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LES STATIONS DE BÉNÉFICIAIRES

1. O STERBURKEN ET S IRMIUM : DEUX STATIONS TYPES RÉVÉLÉES PAR L ' ARCHÉOLOGIE ET L ' ÉPIGRAPHIE

1.2. Sirmium : une station à l'entrée de la cité

A Sremska Mitrovica-Sirmium, colonie flavienne de Pannonie Inférieure, une découverte fortuite en 1988 a révélé les vestiges d'une station de bénéficiaires. La fouille s'étend sur une surface approximative de 25 000 m2 qui, sans en représenter la totalité,

correspond sans doute à la majeure partie d'un vaste complexe architectural, le reste étant recouvert par des habitations modernes et des jardins. Celui-ci a été dégagé à une centaine de mètres au nord-ouest des murs de la ville, à la limite d'une vaste nécropole qui longe la voie romaine avant que cette dernière n'entre dans la ville pour la traverser en direction de l'est. Au début du siècle, sur la base d'un fragment d'autel connu par une copie, Domaszewski avait pressenti, comme à Osterburken, l'existence d'une station à Sirmium, la tête orientale de la voie venant d'Emona par Siscia 53. Sa thèse devait être renforcée, avant la

découverte de 1988, par celle d'un autel près de Hrtkovci, au sud de Sirmium, sur l'élévation de Gomovala 54. Ce lieu se situe le long de la voie qui se dirige vers le sud, en Dalmatie, en

suivant la Drina en direction de Gradina, Skelani, Bajina Basta et Ljesçe, où la présence de nombreux bénéficiaires et d'un centurion peut-être chargé de superviser la région s'explique par l'exploitation des mines d'argent et de fer. Des bénéficiaires sont aussi établis plus au sud, dans le district minier de Supljastena, à Komine près de Plevlja-Municipium S(---). 55

Le complexe dégagé à Sirmium comprend deux édifices séparés par un étroit passage débouchant sur une cour 56. Dans la partie nord-est de l'un d'eux (A) se trouvait un enclos ou

un espace à ciel ouvert bordé de deux portiques. Il était consacré à Jupiter comme le révèlent les autels votifs, pour la plupart encore en place. On en compte 82 fragments, parmi lesquels 79 contiennent l'abréviation du titre de beneficiarius 57. Il étaient disposés en U, en deux

rangées, et le fait qu'ils se soient trouvés à des niveaux différents fait penser qu'ils ont été mis en place au cours d'étapes successives de construction ou de réorganisation 58.

52 I 170, à Meclaria, où est attesté CBI, 269. Mais il ne subsiste de cet autel votif que la partie supérieure

réservée aux dédicaces.

53 Domaszewski 1902, 176, avec CBI, 424 ; il songeait également à la présence d'un poste de frumentarius : III, 3241.

54 CBI, 407, avec pour la localisation Mirkoviç 1971a, 22. Le gentilice Licinius (voir aussi I 74 et I 75)

pourrait peut-être faire penser à des descendants de militaires italiens établis à Sirmium et dans les environs dès le Ier

ou IIe s. : Mirkoviç 1971a, 23. Sur la localisation de CBI, 423 à Sotin-Cornacum : infra p. 164 n. 188. 55 CBI, 470.

56 Cf. Popoviç 1989, 121 fig. 5 : plan.

57 Mirkoviç 1994a, 345 ; dans I 94, le titre est restitué.

58 Mirkoviç 1994a, 346. Les autels placés plus profondément sont les plus anciens. Selon M., certains

monuments votifs auraient peut-être été déplacés dès l'Antiquité pour faire de la place sur l'espace sacré. La plupart des autels successivement consacrés et érigés dans la station de Sirmium paraissent avoir été conservés ensemble, même s'il paraît peu probable qu'ils aient jamais été exposés tous ensemble, simultanément.

