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Les mesures prises par Usinor sont, comme à l'accoutumé, brutales et radica les Denain est condamné, y compris vraisemblablement son train à large bande

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 151-153)

L’esquisse d'une nouvelle stratégie syndicale

6.4. Les mesures prises par Usinor sont, comme à l'accoutumé, brutales et radica les Denain est condamné, y compris vraisemblablement son train à large bande

dans les cinq ans à venir. La solution adoptée pour les usines de Lorraine témoigne d'une volonté de minimisation des coûts d'investissement pour tirer profit au maximum des installations existantes encore compétitives, le temps que ça durera

Les principes sont simples : pourquoi laisser sous-utilisés les quatre hauts fourneaux et les deux aciéries d'Usinor-Dunkerque extrêmement productifs, et faire fonctionner les deux hauts fourneaux de Denain et son aciérie, tombés à la limite de la compétitivité avec la chute des prix ? Pourquoi construire deux aciéries à oxygène pur en Lorraine, une à Neuves-Maisons et l'autre à Longwy, alors que, compte tenu des perspectives du marché dans les cinq ans à venir selon la Direction, la capacité d'une seule suffit ? La situation financière désastreuse ne permet plus de subtilité. Le plan qui en découle est simple.

En ce qui concerne les produits plats, la fonte et l'acier seront produits à Dunkerque qui, en concentrant la production de Denain, pourra passer de 4 à 6 Mt de production, pour une capacité de 8. L'acier sera laminé à Dunkerque (4,5 Mt) et sur le train à large bande de Denain (2 Mt) qui sera modernisé et qui recevra les brames d'acier par le canal Dunkerque-Valenciennes (mis inutilement à grand gabarit, puisque le minerai d'Ou- tre-Mer ne viendra plus à Denain).

Si des augmentations de capacité apparaissaient nécessaires, elles se feraient sur Solmer. Au total, la capacité de laminage de tôles fines serait maintenue à 9/10 Mt. Le laminage à froid continuera à Montataire (1,9 Mt), Mardyck (1,3 Mt), et Biache (0,65 Mt) apporté dans l'ensemble Usinor par Neuves-Maisons-Chatillon. Par contre, la petite usine de Blagny serait fermée. L'usine d'Isbergues (également amenée par NMC), très moderne et spécialisée dans les aciers à grains orientés pour les tôles magnétiques et les aciers inoxydables, continuera. À elle seule, elle va d'ailleurs constituer une des quatre divisions opérationnelles du nouveau Usinor : les aciers de marque Chatillon. En ma- tière de tôles fortes, le train de Longwy est maintenu (sa conduite est automatisée depuis 1977). Le train à tôles fortes de Dunkerque serait doublé, et ainsi porté à 1,2 Mt.

Cette réorganisation des usines à produits plats implique 5.400 suppressions d'em- plois d'ici fin 1980. Le train à large bande de Denain date de 1950. Il correspond à la génération des premiers trains à large bande. Il est clair, pour les travailleurs de Denain, que sa modernisation actuelle ne fait que le prolonger de quelques années. L'arrêt des hauts fourneaux et de l'aciérie est le début de la fin de la sidérurgie dans le Valencien- nois. Si la concurrence s'aiguise encore dans les années à venir, il ne fait pas doute, d'un point de vue capitaliste, qu'il sera préférable de reporter la production sur Solmer qui ne tourne pas à pleine capacité, et dans un deuxième temps, d'engager la deuxième tranche, plutôt que de conserver le train de Denain.

Pour les produits longs, Usinor a fait le choix depuis longtemps de ne conserver que la production du fil machine et des grosses et moyennes poutrelles. Les fers marchands et ronds à béton sont produits dans les mini-aciéries filialisées, ALPA (0,2 Mt), Méta- lescaut et Brévilly. L'aciérie électrique de l'usine de Thionville, qui est devenue une mini-aciérie, n'est pas encore filialisée. Elle va être dotée d'une coulée continue.

Des trois trains continus à fil, Usinor n'en conserve que deux : celui de Longwy (da- tant de 1964, modernisé en 1976, de 0,7 Mt de capacité) et celui de Neuves-Maisons (datant de 1973, et de 0,4 Mt de capacité). Par contre, le train continu à fil d'Anzin (construit en 1963, mais non modernisé depuis, et de 0,44 Mt de capacité) doit être arrê-

té. Cela entraîne la fermeture de l'usine. Sa production est reportée sur le train à fil de l'usine de Longwy. Il y avait également un train à fil à l'usine de La Chiers à Longwy (datant de 1951), mais dont l'arrêt avait été décidé, nous l'avons vu, dans le cadre de la fusion Neuves-Maisons-La Chiers en 1976. L'usine est en cours de fermeture.

Usinor conserve deux trains à grosses et moyennes poutrelles celui de Valencien- nes-Trith-Saint Léger (de 1961, modernisé en 1978, de 0,24 Mt de capacité) et celui de l'usine de Longwy (de 1965, modernisé en 1977, de 0,7 Mt de capacité). Le train à moyennes poutrelles de Neuves-Maisons semble devoir être arrêté. Le train de Valen- ciennes doit être alimenté en brames venant de Dunkerque. Ces choix faits, restait la question de l'alimentation des trains de Longwy et de Neuves-Maisons.

