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LES STATIONS DE BÉNÉFICIAIRES

1. O STERBURKEN ET S IRMIUM : DEUX STATIONS TYPES RÉVÉLÉES PAR L ' ARCHÉOLOGIE ET L ' ÉPIGRAPHIE

1.1. Osterburken : une station du limes

Le castellum d'Osterburken dans le voisinage duquel a été mis au jour le sanctuaire de la station des beneficiarii est l'un des plus importants postes militaires de la ligne avancée

3 CBI, 152 ; voir aussi CBI, 159 : Annexe 1.3 et infra p. 139.

4 Mirkoviç 1994a, 348. Pour un premier aperçu des fouilles : Popoviç 1989.

5 La méthode et les conclusions de Dise 1996, 288 sur cette question nous paraissent de ce fait difficiles à

du limes de Germanie Supérieure, sur le tronçon Miltenberg-Lorch, à l'est du Neckar et au nord du Jagst. Il se situe à l'est d'Heidelberg et au nord des castella de Jagsthausen et de Mainhardt dans la proximité desquels étaient établies d'autres stations de bénéficiaires 6.

L'emplacement de la statio se trouve entre le limes (tour 29) et le castellum principal occupé par la cohorte III Aquitanorum equitata c.R. et vraisemblablement établi sous Antonin le Pieux. Sous Commode, un second camp, construit avec le soutien des soldats de la légion VIII Augusta, est annexé au premier 7. Les constructions militaires (castella, bains, statio-

sanctuaire) se succèdent le long de la rive gauche de la rivière Kirnau, qui était navigable à l'époque romaine pour des embarcations de petite envergure 8. Ceci facilitait

l'approvisionnement du castellum et de son uicus, ainsi que les communications avec les autres castella du limes et avec l'arrière pays. Cette voie fluviale ouvrait en outre une porte sur les territoires d'outre-limes avec lesquels les Romains entretenaient des relations commerciales, comme l'attestent plusieurs découvertes sur le site d'Osterburken, ainsi qu'à Jagsthausen 9.

Les fouilles menées entre 1982 et 1986 ont permis de dégager, sur une surface de 500 mètres carrés (env. 35 m de long sur 10 à 15 m de large), une partie du complexe statio - sanctuaire des bénéficiaires en poste à Osterburken. Il se situe à environ 300 mètres à l'est du

castellum, non loin des deux thermes romains. Les autels étaients disposés en sept rangées,

sur un espace situé devant le sanctuaire de la station et entouré d'une clôture 10. Sous cet

emplacement se trouvait dans une phase antérieure le bâtiment qui semble avoir été à l'origine du complexe. Abandonné relativement tôt, déjà vers la fin des années 170- 180 p.C. 11, il fut remplacé par d'autres édifices un plus loin vers le nord, comme l'indiquent

les traces de constructions qui y furent relevées 12, avant d'être recouvert par les autels,

exposés devant le sanctuaire. La découverte de matériel en relation vraisemblablement avec la station à une distance relativement importante au nord et à l'est des fouilles permet de se faire une idée de son étendue à l'époque 13.

Cette découverte due au hasard de constructions récentes vient confirmer la thèse de Domaszewski qui annonçait voici presque cent ans, sur la base du seul autel votif connu en son temps, l'existence d'une telle station à Osterburken 14. Elle a révélé quelque 25 nouveaux

monuments votifs de beneficiarii consularis conservés in situ, qui viennent s'ajouter au premier monument connu et aux 5 autels découverts en 1970-1971, en remploi dans la Kiliankirche, soit à proximité de leur emplacement d'origine 15. Le site a livré en outre

plusieurs fragments d'inscriptions et de statues, une lance du type dit “lance de bénéficiaire” qui s'ajoute aux miniatures découvertes précédemment ainsi qu'une soixantaine de bases

6 CBI, 114-116 (en 179, 181 et 186 p.C.) et aussi CBI, 111 et 112 ; Mainhardt : CBI, 117. 7 XIII, 6578 et 6582 ; voir aussi Schönberger 1969, 172-173, avec Schönberger 1985 (carte E). 8 Schallmayer 1994, 182.

