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Pendant le boom de la demande et des prix de l’acier, la crise des sidérurgies des métropoles capitalistes se prépare Les conditions ultimes de la faillite de la si-

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 116-118)

L’entrée en scène de la nouvelle classe ouvrière 1968-

4.11. Pendant le boom de la demande et des prix de l’acier, la crise des sidérurgies des métropoles capitalistes se prépare Les conditions ultimes de la faillite de la si-

dérurgie française se mettent en place

Comme durant l’expansion de 1954 à 1960, les conditions d’une crise se mettent en place durant la période 1969 à 1974. Parmi ces conditions, quelques-unes sont similaires à celles de la crise de 1961. Ce sont la diminution de la quantité d’acier nécessaire pour un effet utile supérieur, la création rapide de nouvelles capacités, l’apparition de nouvel- les sidérurgies. Mais ce ne sont pas ces phénomènes qui caractérisent la crise que connaît la sidérurgie mondiale depuis 1974 et qui en explique l’ampleur. C’est, bien sûr, la rupture dans le rythme de la croissance économique.

La nouvelle division internationale du travail, qui a commencé à se mettre en place à la fin des années 60 pour certaines branches, afin de contrecarrer la concurrence japo- naise notamment, et contourner les exigences des ouvriers métropolitains, réduit le vo- lume des équipements nouveaux dans les pays capitalistes, et met en faillite les entreprises qui ne peuvent « se redéployer ». La consommation des ménages diminue en raison de l’augmentation du chômage, de l’inflation qui réduit le pouvoir d’achat et de l’accroissement de l’épargne dû à la crainte de l’avenir.

Les États-Unis accroissent formidablement les effets de ce processus en provoquant l’augmentation du prix du pétrole. Les réserves pétrolières américaines, le dollar comme monnaie de référence, mettent les États-Unis à l’abri d’une incidence brutale sur leur économie de l’augmentation du prix du pétrole. Par contre, le Japon et les pays de la CEE sont totalement dépendants d’approvisionnements extérieurs qu’ils n’ont pas la capacité politique de contrôler entièrement sans l’appui des États-Unis. Or la concur- rence des industries japonaises et européennes sur celle des États-Unis est devenue très préoccupante au début des années 1970. Le gouvernement américain « laisse » donc les pays producteurs de pétrole vassalisés (Arabie Saoudite, Iran, etc.) accepter une aug- mentation du prix du pétrole réclamée depuis longtemps par les autres membres de l’OPEP indépendants (Algérie, Lybie, Irak, etc.). À cette mesure s’en ajoutent d’autres : la revalorisation du yen et du DM et la dévaluation du dollar le 21 décembre 1971 et le 12 février 1973. Le gouvernement américain pense ainsi réduire la compétitivité du Ja- pon et de la CEE et donner le temps aux industries américaines de revenir au niveau voulu.

Dès lors, une des causes de la crise est l’incapacité politique de l’Europe et du Japon à répliquer au coup de force américain. Il est difficile de s’opposer à l’augmentation du prix du pétrole, revendication permanente et justifiée de nombreux pays producteurs. Et les pays européens et le Japon ne sont pas capables d’élaborer une réplique commune, à l’encontre des États-Unis. Le Japon préfère la fuite en avant : compenser les coûts nou- veaux par de nouveaux gains de productivité et des ventes accrues sur le marché inter- national, accentuant les difficultés des pays moins compétitifs; récupérer les pétro-dollars par des ventes d’équipements aux pays producteurs. La RFA accélère le redéploiement international de son industrie de biens de consommation, et la compétiti- vité et le rayonnement international de ces industries de production de moyens de pro- duction.

Ce qui désoriente les observateurs, c’est, alors que la crise est manifeste dès 1973 pour de nombreuses branches, la demande d’acier connaît un accroissement considéra- ble en 1973 et 1974. L’augmentation du prix du pétrole provoque en effet une brutale accélération des programmes d’investissement dans la recherche, le transport, le stoc-

kage et le traitement des hydrocarbures. II faut des tubes sans soudure pour le forage, des tubes soudés de gros diamètre pour les oléoducs, des tôles fortes pour les réservoirs, les pétroliers géants les plates-formes de forage. De plus, les prix flambant (l’indice des prix à la « grande exportation » passe de 183 début 1973 à 400 au troisième trimestre 1974), producteurs, marchands de fer et utilisateurs font des stocks de précaution ou de spéculation. Enfin, la longue grève des sidérurgistes anglais en 1974, accroît encore la demande chez les autres producteurs.

Dès lors, prenant un mouvement typiquement conjoncturel, pour un mouvement de croissance durable, toutes les sidérurgies du monde accélèrent leurs investissements, créant des capacités nouvelles au moment même où le marché et les prix vont s’effon- drer (l’indice des prix à la grande exportation va retomber en l’espace d’un an de l’indice 400 à l’indice 200, alors que par ailleurs les prix de la plupart des matières pre- mières et des transports continuent à croître). De plus, les stocks de précaution et de spéculation vont considérablement accentuer la crise. Les sociétés doivent alors vendre à bas prix les produits qu’elles ont fait fabriquer en plein boom des prix de revient : leurs difficultés financières en sont amplifiées. Les utilisateurs aussi ont des stocks d’acier achetés aux prix forts, alors qu’ils pourraient l’acheter maintenant deux fois moins cher et que la concurrence dans leur secteur est devenue plus vive.

Pour l’Europe et notamment pour la France, aux conditions générales de la crise vont s’ajouter des conditions supplémentaires. L’Europe, qui avait encore gardé pendant toute la décennie soixante un rôle important dans la formation des prix à la grande ex- portation, le perd étant donnés les tonnages croissants déversés sur le marché internatio- nal par le Japon, les pays de l’Est et quelques pays en voie d’industrialisation. La modernisation et la rationalisation des usines anciennes en France décidées par le VIe Plan, avaient pour objectif d’atteindre la compétitivité moyenne des usines de la Ruhr. Elles avaient été conçues dans l’hypothèse d’un marché progressant plus lentement, mais pas dans l’hypothèse d’une brutale et durable récession, créant des sur-capacités considérables à l’échelle mondiale, et une concurrence acharnée. Les sociétés françaises et surtout Sacilor-Sollac n’ont pas tiré tout le profit possible de la période d’expansion 1969-1974. On a vu qu’elles manquent de capacité sur certains produits et de compétiti- vité sur d’autres. Dès lors, au moment de la crise, elles n’ont pas les capacités financiè- res pour compenser les pertes et poursuivre activement la rationalisation. À cela s’ajoutent les charges de remboursement.

CHAPITRE V

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 116-118)

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