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LES COMPÉTENCES PROFESSIONNELLES DE L’ENSEIGNANT

I- 2- Le savoir enseignant

Pour Raymond (cité par Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 144), le savoir enseignant

« correspond aux savoirs que l’enseignant construit, s’approprie et transforme dans et par sa pratique ou lors de son expérience vécue » et pour Beillerot (cité par Altet, 1996, p. 33), le

Pour ces deux auteurs, l’expérience participe donc à la construction du savoir enseignant.

Mais à l’évidence, l’expérience du sujet a nécessairement une touche singulière. Le savoir enseignant n’est, par exemple, pas le même selon le lieu d’exercice du sujet (maternelle / élémentaire, en éducation prioritaire ou non, etc.), ou encore selon le niveau d’expérience (novices versus expérimentés). Les savoirs de l’enseignant étant « de nature plurielle », leur intégration par l’enseignant se réalise sans doute « de façon personnelle » (Perrenoud & al., 1996, p. 242).

En outre, le savoir enseignant, selon Bourdoncle (1993, p. 97), est le fruit d’« un agir réflexif, s’appuyant beaucoup sur le savoir en action ». C’est ce qui distingue un technicien d’un professionnel. Cette réflexion « est un exercice de l’intelligence, rigoureux à sa manière et de toute façon nécessaire pour permettre la mise en oeuvre des savoirs scientifiques et techniques ». Si les activités enseignantes ont perdu l’« aura » que leur conférait l’« autorité scientifique », elles ont gagné en autonomie sans pour autant perdre en efficacité. Pour Clanet (2010, p. 81), cette réflexion « qui ne saurait être toutefois totalement aboutie » est indispensable puisque « enseigner relève davantage de la stratégie que de la routine ».

Néanmoins, Tardif et Gauthier (1996, p. 217), invoquent le manque de consensus s’agissant des définitions données au savoir « car personne ne sait scientifiquement ou de manière certaine ce qu’est le savoir ». Les auteurs estiment que cela est dû à « deux excès de la recherche », le premier est de considérer l’enseignant comme « un savant », le deuxième est de croire que « tout est savoir », y compris « les habitudes, les émotions, l’intuition, les manières de faire (le fameux faire), les manières d’être (le non moins fameux savoir-être), les opinions, la personnalité des gens, les idéologies, le sens commun, toutes les règles et les normes, n’importe laquelle représentation quotidienne ». Par conséquent, les auteurs (1996, p. 220-222) estiment que les savoirs devraient être soumis à des « exigences de rationalité » et que « l’argumentation est donc le « lieu » du savoir ». Aussi, le savoir ne se limite-t-il pas à ce qui se joue dans l’action d’un acteur, il inclue les raisons de son action.

Avoir accès à ces raisons requiert une investigation de la part du chercheur, « la meilleure méthode » consiste donc à « l’interroger (ou […] s’interroger) sur le pourquoi, c’est-à-dire sur les causes, les raisons, les motifs de son discours ou de son action ».

Pour autant, l’enseignant n’est pas toujours conscient des savoirs mis en œuvre ; quand bien même il le serait, « est-il possible pour un enseignant de décrire son fonctionnement véritable ? » A cette question, Perrenoud et al. (1996, pp. 243-245) répondent que la rationalité des savoirs est « restreinte et relative ». Les schèmes sont efficaces, parce qu’ils

sont justement inconscients, parce qu’ils n’exigent pas « un détour par les savoirs et la réflexion ».

Le savoir enseignant est, de plus, « pluridimensionnel ». L’enseignant a besoin d’agir en fonction de ses propres valeurs, tout en répondant à la demande institutionnelle, il prend en compte les besoins multiples des élèves… Aussi, les ressources sur lesquelles il prend appui sont également plurielles et issues de différents domaines (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 147). Ainsi, des chercheurs (Altet, 1996, p. 35 ; Altet, 2009, p. 21 ; Uwamariya &

Mukamurera, 2005, p. 148) distinguent deux types de savoirs, les savoirs théoriques et les savoirs pratiques, en soulignant qu’ils sont indissociables. Ils s’accordent donc sur l’appropriation d’un savoir théorique par l’enseignant et sur la transformation de ce savoir

« par » la pratique. Selon Altet (2009, p. 22), les savoirs théoriques issus de la formation, mis à l’épreuve de la réalité du terrain, font l’objet d’adaptations, d’ajustements de la part de l’enseignant. Savoirs théoriques et pratiques « se nourrissent » mutuellement et vont provoquer une « transformation » et une « intégration » pour aboutir à la construction du savoir enseignant qu’Uwamariya & Mukamurera (2005, p. 148) nomment un « savoir agir stratégique ».

Les chercheurs n’attribuent pas tous le même sens au savoir enseignant, les orientations théoriques étant « divergentes » (Uwamariya & Mukamurera, 2005, p. 144). Pour notre part, nous nous appuierons sur les distinctions réalisées par Marguerite Altet (1996 et 2009).

L’auteure (2009, p. 21) distingue les savoirs « produits par les chercheurs » et les savoirs

« construits par les enseignants eux-mêmes à partir de leur pratique », autrement dit, elle distingue savoirs théoriques et savoirs issus de la pratique.

I-2-1- Les savoirs théoriques

Pour ce qui est des savoirs issus de la recherche, elle différencie « les savoirs à enseigner » relatifs aux contenus d’enseignement, aux savoirs disciplinaires et à leur didactique, des

« savoirs pour enseigner » qui touchent également à la didactique des différentes disciplines mais aussi à la pédagogie, notamment à la « gestion interactive » et aux « savoirs de la culture enseignante » (Altet, 1996, p. 35). En plus d’une professionnalisation par la réflexion,

« l’activité de recherche » est engagée par un individu qui, en situation de manque ou

des essais pratiques ». La recherche peut aussi permettre à l’enseignant de s’adapter à « une situation professionnelle nouvelle » ou encore « d’enrichir l’expérience antérieure » (Altet, 2009, pp. 27-28).

I-2-2- Les savoirs pratiques

Concernant les savoirs construits par les enseignants eux-mêmes, issus de leurs expériences vécues, Altet (2009, p. 21) distingue « les savoirs sur enseigner » que l’auteure définit comme des savoirs « procéduraux » et « formalisés », autrement dit des savoirs explicites qui peuvent être partagés entre pairs et « les savoirs de la pratique », soit des « savoirs d’expérience » pas toujours conscientisés, « issus de l’action et fortement contextualisés ».

Selon l’auteure (1996, p. 35), c’est à ce niveau que l’on peut « distinguer le novice de l’expert » car ces savoirs pratiques incarnent « l’enseignant-professionnel »17. Nous nous attendons donc à observer des différences significatives entre maîtres chevronnés et maîtres en formation.

Cette segmentation et juxtaposition des savoirs professionnels ne peut « rendre compte des principes organisateurs de la pratique (Bru, 2002) ni de la complexité de l’activité professionnelle » mais l’analyse des « interrelations entre des savoirs théoriques, pratiques et techniques » peut nous aider à expliciter l’activité professionnelle de l’enseignant (Maubant

& Roger, 2012, p. 7).

Afin de décrire les compétences professionnelles, les chercheurs ont également recours aux notions de schèmes, de routines, d’habitus…