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La guerre économique à l’échelle mondiale entre les producteurs d’acier L’échec des tentatives de régulation du marché international jusqu’en

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 123-125)

La mise en place d’une nouvelle division internationale, le coup de force américain et ses conséquences ont provoqué une baisse de la demande d’acier dans les pays indus- trialisés, faisant apparaître des surcapacités, d’autant plus grandes que tous ces pays avaient recommencé à accroître fiévreusement leur capacité de production dans les an- nées précédentes. La contraction des marchés intérieurs amène alors les sociétés à es- sayer d’accroître leurs exportations. Lorsqu’elles sont endettées, elles doivent vendre à tout prix. La nécessité d’exporter est encore accrue par la brutale augmentation du prix des matières premières importées : pétrole, mais aussi minerai de fer, coke, etc.

La sidérurgie japonaise est précisément dans ce cas. Son marché intérieur tombe de 69 Mt en 1973 à 50 Mt en 1975. Elle est également endettée à hauteur de 60% de son chiffre d’affaires. Elle doit donc vendre à tout prix sur le marché international. Et elle le peut plus que les autres, pour deux raisons. Elle est capable de produire à un prix très bas, donc de prendre des marchés à d’autres. Elle est productivement et commerciale- ment bien organisée. Elle dispose d’un « cartel de dépression ou de rationalisation » contrôlé par le ministère de l’Industrie qui assigne chaque mois des objectifs de produc- tion, de vente et d’exportation, compte tenu de la conjoncture.

Certains pays européens sont dans la même situation, mais ne disposent pas des mê- mes moyens. Les sidérurgies italienne et française sont endettées à 101% du CA en 1975 pour la première, à 99,8% pour la seconde. Dans le même temps, des pays en voie d’industrialisation, disposant brusquement de ressources nouvelles en raison de l’augmentation du prix des matières premières, créent ou développent leur sidérurgie. Ils commencent à couvrir une part importante de leurs besoins et donc leurs achats aux pays traditionnellement exportateurs se restreignent. Enfin, les pays de l’Est augmentent imperturbablement leur production (et offrent des quantités croissantes d’acier sur le marché international, pour se procurer les devises dont ils ont besoin.

La conséquence de cette situation va être un « avilissement » sans précédent des prix sur le marché à la grande exportation (- 40 à - 50% en un an, alors que les prix des ma- tières premières et de transport augmentent), une véritable guerre économique, la multi- plication des accusations de dumping et d’ententes illicites, un ballet de négociateurs bilatéraux pour parvenir à des accords d’autolimitation, enfin la dénonciation des excès du libéralisme.

Les tonnages d’acier sur le marché international sont relativement faibles par rapport à la production mondiale en 1974, 65 Mt sur 710 Mt produits. Sur ces 65 Mt, 27,4 pro- viennent du Japon et 26,2 de la CECA. 5 Mt seulement d’acier européen sont vendus aux États-Unis et 1,2 Mt d’acier japonais le sont dans les pays de la CECA. Ces tonna- ges, faibles par rapport aux marchés intérieurs suffisent cependant, s’il y a affaiblisse- ment de la demande ou surproduction, à provoquer une forte baisse de prix.

En 1975, la sidérurgie japonaise augmente ses ventes sur le marché de la CEE. Elles atteignent 2 Mt. Pour 1976, les huit plus grandes sociétés japonaises acceptent de limiter leur placement à 1,2 Mt. L’American Iron and Steel Institute dépose alors une plainte pour collusion entre Japonais et Européens visant à reporter leurs excédents aux États- Unis. Les Anglais protestent contre les aciers de Suède, qui proteste contre le « dumping espagnol ». Alors que le marché italien diminue de 23% en 1975, les exportations aug- mentent de 32%, de telle sorte que c’est la production italienne qui diminue le moins de toute la CEE. Le président Ford, début 1976, demande que des accords commerciaux soient conclus avec les pays fournisseurs d’aciers spéciaux, dans les trois mois, sans quoi des contingents seront fixés. La commission de Bruxelles refuse l’autolimitation de ses exportations.

En 1976, les exportations japonaises vers les USA augmentent de 30%, de 50% vers la Suède, de 33% vers les pays d’Extrême-Orient, de 26% vers le Moyen-Orient. Mal- gré « l’autolimitation », elles se maintiennent à 2 Mt vers la CEE. La sidérurgie euro- péenne se fait fortement refouler en 1976 par le Japon sur le marché des pays tiers. Ses exportations vers ces pays diminuent de 25% entre 1975 et 1976, alors que le marché mondial s’anime un peu. Les Japonais refusent aux Européens une discussion visant au partage de fait du marché des pays tiers. Les producteurs américains continuent à dé- noncer le « pacte secret entre Bruxelles et Tokyo ». Les importations de la CEE en pro- venance des pays de l’Est augmentent de 1,5 à 2,5 Mt de 1975 à 1976. Les échanges restent cependant positifs en faveur de la CEE. En 1977, les exportations de la CECA (à six) vers les États-Unis passent de 1,5 à 3,8 Mt, alors que les exportations japonaises se stabilisent à 5,9 Mt. Les Japonais accusent les Européens de dumping.

Le Trésor américain instaure un droit anti-dumping contre les tôles japonaises. Une action est engagée également contre les tôles européennes. Eurofer (organisation re- groupant les sociétés sidérurgiques européennes) propose, fin 1977, des négociations pour l’autolimitation des ventes aux États-Unis. Le 15 février 1978, les États-Unis adop- tent le Plan Solomon : tout prix inférieur au prix de revient du producteur étranger le plus compétitif (soit les sociétés japonaises dans la quasi-totalité des cas), augmenté des frais de transport et autres charges, sera automatiquement taxé. La Grande-Bretagne in- terdit toute importation d’aciers soviétiques. Le système Solomon n’a pas ralenti, sem- ble-t-il, les importations américaines d’aciers, mais a permis un relèvement de 20% des prix sur le marché intérieur, au désespoir de l’administration Carter engagée dans une lutte contre l’inflation.

Une procédure anti-dumping est engagée par la CEE contre les fontes brésiliennes vendues en Europe 26% moins chères que sur le marché intérieur brésilien. L’Afrique du Sud accepte de limiter ses exportation d’acier vers la CEE. Le contingent d’acier es- pagnol importé par la CEE, fixé d’un commun accord avec l’Espagne, est dépassé pour 1978. De l’acier espagnol pénètre par la Suisse.

II est possible qu’un certain calme revienne fin 1978 sur le marché international. Les prix minima aux États-Unis, les quotas de production en Europe, les accords d’autolimitation, le report des excédents japonais d’acier vers la Chine, une certaine re- prise de la demande, semblent provoquer une augmentation des prix. Mais on ne connaît pas encore les résultats exacts.

5.4. La commission de Bruxelles met trois ans pour adopter des mesures qui soient

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 123-125)

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