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Beneficiarius ou les ambiguïtés du terme : les limites des définitions littéraires

LES BÉNÉFICIAIRES : ESSAI DE DÉFINITION 1 L ES BENEFICIARII À L ' ÉPOQUE RÉPUBLICAINE

2.1. Beneficiarius ou les ambiguïtés du terme : les limites des définitions littéraires

2.1.1. Festus : beneficium et beneficiarius

Le premier texte d'époque impériale où il est question d'une définition du terme

beneficiarius les présente en ces termes 17 :

“On appelait beneficiarii les soldats qui étaient libérés des corvées grâce à un bienfait ; on qualifiait au contraire de munifices ceux qui n'(en) étaient pas libérés, mais qui accomplissaient leur devoir pour l'État”.

13 P. Oslo, II, 30 - Daris 1964, 72. 14 Chap. IV p. 175-193.

15 Polybe 6.31.2 ; 6.24.2 ; 6.34.7 ; 6.24.6 ; le signifer est aussi attesté chez César, Guerre des Gaules,

2.25.1. Frontin 3.14, dans un épisode de la guerre civile entre Pompée et César, évoque un tribuni cornicularius prétendant appartenir au parti de César. Pour d'autres exemples, Clauss 1973a, 8-13 et 125-127. La première attestation épigraphique d'un speculator remonterait à la première moitié du Ier s. a.C. selon Solin 1991, 375-377

n° 115 : A. Marei T. f. Cam(ilia) ex spe(culatore) A. Mari A. f. Maxs(imi) fi(li) T. Mari T. f. Pol(lia) fra(tris).

16 Harmand 1967, 344-348.

17 Festus, De la signification des mots, p. 30, éd. W. M. Lindsay, Hildesheim 1965 : Beneficiari dicebantur milites, qui uacabant muneri<bu>s beneficio ; e contrario munifices uocabantur, qui non uacabant, sed munus reipublicae faciebant.

Cette définition remonte à Festus (IIe s. p.C.), qui s'appuie lui-même sur des sources

antérieures, vraisemblablement d'époque républicaine. Elle nous est parvenue à travers les

Excerpta ex libris Pompei Festi de Significatione uerborum de Paul Diacre 18. Festus

privilégie la définition étymologique, rapprochant le titre de beneficiarius du terme

beneficium, et celui de munifex, de munus et facere. Selon lui, le beneficium dont jouissent

les beneficiarii correspond à l'exemption des corvées militaires, soit à la uacatio des

munera 19. Quant aux munifices qu'il oppose aux beneficiarii puisqu'ils n'ont pas la faveur de

la uacatio, ils accompliraient selon lui leur munus, c'est-à-dire leur service (ou leur devoir, leur officium) pour l'État. On s'attendrait logiquement à ce que les munifices, par opposition aux bénéficiaires, soient simplement décrits comme ceux qui ne sont pas exempts des corvées ou munera et que la définition e contrario s'arrête là. C'est du reste ainsi que les définit Végèce, dans un passage sur lequel nous reviendrons plus tard 20. La seconde partie

de la définition de Festus paraît donc surprenante puisqu'il ne fait pas de doute qu'en qualité de soldats, aussi bien les beneficiarii que les munifices accomplissent leur munus pour la

respublica. Festus – ou plutôt l'un des auteurs intervenus dans la transmission du texte –

s'égare dans la définition des munifices à cause d'une confusion entre les diverses significations du terme munus, selon qu'il est employé dans le contexte de la vie militaire pour les corvées à accomplir, ou dans celui qui décrit la position juridique des citoyens face à leurs obligations civiques alors qu'ils sont en service comme militaires. La confusion, suggérée en outre par l'existence d'un problème textuel qui porte précisément sur ce point, permet de penser que le passage en question a pu être remanié au VIIIe s., comme c'est le cas

d'autres passages pour lesquels la confrontation des fragments de Festus avec le texte transmis par Paul Diacre est possible, à la différence de celui-ci 21. Les titres de beneficiarius

et de munifex mis en opposition ici se retrouvent ensemble parmi d'autres militaires classés selon leur titre dans un catalogue de soldats de la flotte de Ravenne qui peut-être mentionnait les noms de l'équipage d'un bateau. Les munifices, des soldats sans qualification ou responsabilité particulière, et de ce fait astreints aux corvées, y figurent en queue de liste, après les fabri, beneficiarii, uexillarii, cornicines, tubicines, bucinatores et les

suboptiones 22.

