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LES STATIONS DE BÉNÉFICIAIRES

1. O STERBURKEN ET S IRMIUM : DEUX STATIONS TYPES RÉVÉLÉES PAR L ' ARCHÉOLOGIE ET L ' ÉPIGRAPHIE

3.5. Frontière au nord de la Bretagne

En Bretagne, plusieurs des documents mentionnant des beneficiarii proviennent des sites avec castellum qui se succèdent le long du mur d'Hadrien : Carlisle-Luguualium 240,

Birdoswald-Banna (?) 241, Chesterholm-Vindolanda 242, Housesteads-Vercouicium 243. Le

237 CBI, 820 : Annexe 1.3. Était-ce là que Catulus a été informé de la décision impériale concernant sa

promotion comme centurion, dont la demande avait été transmise à l'empereur sur proposition du gouverneur? La promotion lui aurait-elle été promise par avance, en fonction du résultat de l'opération?

238 Selon Le Bohec 1989a, 380-381, cette expédition serait destinée à “voir et se faire voir, pour découvrir

les révoltés et les effrayer en leur montrant qu'on peut les prendre à l'envers”. Il s'agirait selon lui d'une phase antérieure à l'intervention de 180-182 qui voit des légionnaires de la légion III Augusta s'opposer à des Maures, sous l'autorité d'un centurion (VIII, 2796 avec le texte cité par Le Bohec p, 170 n. 179) ; sur des explorations par des militaires : par ex. Nicolet 1988, 98-101 et 256-257. Sur la chasse aux lions en Tripolitaine : Rebuffat 1977, 402 ; à

Dura : P. Dur.,100 et 102 (ad leones), avec Davies 1989, 170 qui souligne leur emploi dans les jeux ou la confection

des uniformes des signiferi. Dans une situation différente, voir CBI, 641, où il est question d'un bénéficiaire d'un gouverneur à Callatis en Mésie Inférieure, en relation avec une association d'amateurs de chasse.

239 Si l'on tient compte de l'ordre hiérarchique dans lequel sont mentionnés les adiuuantes et de

l'association des militaires dans CBI, 824 (ci-dessus), la restitution b[f cos] (Domaszewski & Dobson 1981, 249- 250 ; Benseddik 1982, 197 n° 13) se justifie mieux que celles de b[f tr(ibuni)?] (CIL ; Cagnat 1913, 209 n. 1 ; CBI), ou de b[f coh(ortis)] (Le Bohec 1989a, 380). Pour des exemples de bénéficiaires participant à une expédition : Chap. III p. 101-104, 107, 124, 130 et V p. 218.

240 I 154 : il s'agit d'une tablette encore inédite, avec mention d'un bénéficiaire (le titre du supérieur n'est

pas précisé). Pour une discussion sur la présence d'une mansio près de ce castellum, depuis le Ier s. : Black 1995, 23-

24 et fig. 16a et b.

241 CBI, 4 à Birdoswald : autel votif qui paraît être érigé par un bénéficiaire dont le titre du supérieur n'est

pas précisé. S'agissait-il d'un bf du responsable de la cohorte d'auxiliaires, ou d'un bf cos? La dédicace à IOM suivie du nom (incomplet) de la cohorte I Aelia, selon une pratique bien attestée localement, n'implique pas forcément la première hypothèse : voir par ex. CBI, 394 citée plus bas, et CBI, 893.

242 CBI, 11 à Vindolanda : ce bf cos prouinciae Superioris leg. II Aug. a été détaché sur le mur, soit en Britannia Inferior, par le gouverneur de Britannia Superior, comme CBI, 13 à Greta Bridge ; pour d'autres

bénéficiaires à Vindolanda : I 3a et 3b, avec I 154a. Selon Black 1995, 49-50, une mansio serait attestée sur le site vers le milieu ou la seconde moitié du IIe s.

