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L ES BÉNÉFICIAIRES DANS LES EQUITES SINGULARES A UGUSTI , LES FLOTTES ET LES TROUPES AUXILIAIRES

LES DIVERS TYPES DE BÉNÉFICIAIRES :

3. L ES BÉNÉFICIAIRES DANS LES EQUITES SINGULARES A UGUSTI , LES FLOTTES ET LES TROUPES AUXILIAIRES

3.1. Les bénéficiaires dans les equites singulares : un poste de passage

Les equites singulares forment un numerus à part au sein de l'armée qui constitue la garde montée des empereurs. Dans ce corps de troupe, dont la première caserne fut fondée par Trajan près du Latran à Rome, tous les militaires promus comme bénéficiaires occupent le même rang dans la hiérarchie puisque chacun d'eux est employé au service du même officier, le tribun. Cela explique, nous l'avons vu précédemment, qu'ils ne ressentent pas la nécessité de préciser le titre de leur supérieur – il n'apparaît que de manière sporadique dans leurs inscriptions –, se présentant plus volontiers sous le seul titre de beneficiarius. Sur la vingtaine de bénéficiaires connus dans les equites singulares, nous n'en comptons aucun qui ait rempli plus de 17 années de service et conservé ce titre ou se soit retiré avec le titre de bénéficiaire. Dans les troupes légionnaires et auxiliaires en revanche, bien qu'ils n'occupent qu'une position inférieure dans la hiérarchie, il est commun que les bénéficiaires d'un tribun – laticlave, sexmestris ou autre – restent dans cette position jusqu'à la fin de leur service, et cela même lorsqu'ils en prolongent la durée 120. L'absence chez les equites singulares de

vétérans anciens bénéficiaires et de bénéficiaires indiqués dans les listes de mise en retraite révèle que ce poste ne représentait qu'une simple étape dans leur carrière. Ces conclusions sont désormais confirmées grâce à la récente découverte à Anazarbos en Cilicie de plusieurs monuments des equites singulares chargés d'accompagner l'empereur au cours d'une expédition orientale. Le bénéficiaire thrace Iulius Valens – on lui connaît un homonyme en poste dans la même province, C. Iulius Valens, b(eneficiarius) stationarius, un fils de centurion 121 – avait participé avec d'autres equites singulares à une expédition contre les

Parthes, sous Septime Sévère et Caracalla, ou sous Macrin. Avec son compagnon et cohéritier Aurelius Mucianus, il érige un autel funéraire pour commémorer l'un de leurs amis communs. Les noms des deux dédicants sont à nouveau associés dans l'inscription funéraire de Mucianus, décédé comme vétéran, à Rome, ce qui renforce l'identification, malgré la banalité du nom du bénéficiaire. L'héritier de Mucianus n'est autre en effet que son ami et municeps, Iulius Valens, désormais centurion 122. Cette découverte et l'identification

qu'elle permet apportent la preuve s'il le faut que comme leurs collègues bénéficiaires dans l'officium des préfets du prétoire, les bénéficiaires equites singulares étaient promus à une position supérieure, parfois à un commandement militaire, un poste de centurion. Nous connaissons au moins deux autres bénéficiaires qui ont pris part à la campagne de Septime Sévère contre les Parthes. Leurs noms figurent sur le monument votif qu'un soldat de cette

120 CBI, 276 à Csaszar, fin IIe - IIIe s. : le bf du tribun légionnaire est décédé après 27 ans de service ; sa

stèle est érigée par les soins notamment d'un bf du préfet de la même légion ; voir aussi CBI, 9, 254, 390, 402 ; 576, 723, 778, 656, 800, 816, 808 (sans titre de vétéran, mais âgé de 60 ans), 882 (?). A la différence, le bf d'un tribun de cohorte auxiliaire transféré ensuite dans la légion a été promu comme signifer, un poste de la centurie qu'il ne quittera plus jusqu'à sa mort, voir CBI, 887, milieu du IIIe s.

121 I 121, avec Chap. II p. 75.

122 I 120 avec VI, 3216 : Annexe 1 ; voir aussi Speidel 1994a, 688c avec 732. L'identification entre ces

deux compagnons, tous deux recrutés dans les equites singulares, paraît fort probable. Pour d'autres attestations d'equites singulares hors de Rome, en Italie et en Syrie : Speidel 1994a, 22 et 671-690.

troupe resté à Rome, comme l'indique le terme remansor, érige le 1er avril 200 p.C. pour

célébrer la victoire de ses compagnons, alors que les troupes sont encore en Orient. Il le consacre au Génie de la turme pour le salut de Septime Sévère, Caracalla, et Géta, ainsi que pour Iulia Domna et le préfet du prétoire Plautien, dont la fille Plautilla se fiancera peu de temps plus tard avec Caracalla, le mariage ayant eu lieu en avril 204 p.C. 123. Il y fait graver

les noms de ses 28 collègues – une turme en compte 30 –, parmi lesquels les premiers portent un titre militaire. On y trouve un décurion, un duplicarius et un sesquiplicarius, suivis des noms de deux militaires dont le titre a sans doute disparu, un signifer, un armorum

custos, un curator, les deux beneficiarii et un librarius.