Selon Festus, c'est l'exemption des corvées, accordée comme un beneficium, qui constituerait étymologiquement la particularité des beneficiarii. Sur la base de cette définition, un rapprochement rapide entre les termes beneficium-beneficiarius a conduit à

18 Cervani 1978. 19 Davies 1974.

20 Végèce 2.7 (voir infra p. 64 n. 35) : ... reliqui munifices apellantur, quia munera facere coguntur évoque

les munera auxquels les munifices sont astreints.

21 Dans le texte cité supra, muneris retenu par Lindsay a été corrigé en muneri<bu>s (cf. l'éd. de

C. O. Mueller, Hildesheim 1975, 33), ceci avec raison puisque c'est bien de la uacatio munerum dont il est question ici. La variante muneris (gén. sing. ou forme erronée d'un dat.-abl. plur.?)-muneribus rappelle celle de munerum-

munerorum, qui se rencontre par erreur dans l'un des manuscrits de Taruttienus Paternus cité plus bas, dans un

contexte similaire. Dans les textes juridiques, le terme de munus est souvent évoqué à propos des militaires lorsqu'il est question pour les soldats en service de l'exemption du munus municipale : Digeste, 50.4.3. C'est ce qui nous fait penser que la phrase sed munus reipublicae faciebant introduite par l'opposition e contrario, qui n'a pas de sens dans le contexte de la définition de Festus puisque tous les soldats accomplissent leur devoir pour l'État, a peut-être été rajoutée suite à un remaniement du texte par Paul Diacre. Sur ces questions d'immunité : Jacques 1984, passim.

une interprétation contestable d'un passage de Tacite 23. Lorsque Caligula enlève au

proconsul d'Afrique le commandement de la légion III Augusta pour la confier à l'un de ses légats, il fait en sorte, nous dit Tacite, que les deux hommes aient le même nombre de

beneficia à leur disposition. Les propos de Tacite ne sauraient se limiter à la nomination des beneficiarii par le proconsul, comme on l'a parfois pensé 24. Nous ne connaissons du reste

aucun témoignage explicite, ni dans les sources épigraphiques, ni ailleurs, de beneficiarii

proconsulis. Il paraît donc préférable d'y voir l'expression générale d'une égale répartition

des avantages du proconsul et du légat, précurseur du gouverneur de la future province de Numidie 25, ou peut-être même, chez Tacite, celle d'une démonstration de la dégradation

politique suite due réformes de Caligula et de la faiblesse de Pison, comme on l'a proposé 26.

Les gouverneurs représentent en effet dans leur province le centre du pouvoir et le principal distributeur de privilèges, comme le montrent la correspondance de Pline et de Trajan et les inscriptions qui évoquent des relations de patronage, en particulier en Afrique du Nord 27.

Apulée, le fils d'un duumuir de Madaure, dans un discours prononcé devant un proconsul d'Afrique, évoque l'estime que les gouverneurs reçoivent des provinciaux à cause des privilèges qu'ils leur accordent, propter beneficium 28.

Le concept de beneficium, lié à l'origine et dans la vie civile aux relations d'amicitia, garantit une relation cordiale entre deux personnes ou groupes de personnes. Elle n'est soumise à aucune contrainte sinon que ce lien proche du patronage implique par sa nature même une réciprocité dans les relations entre les deux parties. L'un des pôles, généralement inférieur à l'autre, se doit de manifester sa reconnaissance, au titre du beneficium dont il a été gratifié, à celui qui est en quelque sorte son protecteur 29. La relation cesse lorsque l'une des

parties impliquées le souhaite. Le beneficium peut s'appliquer aussi bien à des actes de protection et d'appui, dans un contexte moral, qu'à des largesses matérielles et concrètes. Les sources montrent de nombreux exemples de beneficia de l'empereur, en faveur de personnes, civiles ou militaires, ou de communautés 30. Dans la vie militaire, le beneficium se manifeste