Les deux édifices semblent avoir suivi un développement parallèle qui se serait déroulé, si l'on en croit les premières conclusions des archéologues, en trois étapes de construction 59 :

1) Petit édifice en bois et pisé avec l'espace ou l'enclos sacré où se trouvaient les autels. 2) Destruction de ce premier édifice (pendant la guerre des Marcomans) et réaménagement de

tout l'ensemble 60. Des murs en matière dure (mœllons en bas, briques en haut, avec mortier de

chaux) remplacent les parois en bois.

3) Élargissement de l'édifice A au nord et au sud, avec construction d'une cour (au sud de l'enclos sacré) dont la destination des pièces demeure inconnue. Aucune trace de mobilier d'une cella d'un sanctuaire n'y fut retrouvée. Il est possible qu'il s'agisse de l'amorce de baraquements qui occupaient l'ouest du complexe et dont la majeure partie du secteur n'est pas dégagée. Ces travaux révèlent une architecture modeste pour l'époque des Sévères (pas de traces d'enduit ; une charpente de toiture apparente ; une épaisseur des murs inférieure à 45 cm; sols en terre battue).

4) Destruction du complexe, qui a continué à être occupé au delà de 231 p.C., date du dernier autel daté par les consuls, puisque le nom de Sévère Alexandre (222-235 p.C.) a été érasé sur quelques autels. Mais on ne connaît aucun monument daté érigé après cette date ou au cours

du séjour d'hiver de l'empereur Maximin à Sirmium, en 236/237 et 237/238 p.C. 61

Les 20 autels datés par les consuls s'échelonnent entre 157 et 231 p.C., avec un long intervalle entre l'inscription de 157 et celle de 185 p.C. 62 Mais la station était occupée dès

Trajan, comme l'indique notamment l'autel d'Annius Quietus, le seul parmi tous les bénéficiaires en poste à Sirmium qui précise son rattachement à la légion X Gemina, une troupe dans laquelle il a vraisemblablement été recruté lors de son stationnement à

Aquincum entre 105 et 118 p.C. 63 Il est possible qu'à une époque où se mettent en place les

premières stations de bénéficiaires dans la province et dans l'Empire, le premier ou l'un des premiers bénéficiaires détachés à Sirmium ait tenu à préciser sur son autel le contexte dans lequel avait lieu son détachement, ou les fonctions qu'il était chargé d'accomplir localement. Le titre d'agri(mensor) qu'il fait inscrire sur son autel à IOM, inconnu jusqu'ici pour un bénéficiaire, pourrait être en relation avec l'activité du bénéficiaire au début de l'installation de la station à Sirmium, plus particulièrement dans la délimitation du territoire, ou peut-être

59 Nous nous appuyons ici sur les conclusions publiées dans le premier rapport de Popoviç 1989. 60 Popoviç 1989, 121 : “Tout semble indiquer qu'une première et modeste station de bénéficiaires, fondée

aux abords de Sirmium sous Antonin le Pieux, détruite pendant la guerre des Marcomans et rénovée sous Commode, connut une fin brutale coïncidant à peu près avec le meurtre de Sévère Alexandre en 235 p.C.” Nous attendons le rapport final de la fouille pour savoir si cette première hypothèse s'est trouvée confirmée au cours des travaux.

61 Sur les érasures : Mirkoviç 1994a, 348 ; sur le séjour de Maximin à Sirmium : Halfmann 1986, 233 ;

voir aussi Coriat 1997, 188.

62 I 17 : 157 p.C. ; I 18 : 23 août 185 p.C. ; I 23 : 231 p.C. La présence de la date de 157 p.C. sur l'autel du bf cos M. Ulpius Valens est peut-être en relation avec le fait qu'il célèbre sa mise en retraite, miss(us) honest(a) mission(e), qui coïncide sans doute avec la fin de son séjour dans la station. A ce sujet : Chap. I p. 44, avec I 17 et I

76 parmi d'autres, et à Mursa : CBI, 414.

