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Les bénéficiaires légionnaires promus à un poste de commandement

LES DIVERS TYPES DE BÉNÉFICIAIRES :

6. L ES BÉNÉFICIAIRES DANS LES LÉGIONS

6.3. Les bénéficiaires légionnaires promus à un poste de commandement

Sur l'ensemble des bénéficiaires légionnaires que nous connaissons, seul un nombre relativement restreint a réussi à atteindre la direction de l'officium d'un gouverneur de province ou à obtenir un poste de commandement. Nous montrerons plus loin que si elles existent, les promotions directes d'un bénéficiaire à un poste de commandement demeurent limitées et dépendent du mérite personnel mais aussi des appuis et de la disponibilité des postes 235.

Dans les deux cas relevés où il est question de la promotion d'un bénéficiaire comme centurion à la tête des bureaux du gouverneur, l'avancement s'est fait de manière progressive, par voie interne, au sein de l'officium. Le premier exemple est celui de Fl. Maximus, décédé en Arabie et enterré aux côtés de son épouse Thomdéchè, une ressortissante locale. Son centurionat, il l'a atteint après avoir revêtu successivement plusieurs postes dans l'officium du gouverneur, soit celui de bénéficiaire, d'a commentariis, et de corniculaire 236. Il s'agissait d'une charge administrative puisqu'il dirigeait les bureaux

232 Voir par ex. CBI, 882 (IIe s.) : ce vétéran est resté pendant plus de 22 ans comme bénéficiaire dans

l'officium d'un tribun laticlave, ce qui signifie qu'il avait déjà obtenu cette promotion, conservée jusqu'à sa retraite, après une courte durée de service ; voir aussi CBI, 800 (IIe s.) : uet. ex bf latic(auii) et CBI, 891 (IIe s.) : ueteranus - -- ex beneficiario tribuni ; CBI, 723 (II-IIIe s.) : bf tribuni semen(stris) avec 25 ans de service ; CBI, 23 (IIIe s.) : emeritus ... beneficiarius procuratoris (h)onesta missione missus ; CBI, 590 (IIe s. ; formule HSE) : b. proc. stip. XXV ; CBI, 649 (IIIe s.) : uet. ex bf leg leg. ; CBI, 8 (IIIe s.) et CBI, 324 (II-IIIe s.) : bf leg leg avec 22 ans de service.

233 Par ex. CBI, 867. Pour des exemples de promotions au sein de l'officium d'un gouverneur, voir supra

p. 122-124 et Annexe 8, avec les exemples de promotion du poste de frumentarius à celui de bf cos.

234 En Numidie : si l'on admet l'identification de Caecilius Felix, bf cos à Lambèse (CBI, 784 : Septime

Sévère-début de Sévère Alexandre : il est le 4e cité de la liste des 30 bf cos) avec le speculator C. Caecilius Felix

mentionné dans une liste comparable et postérieure (CBI, 783 : Élagabal-Sévère Alexandre : il est le 2e de la liste

des 4 speculatores rattachés à l'officium) ; voir Annexe 4. Sur cette promotion, voir aussi Rankov 1987, 244 n. 10, qui la considère comme certaine bien qu'il cite par erreur le nom de P. Gargilius Felix, qui est l'un des quatre

speculatores de la liste CBI, 784. En Pannonie Inférieure, Iulius Secundianus : I 33, I 34 et I 35 avec III, 3524 - ILS,

2375.

235 Nous ne retenons pas ici les documents CBI, 700 et 701 : Annexe 1.2, qui nous paraissent devoir être

du gouverneur et non pas d'un poste militaire au sens strict du terme. L'expression και εκατοντα ενομενος της η εμονιας remplace en quelque sorte le titre de princeps. Dans l'énoncé de sa carrière, aucune fonction n'est précisée avant celle de bénéficiaire, ce qui suggère qu'il s'agissait bien là, comme nous l'avons vu plus haut, d'une première promotion, soit du premier poste qui lui a été confié dans l'officium du gouverneur. Maximus n'a donc pas été détaché comme frumentarius à Rome, pas plus qu'il n'a assumé la fonction de

speculator, qui se situe selon la hiérarchie de l'officium entre le poste de bénéficiaire et celui

de commentariensis 237.

Le second exemple d'un bénéficiaire devenu chef de l'officium du gouverneur est celui de Saturninus, un soldat d'origine africaine dont toute la carrière militaire s'est effectuée en Bretagne, depuis son recrutement jusqu'à se retraite. Promu comme bénéficiaire, il reste dans l'officium où il est désigné comme option, probablement dans l'attente de son ultime promotion à la position de princeps officii praesidis. Il est retourné en Afrique à la fin de son service où il s'est fait construire un mausolée à l'image de sa réussite 238.