à travers toutes les sortes de faveurs accordées à un subordonné militaire, qu'il s'agisse d'un congé, par exemple, d'un enrôlement ou d'un transfert dans une troupe d'élites 31 ou d'une

23 Tacite, Histoires, 4.48 : Aequatus inter duos beneficiorum numerus... L'abréviation -B-, caractéristique

de beneficiarius, est employée pour beneficiorum dans le titre d'adiutor a commentariis beneficiorum (VI, 33770 -

ILS, 9030), et celle de -BE-, pour beneficium dans CBI, 448 : Annexe 1.2 ; voir aussi CBI, 401 : Annexe 1.2. 24 Par exemple Cagnat 1913, 27-28 ; Jones 1949, 44 ; Sherwin-White 1966, 587.

25 Childer & Townend 1985, 60 : “Beneficiorum, a general term for patronage, rather than a reference to

the creation of beneficiarii”. Sur l'officium des proconsuls, voir Chap. III p. 103-106.

26 Benabou 1972, 129-136.

27 Saller 1982, part. 149 sq. et Appendice 5. 28 Apulée, Florides, 9.

29 Hellegouarch 1963, 163-169 ; Saller 1982, part. 195-199 ; MacMullen 1991, 162-165. 30 Par ex. Pline 10.26 ; Alföldy 1991 ; Speidel 1992a, 126.

31 Speidel 1992a, 335. Le but du congé doit être spécifié, et l'accord est lié à celui d'un beneficium. Voir

aussi PGenLat, 1 verso V - Fink 1971, 9, p. 112 : b(eneficio) pref(ecti) com(meatus), où il est question d'un congé accordé grâce au beneficium du préfet, plutôt que d'un bénéficiaire. Dans ce sens aussi : Lesquier 1918, 247 et Watson 1985, 230.

promotion ou nomination à un poste due à l'appui d'un supérieur 32. Cela explique le climat

de corruption qu'il engendre occasionnellement. Nous verrons que l'exemption des munera et la garantie d'un beneficium ne se limitent toutefois pas aux seuls militaires portant le grade précis de bénéficiaire.

2.1.2. Taruttienus Paternus et Végèce : immunes et principales

Taruttienus Paternus, connu comme juriste et comme préfet du prétoire, qualifie d'immunes les soldats exempts des munera. Il en énumère une longue liste dans laquelle toutefois ne figure pas le beneficiarius 33. Pour Végèce (IVe s. p.C. 34), la uacatio munerum

concerne des soldats privilégiés qu'il désigne sous l'appellation générale de principalis par opposition aux munifices, astreints aux corvées 35. Les privilèges qu'il associe implicitement

à l'exemption des corvées doivent être mis en relation avec une augmentation du salaire des

principales. Les immunes se contentent pour leur part d'une exemption des corvées et d'un

salaire de base, à la différence des munifices, qui ne reçoivent que le salaire de base, sans exemption des corvées 36. La mention de la classe salariale justifie l'emploi de titres

complémentaires pour les différents types de principales, qui se répartissent en simplares,

sesquiplares et des duplares, comme le précise Végèce dans sa liste. Dans les papyrus et les

inscriptions, les titres de sesquiplicarius et de duplicarius apparaissent parfois pour préciser

32 TLL, s.v., 1887 ; par ex. Suétone, Tibère, 12 : per quosdam beneficii sui centuriones. Pour des exemples

comparables dans les inscriptions : VI, 2442 : l. 4 et sq. : militi praetoriano coh(ortis) I (centuria) Rufelli beneficio

Otacili Fusci tribuni ... : il paraît peu certain qu'il s'agisse ici d'un beneficiarius tribuni au sens technique du terme,

malgré Domaszewski & Dobson 1981, 5 n. 2 ; de même en ce qui concerne CBI, 869 : Annexe 1.2 où le texte évoque à notre sens un enrôlement dans les cohortes prétoriennes suite à un beneficium de Drusus, Drusi Caesaris

benefici(o) militauit coh(ortis) VI pr(aetoriae), plutôt qu'un bénéficiaire de Drusus Caesar, Drusi Caesaris benefic(iario) (Domaszewski & Dobson 1981, 27, puis CBI) ; voir aussi CBI, 677 : Annexe 1.2, où l'idée d'une

promotion à cornicularius du tribun grâce à un beneficium de ce dernier (Domaszewski & Dobson 1981, 203 :