dans l'orientation du sanctuaire 64. Quietus a pu assumer un rôle comparable à celui du

décurion venu apporter son assistance – et celle de ses soldats vraisemblablement – dans la construction du complexe d'Osterburken. Un espace sacré devait être orienté et délimité en vertu des principes établis par la tradition religieuse romaine. A l'époque républicaine déjà, on trouve des centurions employés à délimiter des territoires, un acte opéré dans des buts divers, militaires, religieux ou administratifs. A l'époque impériale, les mensores ou

agrimensores sont employés dans des travaux de construction et sont chargés par le

gouverneur de borner des territoires et de régler les conflits occasionnés à ce sujet 65. La

délimitation des territoires était directement en relation avec les questions de perception des taxes 66, ce qui explique qu'elle soit la source de disputes. Le titre d'agrimensor pourrait aussi

rappeler celui des mensores frumenti ou mensores frumentarii employés à mesurer les réquisitions ou les produits destinés à l'approvisionnement de l'armée et à l'acheminement du blé qui des provinces devait arriver à Rome, et plus précisément dans le port d'Ostie 67.

Rappelons à ce sujet les metatores qui apparaissent dans les sources judaïques en relation avec l'annone, comme c'est le cas dans le commentaire mentionné plus haut, où il était précisément question des bénéficiaires “qui ôtent même le pain de la bouche”. Un papyrus bilingue du Musée du Caire a conservé une quittance de ravitaillement militaire dans laquelle il est question de la quantité de vin et de blé versée à Oxyrhynchos à Valerius Valentinus, agrimensor du préfet d'Égypte dans le texte grec, geom°trhw. Le prélèvement devait servir à l'entretien de l'escorte du préfet 68, la date du 4 mars suggérant que les

réquisitions ont peut-être eu lieu pendant sa tournée conventuelle de 220 p.C. 69

D'autres bénéficiaires étaient en service détaché à Sirmium avant 157 p.C. 70 L'autel

érigé par L. Cassius Praesens se distingue sous plusieurs aspects de l'ensemble des autels plus tardifs 71, et l'énoncé du titre du bénéficiaire, benef. Caecili Faustini leg Aug pr pr,

suggère une datation relativement haute, probablement dans la première moitié ou au milieu

64 Classen 1994, 167 ; voir par ex. VIII, 8812 - ILS, 5965 : terminac. [a]grorum defenicionis (!) .... per Cae. Martiale agrimesore (!) ou VI, 3606 - ILS, 2422a : ... mesor agrari[us], employés dans des travaux de constructions

et chargés par le gouverneur de délimiter des territoires et de régler les conflits occasionnés à ce sujet : cf. Zwicky 1944, 80-81 ; Sherk 1974, 544-549 ; Eck 1995, 223-224 ; 361 ; Arnaud 1995. Sur les principes d'orientation des temples et des autels consacrés aux dieux : Vitruve 4.5 et 8.

65 Rüpke 1990, 54 ; voir aussi Beard et al. 1998, I, 23. 66 Sur cette question : Chap. V p. 263 n. 194.

67 Pour la mention de metator dans les textes judaïques, en relation avec l'annone : Chap. II p. 74 ; sur

l'annone et les mensores frumenti (V, 936/7 - ILS, 2423) ou frumentarii : Mócsy 1966, 323 (repr. Mócsy 1992, 117), Pavis d'Escurac 1976, 231-239, Rickman 1980, 86, 229 et en dernier lieu Arnaud 1995. Les agrimensores étaient aussi employés à des réquisitions annonaires (cf. le papyrus cité ci-dessous). Une inscription de Viminacium datée de 228 p.C. fait mention de mensores, en relation avec le lustrum hastati : IMS, II, 58. Il s'agit peut-être d'une autre dénomination du lustrum primipili (voir Épilogue), comme dans une inscription d'Aquincum de 235 p.C., où il est question de mensores et du lustrum primipili (cf. IMS, II, p. 102). Sur le même site de Viminacium sont connus deux anciens mensores tritici (IMS, II, 45 et 126), et une base de colonne avec la dédicace Scholae Genio mensorum et

leg. VII Cl(audiae) : IMS, II, 40a. A Ostie, Sentius Felix était à la fois le patron des bénéficiaires du procurateur de

l'annone et celui des mensores frumentariorum Cereris Augustae : CBI, 859 : Annexe 1.3 avec Chap. VI p. 276.

