinhaussen et Bochumer Werein. Italsider, qui a entrepris en 1960 la construction d’une deuxième usine littorale depuis l’après-guerre, à Tarente dans le sud de l’Italie, ne ralentit pas les travaux. L’usine est mise en service en 1964, un an après Dunkerque. Elle est dimensionnée pour atteindre 5 Mt. En 1962, le groupe luxembourgeois ARBED, les deux groupes belges Cocke- rill-Ougrée et La Providence, et le groupe français Schneider, constituent le SIDEMAR (le Syndicat international d’études sidérurgiques maritimes) pour construire une usine côtière en Belgique près de Gand de 3 Mt en première tranche. Elle est mise en service en 1967, juste au moment de la reprise de la demande. Les sociétés belges et luxem- bourgeoises n’avaient réalisé aucune grande opération depuis la guerre. Il leur fallait

impérativement se doter d’une grande usine à produits plats, alimentée en minerai d’Outre Mer. À la différence des sociétés lorraines, elles ne craignent pas de s’associer, alors qu’elles sont aussi importantes. L’ARBED fait 2,5 Mt, Cockerill-Ougrée 2,3 Mt et La Providence 1,5 Mt.

La réaction des sociétés françaises est inverse. De Wendel abandonne le « pro- gramme de Jœuf » : seulement deux des cinq hauts fourneaux prévus seront réalisés, et ce sont ceux de plus petites capacités. Sidélor renonce à l’aciérie à oxygène prévu. Les études pour une deuxième usine littorale de 5 à 9 Mt/an pour laquelle deux sites étaient envisagés: Le Havre et Fos, sont mises au point mort. Usinor mène à bien la première phase de Dunkerque (1,8 Mt/an) en faisant appel à Lorraine-Escaut, en échange pour cette société d’un droit d’utiliser 10% de la capacité du train à large bande. Mais il re- pousse la réalisation de la deuxième phase.

Par contre, toutes les sociétés lorraines se précipitent pour réaliser des ateliers d’ag- glomération. Le pourcentage de minerai enfourné sous forme agglomérée passe de 19% en 1961 à 64% en 1967. C’est maintenant une question de vie ou de mort à court terme. Henri de Wendel reconnaîtra en 1971, dans une interview à l’Expansion, que le minerai lorrain utilisé sur place, une fois aggloméré, est compétitif par rapport aux autres minerais. Du programme du 4e Plan, ne seront réalisés que deux nouveaux trains continus à fil (La Chiers-Anzin, Saulnes-Longwy), deux trains à poutrelles (de Wen- del-Hayange, Lorraine-Escaut-Longwy), le doublement de capacité des trains à large bande de Sollac et Denain, les trains à froid de Sollac, les deux hauts fourneaux de Jœuf, le haut fourneau (8 m) de Thionville (Lorraine-Escaut), et bien sûr la première tranche d’Usinor-Dunkerque.

Le report de toute construction nouvelle d’aciérie à oxygène pur (mis à part celle d’Usinor-Dunkerque et d’un petit convertisseur de 30 t de La Providence à Réhon près de Longwy), est la décision la plus grave qui soit prise, alors que toutes les autres sidé- rurgies, malgré leurs difficultés, font exactement l’inverse. La capacité de production d’acier à oxygène pur de la RFA passe de 1,4 Mt en 1961 à 13,7 Mt en 1967 (29% de l’acier produit), de 0 à 5,7 en Italie (30%), de 0 à 3,9 en Belgique (31%), de 0,6 à 3,7 en France (15%), de 0,1 à 1,1 en Lorraine (7,3%).

Pour le reste, il faut bien prolonger les outils existants, leur éviter un trop grand dé- classement. Le rapiéçage continue et donc le gaspillage des ressources. Le niveau des investissements chute. En 1966, il ne représente que 35% de celui de 1962. Il est moitié inférieur à celui de la sidérurgie allemande, la même année. Ce niveau n’est pas justifié par la faiblesse des résultats d’exploitation. Certains parleront de grève des investisse- ments.