9 Schallmayer 1994, 181 et 184.

10 Schallmayer 1985 ; Schallmayer & Preuss 1994, 28-50. Pour une bibliographie complète sur les

fouilles : CBI, p. 7 n. 2 et 3.

11 Huther 1994, 84-85. La fouille de ce bâtiment dont on attend le rapport final (p. 84 n. 32) n'a pas été

facilitée par la présence des nombreux autels.

12 Vers la Seedammstrasse. Voir à ce propos Schallmayer 1994, 184 et Huther 1994, part. 84-86. 13 Schallmayer & Preuss 1994, 47 fig. 60 (plan d'Osterburken avec situation des endroits fouillés). 14 Domaszewski 1902, 205 n. 344, mais pas dans Domaszewski 1889, 98-99. L'autel, dont seule la partie

supérieure est conservée, est celui que le bf cos Calvinius Titus a consacré à IOM et au G(enius) l(oci) : CBI, 175.

d'autels, encore en place 16, ce qui prouve qu'à l'origine le nombre d'autels dépassait

largement celui des inscriptions conservées 17.

Les 15 autels datés d'après les consuls se répartissent à Osterburken de la manière suivante : 174, 180 (ou 151?), 13 janvier 182, 15 juillet 183, 13 janvier 200 au 13 janvier 201, 201, 202, 15 juillet 203, 26 décembre 203, 15 juillet 204, 15 juillet 205, 15 juillet 212, 13 janvier 213, ides? 224 (ou 232?), 238 (ou 200?) 18. L'analyse du matériel archéologique et

les études de dendrochronologie permettent de faire remonter la date de l'établissement du complexe avant les années 160 p.C., soit à une époque proche de celle à laquelle fut installé le castellum 19. Les premiers éléments datés sur le site remontent en fait à 156 p.C. 20. La mise

en place de la statio précéderait donc d'une quinzaine ou vingtaine d'années le premier autel trouvé in situ dont la datation consulaire de 174 p.C. est indiscutable. Cela incite à ne pas exclure a priori l'une des deux restitutions possibles des noms des consuls, sur un fragment d'autel retrouvé en remploi dans la Kilianskirche, soit [Maximo et Co]ndiano, en 151 p.C., – à Mayence, capitale de la province, un autel de bénéficiaire porte la date consulaire de 151 p.C. – pour lui préférer automatiquement et sans discussion l'alternative [Praesente II et

Co]ndiano, qui renvoie à l'année 180 p.C. 21.

L'analyse des traces du complexe permet d'établir plusieurs phases successives dans la chronologie de la construction du sanctuaire.

1. Quelques années avant 160 : construction d'un édifice avec exèdre en pierre ou nymphée 22.

2. Hiver 159-été 160 p.C. : construction dans la partie nord d'un édifice en bois dénommé

statio ; sur l'emplacement du nymphée, mise en place d'un petit temple en bois, dans la même

orientation que l'édifice dénommé statio.

3. Vers 165 p.C. : démolition du petit temple en bois et construction du premier grand temple en bois (sur les traces de l'exèdre et du petit temple en bois). Les inscriptions datées qui se

trouvent devant et à l'intérieur de cet édifice remontent au début du IIIe s. p.C. 23

4. Vers 180 p.C. : construction d'un petit temple dédié à Dea Candida, au sud-ouest de l'espace sacré sur lequel les autels étaient disposés en rangées, devant le grand temple. Le matériel épigraphique retrouvé dans ce temple ou dans les environs directs daterait des années 180-

185 p.C. 24

5. Dès le début du IIIe s. (207 p.C.) : traces de tranformations ou de rénovations qui s'observent

encore au cours de l'année 226 p.C. C'est à partir de cette date que fut construite la palissade en bois clôturant l'édifice, soit vraisemblablement un peu plus d'une dizaine d'années avant la date

16 Schallmayer & Preuss 1994, n° 12 p. 52, 27 p. 53 (peut-être deux fragments d'une même inscription?),

52, 53, 62, 63, 64 p. 55, 93 et 101 p. 57, 102, 111, 112, 113, 114, 116, 119, 120, 121 et 135 p. 57-59. Sur la lance : Eibl 1994 et Chap. VI p. 285-288.