Celer mil(es) c[oh(ortis) ---] pr(aetoriae) cornic[l]ar(ius) [bene]fici(o) trib(uni) nous paraît plus convaincante que

le développement [bene]fic(iarius) trib(uni) qui a pu être proposé (CIL, puis CBI), mais qui n'est pas possible si l'on considère l'ordre direct dans lequel serait énoncée la carrière. Dans la documentation papyrologique, on connaît l'exemple d'une recrue demandant au préfet d'Égypte (113-117 p.C.) d'être enrôlée (l. 5/6) beneficio tuo dans une cohorte auxiliaire : Speidel 1992a, 306-309. Pour un emploi du terme dans un sens général, par ex. Tab. Vind. I, 37 l. 22-24 : ... ita instrue ut beneficio tuo militiam [po]ssim iucundam experiri.

33 Digeste, 50.6.7 (Taruttienus Paternus, libro primo militarium) Quibusdam aliquam uacationem munerum grauiorum condicio tribuit, ut sunt (suit une longue liste). Hi igitur omnes inter immunes habentur. Un

des manuscrits (voir supra p. 62 n. 21) donne la leçon munerorum au lieu de munerum. Comme l'a montré Watson 1965, 46, les fonctions particulières confiées à ces immunes les éloignent de la centurie et du programme d'entraînement normalement accompli dans ce cadre, ce qui explique qu'ils ne puissent pas être astreints aux

munera.

34 La rédaction du Traité de l'art militaire, postérieure à la mort de Gratien (383 p.C.) selon Chastagnol

1994, XCI-XCIII, se situerait entre 386 et 388 p.C et non au Ve s. comme on l'a parfois pensé.

35 Végèce 2.7 : Hi sunt milites principales, qui priuilegiis muniuntur. Reliqui munifices appellantur, quia munera facere coguntur. Ce passage clôt le chapitre intitulé nomina et gradus principiorum legionis où il cite et

présente les principales suivants : les ordinarii, les Augustales, les Flauiales, les imaginarii, les optiones, les

signiferi, les tesserarii, les campigeni, les metatores, les beneficiarii, les librarii, les tubicines, les cornicines, les bucinatores, les armaturae duplares et simplares, les mensores, les torquati duplares et simplares, les duplares et les sesquiplares, les candidati duplares et simplares.

à la fois le rang d'un sous-officier principalis 37. Les inscriptions du dossier révèlent quelques

exemples de bénéficiaires portant le titre de duplicarius ou de duplarius 38.

Il ressort de la confrontation de ces définitions que les soldats exempts des munera se présentent sous trois désignations différentes : les beneficiarii chez Festus le lexicographe, les immunes chez le juriste et préfet du prétoire Paternus, et les principales, chez Végèce, l'auteur d'un traité d'art militaire. Chez ces trois auteurs, chacun des termes – beneficiarius,

immunis et principalis – recouvre une signification générale qui peut s'appliquer à plusieurs

types de soldats. Ces mêmes termes apparaissent aussi dans les inscriptions, mais à la différence des autres, beneficiarius correspond à un grade précis dans les textes épigraphiques, et non pas, à notre connaissance, à une désignation générale. Immunis se rencontre dans les deux emplois, parfois pour des militaires associés à des bénéficiaires, ou employés dans des fonctions comparables 39. Il arrive que dans les inscriptions la désignation

générique de principalis s'ajoute au titre précis et technique de beneficiarius 40, comme c'est

le cas pour d'autres soldats de cette catégorie. La fonction assumée par un bénéficiaire, ou l'une des multiples fonctions qu'il peut se voir confier, est parfois explicitée par un second terme ou titre ajouté à celui de bénéficiaire, tel que domicurius, domicurator, agrimensor,

adiutor principis, stationarius, ou dans certains cas, par une expression ou périphrase 41.

