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L'officium des provinces inermes : des conditions particulières?

LES BÉNÉFICIAIRES : ESSAI DE DÉFINITION 1 L ES BENEFICIARII À L ' ÉPOQUE RÉPUBLICAINE

3. T ITULATURE ET STATUT DES BENEFICIAR

3.4. L'officium des provinces inermes : des conditions particulières?

Le caractère prédominant du lien qui attachait les bénéficiaires à un officium et ses supérieurs successifs explique qu'ils constituaient l'un des éléments de stabilité dans l'administration d'une province. L'étude des carrières des bénéficiaires en service dans les provinces nous porte à la même observation 131. L'exemple du bénéficiaire Adnamius

Flavinus montre qu'il en allait de même dans une province inermis – en Norique – et au milieu du IIe s. Lors de son détachement à Celeia, à deux reprises, Flavinus consacre un autel

votif à IOM. La première fois, il se présente comme le bénéficiaire du procurateur gouverneur Ulpius Victor, la seconde, comme celui d'Usenius Secundus, son successeur 132.

128 Voir à ce sujet Chap. III p. 111-113, avec Nelis-Clément & Wiblé 1996, part. 291-292 et Ott 1995, 32-

34, voir aussi Clauss 1973a, 21. A Lyon, le gouverneur pouvait les recruter dans la cohorte urbaine en garnison dans la ville.

129 Par ex. VIII, 2755 - ILS, 2428 à Lambèse, IIIe s. : P. Aelius Crescentianus, notarius legati in officio Iuuenalis praef(ecti) praetori(o), mort à l'âge de 22 ans. Selon Teitler 1985, 50, ce militaire décédé à Lambèse

appartenait à l'officium du préfet du prétoire, mais aurait été assigné au légat. Le texte fait plutôt penser que c'est en fait le contraire qui se serait passé, que ce légionnaire aurait été mis à la disposition du préfet du prétoire. Si tel est le cas, faut-il en déduire le préfet du prétoire était représenté à Lambèse par un officium dans lequel auraient été intégrés des légionnaires africains? Pour l'exemple d'un prétorien à Rusicade en Numidie, entre 268 et 270 p.C. :

ILS, 9073, et sur la question des prétoriens stationarii dans les provinces, en particulier dans les provinces

proconsulaires, voir Chap. III p. 104-105.

130 CBI, 41 ; voir aussi CBI, 27 : le bf était sans doute chargé par le légat de la légion de Bonn de collaborer

avec le procurator ferriarum. Dans l'inscription, aucun signe ne permet de penser qu'il faisait partie de l'officium de ce dernier. Pour d'autres exemples de collaboration avec un procurateur : CBI, 735 et 736 : Annexe 1.3 à Coptos ; P 13 : bf du préfet d'Égypte détaché dans une station, où ses fonctions l'amènent à collaborer avec le stratège en poste dans le district, mais sans que les deux hommes soient liés dans un rapport hiérarchique, voir aussi Chap. V p. 241.

131 Chap. III p. 115.

132 CBI, 220 et 221 ; Annexe 12. Les deux autels sont de forme relativement simple et de facture

comparable, en dépit de légères différences de taille. L'ordination est la même à l'exception de la place de la formule VSLM ; dans les deux cas, l'abréviation du titre de bénéficiaire est identique, -B-.

Les noms de ces deux procurateurs réapparaissent à Celeia sur deux autres autels érigés par deux bénéficiaires, C. Fuscinius Catullus et Q. Kaninius Lucanus. Le premier exprime son rattachement à Ulpius Victor, le gouverneur qui l'avait détaché à Celeia, le second, dont l'autel porte la date de 158 p.C., à Usenius Secundus 133.

Même s'il se présente comme un cas unique dans la série de Celeia, le maintien d'Adnamius Flavinus dans ses fonctions, sous le gouvernement de deux gouverneurs successifs, ne saurait être compris comme un cas d'exception. Les exemples passés en revue plus haut montrent qu'une telle continuité dans le service au sein d'un officium s'observe déjà au Ier ou au début du IIe s. Il n'y a donc pas lieu de penser à notre avis qu'à cette époque la

nomination d'un soldat comme bénéficiaire était limitée à la durée de fonction de son supérieur ou patron 134. Si Flavinus érige deux autels à Celeia, c'est parce qu'il y a accompli

deux stationes. Cette pratique est bien connue chez les bénéficiaires, lorsqu'ils sont en service détaché. Nous connaissons des exemples comparables dans d'autres stations et dans d'autres provinces, et les documents épigraphiques et papyrologiques montrent clairement que le détachement des bénéficiaires d'un gouverneur dans un poste était d'une durée limitée qui variait selon les provinces et les époques. C. Mustius Tettianus avait fait de même, à la différence que son second séjour à Celeia s'était passé durant le gouvernement d'un seul et unique procurateur, Lisinius Sabinus 135. Le fait que Flavinus cite les noms de ses supérieurs

successifs correspond à une mode de l'époque et à une pratique locale qui s'estompe, nous l'avons vu, à partir des années 160 p.C. En Norique, cela coïncide approximativement avec les premières attestations de dates consulaires sur les autels et avec le changement administratif à la suite duquel la province, désormais dotée d'une légion, sera gouvernée par un consularis, et non plus par un procurateur équestre.

