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2- Fonctions des MAT durant l’année de transition 2013-2014 dans l’académie de La Réunion

LES ENSEIGNANTS EXPÉRIMENTÉS

V- 2- Fonctions des MAT durant l’année de transition 2013-2014 dans l’académie de La Réunion

Dans l’académie de La Réunion, le vivier de maîtres-formateurs (titulaires du CAFIPEMF) étant limité, il a été demandé aux MAT de bien vouloir participer de façon conséquente à la formation initiale des « contractuels ». Quatre groupes de MAT ont été constitués afin d’accueillir les différents publics : les MAT1 avaient en charge d’accueillir les M1 durant des stages d’observation et de pratique accompagnée, les MAT2, des stagiaires contractuels M2 admissibles au concours (juin 2013), les MAT3, des étudiants M2 non admissibles au concours et les MAT4, les Professeurs des écoles stagiaires, qui nous le rappelons,

effectuaient un stage à temps plein en responsabilité après avoir réussi l’année précédente les épreuves du CRPE.

Notre échantillon étant composé uniquement de MAT2 et de MAT3, nous préciserons simplement les missions qui étaient alors les leurs. Les MAT2 devaient accueillir dans leur classe respective trois binômes de stagiaires contractuels, à l’occasion de deux stages massés (trois semaines et demi chacun) et d’un stage filé (deux jours par semaine sur 11 semaines).

Les MAT3 accueillaient un binôme de stagiaires différent durant deux stages massés d’une durée de quatre semaines chacun.

Les modalités de suivi étaient prévues comme suit : une journée de prise de contact avant chaque stage en responsabilité avec le binôme concerné, puis une journée de tuilage par semaine afin d’assurer la continuité des apprentissages ; enfin une journée de bilan durant le dernier jour de stage. Lors de ces stages en responsabilité, le MAT n’était pas dans sa classe, mais dans l’école à disposition des stagiaires. Il avait également pour mission de rendre visite à un binôme de stagiaires dans une école voisine, deux demi-journées par stagiaire et par stage. La première visite faisait l’objet d’un bulletin de visite « conseils », la deuxième d’un bulletin de visite « évaluatif ». Ces bulletins de visite réalisés par les MAT2 et 3 et les formateurs de l’ESPE ont été pris en compte afin de valider une UE « stage ».

Les fonctions des MAT2 et 3 se déclinaient ainsi : Fonctions Objectifs / Enjeux

Accueillir

Construire les premières représentations du stagiaire relatives à l’école, l’institution, le métier d’enseignant.

Assurer les conditions optimales d’accueil

Favoriser l’intégration du stagiaire dans l’école et dans l’équipe

Contribuer à l’appropriation du cadre de fonctionnement et de son organisation

Faire observer

Favoriser le passage d’une observation libre à une observation formatrice des pratiques enseignantes, des comportements, des productions d’élèves

Former /

S’assurer du bon déroulement du parcours du stagiaire dans le cadre d’une relation professionnelle cadrée et explicite

Pour chaque objectif, des préconisations étaient déclinées dans Le guide du tuteur premier degré, distribué à tous les tuteurs.

Au vu du contexte, les missions des MAT ont dépassé le cadre officiel (former/accompagner et assurer le suivi). Afin de les aider à remplir ces différents fonctions, les MAT2 « novices » ont suivi, durant cette année de transition, des actions de formation (42 heures) à l’ESPE, les sessions étaient prévues durant les périodes de stages.

Conclusion du chapitre V

Les tuteurs, quel que soit leur statut sont des formateurs d’enseignants.

Il est attendu des formateurs (temps plein) attachés à l’ESPE qu’ils reconnaissent les stagiaires comme des enseignants en devenir, qu’ils favorisent une démarche réflexive en utilisant des dispositifs, des outils ou des techniques adaptés à cette démarche et qu’ils établissent enfin des liens entre théorie et pratique.

Pour les MAT (formateurs à temps partiel), le changement conceptuel de posture, d’enseignant à formateur d’adultes, est plus difficile à réaliser pour plusieurs raisons.

D’abord ce changement de posture réclame une réflexion, une distanciation, portant sur leurs pratiques d’enseignement mais portant également sur les apprentissages des stagiaires.

Pourtant, réflexion et distanciation ne paraissent pas essentiels si l’on s’en tient aux textes officiels. Il est, en effet, demandé aux MAT, reconnus comme des professionnels de l’enseignement, de montrer leurs savoir-faire et d’expliciter leurs démarches (circulaire 2010-104), rôle dans lequel ils s’investissent pleinement.

Les MAT sont des enseignants qui ont « construit » une expérience leur permettant d’affronter de nouvelles situations d’enseignement/ apprentissage en toute indépendance (Zeitler, 2012). Si certains ont développé « une compétence à l’analyse des pratiques » (Altet, 2009), il n’est pas sûr qu’ils aient développé une compétence spécifique à l’analyse des pratiques des stagiaires. Ils sont en effet, souvent « peu formés » et « isolés » dans leur classe, ils ne partagent donc que trop rarement leurs expériences de formateur/tuteur.