L'usine de Longwy possède cinq hauts fourneaux, de moins de 1.300 t/j, produisant ensemble 1,3 Mt/an, une aciérie Thomas de 1961, dont deux convertisseurs transformés en OBM, qui devait être remplacée par une aciérie à oxygène pur et une coulée conti- nue. À côté, l'usine de Rehon, appartenant à Cockerill (Belgique), avait décidé en 1976 la construction d'une aciérie à oxygène pur OBM de petite capacité : 0,9 Mt/an en pre- mière phase avec deux convertisseurs pour alimenter son train continu à feuillards. Elle a effectivement commencé à la construire. L'usine de Neuves-Maisons a deux petits hauts fourneaux en service, faisant 0,7 Mt/an, une aciérie à oxygène pur OBM, de petite capacité (0,8 Mt/an en première phase), mais qui pourrait être agrandie, et une coulée continue en construction. Elle est située, on s'en souvient, dans la zone de Nancy, sur la Moselle canalisée.

Dans les deux cas, Longwy et Neuves-Maisons, les hauts fourneaux sont à remplacer à plus ou moins long terme. Les capacités des trains à produits longs de Longwy font au total 1,4 Mt, contre 0,4 Mt à Neuves-Maisons. La logique aurait commandé de cons- truire d'abord l'aciérie à oxygène pur à Longwy. Mais les deux usines appartiennent alors à deux sociétés différentes, qui n'envisageaient pas, à tort, qu'elles auraient à fu- sionner dans peu de temps. Neuves-Maisons-Chatillon décide donc d'abord de cons- truire une aciérie à oxygène pur. En 1978, la fusion Usinor-NMC ayant été décidée, la direction se retrouve dans une situation absurde. Nouvelle illustration du gaspillage que provoque la rationalisation capitaliste.

Syndicats et partis de gauche déclarent qu'il faut à la fois terminer l'aciérie de Neu- ves-Maisons et en construire une à Longwy. La nouvelle direction d'Usinor, issue de la prise de contrôle par l'État, avec à sa tête M. Etchegaray, décide de terminer Neu- ves-Maisons et engage des pourparlers avec Cockerill, pour que l'aciérie à oxygène pur de son usine de Rehon alimente l'usine proche d'Usinor à Longwy. Pour cela Usinor est prêt à financer la construction d'un troisième convertisseur. L'usine de Rehon devien- drait une filiale commune à Cockerill et Usinor. Enfin, le surplus d'acier de Neu- ves-Maisons irait à Longwy. La population du bassin sidérurgique de Nancy est soulagée. C'est en revanche l'explosion de colère à Longwy. L'ancienne direction d'Usi- nor dénonce le choix fait.

La réorganisation du secteur produits longs d'Usinor doit entraîner 7.000 suppres- sions d'emplois, d'ici fin 1980, en comptant la fermeture de La Chiers (Longwy) déjà prévue au Plan acier. Le schéma adopté minimise toutes les dépenses à court terme. Il ajuste strictement la capacité de production de métal à la capacité d'absorption des trains. Deux questions se posent : ce nouvel ensemble industriel est-il viable ? Si oui, n'y aura-t-il pas insuffisance de capacité, dès la reprise de la demande ?

Le schéma adopté ne témoigne pas de la part d'Usinor d'un grand dessein sidérurgi- que pour la Lorraine, mais d'une minimisation des coûts pour tirer profit au maximum des installations existantes qui sont encore compétitives, le temps que ça durera. Mais après ? Comme en Europe et ailleurs, toutes les sociétés sidérurgiques rationalisent et augmentent la productivité, la durée de vie du nouvel ensemble lorrain d'Usinor (forte- ment diminuée) n'est peut-être pas très longue. C'est bien ce que sentent les travailleurs de Longwy. Ne va-t-on pas également découvrir en 1981 qu'il ne vaut plus la peine d'envisager des hauts fourneaux neufs à Neuves-Maisons et que la fonte n'étant plus compétitive, mieux vaut tout arrêter, y compris la nouvelle aciérie ? À l'inverse, si les calculs de la Direction d'Usinor sont justes, si les produits sont compétitifs, ne va-t-on pas manquer de capacité de production de métal ? C'est ce que pense la CGT.

Pour ses autres sociétés, Usinor vient de créer une quatrième division opérationnelle, les Ateliers forges et fonderie, qui rassemblent l'atelier de l'usine de Thionville et de Se- dan. Enfin, Usinor possède des usines de tréfilerie et de câblerie qui lui viennent no- tamment de La Chiers-Chatillon-Gorcy. Un plan de restructuration est en cours d'élaboration. Il n'a pas encore été rendu public au moment où je termine cet ouvrage. Si les intentions d'Usinor sont plus claires que celles de Sacilor-Sollac, Usinor n'a pas conçu, lui non plus, de véritable plan industriel de développement.

6.5. L'État organise la plus forte réduction d'effectif jamais réalisée dans la sidé-

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 151-153)

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