4. L

ESBÉNÉFICIAIRESDANSLESFLOTTES

Nous connaissons relativement peu d'inscriptions mentionnant des bénéficiaires rattachés à une flotte. On en compte à ce jour neuf, réparties de la manière suvante : cinq inscriptions funéraires, trois diplômes militaires 124, et un catalogue de marins de la flotte de

Ravenne (conservé seulement partiellement), qui livre pas moins de seize noms de bénéficiaires. Deux autres documents pourraient s'ajouter à cette liste : une inscription en provenance de Boulogne-sur-Mer-Gesoriacum, qui mentionne un bénéficiaire peut-être employé dans la flotte ou en relation avec le contrôle des transports dans le port, et l'inscription d'un ancien bénéficiaire du gouverneur de Pannonie, promu comme triérarque de la Flavia Pannonica, c'est-à-dire capitaine de bateau dans la flotte provinciale de cette province ou éventuellement responsable d'un petit détachement naval 125. C'est le seul

exemple d'une telle promotion parmi l'ensemble des bénéficiaires. S'il obtient une promotion, un triérarque peut espérer atteindre le poste de chef d'escadrille ou de navarque, et de là être promu au poste de nauarchus princeps ou même par la suite à celui de primipile 126.

Dans plusieurs des inscriptions des bénéficiaires qui ont servi dans les flottes romaines, le titre de beneficiarius apparaît seul, sans le titre d'un supérieur, parfois avec le nom du bateau auquel il était rattaché. C'est le cas par exemple à Misène de l'inscription funéraire de Valerius Silvanus et de celle de Q. Naevius Marcianus, décédé à l'âge de 22 ans. Le premier était rattaché à une liburne de la flotte de Misène, un bateau léger et rapide doté de deux rangs de rameurs et équipé d'éperons 127. Le type du bateau d'un côté, le jeune âge du

123 CBI, 917 avec Speidel 1994a, 56. Sur cette inscription en relation avec la carrière de Plautien : Christol

1997a, 133-134.

124 CBI, 652, 54 p.C., près de Sarsânlar en Mésie Inférieure ; voir aussi infra I 113b avec Weiss 1997 et I

153b avec Roxan 1996 et Saddington 1997. Il s'agit dans les deux cas de la flotte de Ravenne. Ott 1995, 37-38, puis Weiss 1997, ignorent ces deux dernières inscriptions.

125 CBI, 24 avec Starr 1960, 164 n. 102 et Chap. V p. 258 n. 177 ; CBI, 327 ; Starr 1960, 43-44, et sur cette

flotte, 138-141 ; Kienast 1966, 11. Pour un trierarchus factus ex signifero equitum singularium qui a accompli 34 années de service au moment de sa mort à l'âge de 51 ans : Speidel 1994a, 753.

126 Pour des exemples de promotion d'un triérarque au poste de navarque ou de primipile : XI, 86 - ILS,

2846 ; X, 3348 - ILS, 2847 ; voir aussi Starr 1960, 40-42.

127 I 142 et I 141. Sur la liburne : Reddé 1986, 104-110 ; Sander 1957, 355 n. 51 considère Silvanus

comme le bénéficiaire d'un triérarque ou d'un navarque. L'existence d'un tribunus liburnarum est attestée à une époque plus tardive : Kienast 1966, 39.

bénéficiaire de l'autre, suggèrent que ces deux militaires ont peut-être été employés dans l'officium d'un officier de la marine dont le rang était inférieur à celui du préfet de la flotte 128.

Le seul exemple explicite d'un bénéficiaire au service d'un préfet de la flotte est celui de M. Marius Maximus, décédé au cours du IIe s. p.C. à l'âge de 40 ans, après 18 ans de service

dans la flotte de de Misène 129.

