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3- Corrélations entre la tâche et les interactions maître-élève(s)

LES PRATIQUES D’ENSEIGNEMENT

Niveau 2 : Quantité d’instruction par élève

V- 3- Corrélations entre la tâche et les interactions maître-élève(s)

Clanet et Maurice (2009, p. 153), dont les travaux s’inscrivent « pour une bonne part dans le paradigme écologiste et interactionniste-subjectiviste », se sont donc intéressés plus spécifiquement aux liens de dépendance entre « actions-interactions » et les performances des élèves. Les auteurs ont pris le parti d’étudier « des dimensions du contexte, dimensions qui ne s’offrent pas immédiatement aux investigations de l’observateur et qui doivent être inférées » :

- « L’activité cognitive construite et mise en œuvre par les enseignants en réponse aux contraintes de situations.

- Les performances et les savoirs et savoir faire de chaque élève de la classe placé face à une tâche relevant d’un domaine de savoir précis (cette tâche étant choisie par l’enseignant).

- Les caractéristiques des interactions maître/élèves, non observables à partir de situations singulières. »

Pour Clanet et Maurice (2009, p. 154), « l’activité déployée par le sujet subit et révèle les dimensions du contexte ». Autrement dit, les dimensions historique, institutionnelle ou encore

« le caractère matériel du contexte » influe sur la pratique d’enseignement. Bien que ces dimensions soient multiples, les auteurs, s’appuyant sur les travaux de Bru (1991) estiment

« qu’il est possible de caractériser [les pratiques] à partir de la présence répétées de modalités de pratiques ainsi qu’à partir de l’existence de formes de variations relativement stables ». Il est donc possible de repérer des organisateurs de pratiques quand bien même les

« formes organisées de pratique » seraient dépendantes à la fois des sujets et des « situations (processus et contextes) ».

Pour ce faire, Clanet et Maurice (2009, p. 155) se sont appuyés sur « deux dimensions organisatrices » :

« - La tâche proposée à l’élève par l’enseignant. Objet « interface enseignant/élève » elle permettrait d’inférer des aspects de leur cognition.

- Les actions-interactions, dans leur contenu comme dans leur fréquence, mises en œuvre par l’enseignant pour soutenir et dynamiser l’activité des élèves face à la tâche qu’il vient de leur proposer. »

L’enseignant vise chez les élèves l’acquisition de compétences. Il leur propose des tâches susceptibles de leur permettre de les acquérir. À partir des tâches proposées par l’enseignant, les élèves vont « apprendre », ce qui se traduira par la découverte d’une nouvelle notion, la capacité à utiliser cette notion dans des contextes similaires ou éloignés afin de se l’approprier, le fait d’élargir leurs connaissances sur une notion déjà étudiée, etc.

L’enseignant choisit donc la tâche qu’il va proposer aux élèves en fonction du niveau des élèves et de l’objectif qu’il s’est fixé. Il s’appuie ainsi en partie sur la tâche proposée pour enseigner.

Ceci étant dit, les tâches ne sont pas seulement « associées à des outils visant l’enrôlement et l’apprentissage ». Ainsi, Rabardel (1993, cité par Clanet & Maurice, 2009, p. 155) « précise que lorsqu’un outil est associé à des schèmes (Vergnaud, 1985), il devient instrument, ainsi les tâches structurent et prolongent la cognition de l’enseignant, lui permettant de lire ce qui risque de se passer le lendemain ». L’enseignant est donc capable de prédire la réussite de certains élèves, la difficulté que d’autres vont rencontrer…

« L’enseignant utilise les tâches comme instrument pour « penser sa classe », elles sont intégrées à sa cognition. Il délèguerait ainsi une partie de son pouvoir à la tâche qu’il propose : c’est elle qui, à sa place, peut rassurer/inquiéter, mobiliser/

démobiliser, valoriser/dévaloriser… Il maintient ainsi indirectement son pouvoir en faisant varier le curseur de la difficulté. » (Clanet & Maurice, 2009, p. 155)

Les principaux résultats de cette recherche menée par Clanet et Maurice (2009, pp. 158-159) montrent que « les interactions maître-élève(s) servent l’activité des élèves face à la tâche » : certains enseignants privilégient toute l’année des « actions-interactions » orientés sur

« l’assemblage » (« découpage en syllabes ou en lettres » pour lire un mot), d’autres privilégient « la compréhension » à partir du mois de mars ; « l’interaction « DPA syllabes » (reconnaissance des syllabes) et « nombre d’interactions à l’initiative de l’enseignant » est en lien avec le degré de maîtrise de la lecture des élèves ».

Nous retiendrons que l’enseignant choisit des tâches et interagit avec les élèves dans le but de favoriser une activité plutôt qu’un autre.

L’enseignant ayant anticipé les difficultés que pourraient rencontrer certains élèves en fonction « du niveau de difficulté des tâches » leur apporte une aide spécifique. Pour autant,

« le lien DPA/activité interactive maître-élèves n’est donc pas systématique ; il concerne particulièrement les élèves en difficulté face aux tâches qui leur sont proposées et à propos de la situation observée nous pouvons avancer que l’activité interactive maître-élèves amène ceux des élèves qui y sont souvent engagés à mieux réussir que leurs camarades » (Clanet & Maurice, 2009, p. 160).

