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LES BÉNÉFICIAIRES : ESSAI DE DÉFINITION 1 L ES BENEFICIARII À L ' ÉPOQUE RÉPUBLICAINE

3. T ITULATURE ET STATUT DES BENEFICIAR

3.1. Le rattachement au supérieur

Dans les inscriptions, le titre de beneficiarius apparaît parfois en entier, mais le plus souvent sous la forme d'une abréviation, les plus communément attestées étant BF, -B-,

-BF- 92. Les bénéficiaires à la retraite précisent leur statut en introduisant leur titre par la

préposition ex (ou en grec), souvent précédé par celui de ueteranus ou par une formule de mise en retraite. Il arrive dans les inscriptions funéraires que le titre de bénéficiaire suive simplement le verbe militauit. L'emploi du titre sans abréviation, sous sa forme complète, s'explique par des habitudes locales et des pratiques du moment, mais aussi par choix ou goût personnel. En dehors d'une série épigraphique, la manière dont est exprimé le titre de

beneficiarius, en entier ou sous une forme abrégée, ne constitue donc pas toujours un critère

de datation certain. Le titre en entier apparaît certes plus volontiers dans des inscriptions de datation haute, mais on le rencontre aussi sous cette forme dans des textes plus tardifs 93. Il

arrive même qu'il figure sous des abréviations différentes au sein d'un même document, aussi bien dans les inscriptions que dans les papyrus 94.

Le rang du supérieur figure fréquemment dans la titulature des bénéficiaires, en particulier dans les documents épigraphiques (dans 9 inscriptions sur 10). Lorsqu'on ne prend en compte que les monuments votifs, soit ceux qui ont été érigés par les bénéficiaires eux-mêmes, la proportion atteint le pourcentage de 95 % 95.

0 20 40 60 80 100

total vot. fun. listes autres

Tableau 1 : Inscriptions (par type) où figure le titre du supérieur du bénéficiaire 96

92 Dans l'inscription d'un bf d'un tribun de date haute de Chester en Bretagne, ce sont les lettres TR de

l'abréviation BTR qui sont barrées : CBI, 9 ; dans CBI, 451 apparaît l'abréviation BBFCOS pour un seul bf.

93 Du IIIe s. par ex. : CBI, 675 ; CBI, 749 (partiellement restitué) ; CBI, 880 (le titre est placé en tête de

liste) ; CBI, 956 ; du IVe s. : CBI, 747 ; I 132.

94 Voir par exemple dans la liste CBI, 775, où l'abréviation -B-F côtoie elle de -BF-. Pour deux abréviations

différentes dans un papyrus, voir P 37.

95 Dans les inscriptions funéraires, le pourcentage est plus faible, mais atteint tout de même 77,4 %. Il

arrive exceptionnellement que le rang du supérieur figure avant celui de bénéficiaire : CBI, 941 et CBI, 652 (diplôme militaire), CBI, 702 (inscription métrique, à l'exception de la 3e ligne, à cause du titre η εμονος

βενεφικιαριος ; voir p. 330). Le titre de tribuni cornicularius apparaît chez Frontin 3.14.1 (cf. supra n. 15).

96 Le pourcentage est calculé pour chacun des types d'inscriptions. Dans certaines listes, le nom du

Il arrive qu'en plus du rang de son supérieur le bénéficiaire précise son nom, l'insérant entre leurs titres respectifs 97. Cette pratique s'observe en particulier chez les bénéficiaires

d'un gouverneur et dans des inscriptions votives ou funéraires du Ier s. et de la première

moitié du IIe, avec quelques exemples du IIIe s. Elle révèle la nature personnelle et directe des

liens qui l'attachent à son supérieur. Ce type de relation apparaît aussi dans l'expression

beneficiarius eius sous laquelle le bénéficiaire se présente dans les inscriptions qu'il érige en

l'honneur de son supérieur, seul ou avec ses collègues 98. C'est de cette manière par exemple

que se présente le bénéficiaire Flavius Origenes lorsqu'il grave sa signature sur la jambe gauche du Colosse de Memnon à Thèbes-Diospolis Magna, lors de sa visite en compagnie du préfet d'Égypte 99. Le rang du supérieur apparaît dans la titulature du bénéficiaire dans un

peu plus d'un tiers des papyrus, quelle que soit leur date, le nom du supérieur se rencontrant dans moins d'un quart des documents papyrologiques.