68 SB, III, 7181 - Daris 1964, 65. On retrouve ce terme de gevmetr¤a dans la taxe appelée gevmetr¤a

foinik«now genÆmatow : par ex. Nelson 1998.

69 Chap. V p. 239.

70 Mirkoviç 1994a, n. 348, avec n. 6.

71 I 54 (en grès) : 60 cm de haut; I 42 (en grès) : 55 cm de haut, voir aussi I 63 (en grès) : 59 cm de haut, et

du IIe s. Ce bénéficiaire a pu être détaché à Sirmium par A. Caecilius Faustinus, gouverneur

de la Mésie Inférieure en 105 p.C., dans le contexte des expéditions de Trajan. Mais il est aussi possible qu'il ait été le subordonné d'un homonyme, un gouverneur de Pannonie Inférieure inconnu jusqu'ici dans les fastes de cette province, dans la première moitié du

Ier s., peut-être un parent du gouverneur de Mésie 72. M. Egnatius Magnus pourrait lui aussi

avoir stationné à Sirmium avant 157 p.C. – l'emploi du titre b. consu(laris) est probablement antérieur à la forme figée bf cos qui s'imposera partout –, de même que Fl. Romanus. Ce dernier est peut-être identifiable avec l'homonyme qui a consacré un autel à IOM à

Aquincum, en qualité de bf proc., avant une promotion (avec le même titre) dans l'officium

du gouverneur 73. Soulignons enfin qu'on ne connaît aucun autel daté par les consuls durant

les deux séjours de Marc Aurèle à Sirmium entre 173-175 et durant l'hiver 179/180 p.C. au terme duquel il trouva la mort, le 17 mars 180 p.C., ni durant le séjour possible de Caracalla à Sirmium, pendant l'hiver 213-214 p.C. 74

La série épigraphique de Sirmium permet de mieux comprendre le système de rotation des bénéficiaires dans la station. Comme à Osterburken et ailleurs, plusieurs des bénéficiaires ont prolongé leur séjour dans le poste et y ont consacré plusieurs monuments, seuls ou en compagnie d'un collègue. Pour l'un d'eux, T. Aelius Secundus, un seul autel daté de 199 p.C. a été retrouvé. L'expression iterata statione sub Claudio Claudiano confirme qu'il célébrait son second séjour sous le gouvernement de ce dernier. Cela porte à penser qu'il serait resté de 195 (?) à 199 p.C. et aurait succédé à son collègue Ulpius Frequentinus, lui-même en poste à Sirmium durant deux séjours ou stationes, le premier s'achevant en 191 p.C., le second, en 195 p.C. Quant à Iulius Secundianus, sa présence à Sirmium est attestée de 221 à 224 p.C. 75 Ce militaire, peut-être promu speculator au terme de son

détachement à Sirmium, fut l'un des responsables de la station de Sirmium durant les trois séjours qu'il y a accomplis. Leur rythme est suggéré par les trois autels qu'il a consacrés à

IOM et au Génie de l'empereur (Sévère Alexandre), avec chacun des trois collègues

successivement détachés avec lui à Sirmium.