S’agissant des débutants, Clanet et Maurice (2009, p. 161) émettent l’hypothèse selon laquelle ils seraient sensibles à certains éléments du contexte « liés à des contraintes qui pèsent sur l’équilibre précaire de l’interaction » :

« Telle action fait gagner ou perdre du temps, calme ou agite les élèves, intéresse ou démobilise, provoque l’arrivée de la bonne réponse permettant l’avancée dans le temps didactique… Il repérerait très vite que le choix du type de tâche et de son niveau de difficulté, ainsi que l’accompagnement de l’enrôlement des élèves participe efficacement au maintien de l’équilibre de l’interaction ».

Face à des élèves dont le niveau est hétérogène, l’enseignant « apprend à calibrer le niveau de difficulté des tâches en fonction du temps didactique qui lui est imposé » (Clanet &

Maurice, 2009, p. 162). Les élèves en difficulté, via le jeu des interactions, peuvent progresser. Toutefois, pour certains d’entre eux, « trop éloignés des savoirs en jeu, il ne s’agira plus de médiation, mais d’ostension de la réponse attendue, donc de révision à la baisse de leur activité cognitive ; de révision à la baisse de leurs opportunités d’apprendre ».

L’étude menée par Arnoux et al. (2008) montre également une corrélation entre la tâche proposée par l’enseignant, les interactions et les résultats des élèves. Les auteurs (2008, pp.

124-125) ont réalisé une étude sur le même niveau de classe et ont observé les pratiques des enseignants durant « la découverte d’un texte ». S’agissant de cette phase, « entre 78 et 81%

des interventions sont à l’initiative du maître et il n’y a guère de variation dans le nombre d’interactions à l’initiative de l’élève qui représentent 19 à 22% du total ». Durant cette phase, souvent menée, de façon collective, le maître s’adresse souvent à un seul élève.

Les auteurs ont observé « trois types de contenus (reconnaissance immédiate de mots, déchiffrage, compréhension) [qui] font l’objet d’un nombre équivalent d’interactions ». Ces contenus correspondent à trois phases d’activité distinctes :

« La phase collective est principalement consacrée à la reconnaissance immédiate des mots, la phase individuelle, au déchiffrage, la phase d’exercices à la compréhension, c’est-à-dire que l’on se situe plutôt dans une conception « étapiste » de l’approche du texte. » (Arnoux & al., 2008, p. 134)

Les auteurs (Arnoux & al., 2008, p. 136) ont, de plus, montré un lien entre la façon dont les enseignants abordent un texte nouveau et les apprentissage des élèves :

« Le fait de privilégier un enseignement frontal tout en individualisant les interactions et en distinguant les contenus enseignés au sein de phases d’activité différentes permet d’améliorer les résultats des élèves en CP. »

Pour Aeby et De Pietro (2003, p. 105), les élèves ne peuvent réaliser un « travail cognitif » de façon complètement autonome, il est dépendant « – via les interactions de classe – du travail didactique de l’enseignant qui va l’orienter, le contraindre plus ou moins, lui donner sens, etc ». De même, enseigner se situe à deux niveaux pour Clanet (2010, p. 75) qui s’inscrit dans une approche à la fois « piagétienne et vygotskienne » :

« Nous retenons notamment de L.S. Vygotski la notion de double stimulation pour caractériser le fonctionnement des situations d’enseignement-apprentissage, double stimulation à partir d’un stimulus objet (la tâche à réaliser, tâche plus ou moins problématique suivant l’élève) et stimulus instrument (les compléments, aides, et surtout stratégies que propose l’enseignant en accompagnement et en soutien à chacun de ses élèves). »

Clanet (2012, p. 54) s’appuie sur ce cadre théorique afin d’étudier d’une part la tâche choisie par le maître et plus particulièrement « la relation spécifique de chacun des élèves face à cette tâche eu égard à leurs compétences » (stimulus objet). D’autre part, l’auteur analyse « la fréquence » et « les contenus » des interventions (stimuli instruments). Il apparaît donc pour l’auteur que parmi les gestes professionnels, les interventions du maîtres, via la médiation notamment, jouent un rôle tout particulier.

Le choix de la « tâche » (contenu, forme) et le choix du niveau de difficulté de la tâche ont une incidence non négligeable sur les apprentissages des élèves. De plus, les performances des élèves sont liées aux interventions du maître (type, nombre, fréquence). Enfin, le temps consacré à une tâche est fonction de ladite tâche, les maîtres ne pouvant attendre que les élèves les plus faibles apprennent, sous peine que les autres (moyens et forts) s’ennuient.

Nous n’utiliserons pas l’indicateur DPA dans le cadre de notre recherche. Toutefois, nous nous intéresserons à la tâche proposée par l’enseignant. Ayant opté pour des séances intégrant en partie de la résolution de problèmes, nous nous efforcerons de définir le type de problèmes ainsi que les difficultés potentielles en fonction de la situation proposée. Afin d’établir quelques repères, nous consacrerons le chapitre suivant à la résolution de problèmes au cycle III.

Pour Maurice et Murillo (2008, p. 76), l’enseignant débutant est capable d’affronter les différentes contraintes (classe hétérogène, manque de temps…) dès son entrée dans le métier :

« Face à elles il développe des habiletés cognitives, des savoir faire professionnels qui échappent aux institutions de formation, s’apparentent à des schèmes professionnels efficaces (choix d’un niveau de difficulté de tâche par exemple). Ces savoir faire sont très opérationnels dans l’action, mais pas toujours accessibles dans les moments de réflexion sur l’action. » (Maurice & Murillo, 2008, p. 76)

Nous chercherons évidemment à évaluer le niveau d’acquisition de ces savoir-faire chez les maîtres « novices ».