17 Schallmayer & Preuss 1994, 51-59 n° 1-135 et pl. 1-14. La plupart des autels étaient placés sur une

base, mais pas tous, comme le montre l'autel CBI, 145, encore debout lors de sa découverte (cf. CBI, II p. 51).

18 CBI, 152, 170 : Annexe 1.3 (151 p.C.?), 156, 155, 169 : Annexe 1.3, 166, 163, 167, 160, 168, 158, 173,

172, 171 : Annexe 1.3, 174 . Voir Annexe 6.

19 Schallmayer 1985, 390 ; Schallmayer & Preuss 1994, 26-7 ; Huther 1994, 81-92 (plans du complexe

sanctuaire-statio, fig. 77, 11, 12, 14, 16).

20 Huther 1994, 86 n. 42.

21 CBI, 170 : Annexe 1.3. Pour une comparaison avec Sirmium, voir infra p. 142, et pour l'autel de

Mayence daté de 151 p.C., voir CBI, 129 : Annexe 1.3 et infra p. 180.

22 Pour une autre station avec une exedra cum basi : CBI, 834 : Annexe 1.3. 23 Schallmayer & Preuss 1994, 57-58.

probable de la dernière inscription. Il est possible que les bénéficiaires aient quitté la station quelques années avant l'abandon définitif du limes, qui se situe approximativement entre les années 254-260 p.C.

Toutes les inscriptions conservées sur le site permettent de penser que le sanctuaire était réservé aux bénéficiaires en poste dans la station. Ils sont en effet les seuls dédicants connus dans ce contexte, à l'exception d'un décurion, peut-être l'un des responsables de la cohorte III Aquitanorum établie dans le castellum, dont le nom est conservé sur un fragment de l'autel qu'il y a consacré aux Nymphes. Ce monument, qui diffère nettement des autels des beneficiarii à la fois par son aspect extérieur et par ses dimensions a été retrouvé devant la 6e rangée, avec des autels datant de la fin du IIe et du début du IIIe 25. Mais il est probable

qu'il remonte à une époque antérieure qui coïnciderait plus ou moins avec l'arrivée des Romains dans le castellum. Sa dédicace le situe dans le contexte du nymphée, soit lors de la première phase d'occupation de ce secteur, les traces de l'exèdre en pierre en relation avec le nymphée appartenant comme nous l'avons vu aux couches stratigraphiques les plus anciennes de l'occupation du sol.

La céramique retrouvée à Osterburken et dans d'autres sites du limes extérieur fait penser que la présence romaine dans le secteur a dû précéder d'une vingtaine ou trentaine d'années la construction des castella sous Antonin le Pieux 26. Le décurion avait peut-être

participé à l'installation de la station avec ses hommes. Plusieurs autres invocations aux Nymphes connues dans la région s'inscrivent dans un contexte de construction ou de restauration d'édifices militaires, en relation avec des travaux de conduite d'eau. C'est le cas par exemple dans la castellum d'Oehringen au sud d'Osterburken sur le même tronçon du

limes, en 187 et en 241 p.C. 27

Le culte des Nymphes est presque inexistant chez les bénéficiaires. L'unique autre témoignage connu d'un bénéficiaire qui s'adresse aux Nymphes, Nymfae Apollinares, est daté de 166 p.C. et provient de la station de Stockstadt, où l'installation d'un castellum en bordure du Main remonte déjà à l'époque de Domitien ou Trajan 28. Comme à Osterburken, il

est question de la transformation ou de la rénovation d'un premier monument dédié aux Nymphes en un sanctuaire visité ou peut-être même réservé aux bénéficiaires. Cet autel de 166 p.C. apparaît comme l'un des premiers témoignages datés attestant la présence de bénéficiaires du gouverneur en poste dans cette partie du limes extérieur, si l'on écarte celui d'Osterburken dont la date remonte à 151 p.C. ou à 180 p.C. La station de Stockstadt pourrait être localisée par la découverte in situ de deux autels de bf cos dédiés à Mercure, dans un petit édifice situé à l'angle gauche du front du castellum. Cette divinité est associée à

25 Schallmayer & Preuss 1994, n°þ73 p. 55-56 et p. 26-27 ; photo fig. 23 p. 27. 26 Schönberger 1969, 168 et Schönberger 1985, carte E.