Dans les provinces impériales inermes 136, les bénéficiaires du gouverneur, comme la

plupart des autres membres de l'officium, étaient recrutés dans les légions des provinces voisines. Il arrive occasionnellement qu'ils soient tirés des troupes auxiliaires, en particulier lorsque celles-ci étaient composées de citoyens romains 137. Les fonctions auxquelles étaient

employés ces militaires d'administration justifiaient vraisemblablement que le gouverneur choisisse de préférence des citoyens romains, et cela surtout lorsque la population locale de sa province était constituée en majorité de citoyens. C'est le cas notamment pour les

beneficiarii des gouverneurs, qui plus que les autres officiales vivaient et travaillaient en

relation constante avec le monde civil et les autorités locales comme nous le verrons. L'exemple de la Dalmatie complète le dossier. La plupart des bénéficiaires du gouverneur consulaire précisent dans leur titulature le nom de leur légion, stationnée dans une province voisine, ou le nom de la province dans laquelle se trouvait leur troupe. C'est ainsi que doivent se comprendre les expressions comme bf cos leg(ionis) XIIII Gem(inae), bf

cos Pannon(iae) Super(ioris) ou encore bf cos leg I Ital(icae) Moes(iae) Inf(erioris) qui

indiquent l'origine militaire des bénéficiaires. Comme l'un de leurs collègues qui le précise

133 CBI, 242, où le gentilice du gouverneur figure sous la forme Usienius. Voir aussi CBI, 234, avec

Annexes 3 et 12.

134 Voir CBI, 690, 631, 751, 39, 728-729 et I 190 ; autrement, Dise 1997a, 275. 135 CBI, 240 et 237, avec Annexes 3 et 12.

136 Sur les provinces proconsulaires et l'officium des proconsuls, voir Chap. III p. 103-106.

137 Voir toutefois en Norique, à une date élevée, les deux bénéficiaires Surus et Augustanus, employés

dans l'officium du gouverneur procurateur : CBI, 222 et 226. Si l'on en croit leur formule onomastique limitée au seul cognomen, ils pourraient être de statut pérégrin.

sans ambiguïté, spec(ulator) leg. XIIII G., comm(entariensis) cos. prou. Delm. (!), stip. XIII, ils ont eux aussi été détachés de leur province et placés dans l'officium du gouverneur de Dalmatie 138. Parmi ces bénéficiaires du gouverneur, on en connaît trois, Iulius Herculanus,

C. Billianius Severus et C. Aemilius Ingenuus, dont nous sont parvenus au moins deux des autels qu'ils ont érigés dans différentes stations de Dalmatie. Malgré l'absence de dates précises, ces exemples permettent de penser que leur détachement en Dalmatie, auprès du gouverneur, dans son officium, était de durée relativement prolongée puisqu'il dépassait le cadre d'une simple mission ; il est même probable que le détachement se soit poursuivi sous le gouvernement de plusieurs consulaires.

Les gouverneurs de la province inermis de Lusitanie ont dû également puiser leurs

officiales parmi les légionnaires de la province voisine. Deux bénéficiaires détachés de la

légion VII Gemina stationnée à León, en Espagne Citérieure, sont connus par leurs noms et titres qui apparaissent sur deux monuments funéraires de Mérida-Emerita Augusta, capitale de Lusitanie. Les deux bénéficiaires semblent s'être établis à Mérida. L'un d'eux y commémore son épouse, l'autre, un italien de naissance décédé pendant son service, étant commémoré par son épouse. Dans les deux cas, le nom de la légion est spécifié dans l'énoncé du titre, alors que l'absence du titre du gouverneur mérite d'être soulignée. Elle pourrait également s'expliquer, comme nous l'avons vu plus haut à propos de bénéficiaires de procurateurs gouverneurs, par la situation administrative dans laquelle se trouvaient peut- être les deux bénéficiaires. Ils étaient en effet rattachés à l'Espagne Citérieure par leur affectation militaire et vraisemblablement à la Lusitanie par leur intégration dans l'officium de son gouverneur si l'on considère que c'est bien pour des raisons professionnelles qu'ils se sont établis dans la région 139. Nous connaissons aussi à Mérida l'inscription funéraire d'un

troisième bénéficiaire, un militaire retourné dans sa région d'origine au moment de sa retraite. A l'inverse, ses affranchis précisent le nom de sa troupe, la légion britannique VI Victrix, ainsi que le titre de son supérieur, un consularis, qui ne pouvait être que l'un des gouverneurs de la Bretagne 140.

138 CBI, 464, 480, 475, pour le commentariensis : III, 2015 - ILS, 2379. Pour un auxiliaire citoyen romain

employé dans l'officium du gouverneur consulaire de Dalmatie, voir CBI, 488 : Annexe 1.3. D'autres bénéficiaires du gouverneur de Dalmatie sont tirés de la cohorte VIII Vol., une troupe attestée dans la province du Ier s. à 275

p.C. : CBI, 491 (épitaphe d'un bénéficiaire du préfet de la cohorte) et CBI, 497 : Annexe 1.3. Ces trois documents représentent les seuls témoignages de bénéficiaires non légionnaires en Dalmatie, les autres provenant tous des légions des provinces voisines. Il s'agissait vraisemblablement de citoyens romains. D'un avis différent : Le Glay 1972, 220-221, selon lequel cette troupe, depuis le IIe s. du moins serait constituée non plus de citoyens romains

mais de pérégrins qui portent les tria nomina parfois déjà avant de recevoir la citoyenneté romaine, à la fin de leur service. Pour d'autres auxiliaires promus comme bénéficiaires dans l'officium d'un gouverneur, voir CBI, 680 : Annexe 1.3 en Lycie-Pamphylie et sans doute CBI, 691 en Cappadoce.

139 CBI, 832 et 833, avec Le Roux 1995a, 125, autrement Haensch 1997a, 490 n. 70. Le second, qui n'est

pas originaire de la province, devait donc certainement être en poste en Lusitanie.

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