A la différence du centurion, dont le rang était pourtant comparable au sien 130, le

triérarque avait droit à un officium, dont l'existence est confirmée par deux témoignages épigraphiques, ceux d'un adiutor et d'un secutor 131. Cela s'explique sans doute par

l'organisation particulière de la flotte, où chaque capitaine devait être assisté dans ses fonctions, au sein même de son bateau ou de la flotille dont il était responsable. Dans la légion, c'est chacun des tribuns légionnaires placés à la tête d'une des cohortes qui jouissait de son propre officium, et non le centurion 132. Par analogie avec les autres officia, celui du

navarque par exemple, où ils sont connus dès le Ier s. 133, l'officium du triérarque devait

vraisemblablement comprendre un certain nombre des bénéficiaires. Silvanus et Marcianus ont donc pu exercer leurs fonctions auprès d'un triérarque, d'un navarque ou tribun, ou encore d'un stolarque comme c'est le cas de C. Atinius Eutyches, un bénéficiaire de la flotte de Misène, au IIe s., décédé lui aussi au cours de sa 22e année, avec le titre de beneficiarius

stolarchi 134. Ce document est le seul exemple connu d'un bénéficiaire du stolarque, et qui

plus est, la seule attestation du titre de stolarchus. On ne sait pas exactement quel est le type d'officier de la marine qui se cache derrière ce titre. Peut-être s'agissait-il, comme le navarque, du responsable d'un groupe de navires, ce qui correspondrait bien au jeune âge du bénéficiaire employé à son service? Ou de la traduction grecque du titre de préfet de la flotte, comme le laisserait entendre l'inscription bilingue qui figure sur le monument votif dédié par l'un des préfets de la flotte de Misène, Valerius Valens 135? Dans un tel cas, il

faudrait conclure qu'une telle position pouvait déjà être atteinte en début de carrière, ou du moins après quelques années de service, si l'on admet qu'Eutyches a été recruté très jeune.

Nous connaissons aussi plusieurs bénéficiaires dans la flotte prétorienne de Ravenne. L'un d'eux, C. Iulius Apolinaris, était rattaché au IIe s. à la quadrirème Vesta, un type de

vaisseau qui comptait environ 230 à 235 rameurs et qui était le bateau le plus ordinaire de la flotte, si l'on en croit les nombreux témoignages épigraphiques. Comme ses collègues de la flotte de Misène, Apolinaris ne précise pas le titre de son supérieur, mais se contente de

128 Pour des bénéficiaires dans l'officium de ces deux derniers supérieurs au Ier s. : CBI, 652.

129 CBI, 951 ; Starr 1960, 37. A la tête de cet officium se trouvait un cornicularius : X, 3415 : voir aussi AE, 1942/43, 62, à Sétif : il s'agit d'un corniculaire de M. Cornelius Octavianus décédé. Voir à ce sujet Le Bohec

1989a, 470 n. 197.

130 Domaszewski & Dobson 1981, 34. Sur le triérarque, voir aussi Starr 1960, 43-45.

131 X, 3391 - ILS, 2845 : adiutor tr(ierarchi) III (= tetrere) Venere ; X, 3494 - ILS, 2895 : sec(utor) tr(ierarchi), ou tr(ibuni)? : ce syrien d'origine engagé dans la flotte de Misène est décédé à l'âge de 20 ans après 4

ans de service. Sur la question de l'officium et du rang du triérarque : Sander 1957, 355, même si l'existence d'un

exceptor tr(ierarchi) (?) demeure incertaine dans XI, 343 ; voir à ce propos le commentaire de Dessau ad ILS, 2892. 132 Starr 1960, 57.

133 CBI, 652.

134 I 143 ; Chapot 1896, 116.

135 X, 3336 - ILS, 3756, où l'expression επαρχος Μεισηνων est employée pour traduire le titre de un praefect(us) classis Mis(enensis) ; cf. Chapot 1896, 116 et Starr 1960, 47 n. 30 ; voir aussi Dessau (ILS).

mentionner le nom de son bateau, selon la pratique habituelle des marins 136. La mention du

supérieur est également absente pour les 16 bénéficiaires dont les noms ont été conservés dans un fragment de catalogue des marins de la flotte de Ravenne. L'état du document ne permet pas de définir précisément le contexte dans lequel se situe cette liste. Le nombre des

beneficiarii est plus imposant que celui des autres soldats cités. A l'origine, il pouvait même

s'élever aux alentours de 18. Ce nombre imposant incite à croire qu'il s'agissait peut-être des bénéficiaires employés dans l'officium du préfet de la flotte 137.

