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LES PRATIQUES D’ENSEIGNEMENT

I- 3- Les travaux français

Les chercheurs français, pour les motifs évoqués supra, ont choisi une autre orientation pour leurs recherches, qui se sont multipliées dans les années 80. Ils distinguent « l’effet-école » qui reste faible, de « l’effet-établissement » (le collège et le lycée) plus discriminant. Ils différencient aussi l’effet-classe de l’effet-maître. Nous détaillerons ces éléments ci-après.

I-3-1- L’effet-établissement au collège

Seuls les points les plus remarquables concernant le collège seront mis ici en valeur, notre recherche portant sur le premier degré.

Duru Bellat et Van Zanten (1999, p. 111) ont montré que le « destin scolaire » est variable selon l’établissement fréquenté. Ainsi, un élève donné progresse plus ou moins selon le collège qu’il côtoie.

L’effet-établissement est analysé à quatre niveaux différents :

La composition sociale et scolaire des élèves accueillis dans l’établissement

Elle représente le facteur le plus déterminant. Grisay (1995, p. 76) a montré que l’évolution des « acquis cognitifs et socio-affectifs » des élèves est en partie dépendante du « type de population recrutée par les divers établissements ».

La place de l’établissement sur le marché scolaire local (centre ville, ZEP….) Le système éducatif répercute certaines inégalités et en créé lui-même d’autres en mettant à la disposition des élèves défavorisés un environnement éducatif de moins bonne qualité. La politique ZEP n’a pas suffi à « combler le handicap qu’elle devait combler » (Meuret, 1995, p. 90). Pour Merle (1998, p. 570), « ce sont les élèves pour lesquels le pronostic scolaire est le plus défavorable que l'effet zep est négatif ». Ce constat s’explique par le fait que les établissements « populaires » accumulent les « désavantages : plus d’élèves, moins de ressources mobilisées, moins d’enseignants expérimentés, plus d’instabilité… » (Chauveau,

1995a, p. 131). Aussi, une politique visant à une plus grande hétérogénéité sociale du recrutement du collège a-t-elle été mise en place afin d’y pallier. Elle a une action positive mais non significative sur son efficacité mais une action positive et significative sur l’équité (Grisay, citée par Meuret, 1995, p. 85).

La politique menée dans l’établissement et le rôle du chef d’établissement

S’il existe une réelle politique d’établissement, l’efficacité est le fruit d’une action commune.

L’équipe de direction joue ici un rôle clé ; elle peut permettre un changement de pratiques en favorisant la concertation et sortir ainsi les enseignants de leur isolement (Paty, cité par Cousin, 1993, p. 408). Nous savons également que les classes de niveau sont inefficaces, le groupement par niveau creuse les écarts car les attentes des enseignants différent selon le niveau. De plus, les classes homogènes nuisent plus particulièrement aux élèves les plus faibles (Meuret, 1995, p. 85 ; Duru Bellat & Van Zanten, 1999, p. 119).

La mobilisation du corps enseignant et ses caractéristiques

Parmi les facteurs favorables à la mobilisation des enseignants dans les collèges, on peut noter celui de la « fierté professionnelle ». Le travail est revalorisé et l’emporte sur le statut.

On retiendra un ensemble d’éléments favorables « lié au hasard des nominations : les affinités, l’amitié, le climat, l’ambiance, bref tout ce qui peut donner envie de travailler ensemble et préexiste à la mobilisation » (Dubet & al., 1989, p. 250).

Demailly (1985) et Tupin (1996), ont identifié parmi les professeurs de français exerçant au collège, des profils atypiques. Demailly a mis en évidence une corrélation entre le capital culturel familier à chaque enseignant et son rapport à la pédagogie. Tupin a, quant à lui, montré que suivant ses options pédago-culturelles, l’enseignant permet la réussite des plus

« démunis » culturellement et « la réduction des écarts entre élèves défavorisés et favorisés ».

Pour Tupin (1996, pp. 84-85), « deux types de pédagogies bénéficient davantage aux élèves qui sont déjà les plus proches de la culture scolaire qu’à ceux qui ont tendance à en être plus éloignés ». Il s’agit des enseignants de type A et C respectivement « Les Traditionalistes » et

« Les Classiques » qui ne font appel qu’à la culture élaborée. Trois types pédagogiques (D, E et F) « bénéficient davantage aux élèves qui sont les plus éloignés de la culture scolaire » :

« Les Pragmatiques » qui ont par contre un faible impact sur les élèves dits favorisés, « Les Icono – Didactiques » dont la pratique pédagogique profite à tous et « Les Linguistes » dont l’effet positif est relatif. Les enseignants de type B « Les Libéraux » occupent « la troisième

position dans la hiérarchie inhérente aux enfants d’employés et d’ouvriers ». Ils valorisent la culture des collégiens mais leur action est limitée à quelques supports.

Il existe donc des marges de manœuvre à disposition des enseignants et leurs choix pédagogiques ont un impact sur les acquisitions des élèves à la fois sur le versant de l’efficacité et sur celui de l’équité.

I-3-2- L’effet-école

Les différents auteurs français estiment que « la part de variance due aux écoles est en France de 6% » (Bressoux, 1994, p. 107), le système éducatif français étant, nous l’avons souligné, très centralisé.