Une inscription de Numidie (elle date vraisemblablement du IIIe s.) révèle l'exemple

possible d'une promotion directe au poste de centurion d'un autre Saturninus, également bénéficiaire d'un gouverneur, au terme de son séjour dans la station de Vazaiui. Certes les deux titres successifs de Saturninus – celui de bénéficiaire et celui de centurion – ne sont que des restitutions, l'autel n'étant conservé que partiellement, mais la promotion offre l'avantage de donner son sens au changement de légion mentionné dans le texte 239. On connaît un cas

comparable à Tomis où un militaire de la légion XIII Gemina, lui aussi probablement employé comme bf cos, a pu être nommé comme centurion si l'on considère qu'il a accompli ses nouvelles fonctions dans une légion différente, soit la légion I Italica, établie à Nouae en Mésie Inférieure 240. La promotion de Saturninus montre-t-elle qu'au IIIe s. les capacités et

l'expérience d'un bénéficiaire capable de diriger de manière autonome une station sont susceptibles d'être prises en considération, et que le mérite savait être reconnu 241? Cela est

possible, comme l'est dans cette province en particulier l'hypothèse du soutien d'une personnalité ou d'un patronus. L'hypothèse selon laquelle cette promotion aurait été voulue par un gouverneur afin de permettre le transfert de l'un de ses bénéficiaires lors de sa nomination à la tête du Norique n'est certes pas impossible, mais elle demeure sans parallèle connu chez les bénéficiaires 242.

236 CBI, 730.

237 CBI, 783 et 784 et supra p. 117-118. 238 CBI, 749 : Annexe 1.3.

239 CBI, 753 : Annexe 1.3. Sa promotion directe et peu commune au titre de centurion ainsi que son

transfert dans la légion II Italica stationnée en Norique ont été mis en relation avec le déplacement d'un gouverneur de Numidie en Norique, et avec son intention d'y emmener l'un de ses anciens bénéficiaires : Birley 1965, 214. Il est donc permis de penser que cette promotion a dû s'inscrire dans des circonstances particulières, comme cela a pu être le cas d'un ancien hastatus de la légion X Gemina promu strator du gouverneur de l'Espagne Citérieure, en l'honneur duquel il érige une dédicace, à Tarragone (II, 4114 - ILS, 1140). Les deux hommes ont pu être en contact dans le contexte de l'exercitus Illyricus, le subordonné ayant par la suite suivi son supérieur, lors de sa nomination à la tête de la province d'Hispania Citerior, pour devenir son strator. La situation était différente pour L. Octavius Felix (CBI, 758 : Annexe 1.2) dont l'autel érigé à Vazaiui célébrait vraisemblablement la fin de séjour dans le poste,

expleto tempore.

240 CBI, 619 ; pour un exemple de promotion d'un bf cos comme centurion dans cette légion, voir ci-

dessous CBI, 822 : Annexe 1.3.

241 Speidel 1992a, 127 et Speidel 1992b.

C'est dans la même province et à la même époque que se situe la carrière de Hostilius Iulianus. Dernier cité parmi des bf cos dans l'une des deux grandes dédicaces collectives des membres de l'officium du gouverneur, à Lambèse, il est également connu dans une autre inscription votive datant du règne de Sévère Alexandre 243. Après avoir été frumentarius, il

est candidatus, dans l'attente peut-être d'une uacatio et d'une promotion comme bf cos, à moins qu'il n'ait reçu le titre de candidat dans l'attente du centurionat, alors qu'il était bf cos, comme le montre l'exemple suivant. Nous avons vu que le titre de candidatus apparaît à plusieurs reprises dans la relation établie entre un gouverneur et un sous-officier en attente d'une quelconque promotion 244.

A Cherchel-Caesarea en Maurétanie Césarienne, un bénéficiaire d'un gouverneur consulaire érige une base pour célébrer une personnalité influente originaire comme lui de

Caesarea, municeps eius. Une récente révision du texte a montré que le dédicant devait être

un certain Avidius Valens, un centurion nouvellement promu qui était auparavant l'ancien bénéficiaire et candidatus de Sextus Cornelius Clemens. Le sénateur, qui fut son protecteur et patron et qu'il désigne comme consularis et dux des trois Dacies, avait soutenu sa candidature et l'avait fait promouvoir comme centurion de la légion XIII Gemina établie en Dacie. Le rassemblement des deux fragments (le fragment supérieur de ce même monument avait été conservé séparément) permet donc de penser que ce sénateur était originaire de Césarée, ce qui explique le soutien manifesté à son subordonné 245.