243 CBI, 14. Pour un autre type de bf à Housesteads : CBI, 15. Le mithraeum, lieu de provenance de l'autel

gouverneur avait détaché d'autres bénéficiaires le long de la Dere Street qui relie le mur à York-Eburacum, camp légionnaire et capitale provinciale de la Britannia Inferior 244. Se

dirigeant vers le sud, cette voie passe successivement par des castella où l'on connaît la présence d'un bénéficiaire en service, à Lanchester-Longouicium 245, Binchester-Vinouia 246 et

Catterick-Cataractonium 247. Des sceaux en plomb portant la marque d'un bénéficiaire ont

été découverts le long de cette voie, à Piercebridge, à Aldborough-Isaurium Brigantium, ainsi qu'à Brough-under-Stainmore 248. Le lieu de leur découverte ne saurait indiquer la

localisation d'une station. Ces documents nous permettent toutefois de nous faire une idée de la circulation entre le mur et la capitale provinciale et du rôle joué par les bénéficiaires du gouverneur dans l'envoi, le contrôle et l'acheminement de missives confidentielles, de biens et d'autres types d'objets ou de marchandises. A l'ouest, une autre voie reliait le mur d'Hadrien de Carlisle en direction du sud 249, rejoignant le camp de la légion XX à Chester-

Deua 250, autrefois établie à Wroxeter 251, en passant par Brougham 252 et Lancaster, où se

244 CBI, 22, IIIe s. : dédicace au Génie du collège des bf du gouverneur Gordianus (?), et Chap. VI p. 270-

274.

245 CBI, 17, IIe-IIIe s. La provenance précise de cette base de statue n'est pas connue sur le site de

Lanchester, où se trouvaient établis un castellum et un établissement civil.

246 CBI, 2 et 3, IIIe s. : la provenance exacte sur le site de Binchester du premier autel n'est pas connue ; la

dédicace indique qu'il devait avoir été érigé dans le même sanctuaire que le second autel, découvert selon la tradition à moins de 100 mètres au sud du castellum de Vinouia, soit dans le uicus. La route romaine en direction de Lanchester traversait la rivière Wear dans la direction opposée, au nord du castellum.

247 CBI, 7 : Annexe 1.3, en 191 p.C. ; I 4. Sur cette station : infra p. 198-200.

248 I 2 ; sur ce site sont connus des centurions de Germanie Supérieure (RIB, 1022 en service, en 217 p.C.

et 1026) et un autre soldat originaire de Germanie Supérieure qui a pu être bf d'un tribun (CBI, 18), ainsi qu'un

men(sor) euocatus (RIB, 1024) ; sur la présence possible d'une mansio à Pierbridge : Black 1995 ; CBI, 1 à

Aldborough : sceau probablement utilisé par un bf d'un gouverneur ; CBI, 6. Sur ces plombs : Chap. V p. 258.

249 Sur la mansio en ce lieu : Black 1995, 23-24 et fig 16b.

250 CBI, 8 à 10 : il s'agit d'inscriptions funéraires de bénéficiaires employés dans l'état-major d'officiers

(tribuns et légat) de cette légion, installée à Chester après le retrait des troupes du mur d'Antonin et de l'Écosse.

251 CBI, 21 : Annexe 1.3, avec Tomlin 1992.

252 CBI, 5 : Annexe 1.3. On ne connaît pas la provenance précise de cet autel sur le site ; par ailleurs, sa

lecture est incertaine et il n'est donc pas possible d'affirmer qu'il s'agit à coup sûr d'un bénéficiaire.