27 XIII, 11757 (187 p.C.) et 11759 - ILS, 9179b (241 p.C.).

28 CBI, 184. Signalons néanmoins la découverte en 1963 dans les fouilles des thermes de Varazdin Toplice- Aquae Iasae de trois autels dédiés aux Nymphes par des soldats : Sasel & Sasel 1978, 1171. Le bénéficiaire dont

l'autel a été retrouvé sur ce site (CBI, 357) était probablement en charge de la station de Poetouio : voir infra p. 183- 184. Sur les Nymphes et Apollon : Leunissen 1985, 188.

d'autres sur plusieurs des autels de bénéficiaires à Stockstadt 29. Un autel contemporain (il

date également de 166 p.C.) provient de Jagsthausen où le castellum, comme celui d'Osterburken, n'a vraisemblablement été installé qu'au milieu du IIe s. 30

Parmi tous les bénéficiaires d'Osterburken, un seul est connu pour avoir été détaché dans une autre station de la province. Il s'agit de C. Paulinius Iustus, en poste à Osterburken autour des années 180-185 p.C. 31 Avant ou après son séjour à Osterburken, le même homme

a stationné à Friedberg où il a consacré deux autels, l'un à Sol Inuictus (de l'empereur Commode?), l'autre à la Virtus (de l'empereur Inuictus?). Ce dernier fut retrouvé dans la

cella du sanctuaire de Mithra, au sud-ouest du castellum 32. A Osterburken, nous ne

connaissons aucun témoignage attestant la présence simultanée de deux bénéficiaires, à la différence d'autres stations, celle d'Obernburg notamment, dans la même province, où en 181 p.C. deux bf cos détachés ensemble dans la station se sont associés pour y consacrer un autel 33. On ne peut toutefois pas exclure que des bénéficiaires détachés ensemble aient

choisi d'ériger séparément un autel votif.

Grâce à l'inscription de L. Titianius Titus, nous avons désormais la confirmation qu'à Osterburken, au début du IIIe s., un stationnement durait 6 mois, des ides de janvier aux ides

de juillet. Titus précise en effet qu'il y a accompli deux séjours ou stationes, des ides de janvier 200 aux ides de janvier suivantes, en 201 p.C., egit stat(iones) duas ... ex idibus Jan.

in seq(uentes) 34. La durée semestrielle était déjà vivement suggérée pour les années 166 et

167 p.C., puisqu'à Stockstadt deux bf cos ont séjourné durant l'année 167 p.C., L. Fl. Paternus et C. Iulius Petunnatius. Le premier se trouvait au début de l'année précédente dans la station de Jagsthausen, comme le prouve la date des ides de mars 166 p.C. qui figure sur son autel, mais dont le déchiffrement complet continue d'être ignoré par la plupart des spécialistes qui se sont intéressés à la question 35. Il a ensuite été déplacé à

Stockstadt comme successeur de L. Memmius Iuvenis, celui qui, nous l'avons vu plus haut, avait rénové le sanctuaire des Nymphes en 166 p.C. 36 Il est par conséquent possible de

29 CBI, 178 (191 p.C. ; voir Annexe 1.3) et 179. A Mercure sur le même site : CBI, 193 (167 p.C.), 195

(vers 167 p.C.), CBI, 185. Le culte de Mercure est attesté dans la capitale Mayence, aussi bien auprès des bénéficiaires du légat de la légion (CBI, 125, en 210 p.C. et I 9 ; voir supra p. 46) que de ceux du gouverneur (CBI, 131 : il y a rénové le sanctuaire sans doute vers le milieu du IIIe s. ; pour la datation, voir infra p. 378). Sur la

rénovation du sanctuaire de Stockstadt, voir infra p. 194.