Les capacités de production de la CECA n’auront jamais autant augmenté que pen- dant la période 1960-1967 : +32 Mt. Les objectifs de la CECA pour 1965 sont légère- ment diminués : de 99 à 95 Mt. C’est en fait 102 Mt qui seront atteints. Par contre l’objectif de capacité du 4e Plan français est ramené de 24,5 à 22,5 et sera respecté.

Une seule fusion se réalise en 1963. Deux petites sociétés lorraines (l’UCPMI et la SMK), de respectivement 0,7 et 1 Mt/an d’acier, forment la Société mosellane de sidé- rurgie (la SMS). Mais la dimension obtenue ne lui permettra pas d’élaborer un pro- gramme d’investissements à la hauteur.

Dans l’immédiat, la préoccupation des sociétés est de faire remonter les prix, de di- minuer les coûts, et d’endiguer les importations. Pour cela, il faut simultanément dimi- nuer, ou tout au moins ne plus augmenter, les capacités de production, relever les

barrières douanières de la CECA, obtenir des pouvoirs publics la liberté des prix et la baisse des tarifs pratiqués par les Charbonnages et la SNCF, enfin réduire les effectifs en embauchant un nombre de travailleurs inférieur au nombre de partants. En 1962, le gouvernement décide de ne plus faire pression pour limiter la hausse des prix de l’acier. Il le fait sans risque puisque le marché est à la baisse. Le relèvement des barrières doua- nières à 9% proposé par le gouvernement français est refusé en Conseil des ministres de la CEE du fait de l’opposition des Pays Bas et de l’Italie. La Haute Autorité de la CECA « recommandera » cependant aux pays membres le relèvement à 9%.

Le marché du coke et du charbon à coke étant devenu très détendu, le fret maritime ayant baissé, le coke importé revient moins cher que le coke produit par les Charbonna- ges de France. Or les importations sont le monopole de l’Association technique de l’importation charbonnière, qui revend le combustible à un prix en harmonie avec le prix du charbon français. Les sociétés protestent, expliquant que leurs concurrents étrangers sont libres d’acheter au cours mondial, notamment les Hollandais, les Italiens et les Japonais. En 1963 et en 1965, elles obtiendront un prix de cession de la tonne de fines à coke importées réduit de 7,50 F et le droit d’importer directement un million de tonnes de charbon américain au cours mondial.

Enfin, l’effectif ouvrier de la sidérurgie est réduit légèrement : de 132.600 en 1961 à 128.000 en 1965, soit 4.600 emplois environ, sans réduction du temps de travail. Les salaires ouvriers n’augmentent plus comme avant. Ils tendent à s’aligner sur la moyenne des salaires des industries de transformation. Mais les mesures prises par les sociétés ne sont pas à la hauteur de la situation.

En 1964, de Wendel et Sidélor décident enfin de créer en commun sous forme d’une coopérative, une aciérie à oxygène pur (de 2,6 Mt/an en deuxième phase) à Gandrange. Mais la stagnation, qui s’installe à nouveau après la reprise de 1964, enlève désormais tous les espoirs qui subsistaient encore de voir les marges bénéficiaires augmentées. Elle sanctionne la politique adoptée en 1961, alors que l’expansion des sidérurgies belge, hollandaise, italienne, japonaise reprend vigoureusement. Les retards s’accumu- lent. Des sources de financement doivent être trouvées impérativement. L’affrontement avec la classe ouvrière et la population des régions concernées a été rendu inévitable et ne peut plus être reculé.