Bien que la mention du nom du supérieur s'observe de manière particulièrement accentuée dans la titulature des bénéficiaires, avec davantage d'insistance et de constance que chez les autres principales, cela ne constitue pas un trait spécifique des beneficiarii, ni un signe distinctif par rapport aux autres militaires. Nous connaissons en effet d'autres soldats qui se présentent occasionnellement de la même manière, des cornicularii,

commentarienses, librarii (immunes), singulares, secutores, stratores ou statores 100, en un

mot, des militaires employés au service d'un officier ou d'un gouverneur, les frumentarii et les speculatores mis à part 101. Il arrive aussi que certains de ces officiales, comme les

beneficiarii, qualifient leur supérieur (ou les membres de sa famille) de patronus, qu'ils se

présentent comme leurs propres subordonnés (eius), ou qu'ils insèrent le nom du supérieur dans leur titulature, dans des dédicaces privées ou collectives 102. La mention du titre du

supérieur permet à l'ensemble de ces militaires employés dans l'officium d'un supérieur de se situer dans la hiérarchie militaire, quel que soit leur titre ou leur fonction, puisque du rang du supérieur dépend directement celui de son subordonné.

97 Annexe 12.

98 CBI, 132, 411, 642, 685 : b(ene)f(iciarii) et corniculari(i) eius ; 738 ; 762 ; 768 ; peut-être I 196

(restitution) ; I 107 : bene[fi]ci[arii] officii e[ius] ; voir aussi Annexe 11.

99 CBI, 738. Pour d'autres attestations de l'expression beneficiarius eius, voir Annexes 11 et 13, avec CBI,

132, 642, 685, peut-être I 195, ainsi que CBI, 762 et 768 où il est question de l'ensemble des beneficiarii d'un gouverneur.

100 Cf. le classement de Cauer 1881, avec les remarques de Mommsen 1881, 532-536 et de Marquardt

1891, 290-292.

101 Ces derniers se contentent de citer occasionnellement le nom de leur troupe : Chap. III p. 120-121. 102 Voir par ex. les officiales d'un préfet de la légion III Augusta : ILS, 9099, à Lambèse ; le centurion strator d'un leg Aug pr pr à Bostra : AE, 1947, 164 (voir aussi Speidel 1977, 695) ; le strator d'un légat à Mayence :

XIII, 6746, en 217 p.C. et le stator d'un praefectus equitum à Cologne (à St Gereon) : Galsterer 1987, 1, IIe-IIIe s.

Voir aussi le commentariensis d'un gouverneur de Numidie : VIII, 2613 - Le Bohec 1989a, 215, en 151-152 p.C. :

[a co]mmenta[r. (?) M. Val]erii Etru[sci leg] Aug. pr. p[r] ; le cornicularius de deux gouverneurs successifs en

Gaule Lyonnaise : CBI, 39, au Ier s. : voir infra p. 81 et Annexe 12. Pour d'autres exemples, voir le titre d'un

corniculaire d'un préfet du camp en Égypte, dans son inscription funéraire : III, 6608 - ILS, 2394 (sous Domitien) :

... corniculario Castrici Proculi, praef(ecti) castror(um), celui d'un préfet d'Égypte (CBI, 733, 157 p.C.), celui d'un

tribun de cohorte urbaine à Rome : VI, 2869 - ILS, 2114 : cornicularius Iuli Proculi trib. coh. X urb. ou d'un tribun militaire à Altenburg près de Windisch-Vindonissa : RIS, II, 180 : --- Ve]recundu[s co]rnucla[ri]us (!) Satrieni

Venalis tr[ib]uni militum leg. XI C. P. F. Voir aussi par ex. IX, 5358 - ILS, 1325 : dédicace en l'honneur du préfet du

prétoire M. Gavius Maximus lorsqu'il reçoit les ornements consulaires, érigée par Ti. Claudius Firmus, son ancien corniculaire (p. p. ex cornicular(io) ipsius).