Végèce, qui classe les beneficiarii dans sa liste des principales, en donne un peu plus haut dans le même chapitre la définition suivante 42 :

37 Breeze 1971. La classe des triplicarii n'est pas attestée au delà du milieu du Ier s. p.C., et tout porte à

croire qu'elle n'existait plus. cf. Speidel jun. 1992, 101. Nous ne connaissons qu'une seule attestation d'un

triplicarius : AE, 1976, 495, un cavalier recruté sous Auguste et mort sous Tibère (cf. Holder 1980, 287 n. 671)

désigné comme euocatus triplicarius.

38 Ces titres ne se rencontrent que rarement dans les inscriptions de légionnaires ; voir toutefois CBI, 618,

501 et 502, 782, I 140 ; voir aussi CBI, 821.

39 Voir par ex. CBI, 906, fin IIe-IIIe s., et CBI, 770, avec Chap. VI ; voir aussi CBI, 46 et 49 pour des immunes. L'immunis cos serait un équivalent du plus traditionnel librarius cos, en particulier dans l'épigraphie de la

région du Rhin et au IIIe s. : cf. Watson 1966, part. 53-55. Il est parfois détaché dans les stations, comme les

bénéficiaires : par ex. : XIII, 5170 - ILS, 2411, en 219 p.C. à Soleure, avec une dédicace à Epona : immu[ni]s cos

curas a[ge]ns uico Salod(uro) et XIII, 5621 à Til-le-Châtel, en 226 p.C., avec la dédicace aux Biuiae, Triuiae et Quadriuiae ; XIII, 7277, en 183 p.C. à Castellum Mattiacorum et XIII, 7335 - ILS, 7096, en 230 à Heddernheim-

Francfort-sur-le Main (avec sa famille), avec CBI, 102 ; voir aussi à Lyon par ex. XIII, 1903 - ILS, 2407 (épitaphe). A Lambèse, les i[mmunes] (les librarii?) et les beneficiarii forment un collège commun : CBI, 770 (197 p.C.) : Chap. VI p. 281. L'emploi d'immunis pour le beneficiarius de CBI, 611 doit certainement être employé en relation avec son titre civil de decurio ; il évoque l'immunité des militaires, qui ne sont pas astreints à assumer les charges municipales ou munus municipale (voir supra p. 62). Pour une discussion sur l'emploi d'immunis et de principalis : Watson 1985, 78-85 et 183 et Breeze 1971 et Breeze 1974a.

40 Pour des beneficiarii principales, voir par ex. CBI, 874 (fin du Ier s.-début du IIe p.C.), CBI, 912

(113 p.C.) ; CBI, 915 (203 p.C.) ; voir aussi CBI, 123 (vers 146 p.C.) où la restitution de principalis est communément admise ; CBI, 643 en 155 p.C. à Montana en Mésie Inférieure.

41 CBI, 772-774 ; I 42 ; CBI, 488 : Annexe 1.3 et CBI, 759 : Annexe 1.3 ; I 121, avec Rankov 1994, 228

n. 97 et Haensch 1995b, 814. Ott 1995, 34-35 exclut la juxtaposition de ces deux titres. Sur stationarius et

beneficiarius, voir aussi la discussion de Kramer 1996 et p. 75. Si ce terme peut s'appliquer à un beneficiarius, il

peut aussi être associé à tout type de soldat en poste dans une station, comme l'attestent l'exemple de ωτικος, un

eques singularis stationarius à Vasada en Galatie : AE, 1937, 250 κηρυ ιππευς σινηλαριος στα[τιωνα]ριος ou celui

de l’αρμορκουστορ Αυρηλιος ρμεινιανος dans un papyrus : SB, V, 7979. Voir aussi Haensch 1997a, 413 et 590- 591.

“Les beneficiarii sont ainsi dénommés parce qu'ils sont promus grâce à un bienfait des tribuns”.