Une impression d’absurde et d’erreur commence à se répandre. L’année 1964 voit l’ouverture de la Moselle canalisée de Metz à Coblence, essentiellement prévue pour diminuer les coûts d’expédition du minerai de fer lorrain vers la Sarre et la Ruhr et les coûts d’acheminement du coke allemand vers la Lorraine. Les besoins des sociétés sidé- rurgiques sont les garants de la rentabilité de l’opération. Or, l’Allemagne réduit depuis 1961, d’année en année, ses achats de minerai de fer lorrain. Dès l’ouverture du canal, la Bundesbahn (les chemins de fer allemands) diminue ses tarifs de 30% pour conserver le transport du minerai lorrain, du coke et des fines à coke de la Sarre et de la Ruhr, et y parvient. La SNCF fait de même pour conserver le trafic Dunkerque-Lorraine. Par contre, la mise à grand gabarit de la Moselle a rendu moins chère l’importation du mine- rai à forte teneur à partir d’Anvers. Au total, la voie d’eau interviendra peu dans l’approvisionnement et les expéditions de la sidérurgie qui devait en assurer la rentabili- té. La canalisation de Coblence à Thionville a coûté 770 millions de DM, dont 518 à la charge de la France, plus des concessions à l’Allemagne sur le statut de la Sarre et des avantages divers au Luxembourg, s’élevant à 19 millions de DM.

L’image, complaisamment diffusée d’une Lorraine « Texas de l’Europe », doit être rapidement rectifiée. Les municipalités se sont fortement endettées pour s’équiper. L’agriculture, le textile, l’habillement, les mines de fer et les houillères sont en régres- sion. L’emploi stagne dans la sidérurgie. Or, la Lorraine, et particulièrement le bassin sidérurgique, ont un excédent naturel annuel de population bien supérieur à celui de la France : respectivement + 1,2% et + 1,72% contre + 0,7%. 53.000 emplois seraient à créer d’ici à 1970 pour maintenir le taux d’emploi, en supposant un solde migratoire nul. 15% seulement de l’acier lorrain est transformé sur place. Il en est de même du charbon, du sel et de la potasse. Le secteur commercial et administratif est particulière- ment faible. Il n’existe pas de véritable métropole régionale.

La politique menée jusqu’alors par les sociétés sidérurgiques se retourne contre elles. Le vide industriel qu’elles ont maintenu autour d’elles pour dominer totalement le mar- ché du travail ne permet pas d’absorber les jeunes qui cherchent un emploi et les travail- leurs qu’il faudra bientôt licencier.

3.4. La « crise » de la fonderie. La fermeture des usines d’Aubrive, d’Auboué, de Saulnes et de Villerupt. Le passage à l’automatisation organisé par Pont-à-Mousson. Le sauvetage des Hauts Fourneaux de Saulnes et Uckange par Usinor.

Pour la fonte, le ralentissement de la demande en général s’ajoute au déclin qu’elle connaît au profit de l’acier. La fonte manque d’élasticité et a une faible résistance au choc. Ses avantages sont la facilité à la coulée et à permettre des formes compliquées, une très bonne usinabilité, une haute résistance à la compression, à la corrosion, à l’usure, et une excellente capacité à amortir les vibrations, qualités que n’a pas ou peu l’acier. Ses inconvénients en limitaient l’usage plus qu’ils ne provoquaient son déclin. La cause du déclin tenait à la difficulté à se passer du savoir-faire des fondeurs, et à éle- ver leur cadence de travail, donc à réduire les coûts. En effet, il fallait confectionner le moule qui pratiquement était perdu à chaque opération. La production ne pouvait donc s’accroître qu’au rythme de l’embauche de nouveaux fondeurs et de leur formation qui était longue. Le prix de revient élevé à l’unité produite limitait irrémédiablement les bé- néfices.

Ce qui a sauvé la fonderie et lui donne des possibilités nouvelles de développement, c’est d’une part la découverte d’une fonte à graphite sphéroïdal, dite « fonte ductile », produite à partir de minerai importé, dont l’élasticité est comparable à celle de l’acier ; et d’autre part, la mise au point de machines permettant de se passer et des fondeurs et de leurs moules. Ce sont des machines à centrifugation capables de débiter toutes les minutes 56 tuyaux de 125 à 2.000 m/m de diamètre et de 6 à 9 mètres de longueur. Elles n’exigent que quelques ouvriers pour les conduire Les chaînes de moulage à plat auto- matisées sont commandées par un poste central.

