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Les restructurations financières et industrielles ménagent toutes les hypothèses politiques, mais vont à l'encontre d'une réelle intégration industrielle Sidérur-

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 140-142)

gie-Transformation

Le principe de la restructuration financière et industrielle des holdings sidérurgiques, la CLIF, DNEL, CICC..., consiste à placer sous le contrôle de la société sidérurgique de chaque holding (Sacilor pour la CLIF, Usinor pour DNEL), les autres sociétés qui pré- cédemment étaient directement reliées aux holdings. Cette restructuration a deux objec- tifs théoriques :

- un objectif financier : l'apport aux sociétés sidérurgiques, de sociétés de transforma- tion, de sociétés de commercialisation, de sociétés minières, généralement bénéficières, leur donnent de plus grands moyens d'auto-financement et de plus grande capacité d'emprunt.

- un objectif industriel : cette restructuration incite à coordonner techniquement plus étroitement les activités de sociétés qui sont en fait dans la même filière de production (de l'extraction du minerai de fer à la vente de produits métallurgiques finis) et donc de valoriser au maximum le produit, alors que dans le schéma précédent, le holding n'est souvent intéressé que par le résultat financier de chaque société.

Cette politique, théoriquement fructueuse à moyen terme d'un point de vue capita- liste, se heurte à deux réticences patronales. L'une est générale. Le regroupement des sociétés d'un holding sous le contrôle d'une des sociétés industrielles de ce holding di- minue fortement la marge de libre disposition des bénéfices par les actionnaires du hol- ding. Ils peuvent beaucoup plus difficilement les réinvestir dans d'autres secteurs au gré des opportunités de profit. Il faut absolument croire à l'avenir d'un secteur industriel pour faire dépendre toutes les sociétés, relevant de ce secteur et appartenant au holding, d'une seule de ces sociétés industrielles. Or cette certitude n'existe pas parmi le patronat. Et il n'entend pas diminuer ses possibilités de « libérer» tout ou partie de ses capitaux le cas échéant. L'autre réticence tient à la période où le gouvernement pousse à cette res- tructuration. On est en 1977, un an avant les élections législatives de mars 1978, et juste après les élections municipales qui ont montré que la gauche est majoritaire dans le pays. Tout regrouper sous une même société sidérurgique, c'est courir le risque de voir nationaliser un beaucoup plus grand nombre de sociétés, en cas de victoire des partis du Programme commun aux législatives.

Les négociations État-patronat seront longues et aboutiront à des compromis, et même dans le cas d'Usinor à aucune décision. De toute façon, la dégradation financière des sociétés ira plus vite que les délicats et subtils montages juridiques censés l'enrayer. Même si les nouvelles structures n'ont duré que quelques mois. elles sont instructives sur les stratégies patronales, et elles influeront sur les restructurations de 1978 et la prise de contrôle par l'État.

L'ensemble Marine-Wendel offre la possibilité de constituer un vaste groupe indus- triel parfaitement intégré, à l'allemande, aboutissant à la valorisation maximale du pro- duit, et disposant de moyens financiers importants. Mais pour les raisons indiquées précédemment, les de Wendel s'y opposent. En septembre 1977, le gouvernement, la CLIF, qui détient 60% de Marine-Wendel, les autres actionnaires de Marine-Wendel et les actionnaires des sociétés contrôlées par Marine-Wendel, notamment le baron Em- pain, parviennent à un compromis. Marine-Wendel, holding donc de Sacilor, Dilling, Creusot-Loire, etc., absorbe la CLIF. La Compagnie Lorraine Industrielle et Financière, ex-société « Les petits-fils de François de Wendel », qui le contrôlait jusqu'à présent,

était une société de contrôle et de gestion du patrimoine de Wendel rassemblant les quelque trois cents descendants de François de Wendel. Non cotée en bourse, n'étant pas société anonyme, ses revenus étaient méconnus du public. L'absorption de la CLIF a deux conséquences. Les de Wendel deviennent des actionnaires comme les autres de Marine-Wendel, dont les revenus et les opérations pourront être dorénavant connus. Marine-Wendel reçoit d'un coup un apport important d'argent frais. Mais les actionnai- res du holding Marine-Wendel, où les de Wendel sont toujours majoritaires, obtiennent que toutes les sociétés industrielles et financières concernant la sidérurgie et la métal- lurgie ne soient pas regroupées sous la direction de Sacilor. Ils obtiennent la constitution de deux groupes quasiment indépendants. L'un, avec pour tête de file Sacilor, regroupe les sociétés concourant directement à l'activité sidérurgique, les sociétés minières, les sociétés de première transformation de l'acier et les sociétés de commercialisation des produits sidérurgiques. L'autre rassemble des sociétés dont « l'activité n'est pas directe-

ment liée » à Sacilor, c’est-à-dire Creusot-Loire, Carnaud S.A. (premier fabricant fran-