Les exemples rassemblés ici invitent à se demander si l'expression Lambaese

retentus, à côté du titre de bénéficiaire de Modius Septimus était en relation avec l'attente à

Lambèse d'un nouveau détachement, d'une nouvelle affectation ou peut-être même d'une promotion 246. Parmi les bénéficiaires légionnaires promus à un poste de commandement,

nous avons déjà évoqué plus haut l'exemple du bénéficiaire du gouverneur promu

trierarchus de la flotte Fl(auia) Pann(onica). Cette promotion sans parallèle direct

correspond à un avancement au centurionat si l'on considère que le centurion, le navarque et le triérarque sont des commandants de niveau équivalent 247. Mentionnons aussi les quelques

exemples connus de bénéficiaires d'un légat de légion promus comme centurion par étapes successives. C'est le cas notamment de L. Valerius Proclus, bénéficiaire d'un légat de la légion V Macedonica et désigné comme optio ad spem ordinis dans l'attente d'être nommé centurion dans sa propre légion. Pour sa bravoure lors d'une guerre dacique, ce militaire est décoré de torques, de bracelets et de phalères. L'obtention de ces décorations et sa promotion au centurionat se situeraient sous Domitien plutôt que sous Trajan 248. Proclus va rester en

Mésie comme centurion dans les deux autres légions de la province avant d'être transféré

243 CBI, 784 avec I 138.

244 III, 6154 et AE, 1954, 136 : décurion d'aile ; VIII, 21000 ; AE, 1917/1918, 50 : centurion ; AE, 1917/

1918, 85. Il s'emploie aussi pour des candidati au service d'autres supérieurs : VI, 1410 : un a militiis, candidat du préfet de la Ville ; VIII, 25382. Pour une liste plus complète des candidati : de Ruggiero 1886 –, II.1, 78-79. Pour un vétéran mis en retraite avec ce titre : VIII, 2618 et 18096 - Le Bohec 1989, 249 et un candidatus d(omini)

n(ostri) de la légion VIII était en poste dans le Mâconnais : XIII, 2596 (voir n. 164 p. 160). 245 CBI, 822 : Annexe 1.3, avec Haensch 1998.

246 I 136 ; Le Bohec 1989b, 218 n° 22. Sur les retenti, voir Domaszewski & Dobson 1981, 41. Pour

l'attestation du terme de remansor en 200 p.C., voir CBI, 917 - Speidel 1994a, 56 ; Aurelius Maximianus (I 7b) se trouvait-il lui aussi dans une situation d'attente lorsqu'il fit graver l'inscription funéraire de son épouse à Martigny-

Forum Claudii Vallensium, centre administratif de la Vallis Poenina?

247 CBI, 327, avec Domaszewski & Dobson 1981, 106 ; Sander 1957, 364. 248 CBI, 648 ; sur les décorations, voir Maxfield 1981, 191-193.

dans des troupes stationnées dans d'autres provinces. Au IIe s. en Germanie Supérieure, un

certain Peregrinus, bénéficiaire d'un légat de légion (de la légion XXII de Mayence) est connu pour avoir obtenu un poste de centurion dans sa propre légion. Sa promotion s'est déroulée par échelons successifs, en partie à l'intérieur de l'officium. Après sa nomination comme bénéficiaire, cet italien originaire de Turin 249 est promu comme a commentariis, puis

aquilifer, avant d'être désigné comme optio dans l'attente d'une nomination à centurion, qu'il

a obtenue. Il est décédé à ce poste après 20 ans de service, à l'âge de 39 ans.

D'autres bénéficiaires d'un légat ont profité d'une promotion interne avant de pouvoir prétendre à une position de commandement. Ce fut le cas au début du IIe s. de Mommius

Cattianus par exemple, un soldat italien comme le suggère la présence de son monument funéraire à Castelmadama, promu successivement comme bénéficiaire et corniculaire d'un légat de la légion XX Valeria Victrix en Bretagne, puis comme option de la première cohorte, dans l'attente d'une nomination comme centurion. Il ne réussit toutefois pas à atteindre ce dernier poste puisqu'il décéda avant cette ultime promotion 250. A ces exemples

pourrait s'ajouter celui, incertain, d'un citoyen et flamen perpetuus de Sbeitla-Sufetula en Afrique Proconsulaire. Après un premier poste dans l'officium d'un tribun sexsmen(stris), peut-être comme bénéficiaire, il va être promu librarius dans l'officium du légat de la légion II Adiutrix en Pannonie, puis centurion 251.

Signalons enfin l'avancement incertain de Valerius Sempronianus de son poste de bénéficiaire d'un procurateur d'Auguste aux fonctions de commandant d'aile 252. Ce militaire

détaché en 175 p.C. dans la région minière de Villalís en Espagne serait peut-être retourné au même endroit onze ans plus tard comme responsable du détachement, en qualité de décurion d'aile. De même, une promotion au titre de centurion du bénéficiaire L. Valerius Flavus, en poste à Tarragone auprès d'un gouverneur consulaire, n'est pas totalement exclue. Comme pour Sempronianus, la promotion pressentie dépend d'une identification avec un homonyme, le centurion Valerius Flavus, à la tête de la cohorte I Gallicae à Villalís 253.

6.4. Les bénéficiaires légionnaires et les aspirations à la carrière

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