C’est Pont-à-Mousson S.A. qui a mis au point vers 1958 la « fonte ductile » et les procédés de moulage automatique. Les autres sociétés productrices de fonte de moulage sont alors fortement concurrencées. Les gains de productivité, permis par les nouveaux procédés, rendent possible la concentration de la production. La Compagnie de Pont-à- Mousson, actionnaire principal de Sidélor, lui fait fermer son usine à fonte d’Auboué située dans la vallée de l’Orne dans le bassin sidérurgique de Lorraine du Nord. Le groupe Schneider a vendu en 1960, comme on l’a vu, ses actions dans la Société Au-

brive-Villerupt au profit de Pont-à-Mousson qui, en quelques années, va fermer la mine et les deux usines à fonte de cette société (Aubrives dans les Ardennes, en 1964 ; Ville- rupt, près de Longwy, en 1968), en reportant leur production sur son usine de Pont-à- Mousson entièrement modernisée.

En 1965, Usinor prend le contrôle de la Société des Forges et Aciéries du Nord et de Lorraine qui possède l’usine à fonte d’Uckange en Lorraine. Cette société fusionne, en 1966, avec la Société des forges de Saulnes et Gorcy, également fabricante de fonte. Cette dernière vient de faire installer dans son usine de Saulnes, contiguë à celle de Longwy, devenue Usinor comme nous le verrons, un train à fil très moderne. Par le jeu de prise de contrôle et de fusion, Usinor réorganise ces usines : le train à fil est rattaché à l’usine de Longwy, l’usine de Saulnes est arrêtée, y compris l’atelier d’agglomération mis en service en 1958 (il ne reste qu’un four électrique à fonte) et l’usine d’Uckange est reconvertie dans la fabrication de fonte ductile, produite à partir de minerai d’Outre-Mer acheminé par la Moselle canalisée. Usinor détient 71% des Hauts Four- neaux de Saulnes et Uckange. Cette spécialisation et la fonte ductile sauvent l’usine d’Uckange considérée comme la plus ancienne du bassin. Depuis, cette usine s’est fort bien maintenue. Mais à la différence des Hauts fourneaux de Pont-à-Mousson, elle ne transforme pas en produits finis la fonte qu’elle produit.

La liquidation de la mine et de l’usine de Villerupt où les travailleurs sont connus pour leur combativité jouera un rôle important dans la montée, mais aussi les reculs du mouvement ouvrier lorrain de 1960 à 1970. L’usine de Villerupt est une fonderie tout comme les Hauts Fourneaux de Pont-à-Mousson. On y fabrique des pièces moulées en fonte (tuyaux centrifugés de 60 à 300, raccords et accessoires de canalisation, pièces mécaniques pour l’automobile, le poids lourd et les machines agricoles).

Quelques mois après le rachat, la durée du travail est réduite, des mutations d’un ser- vice à un autre décidées. Il s’ensuit une grève immédiate. Il y a dans cette usine une très forte tradition de lutte. 97% des salariés sont syndiqués, y compris les employés et tech- niciens. Les événements se précipitent alors. La Direction annonce, le 11 octobre 1961, la fermeture de la mine dans un délai de huit à dix mois et la réduction de 300 emplois à l’usine, assurant à chacun un reclassement. Le 16 octobre, 75 mineurs occupent le fond de la mine contre la fermeture et contre tout reclassement. Ce sera la première action engagée dans le bassin lorrain contre la fermeture d’une usine, et la première fois depuis 1953 que l’occupation du fond de la mine sera adoptée comme forme d’action. Le 19 octobre, l’usine est également en grève. Une manifestation regroupant tous les travail- leurs de l’usine a lieu le même jour à Villerupt, appelant au soutien de toutes les catégo- ries de la population. Le 21 octobre, les grévistes obtiennent le soutien de tous les mineurs du bassin : 10.000 manifestants se rassemblent à Villerupt.