çais d'emballage métallique), les Forges de Gueugnon (aciers fins et inoxydables), les Forges d'Allevard, des sociétés de ressorts, des sociétés cimentières, des sociétés finan- cières et la banque Demachy S.A., le holding hollandais ORNAS, etc. Ce groupe n'a pas pour tête de file une société industrielle, mais, selon la formule traditionnelle, un hol- ding, la CGIP (la Compagnie Générale d'Industrie et de Participation), contrôlé à hau- teur de 20% par Marine-Wendel, donc un sous-holding de Marine-Wendel, détenant, semble-t-il lui-même des actions de Marine-Wendel, de telle sorte que l'ensemble est « verrouillé », sans risque d'intrusion de tiers par une OPA. Le cas des Forges et aciéries de Dilling, localisées en Sarre, ayant bien résisté à la crise, n'est pas tranché. Le gouver- nement pousse à son intégration dans Sacilor. Marine-Wendel résiste, en faisant valoir que l'apport de cette société réalisant 1,5 milliard de DM de chiffre d'affaires à Sacilor, l'aurait déséquilibré. Elle promet cependant une coordination des activités de Sacilor et de Dilling. Les bénéfices de Dilling restent encore donc directement contrôlables par Marine-Wendel.

Devant un tel compromis, on ne peut pas ne pas faire les constatations suivantes. D'un côté, le groupe Sacilor, ayant reçu seulement quelques apports industriels, rassem- ble les activités dont l'avenir est incertain. De l'autre, sous le holding CGIP, les sociétés dont l'expansion semble moins compromise. En d'autres termes, Marine-Wendel, et no- tamment les de Wendel, ne sont-ils pas parvenus à isoler un groupe de sociétés dont ils pourraient, le cas échéant, se dessaisir : soit dans l'hypothèse d'une nationalisation par la gauche, soit dans l'hypothèse d'un contrôle étatique par un gouvernement de droite ren- du plus étroit en raison de la poursuite de la crise, sans pour autant perdre le contrôle du reste de leur patrimoine?

En contre-partie de cette concession majeure qui limite considérablement les chances de constituer un ensemble industriel équilibré et compétitif, les pouvoirs publics obtien- nent semble-t-il des promesses et prennent des garanties. Marine-Wendel promet de re- constituer les fonds propres de Sacilor par des avances des actionnaires s'élevant à 300 MF, ne portant pas d'intérêt et destinées à être ultérieurement incorporées au capital. Elle rétrocédera à Sacilor un prêt de 125 MF qu'elle a obtenu du FDES, et qui s'ajoutera aux 800 MF obtenus directement par Sacilor. Ces prêts sont au taux de 9,5%, portés à 12,5% par une clause prévoyant la participation de l'État aux bénéfices, si Sacilor en fait... Enfin, on sait que le gouvernement a décidé, lors du Conseil des ministres du 23 février 1977, qu'une partie des actions des sociétés sidérurgiques serait « gelée » mo- mentanément en la remettant à la Caisse des Dépôts et Consignations, à titre de garantie.

La restructuration de l'ensemble DNEL, Usinor, Vallourec, n'aboutira pas. Aucune réorganisation ne sera rendue officielle avant le « Plan de sauvetage » de septembre 1978.

Sous l'égide d'Empain-Schneider, la Société Métallurgique de Normandie absorbe en septembre 1977 les Chantiers de France-Dunkerque (chantiers navals) et prend la dé- nomination de Société Métallurgique et Navale Dunkerque-Normandie : la SMNDN. L'espoir est mis dans l'intégration.

La Compagnie Industrielle Chiers-Chatillon, née en 1976 de la fusion des Forges de Chatillon-Commentry-Biache, des Hauts fourneaux de La Chiers, et des Aciéries et Tré- fileries de Neuves-Maisons-Chatilon, est réorganisée en septembre 1977. Si cette réor- ganisation met de la clarté dans les structures passablement compliquées en raison des opérations successives de concentration dont elles étaient le résultat, elle est loin de cor- respondre aux objectifs officiels des pouvoirs publics. La CICC devient holding de trois sociétés industrielles : une société sidérurgique Chatillon-Neuves-Maisons qui fabrique- ra des aciers courants et des laminés longs et plats dans les usines de Neuves-Maisons, Longwy, Anzin, Isbergues, Blagny ; la Société des Aciers Spéciaux de La Chiers avec les usines de Vireux-Mohain, Corbie, et Hautes-Rivières , la Société des Tréfileries et Câbleries de Chiers-Gorcy avec les usines de Bourg, Le Havre, Charleville-Mézières, Tricherie, Gorcy, Brévilly, Sainte-Colombes et Vierzon. Là aussi, une intégration indus- trielle et financière réelle n'est pas réalisée. Par ailleurs, il faut noter l'absorption par Creusot-Loire de Marrel Frères, et un accord de spécialisation entre Ugine-Acier et Creusot-Loire.

Dans le document La sidérurgie française, 1945-1979. (Page 140-142)

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