30 CBI, 115 : Annexe 1.3 aux ides de mars 166 p.C. à Olnhausen-Jagsthausen, comme CBI, 111-114 ; sur

cet autel, voir infra p. 155. Sur le castellum : Schönberger 1985 carte E.

31 CBI, 154 ; CBI, 103 et 104. La date est suggérée par le contexte de découverte et la dédicace à Dea Candida Regina.

32 CBI, 104 et 103 : Annexe 1.3. A l'origine, l'autel CBI, 104 était peut-être placé sur la base n° 1 au fond

du mithraeum dans la direction nord ; sur le sanctuaire et l'autel : Schwertheim 1974, 47-53 et fig. 4 p. 46. Pour un autre bf cos qui consacre un autel à Mithra dans le mithraeum visité par des militaires dans une région de frontières, dans les environs du castellum d'Housesteads sur le mur d'Hadrien : CBI, 14.

33 CBI, 138 ; Annexe 7.

34 CBI, 169 : Annexe 1.3. L'heureux développement de ce texte qui nous a été suggéré par Hans Lieb –

nous le remercions de nous avoir communiqué cette information (lettre du 19 juillet 1994) – vient confirmer la démonstration qu'il faisait voici plus d'une trentaine d'années sur la durée d'un séjour à 6 mois en Germanie Supérieure, vers la fin du IIe s. et au IIIe s. : Lieb 1966 et Annexe 6. Cela n'exclut pas que d'autres occasions que la

fin d'une séjour aient pu inciter le bf cos à ériger un autel.

35 Successivement ignoré par les éd. du CBI, 115, Ott 1995 et Dise 1997b, 289 et 295 à 297. Voir pourtant

Haensch 1995b et CBI, 115 : Annexe 1.3, avec Annexe 6.

déduire que C. Iulius Petunnatius fut son successeur direct comme responsable de la station de Stockstadt, à moins que l'on ne retienne l'hypothèse du détachement simultané de deux bénéficiaires dans la même station, déjà à une telle époque. L'autel qu'il consacre en 167 p.C. à IOM, Junon et au Génie du lieu célébrait la fin de son premier séjour à Stockstadt, et le second autel qu'il consacre à Mercure, sans le dater, fait penser que son séjour à Stockstadt avait peut-être été renouvelé par le gouverneur 37.

C'est précisément au début de cette même année 167, soit quelques mois seulement après que la paix s'est enfin établie en Orient – le triomphe fut célébré durant l'été 166 p.C. – qu'ont débuté les attaques des Marcomans, d'abord dirigées vers le Norique, puis en direction de la Pannonie. Elles conduisirent au Bellum Germanicum (169 et 174 p.C.) puis au Bellum Sarmaticum (174-175 p.C.). Les troubles continuèrent sur tout le secteur, non sans répercussions sur les provinces germaniques et en particulier sur leur frontière extérieure qui doit résister à de fortes pressions. Juste après le triomphe de Marc Aurèle en 176 p.C., c'est déjà le second Bellum Germanicum qui éclate, une guerre dont Marc Aurèle, décédé en mars 180 p.C. vraisemblablement dans les environs de Sirmium 38, ne connaîtra

pas la fin. La série de Stockstadt ne nous permet pas de dresser la suite de la liste nominative des bénéficiaires en poste puisque les premiers autels datés connus après ceux-ci ne remontent qu'aux années 181, 182 p.C. (février et juillet) et 183 p.C. 39 L'absence de

documents datés de cette période ne peut toutefois pas être interprétée a priori comme le signe d'une interruption dans l'occupation de la station. Sur la même frontière en direction du sud, à Osterburken, le premier autel daté de manière sûre et sans équivoque remonte nous l'avons vu à l'année 174 p.C. L'époque mouvementée dans laquelle il s'inscrit pourrait bien expliquer le caractère exceptionnel du détachement en Germanie Supérieure, une province pourtant dotée de deux légions, d'un bénéficiaire rattaché à la légion III Italica, unité récemment levée et stationnée dans la province voisine de Rhétie 40. Les autres monuments