La fermeture de la mine de Vilerupt rend concrète une inquiétude qui commence à poindre parmi les mineurs de fer. La production stagne entre 1959 et 1960 et baisse en 1961. Des discours et des articles patronaux mettent en cause la rentabilité de la minette lorraine. Le 26 octobre, une délégation de mineurs en tenue se rend au Ministère à Paris, elle est refoulée par la police. Le 4 novembre, lors d’une commission de conciliation à Metz, la Direction surseoit à tout licenciement, demande aux Mines de fer la priorité d’embauche aux mineurs et insiste auprès des mineurs de prendre en considération les propositions des Houillères. Les mineurs sortent de la mine le dimanche 5. Le travail reprend le 8. Le Ministre donne son accord pour une table ronde patronat-syndicat. Mais le plan de démantèlement, bien que retardé, n’est pas arrêté pour autant.

Pour les syndicats CGT et CFDT, la mine est rentable : proximité de l’usine, fer de qualité. Le minerai doit être enrichi pour améliorer encore sa rentabilité. Les mauvais résultats de l’usine sont dus à une mauvaise gestion, à l’absence de recherche de nou- veaux marchés, à l’investissement ailleurs des profits réalisés à Aubrive-Villerupt au lieu de moderniser l’usine. L’emploi peut être maintenu si l’on respecte les 40 heures hebdomadaires et les six jours fériés payés. Les travailleurs n’ont pas à faire les frais d’une mauvaise gestion.

Le 15 mars 1964, la fermeture de l’usine d’Aubrives dans les Ardennes est annoncée, mettant au chômage 300 personnes. La direction à Villerupt explique que la disparition d’Aubrives était une condition pour le maintien de Villerupt. Une partie des fabrications y sont transférées. L’usine se voit attribuer la réalisation d’une commande importante de Ford (Anvers) : 2.500 à 3.000 carters par mois, pendant trois ans.

Mais la situation continue à se dégrader. La production de fonte baisse toujours : elle passe de 153.000 t en 1960 à 107.000 t en 1964. Des fabrications de Villerupt sont transférées à Pont-à-Mousson, les « contre-brides » (représentant 200 à 300 t par mois), les raccords, etc. Puis c’est l’annonce d’une réduction de la commande Ford. L’effectif entre temps n’a cessé de fondre, en provoquant des départs volontaires, en ne rempla- çant pas les travailleurs partant à la retraite : de 1.248 fin 1961, il passe à 744 fin 1966. C’est le début de l’exode quotidien vers le Luxembourg pour des travailleurs de plus en plus nombreux du Pays Haut. Le 1er mai 1966, l’horaire est ramené à 40 h sans com- pensation pour les ouvriers. Les salaires baissent relativement aux autres usines : 50% des ouvriers gagnent moins de 600 F/mois en 1966. La rémunération moyenne par sala- rié baisse de 16% entre 62 et 66. Des « équipes spéciales » sont formées, composées de travailleurs dits excédentaires et employés à des travaux de toutes sortes sans rapport avec la profession de ces travailleurs. À l’occasion de mutation d’un service à un autre, la Direction déclasse les mutés ce qui incite au « départ volontaire ». Les loyers des lo- gements appartenant à la Société sont augmentés sensiblement.

La Direction cherche à tirer profit au maximum de cette usine en sursis. Entre 1962 et 1966, la productivité passe de l’indice 100 à l’indice 167. Le rythme de travail étant plus soutenu, l’entretien étant limité au strict minimum, les accidents de travail augmen- tent relativement à l’effectif. Le nombre de jours perdus pour accident de travail est aus- si important en 1965 qu’en 1961, alors qu’il y a 450 salariés en moins. Durant cette

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 62-68)

Outline

Documents relatifs