A partir de 221 p.C., les beneficiarii stationnés à Sirmium prennent l'habitude d'élever leur autel avec leur collègue en poste dans la station. On peut en déduire qu'au moins depuis le début du IIIe s. (au plus tard entre 209 76 et 221 p.C.), le gouverneur de Pannonie Inférieure

détachait à Sirmium simultanément deux de ses bénéficiaires. L'un y restait habituellement pendant plusieurs stationes, l'autre, le temps d'une seule statio. Durant l'année 230 p.C. qui

72 I 54. Sur la mention du nom du supérieur et l'absence de l'abréviation habituelle bf cos, des arguments

en faveur d'une datation haute : Chap. II p. 78. On notera la place de l'invocation à IOM sur cet autel, entre le nom et le titre du dédicant et la formule finale VSLM. Pour des exemples de bénéficiaires détachés dans une autre province que celle de leur troupe, alors que les deux sont munies de troupes légionnaires : Chap. II p. 79-80. Sur le gouverneur et les questions posées : Mirkoviç 1994a, 351 ; AE, 1994, 1436 soutient la seconde hypothèse, en proposant la fourchette 157 à 187 p.C., qui nous semble trop tardive par rapport à la forme du titre.

73 I 63 et I 66, avec Mirkoviç 1994a, 348 n. 6 ; Fl. Romanus bf proc. à Aquincum : CBI, 374 ; voir Annexe

3 et Chap. III p. 125 pour une discussion sur le passage possible entre l'officium d'un procurateur et celui du gouverneur consulaire et vice-versa, avec une promotion : I 111.

74 Halfmann 1986, 213 et 223. 75 Chap. III p. 126.

76 I 32 : P. Aelius Frequentianus érige son autel seul. Cela bien sûr n'exclut pas la présence d'un second

précède la dernière attestation datée d'un bénéficiaire à Sirmium, pas moins de quatre

beneficiarii y ont stationné, deux par deux, d'abord Domitianus et Florentinus, puis Ael.

Dignianus et Titius Faustinus. Ce dernier a assuré la continuité dans la station puisqu'il s'y trouve encore en 231 p.C. en compagnie d'un autre bénéficiaire, Lautius Emeritus 77. L'un de

ses prédécesseurs avait fait de même. Domitianus fut en charge de la station en 229 p.C., en compagnie d'un collègue nommé Iulius Potentinus, puis en 230 p.C., avec un certain Florentinus. Ce dernier est peut-être identifiable à M. Aurelius Florentinus, un bénéficiaire du gouverneur décédé à l'âge de 33 ans, alors qu'il était en service dans la capitale

Aquincum 78. Si elle est correcte, cette hypothèse confirmerait, avec l'exemple de Iul.

Secundianus, évoqué plus haut, qu'à un bénéficiaire expérimenté, employé dans le poste pendant une période prolongée et assumant en quelque sorte la responsabilité de la station, pouvait être associé un bénéficiaire plus jeune, susceptible de pouvoir profiter de l'expérience de son collègue, le temps d'un séjour au moins. Elle donnerait en outre la preuve que les bénéficiaires détachés dans les diverses stations de la province et ceux qui exerçaient leurs activités dans les bureaux du gouverneur appartenaient tous à un seul et unique corps de bénéficiaires. A cet exemple s'ajoutent celui de Titius Faustinus, connu par ses autels érigés dans la capitale de Pannonie Inférieure et à Sirmium, ainsi que celui d'Acceptius Maior, de retour à Cologne au terme d'un détachement dans une statio 79. Certains

bénéficiaires restaient dans la capitale, dans les bureaux du gouverneur, d'autres, selon un système de rotation, étaient détachés dans les stations de la province, le temps d'une mission, avec des possibilités de renouvellement. Au terme de leur détachement, ils étaient sans doute appelés à retourner dans la capitale pour y rendre des comptes et travailler dans les bureaux du gouverneur, jusqu'à la mission suivante. Il est probable aussi, vu les liens qu'ils conservaient avec leur troupe, qu'ils passaient à l'occasion par le camp de leur légion, en particulier lorsque celui-ci se trouvait à proximité de la station dans laquelle ils étaient détachés. L'existence d'un corps ou schola des bénéficiaires apparaît dans les dédicaces de certains d'entre eux, notamment en Numidie et en Dacie 80.