Le fait que les bénéficiaires soient employés au service d'un très grand nombre de supérieurs différents 103 justifie qu'ils insistent davantage que leurs collègues sur la qualité

(ou le nom) de leur supérieur. Les seuls qui échappent à la règle sont les bénéficiaires des

equites singulares, qui tous accomplissent leurs fonctions auprès du tribun. L'absence d'un

autre type d'officier dans cette troupe explique qu'ils ne ressentent pas le même besoin que les autres beneficiarii de préciser leur rang. En outre, à la différence des bénéficiaires de gouverneurs, les bénéficiaires des equites singulares n'avaient pas à traiter avec la population civile. L'insistance avec laquelle les beneficiarii expriment leur lien avec leur supérieur s'explique aussi par le fait que dans l'exercice de leurs fonctions, ils agissaient comme leur représentant direct. Ceux du gouverneur, détachés dans la province, souvent parmi la population civile, se distinguent de cette manière des autres soldats en garnison avec leur troupe dans les villes et les campagnes. Leur titre suffit à rappeler que c'est au nom du gouverneur qu'ils agissent, ce qui leur assure l'auctoritas nécessaire dans l'exercice de leurs fonctions.

Depuis le milieu du IIe s., la titulature des bénéficiaires a tendance à se figer. A

Sirmium, la seule inscription où le titre de bénéficiaire n'apparaît pas sous l'abréviation du

type -B-, -BF- ou BF, mais sous celle de benef., est l'une des plus anciennes de la série, si ce n'est la plus ancienne 104. Les formulations plus anciennes comme ben(eficiarius) leg(ati)

pr(aetorii) par exemple, attesté dans une inscription de Bretagne du Ier s., sont désormais

remplacées par des titres relativement rigides tels bf leg ou bf leg leg suivi du nom de la légion, pour le bénéficiaire d'un légat de légion 105. Les expressions comme bf legati

consularis ou beneficiarius (nom du gouverneur) consular(is) employées pour désigner les

bénéficiaires d'un gouverneur de provinces impériales 106 le cèdent aux abréviations BF COS

ou -B- COS, et cela quel que soit le statut ou le titre précis porté par le gouverneur au moment où il est mis à la tête de la province, en d'autres termes, qu'il ait assumé le consulat ou non 107. Cela s'observe parmi d'autres exemples dans une dédicace collective des

bénéficiaires du gouverneur de la Germanie Supérieure du début du IIIe s. en l'honneur de

leur supérieur Cl. Aelius Pollio. Alors que le gouverneur figure dans la même inscription sous le titre de légat d'Auguste pro préteur, suivi du nom de la province, G(ermaniae)

S(uperioris) et sous celui de praeses integerrimus, ses bénéficiaires se présentent comme

des bf cos 108.

103 Pour une liste des différents types de supérieurs qui ont des bénéficiaires à leur service, voir Annexe 9 ;

pour l'importance numérique des bf au sein d'un officium, voir par ex. CBI, 783 et 784 : Annexe 1.3.

104 I 42 ; le bénéficiaire s'y présente comme un agri(mensor), peut-être en relation avec le rôle qu'il a pu

assumer dans l'installation de la station. Son rôle serait donc comparable à celui du décurion dans la station d'Osterburken (Chap. IV p. 142-143).

105 CBI, 21 : Annexe 1.3, avec Tomlin 1992.

106 Par ex. I 11c à Carnuntum et dans la même province CBI, 342 : Annexe 1.3. Voir aussi CBI, 895 :

Annexe 1.3 et CBI, 600. Dans la série de Sirmium on relève quelques exemples où les bénéficiaires ne portent pas comme leurs collègues le titre bf cos : I 54 : benef. Caecili Faustini leg Aug pr pr (Ière moitié du IIe s.) et I 63 bf consu(laris) de la même époque. Voir aussi beneficiarius (nom du gouverneur) consular(is) : CBI, 41, c. 133 p.C.

107 Même en dehors des inscriptions des bénéficiaires, le titre de co(n)s(ularis) peut être porté avant que le

gouverneur n'ait rempli le consulat,voir par ex. P. Mich., 466 avec Thomasson 1972-1990, 327.1 et Speidel 1977, 689.

108 CBI, 118 (218-219 p.C.). Voir aussi par ex. I 25 (202 p.C.) : bf cos, agens in stat(ione) sub Baebio Caeciliano, leg(ato) Augg(ustorum) pr(o) pr(aetore) ; CBI, 643 (155 p.C.) et 650 (176-177 p.C.) : bf cos, le titre du

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