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Alors que le Plan professionnel prévoyait une faible progression de la demande et la stabilité des salaires et de la durée du travail, la demande augmente brutale-

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 89-91)

L’entrée en scène de la nouvelle classe ouvrière 1968-

4.1. Alors que le Plan professionnel prévoyait une faible progression de la demande et la stabilité des salaires et de la durée du travail, la demande augmente brutale-

ment à partir de 1968 et les travailleurs obtiennent des hausses importantes de sa- laire, des « glissements hiérarchiques », une sensible réduction du temps de travail et la mensualisation

Le contexte économique et social que supposait le Plan professionnel est bouleversé. Au lieu d’une faible croissance de la demande et des prix, on assiste à des bonds jamais ob- servés. Au lieu d’une certaine stabilité des conditions d’emploi des travailleurs, on ob- serve des hausses importantes de salaires et des réductions de temps de travail.

L’année1968 est l’année de la reprise de la demande, sur tous les marchés, de la plu- part des catégories de laminés et le début de l’envolée des prix. De 1968 à 1970, la de- mande intérieure passe de 14,7 Mt à 19,2 Mt, soit une augmentation de 4,5 Mt, dont 2,6 de produits plats. Cela ne s’était jamais vu. À la grande exportation, les prix doublent.

Le troisième haut fourneau de l’usine de Dunkerque est mis à feu à point nommé en 1968 et porte la capacité de l’usine de 1,5 à 3 Mt. Mais c’est insuffisant. L’aciérie de Gandrange ne sera vraiment en activité qu’en 1970. La sidérurgie française ne peut faire face. 1,6 Mt supplémentaires devront être importées, malgré une réduction des exporta- tions, dont 1 Mt de produits plats. La dévaluation du franc n’a pas d’effet pour limiter l’importation. Pour la première fois, la balance commerciale française de l’acier est né- gative, alors qu’au début de la crise rampante (1961), elle était excédentaire de 2 Mt. La deuxième usine littorale fait cruellement défaut, ainsi que la restructuration du secteur lorrain produits longs avec Gandrange.

La montée des luttes ouvrières en France et la confiance qui revient aux travailleurs poussent à l’action et aux succès. Par ailleurs, les sociétés sidérurgiques, pour faire face au brusque accroissement de la demande, cherchent à faire fonctionner leur installation 24 h sur 24 h. Elles ne peuvent l’obtenir que par des concessions. Le 1er mai 1968, un accord est conclu sur la réduction du temps de travail en contrepartie d’une augmenta- tion du nombre de travailleurs en « feu continu ». La durée hebdomadaire du travail des ouvriers en « feu continu » passe de 48 à 42 h avec une compensation de salaire de 66%

et la promesse, dans un délai d’un an, de retrouver le salaire correspondant à 48 heures par le biais de reclassements et d’augmentations. Les travailleurs en « discontinu » pas- sent de 48 h à 47 h fin 1969, avec perspective de réduction progressive. Suite aux ac- cords de Grenelle de juin 1968, des augmentations importantes de salaires ont lieu. Le patronat de la sidérurgie obtient du gouvernement, avec l’approbation des Instances de Bruxelles, des mesures temporaires de contingentement et de soutien de ses exportations pour éviter une offensive des concurrents pendant la grève. En 1969, les conflits se poursuivent pour l’harmonisation des salaires. Après les fusions, des usines qui prati- quaient des politiques salariales différentes se retrouvent sous la même direction géné- rale. Les syndicats obtiennent des glissements hiérarchiques qui, sans modification du contenu du travail et sans bouleversement de la grille salariale, aboutissent à des aug- mentations de salaire. De 1968 à 1970, les frais de personnel d’Usinor, divisés par le nombre de ses salariés, passent de 20.507 F à 25.226 F pour une durée moyenne de tra- vail diminuée de 3 h 05. Mais ces augmentations sont aisément absorbées par l’envolée des prix de l’acier et l’inflation en général.

Les travailleurs des usines mécanisées en cours d’automatisation : Sollac, Dunkerque et Gandrange, entrent sur la scène sociale, en multipliant les actions sur les conditions de travail, les horaires, la sécurité, les qualifications, l’harmonisation des salaires. Les syndicats, et notamment la CGT, voient dans le renversement de conjoncture une confirmation de ce qu’ils disaient : la relance de la consommation populaire, non seule- ment permet de maintenir le potentiel industriel, mais aussi de le développer et de le moderniser. La nécessité de réunir les conditions pour des actions internationales est oubliée. Par contre, la question de la «modernisation capitaliste», de la déqualification, du travail réduit à une activité réflexe, est ouvertement posée par les luttes qu’engagent successivement différentes catégories de machinistes ou de surveillants d’installations automatisées.

Les sociétés doivent augmenter leurs effectifs après les avoir diminués. Des arrêts d’installation sont repoussés. Certaines sont même remises en route. De 1968 à 1970, l’effectif ouvrier de la sidérurgie augmente à nouveau de 1.600 personnes. En fait, il augmente plus. En effet, les sociétés suscitent de nouvelles sociétés de sous-traitance qui ne sont que des « marchands d’hommes », fournissant la main-d’oeuvre qui leur est temporairement nécessaire et qu’elles n’auront pas à licencier le moment venu. Les tra- vailleurs immigrés constituent l’essentiel de ce volant de main-d’oeuvre.

L’effectif ouvrier augmente également plus qu’il n’y paraît en réalité parce qu’un nombre important d’ouvriers sont « promus » collaborateurs, comme agents techniques. Pour la seule région Est, 4.000 d’entre eux sont ainsi promus en 1969 et 1970, alors qu’antérieurement la moyenne annuelle des promotions était de 500. Pour la France en- tière, on peut estimer leur nombre à 6.000. On a vu que ces « promotions », alors qu’il n’y a aucun changement du contenu du travail, visent à permettre des augmentations de salaires pour une catégorie donnée, sans bouleverser la grille salariale.

On peut donc estimer que l’effectif ouvrier retrouve en 1970 son niveau de 1966. Tout se passe comme si « l’effort » de réduction de personnel est annulé pour faire face à la flambée de la demande. Les gains de productivité ne sont pas suffisants pour éviter de nouvelles embauches. Un peu plus tard, il faudra à nouveau réduire l’effectif.

4.2. À nouveau l’euphorie et les grands projets : construction de la deuxième usine

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 89-91)

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