situé à l'extérieur du camp, légèrement au sud-ouest de la porta principalis sud, ont été identifiées, par E. Birley notamment, avec l'endroit où le bénéficiaire aurait exercé ses fonctions. L'identification proposée se basait sur une comparaison topographique avec la localisation des stations de Germanie Supérieure ainsi que sur le type de matériau et de construction du bâtiment en question. Il s'agit en effet de l'un des plus grands bâtiments parmi ceux qui ont été repérés sur le uicus. Il se distingue des autres constructions par son type de maçonnerie puisque, à la différence de ces derniers, il est construit de grands blocs de pierre, un matériau rarement employé ailleurs dans le

uicus (cf. Birley & Keeney 1935, 254-255). Ce type de construction a incité les archéologues à le considérer comme

un bâtiment officiel. L'angle angle sud-est de l'édifice en question – le numéro V sur le plan du uicus – a été tronqué, probablement pour permettre le passage d'une route dont la présence est suggérée par l'orientation d'autres bâtiments au sud de celui-ci, signe de son antériorité par rapport à eux. La localisation topographique d'une station en ce lieu trouve il est vrai de nombreux parallèles sur la frontière de Germanie Supérieure, comme nous venons de le voir. Mais les arguments invoqués, en dépit de leur consistance, ne sauraient faire acte de preuve, et l'identification de cet édifice comme celui de la maison du bénéficiaire, tel qu'elle est présentée encore actuellement sur le site, est aujourd'hui sérieusement mise en doute : cf. par ex. Crow 1995, 69.

trouvait un poste de bénéficiaires 253. Un autre poste était établi sans doute le long de la voie

transversale qui reliait les deux axes entre Carlisle et la Dere Street, au nord de Catterick et dans les environs de Rokeby près de Greta Bridge 254. La densité des stations de bénéficiaires

et des documents en relation avec ces militaires, dans cette région de frontières, contraste vivement avec la situation dans le sud de la province. Nous n'y connaissons que deux documents susceptibles d'indiquer la présence d'une station de bénéficiaires, à Winchester-

Venta Belgarum et au nord de cette ville, à Dorchester. Une mansio serait attestée dans ce

dernier site, comme ce serait apparemment le cas dans plusieurs des castella cités plus haut où le stationnement de bénéficiaires du gouverneur est connu, à Lancaster, Greta Bridge, Binchester, Lanchester, Risingham, Housesteads, Vindolanda et Catterick. Ce dernier site où était établi un poste de bénéficiaires pourrait avoir été l'une des bases de l'approvisionnement et de distribution de fournitures à destination des soldats en poste dans la région, entre York et le mur 255.

L'existence d'une station à proximité du castellum de Risingham-Habitancum est confirmée par les termes mêmes de l'un des bénéficiaires du gouverneur qui célébrait en 213 p.C. la fin de son premier séjour local, prima statione. La présence de cet autel au nord du mur ne signifie pas pour autant que le poste était installé dans le barbaricum ou en dehors de la frontière de l'Empire, l'occupation romaine s'étant étendue largement au nord de ce secteur. Cela révèle une fois de plus la nature des régions de frontières, qui se présentent davantage comme une ligne de division entre le contrôle interne et le contrôle externe ou une zone d'échanges et de contacts entre le barbaricum et l'imperium que comme une coupure ou une barrière hermétique entre deux mondes 256. La station et le castellum représentaient une

base d'intervention, les bénéficiaires n'étant qu'indirectement impliqués dans la défense stratégique et militaire des frontières, un rôle assumé par les soldats de terrain, en particulier les auxiliaires déployés dans les nombreux castella. Le gouverneur avait les moyens d'être renseigné sur ce qui se passait ultra fines grâce à des unités spécialement prévues à cet effet,

253 CBI, 16, IIe-IIIe s. : autel découvert en 1797 entre le côté nord de Lancaster Castle et le cimetière. Il est

consacré à Mars Cocidius, une épithète attestée pour diverses divinités en Bretagne, parfois à des endroits où se trouvent aussi des bf cos, notamment dans la région du mur d'Hadrien ainsi qu'au nord de celui-ci. Pour un schéma de répartition, voir Breeze & Dobson 1987, 263. La présence d'une station de bénéficiaires paraît ici tout indiquée, à mi-chemin le long de la voie reliant le camp légionnaire de Chester-Deua et Carlisle. Une mansio serait attestée à Lancaster depuis le milieu du IIe s. et pendant une grande partie du IIIe : Black 1995, 82-83.