Comme Festus – cela est déjà implicite chez César –, Végèce assied sa définition sur le lien entre beneficiarius et beneficium. Mais il introduit une nouvelle notion, celle de la promotion des beneficiarii, qu'ils doivent selon lui à un beneficium des tribuns. Si l'on regarde le passage dans son contexte, on observe que parmi tous les principales qu'il cite dans sa liste, les beneficiarii sont les seuls pour lesquels il est question d'une promotion et surtout pour lesquels est évoqué un supérieur, en l'occurrence les tribuns. Faut-il y voir une spécificité des bénéficiaires qui les distinguerait des autres principales par des conditions particulières de promotion, ou par des relations étroites avec un supérieur? Les inscriptions montrent que les beneficiarii sont généralement plus enclins que la plupart des militaires à mentionner dans leurs inscriptions le titre – et parfois même le nom – de leur supérieur à côté des leurs 43. Il est certain qu'ils entretiennent des relations directes avec leur supérieur,

en particulier avec celui auquel ils doivent leur promotion comme bénéficiaire, et le caractère personnel de cette relation apparaît dans certains documents. Les bases ou statues qu'ils érigent à titre privé en l'honneur de leur supérieur en sont un reflet évident. Plusieurs documents épigraphiques et papyrologiques permettent en outre de se faire une idée du rôle qu'ils ont assumé comme les représentants de leur supérieur. Mais il serait infondé de déduire du texte de Végèce, comme nous le verrons, que les beneficiarii jouiraient, en vertu de leur statut, de promotions spéciales au sein de l'armée, qui les avantageraient par rapport à l'ensemble des autres principales.

Végèce évoque l'intervention du tribun dans la promotion des bénéficiaires, alors que les inscriptions et papyrus révèlent la diversité des supérieurs, officiers, procurateurs, gouverneurs, au service desquels ils étaient employés. Cette diversité constitue l'une des raisons pour lesquelles ils mentionnent habituellement le titre de leur supérieur, une manière d'indiquer son rang, sa place dans la hiérarchie, et indirectement, sa classe salariale. Les tribuns ont certes leur mot à dire dans le recrutement, dans l'attribution des décorations militaires et dans le choix des soldats dignes d'une promotion, en premier lieu lorsqu'il y a une place à pourvoir dans leur propre bureau ou officium 44. Le rôle qu'ils jouent dans la

sélection des sous-officiers apparaît clairement dans les inscriptions, notamment dans les cohortes prétoriennes et dans celles des vigiles, comme nous le verrons au chapitre suivant. Dans les provinces, les tribuns légionnaires sont autorisés à choisir et à proposer ceux qu'ils jugent capables de devenir membre de leur officium ou d'y être promus à une fonction plus élevée. La lettre de recommandation que le bénéficiaire Aurelius Archelaus adresse au tribun Iulius Domitius dans la seconde moitié du IIe s. p.C., en faveur de son ami Theon, en

est une illustration 45. Il n'est pas impossible même que les tribuns puissent s'exprimer d'une

manière plus ou moins directe, sous la forme d'une recommandation adressée aux officiers supérieurs et au gouverneur par exemple, sur les promotions ultérieures des soldats qu'ils ont sélectionnés 46. Mais les inscriptions, et en particulier les dédicaces honorifiques montrent

43 Voir à ce sujet Annexes 12 à 14 ; voir aussi infra p. 76-78. 44 Strobel 1988, 235-236 à propos de X, 135 - ILS, 2719. 45 P 37.

46 Sur l'intervention des tribuns dans la promotion au poste de centurion : Speidel 1994c ; d'un avis

que c'est généralement le gouverneur, en qualité de responsable des troupes armées dans sa province, qui décide des promotions des sous-officiers, lorsqu'une place se libère. C'est lui également qui s'adresse formellement à l'empereur pour lui demander de confirmer ses choix et propositions des futurs centurions. La mention du tribun chez Végèce peut donc se comprendre comme une réminiscence de l'armée républicaine, où il puise une partie de ses sources, ou peut-être comme une trace de l'armée de son époque 47.

En d'autres termes, la définition de Végèce pourrait s'appliquer à d'autres sous- officiers qu'à ceux qui portent le titre technique et précis de beneficiarius dans la

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