Ayant la responsabilité d’une classe et formant dans le même temps des étudiants et/ou des stagiaires, le changement de fonction et donc de posture (enseignant formateur) est enfin permanent et s’opère souvent dans un temps très bref. Au regard du contexte particulier qui est le leur, se centrer sur les apprentissages du stagiaire plutôt que sur les apprentissages de leurs propres élèves exige une distanciation qui relève, selon nous, d’un quasi dédoublement de la personnalité.

Dans ces conditions, il n’est pas insensé, de la part des MAT, de transmettre par « imitation » tel un « compagnon » (Piot, 2012) sans expliciter le comment et le pourquoi de leurs pratiques d’enseignement. Ils répondent par là même aux nombreuses sollicitations des stagiaires en leur consacrant souvent beaucoup de temps. Reconnus comme des enseignants professionnels par les stagiaires, ces derniers attendent d’eux qu’ils leur apprennent les

« ficelles » du métier. Dès lors, ils les aident à enseigner plus qu’ils ne les aident à

« apprendre à enseigner » (Chaliès & Durand, 2000), sans pour autant remettre en question la démarche réflexive qu’ils laissent à d’autres (formateurs temps plein). Il se peut qu’ils estiment que ce n’est pas de l’ordre de leur mission ou de leur responsabilité.

Dans le cadre de notre recherche, nous avons choisi de confronter les représentations professionnelles des stagiaires, à celles des MAT, représentations attachées aux pratiques enseignantes des stagiaires, afin de mesurer le degré de congruence entre l’image que les contractuels ont d’eux-mêmes et celles que les MAT se font de ces derniers (Recueil 1).

Aussi, nous attendons-nous à ce que les MAT de notre échantillon privilégient auprès des stagiaires une posture d’enseignant plutôt qu’une posture de formateurs d’adultes, qu’ils priorisent les apprentissages des élèves plutôt que le processus de professionnalisation des

« novices ».

Ayant une connaissance partielle du développement professionnel des « novices », il se peut que les MAT s’appuient sur leur propre passé de stagiaires, des réussites et difficultés qui étaient alors les leurs.

Si les stagiaires attendent des MAT, des conseils pratiques, des « recettes », autrement dit une transmission de leur expérience, il se peut que les MAT, en retour attendent des stagiaires qu’ils ne dérogent pas aux habitudes de classe, qu’ils imitent leurs pratiques afin de favoriser la continuité des apprentissages. Il se peut même que certains s’attendent à ce qu’ils fassent « comme eux ». Dès lors, les MAT reconnaissent-ils les stagiaires comme des enseignants à part entière ? Les reconnaissent-ils comme des enseignants en devenir ? Et si oui, évaluent-ils le potentiel d’évolution du stagiaire ?

Enclenchée durant la formation initiale, l’évolution professionnelle du novice est dépendante de l’image qu’il a de lui-même, ainsi que de l’image que les formateurs et les tuteurs lui renvoient. Au regard de ce principe, les MAT sont-ils trop exigeants et leur renvoient-ils une image plutôt négative ? Sont-ils au contraire réalistes et bienveillants ?

S’agissant de notre deuxième recueil de données, nous observerons deux stagiaires ainsi qu’un MAT (six trinômes) sur une même classe (celle du MAT) et comparerons le niveau de maîtrise de quelques compétences clés chez ces enseignants expérimentés comparativement à celui atteint par les novices (Recueil 2).

Au regard des références que nous avons mobilisées, nous nous posons les questions suivantes quant aux données que nous avons recueillies et que nous analyserons plus loin.

Les stagiaires ont-ils en partie adopté les démarches ou gestes professionnels de l’enseignant référent (« genre professionnel » (Clot, 1999)) ? Ou ont-ils adopté un style qui leur est personnel ?

Les stagiaires se considèrent-ils comme des enseignants à part entière ? Sont-ils prêts à essayer, à trébucher, à analyser et à essayer encore ? Autrement dit, sont-ils dans une démarche réflexive ? Ou sont-ils au contraire convaincus que faire comme le MAT suffise ? En d’autres termes, sont-ils dans une démarche plus « traditionnelle », soit une démarche d’« imprégnation » (Chaliès & al., 2009) ?

Ont-ils intégré, après plusieurs semaines de stage quelques schèmes d’action qui leur permettent de décrypter les situations d’enseignement/apprentissage ?

Nous espérons que le traitement de nos recueils de données nous permettra de valider quelques-unes de nos hypothèses et de répondre au moins en partie à nos questions.

Nous avons décrit le rôle des tuteurs auprès des maîtres stagiaires en formation initiale. Nous exposerons, dans le prochain chapitre, l’organisation de la formation des futurs maîtres, autrement dit le contexte dans lequel ces maîtres acquièrent leurs premières compétences et développent une première identité professionnelle.

CHAPITRE VI