254 CBI, 13 : l'autel dont la dédicace précise ne nous est pas parvenue a été mis au jour au début du XVIIIe s.

à environ 1 ou 2 km à l'est de Rokeby et du confluent de la Greta et de la Tees, dans les ruines de ce qui semblait être un sanctuaire. La localisation du toponyme antique Maglona n'est pas du tout certaine. Le site a révélé la présence d'une forteresse édifiée vers la fin des Flaviens ou sous Trajan, et reconstruite au IIIe s. p.C, et celle d'un

grand établissement civil. Il n'est pas exclu qu'une mansio ait été établie près de la forteresse (TIR Britannia

Septentrionalis 1987, 38). Le contexte de découverte pourrait suggérer que la station était établie non loin de

l'endroit où la route traversait la rivière Greta, à proximité du pont. Sur cette route : Margary 1973, 434.

255 Black 1995, 12, mais les évidences archéologiques concernant ce type d'établissement, difficilement

repérables et identifiables sur le sol, demeurent souvent incertaines. Catterick abritait un centre de production du cuir : Tab. Vindol., II, 343, ii 16 et Bowman 1994, 138.

256 CBI, 19 ; sur la localisation de la station : Birley & Keeney 1935, 224 ( = Birley 1953, 84-85) se

référant Shanks, Archaeologia Aeliana, 1st Ser. 4, 157 : “It may be that the building that Shanks recorded at Risingham ‘on the embarked part of Watling Street, near where the road to the station turns off’” ; sur la praetensio ou praetentura : Speidel 1998. Sur le contrôle aux frontières, dans les deux sens : Whittaker 1994, en part. 43, 92, 120 ; Bowman 1995, 24 ; à propos de Risingham : Birley 1935, 223-224 = 1953, 84-85 ; voir aussi Schönberger 1969, 161. Cette question a suscité un très vif intérêt ces dernières années, en particulier à la suite de l'étude stimulante d'Isaac 1992, part. 102-103 ; pour un récent état de la question, avec la bibliographie : Carrié 1995.

les numeri d'exploratores, qui se rendaient dans le barbaricum et rentraient au camp avec des informations. On en connaît par exemple à High Rochester-Bremenium et à Risingham-

Habitancum 257. D'autres troupes pouvaient également être employées à des fonctions

comparables, détachées à diverses fins hors du castellum. A leur retour, le bénéficiaire du gouverneur en poste, libéré de toutes charges militaires à proprement parler afin de pouvoir accomplir ses fonctions particulières, mais en relation avec les commandants militaires détachés localement, était en mesure de rédiger un rapport sur la base des informations collectées. Il le faisait transmettre au gouverneur par les courriers sillonnant la province ou il l'informait de manière directe, lors de son retour dans la capitale, ou au cours d'une des visites du gouverneur dans la région. Il va de soi que les informations, ordres ou communications officielles du gouverneur fonctionnaient aussi dans l'autre sens. Une tablette de Vindolanda datée de 104 p.C. donne la preuve que le gouverneur en personne se rendait occasionnellement dans cette région 258. On peut se demander si les bénéficiaires qui

apparaissent à plusieurs reprises dans les tablettes de Vindolanda contemporaines de la visite du gouverneur étaient réellement employés au service du commandant de la garnison, ou s'ils n'étaient pas plutôt des membres de l'officium du gouverneur, en service détaché dans cette région où leur présence au IIIe s. ou dans les dernières années du IIe est clairement

confirmée par l'épigraphie 259. Comme nous le verrons plus loin, dans plusieurs provinces,

les premiers témoignages de bénéficiaires d'un gouverneur en service détaché dans une station remontent déjà aux premières décades du IIe s., soit aux règnes de Trajan et

d'Hadrien.

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