Chauveau (1995b, pp. 40-50) définit les caractères communs aux écoles dites efficaces (en comparaison de celles reconnues comme peu efficaces en ZEP) comme suit :

- Le « climat » y est agréable et détendu.

- « Les apprentissages de base constituent la priorité des projets d’école et des options pédagogiques des enseignants rencontrés », surtout la lecture. Il existe néanmoins une organisation pédagogique démocratique et chacun utilise la méthode, les outils, les supports….qu’il souhaite.

- Des facteurs tels que la création de groupes de soutien, le renforcement des moyens pour les « petites classes » et de multiples concertations qui permettent l’élaboration d’un projet en commun sont également efficaces.

- Pour ce qui est des enseignants, seraient porteur d’efficacité une solidarité tangible (entente, plaisir, bonne ambiance, bonnes relations) au sein de l’équipe pédagogique, un directeur dynamique, motivé, bien intégré dans l’école et dans le quartier, jouant le rôle d’un médiateur, très expérimenté, d’environ cinquante ans.

- Enfin, les enseignants ont un regard positif sur les élèves et les familles.

L’effet-école serait le résultat de l’association de ces variables. (Chauveau,1995b, p. 51).

Cependant, les effets-écoles sont nettement réduits par rapport aux effets-classes : afin de prédire les progrès qui seront réalisés par un élève, il vaut mieux savoir dans quelle classe il sera scolarisé plutôt que dans quelle école (Bressoux, 1995a, p. 33 ; Mingat, 1984, p. 59).

Aussi, nous rejoignons Bressoux (1994, p. 94) lorsqu’il définit l’effet-école comme le résultat de la somme des effets-classes d’une école : « les écarts de performances entre écoles sont

dus à une ou deux classes qui tirent les performances moyennes vers le haut (ou le bas) ». De plus, l’efficacité d’une école perdure uniquement si l’équipe enseignante reste stable.

I-3-3- L’effet-classe

S’agissant des groupements d’élèves dans les écoles primaires rurales, Leroy-Audouin et Mingat (1996, p. 3) ont montré que l’effet sur les acquis des élèves est plus important dans les classes à cours multiples et très positif au sein des classes uniques. Plus il existe de niveaux au sein d’une même classe, plus les élèves sont autonomes et plus le temps effectivement scolaire est important. De plus, il apparaît que « la situation la meilleure est celle qui combine un fort encadrement des élèves (non autonomes) avec une intense utilisation du temps ». Duru Bellat et Van Zanten (1999, pp. 118-119) ont montré par ailleurs que les élèves progressent moins dans les groupes-classes homogènes, comme nous l’avons évoqué auparavant.

S’agissant des méthodes pédagogiques, Bressoux (1990, p. 17) a montré qu’elles « ne rendent compte que pour une part modérée des différences inter-classes, tandis que l’impact des interactions verbales s’avère substantiel ». De plus, il n’existe pas de méthode meilleure qu’une autre, les maîtres adaptant « sans cesse leur méthode en fonction du contexte de leur classe » (Bressoux, 1990, p. 24 ; Bressoux, 1994, p. 108). Néanmoins, Tupin (1996, p. 78) a montré la nécessité de partir de la culture de base pour amener les élèves vers une culture élaborée (celle de l’école), soit une « médiation culturelle » qui accompagnerait une

« médiation didactique ».

En réalité, l’effet-classe dépend très étroitement de l’enseignement réalisé par le maître soumis à de multiples contraintes liées à l’institution scolaire, aux parents d’élèves, aux collègues et aux élèves eux-mêmes. La capacité du maître à jouer avec ces contraintes « et à se jouer d’elles » constitue « probablement un facteur d’efficacité » (Bressoux, 1994, p. 96).

Bressoux (1995a, p. 28) expose une étude longitudinale menée par la DEP (Direction de l’Evaluation et de la Prospective) auprès de 59 écoles. La part de variance inter-écoles est relativement faible : 13,5% et la part de variance inter-classes atteint 20%. En France, « les publics d’élèves sont plus semblables du point de vue de leurs acquisitions d’une école à

l’autre qu’ils ne le sont en moyenne ailleurs dans le monde » exception faite des pays scandinaves.

De plus, le niveau final des élèves est bien souvent en corrélation avec leur niveau initial.

Pour autant, Bressoux (1995a, pp. 29-30) a montré que « la moitié de la variance des acquisitions finales ne s’explique pas par leurs acquisitions initiales, ce qui laisse à penser que d’autres facteurs (de nature scolaire ou hors scolaire) ont agi au cours de la période séparant les deux évaluations ». L’auteur retient notamment les facteurs suivants : les enfants des catégories sociales favorisées progressent davantage ; les élèves à l’heure progressent plus que ceux qui sont en retard et une grande fratrie chez les enfants défavorisés freine leur progression. Mais « le pouvoir explicatif » de ces variables est « limité à 2,5% ».

Il reste « 11,40% de variance » uniquement expliquée par les classes. Par rapport aux 20% ci-dessus cités, on peut dire que plus de la moitié de la variance inter-classes est due à des causes antérieures ou extérieures à la classe elle-même, ce qui est remarquable.

Les caractéristiques contextuelles (type de public) ou bien structurelles des classes (nombre d’élèves…) enfin, ne représentent que 6,7% des effets-classes (Bressoux, 1995a, p. 31).

Par conséquent, l’effet-classe dépend en grande partie de l’effet-maître.