d'Osterburken montrent que les bénéficiaires continuent à se succéder dans ce poste selon un rythme bien marqué. En 181/182 p.C., les deux bénéficiaires postés à Stockstadt, Iustus et L. Nobilius L[---]us, n'y sont restés que pour un séjour limité si l'on accepte l'idée que leurs autels, consacrés respectivement en septembre ou octobre 181 p.C. et le 20 février 182 p.C., célébraient la fin de leur détachement local. C'est ce que suggère l'expression statione prima qui figure ici pour la première fois dans le dossier avec une date précise, en 182 p.C. 41 Peut-

on déduire de la courte période qui sépare les deux autels – moins de 6 mois – que les deux bénéficiaires auraient séjourné pour un certain temps ensemble dans la station, le premier initiant le second dans sa nouvelle responsabilité? Faut-il conclure que la périodicité des 6 mois avec les changements aux ides de janvier et de juillet était en train de se mettre en place à cette époque dans la province? Les deux explications sont possibles, et peut-être même complémentaires. C'est précisément de 182 p.C. que date le premier autel connu dans la province avec la mention des ides (de janvier), et c'est en 181 p.C. que se situe le premier témoignage daté de deux bénéficiaires du gouverneur détachés ensemble dans une station 42.

37 CBI, 193 et 194 ; sur le gouvernement de la province durant cette période : Thomasson 1972-1990,

51.33.

38 Halfmann 1986, 212 ; Kienast 1990, 138. 39 CBI, 197, 181, 180, et probablement I 168b.

40 CBI, 152 ; voir aussi CBI, 159 : Annexe 1.3. Sur cette question, avec d'autres exemples : Chap. II p. 79-80. 41 CBI, 197 et 181, avec Annexes 5 et 6.

Nous verrons plus loin que le rythme qui s'observe dans la rotation des bf cos entre les différentes stations de la province variait selon les provinces et les époques, et peut-être selon les circonstances 43. En 212 p.C., le jour des ides de juillet, C. Securius Domitianus

célèbre son troisième séjour à Osterburken, comme il le précise avec l'expression jusqu'ici encore inédite de tertia statione 44. Malgré la série épigraphique qu'a livrée le site

d'Osterburken, nous n'avons pas connaissance d'autres autels qu'aurait pu consacrer Domitianus pour marquer la fin de ses deux premiers séjours. Par ailleurs, aucun de ses collègues à Osterburken n'est connu pour y avoir offert plusieurs autels, comme c'est le cas nous venons de le voir à Stockstadt, ainsi qu'à Sirmium ou dans d'autres sites 45. Il est

possible que le nom d'un dédicant déjà connu ait disparu dans la masse des fragments retrouvés sur le site, le grand nombre de bases conservées in situ – une soixantaine – étant un indicateur minimal de celui des autels que les bénéficiaires avaient successivement consacrés lors de leur détachement local.

Les documents d'Osterburken nous permettent de mieux connaître les pratiques cultuelles des bénéficiaires sur le site. On retiendra en premier lieu que les bénéficiaires d'Osterburken ont généralement consacré leur autel à plusieurs types de divinités associées. C. Securius Domitianus mentionné plus haut, dont l'autel ne compte pas moins de 9 différentes dédicaces, l'emporte sur ce point face à ses collègues répartis dans tout l'Empire 46. Seuls trois autels d'Osterburken ne sont dédiés qu'à une seule divinité, l'un à

IOM, autour de 175 p.C. si l'on considère sa position sur le site 47, et les autres à Dea

Candida Regina, vers 180-185 p.C. 48. Cette divinité représentée dans une niche sur l'un des

autels n'est jamais invoquée ailleurs par des bénéficiaires. Le fait qu'une statue de cette déesse provienne de Francfort-Heddernheim, où la présence d'une station est également attestée dans l'épigraphie, pose la question des relations possibles entre les déplacements des bénéficiaires dans les différentes stations d'une la province et la propagation des cultes locaux dans cette province 49. Deux bases d'autels dédiés l'un à IOM et à Iuno Regina, l'autre

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