Plusieurs des bénéficiaires connus à Sirmium étaient des hommes d'expérience. Pour certains d'entre eux en effet, la fin du séjour dans ce poste coïncidait avec celle du service militaire obligatoire. Ainsi lorsqu'il érige son autel en 157 p.C., M. Ulpius Valens célèbre sa mise en retraite au terme de son stationnement local, bf cos miss(us) honest(a) mission(e), tout comme Lucius Magius Proculus, qui arbore pour l'occasion son tout nouveau titre de vétéran, uet. ex bf cos missus honesta missione Id. dec. 81 On peut se demander si C.

Aemilius Titianus et Ti. Claudius Apollinaris étaient dans la même situation en 187 et 189 p.C., de même que T. Publicius Martinus et un autre bénéficiaire anonyme 82. L'expression

77 I 38, 39, 40 ; Mirkoviç 1994a, 349. 78 CBI, 384.

79 Titius Faustinus : I 39 et I 40 à Sirmium avec CBI, 376 à Aquincum, avec Annexe 3 ; Acceptius Maior

(CBI, 63) a pu consacrer son autel lors de son retour dans la capitale Cologne au terme d'un séjour dans une station, quelque part en Germanie Inférieure, si l'on considère l'expression emerita statione qui chez un bénéficiaire décrit son service dans une station plutôt que dans une capitale provinciale. A ce sujet, voir la discussion CBI, 199 : Annexe 1.3.

80 Chap. VI p. 269-272. 81 I 17 et I 76.

relativement insolite bf cos ex leg(ione) sous laquelle ils se présentent pourrait se comprendre ou comme une formulation concise de mise en retraite, tel bf (missus) ex

leg(ione), proche de uet(eranus) ex leg(ione), ou comme une expression de l'affectation

militaire, par l'emploi de la préposition ex suivie de l'ablatif, en lieu et place du simple génitif bf leg(ionis). L'emploi de cette préposition dans ce contexte apparaît rarement dans l'épigraphie militaire en dehors des inscriptions funéraires ou de l'expression d'un transfert ou d'une promotion d'un titre (ex ...) à un autre. On le rencontre toutefois occasionnellement dans des inscriptions votives de militaires en service, comme le montrent les inscriptions d'un légionnaire de Numidie et d'un marin de Germanie 83.

A la différence des bénéficiaires de Sirmium enrôlés dans la légion IV Flavia et des deux bf cos ex leg(ione) détachés de leur légion et de leur province dans l'officium du gouverneur de Dalmatie, le bf cos ex leg. anonyme de Sirmium était en service dans la province même où se trouvait sa légion, la II Adiutrix dans laquelle il avait été recruté comme soldat 84. Cet exemple atteste qu'ex leg(ione) ne s'emploie pas – ou du moins pas

uniquement – pour signaler le détachement d'un militaire d'une province dans une autre province, comme on a pu le penser sur la base des deux exemples de Dalmatie 85.

On peut conclure sur la base du matériel de Sirmium récemment publié que l'expression ex leg(ione) au lieu de leg(ionis) exprime de manière occasionnelle, dans l'épigraphie militaire, la notion du détachement physique du militaire par rapport à la troupe, pour les soldats en mission ou en service détaché. Elle trouve des parallèles dans des expressions telles que ex officio beneficiarii ou ex comitatu nostro, une alternative du génitif

officii ou comitatus habituellement attendu, qui peuvent s'appliquer aussi bien dans la

littérature que dans l'épigraphie à des soldats vivants, en service et en dehors d'un contexte

83 Par ex. VIII, 21047 : miles ex legione III. Ce légionnaire de Numidie qui érige à Caesarea en

Maurétanie Césarienne le monument funéraire d'une jeune femme ( sa compagne? ), décédée à l'âge de 28 ans, n'est ni promu ni décédé, à la différence des exemples mentionnés par Speidel jun. 1993, 193, selon lequel l'expression bf

ex legione s'emploie par des bénéficiaires en fin de service. L'autre exemple nous est donné par l'inscription du

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