L'un des plus anciens témoignages épigraphiques de bénéficiaires se présente sous la forme d'un diplôme militaire. Il s'agit du premier document épigraphique d'un bénéficiaire qui soit daté avec précision, soit en l'année en 54 de notre ère. Ce document provient de Sarsânlar en Mésie Inférieure. Comme les deux autres diplômes du dossier, publiés l'un en 1996, l'autre en 1997, il fait connaître des bénéficiaires de la marine. Sur les trois ou peut- être quatre bénéficiaires mentionnés – ils figurent dans le diplôme en qualité de témoins –, l'un était employé au service d'un navarque, les autres, à celui d'un tribun 138. Le premier des

deux autres diplômes recensés, de provenance incertaine, a été décerné à un certain Dernaius Dacus fils de Derpilus, un bénéficiaire employé dans la flotte de Ravenne. L'un des témoins de ce diplôme, le vétéran C. Cassius Longinus, pourrait être le même homme que le bénéficiaire homonyme déjà cité comme témoin dans le diplôme de 54 p.C., seize ans plus tôt 139. L'intérêt que présente ce document dans le dossier des bénéficiaires est remarquable à

plusieurs points de vue. D'une part parce que les faveurs de l'empereur sont accordées aux

beneficiarii de la flotte dirigée par Bassus, et non pas à l'un d'eux, à titre individuel. Ce

nouveau document, le plus ancien diplôme connu du règne de Vespasien – il date du 26 février 70 p.C. – montre que l'empereur accorda la citoyenneté romaine à tous les

beneficiari(i) qui militant in classe Rauennate sub Sex. Lucilio Basso. Le texte ne dit pas

explicitement à quel supérieur ils étaient rattachés. L'expression sub suivi du nom d'un supérieur, régulièrement attestée dans les diplômes, trouve quelques parallèles dans les inscriptions des beneficiarii 140, habituellement en relation avec un gouverneur au service

duquel ils ont été employés 141. Il est possible que Dernaius Dacus et ses collègues aient fait

partie de l'officium de Bassus, même si un rattachement auprès d'autres officiers de la flotte, eux-mêmes sous les ordres de Bassus, ne saurait être totalement exclu. Dans ce contexte, on ne sait pas si le terme de beneficiarius est employé comme un titre précis et technique, comme cela semble être le cas dans le diplôme de 54 p.C, ou plutôt dans une signification générale. Précisons que nous ne connaissons aucun témoignage de beneficiarii de l'empereur. Seraient-ils des soldats de rangs divers qui auraient tous reçu un beneficium

imperatoris, ou étaient-ils des beneficiarii rattachés à la flotte, considérés aux yeux de

l'empereur en personne comme un ensemble au sein de cette troupe, et jouissant tous des faveurs accordées par l'empereur, dans des circonstances spéciales? Ce diplôme présente une

136 I 194 ; Reddé 1986, 110-115 et 541.

137 CBI, 880 : Annexe 1.3 et Chap. II p. 62, où sont énumérés les titres des différents militaires de la liste.

Certains des noms perdus dans la partie supérieure de la deuxième colonne étaient sans doute ceux de bénéficiaires : cf. Susini 1968, 304-307.

138 CBI, 652 ; au IIIe s., les navarques sont remplacés par les tribuns équestres : cf. Kienast 1966, 40. 139 I 153b ; sur la question, Roxan 1991, 254, avec une discussion sur les témoins dans les diplômes de

haute époque.

140 Voir par ex. Annexe 13 et Annexe 12 avec notes.

particularité qui mérite d'être soulignée. Alors que les diplômes militaires sont généralement destinés à des soldats mis en retraite, ce sont des militaires encore en service (qui militant) que Vespasien gratifie ici, leur accordant la citoyenneté et le droit du conubium. A cette faveur déjà particulière s'ajoute le fait que ces récompenses et privilèges, il ne les accorde pas seulement aux beneficiarii, mais aussi à leurs enfants et à leurs descendants 142. La

générosité de Vespasien à leur égard pourrait bien trouver une explication en relation avec les événements qui ont précédé son arrivée au pouvoir, comme on l'a proposé. Les

beneficiarii, au contact de Bassus ou sous ses ordres, ont probablement accordé leur soutien

et fait preuve de leur loyauté envers Vespasien, peut-être en organisant la transmission ou la diffusion d'informations par voie navale, d'une manière particulièrement efficace et rapide 143. Cela pourrait indiquer que les bénéficiaires, dispersés dans les diverses unités de

la flotte, avaient les moyens, par leur statut et dans le cadre de leurs fonctions, d'exercer une certaine influence sur leurs compagnons marins engagés comme eux au service de Rome 144.

Alors que ces deux diplômes remontent au Ier siècle, le troisième est daté de 221 p.C.

Il provient d'un endroit indéterminé – les Balkans, Mésie ou Thrace? – et fut accordé à un ancien bénéficiaire de la Classis praetoria Antoniniana de Ravenne 145. Ce document, dont

seul un petit fragment a été conservé, ne livre toutefois pas beaucoup de renseignements sur la situation des bénéficiaires dans la flotte.

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